L`inflation française de 1922-1926, hasards et coïncidences d`un

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L’inflation française de 1922-1926, hasards et coïncidences d’un
policy-mix : les enseignements de la FTPL
Jean-Charles Asselain
(Correspondant de l’Institut, Professeur à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV,),
Bertrand Blancheton
(Maître de Conférences à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV),
Christian Bordes
(Professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne),
Marc-Alexandre Sénégas
(Professeur à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV).
La Première Guerre mondiale, au sortir d’un siècle de monnaie stable et d’équilibre
budgétaire, constitue pour tous les pays belligérants un choc macro-économique majeur.
L’après-guerre hérite non seulement d’un endettement d’une intensité sans précédent et d’un
alourdissement durable des charges de l’Etat (Reconstruction, indemnisation des victimes de
guerre : la part des dépenses publiques dans le PIB est passée de 8,8% en 1912 à 27,8% en
1920), mais aussi d’une dynamique de déséquilibres cumulatifs qui, en France, se sont
poursuivis et amplifiés jusqu’en 1926 (stabilisation Poincaré). Les choix des gouvernants, les
décisions des autorités monétaires sont alors soumis à des contraintes qui limitent leur marge
de manoeuvre, mais appelés néanmoins à exercer sur la conjoncture une influence bien plus
directe que par le passé, en raison des responsabilités nouvelles que confère à la politique
monétaire le régime de cours forcé et à la politique budgétaire le poids accru de l’Etat.
Cette phase d’apprentissage de la régulation conjoncturelle est considérée comme un
échec complet. A l’époque, les contemporains déplorent les dérives budgétaires, les crises de
change à répétition et la hausse du coût de la vie du fait d’une inflation manifestement
incontrôlée. Alfred Sauvy (1965) évoque “ l’océan d’erreurs ” qui caractérise la période, il vise
tout à la fois la classe politique et la haute fonction publique incapables l’une comme l’autre de
comprendre des phénomènes économiques nouveaux et de prendre des mesures appropriées.
Dans ce néant, seule la stabilisation Poincaré fait figure d’heureuse décision.
Depuis les années 1980, l’expérience française des années 1920 a fait l’objet d’un
regain d’intérêt. Deux thèmes ont été particulièrement étudiés : d’une part l’analyse des causes
de la dépréciation interne et externe du franc jusqu’en juillet 1926 et d’autre part la
compréhension du “ miracle ” Poincaré. Les deux questions sont bien entendu étroitement liées
puisque le tarissement de la source des dérives monétaires et financières explique - dans une
large mesure - la réussite de la stabilisation. De manière transversale deux types de facteurs
1
explicatifs des événements peuvent être discernés : certains auteurs insistent sur l’influence de
la dynamique budgétaire, d’autres mettent plutôt en avant le rôle de la politique monétaire.
Dans le sillage des analyses d’époque, les contributions jouent abondamment du
contraste entre les dérives et les échecs en tous genres de la période 1919-1926 et
l’extraordinaire succès de la stabilisation Poincaré jusqu’en 1928 voire au delà puisque au
“ miracle Poincaré ” succède l’exception française d’une entrée tardive dans la grande
dépression mondiale de 1929. Les auteurs à l’origine des anticipations rationnelles (Sargent
(1986), Dornbusch (1989)) voient notamment dans l’expérience Poincaré l’illustration de leur
point de vue selon lequel une désinflation est possible sans recul important de l’activité
économique à la condition que le programme de lutte contre l’inflation soit crédible. C’est
l’absence de crédibilité qui est précisément aux sources des dérives antérieures.
Blancheton (2001) invite à nuancer la vision d’un échec complet du diagnostic et de la
conduite de la politique économique française du milieu des années 1920. Dès 1922, les
responsables de la direction du Trésor ont correctement analysé l’incompatibilité entre la
situation des finances publiques et l’objectif de revalorisation du franc, très tôt la nécessité
d’une stabilisation-dévaluation est proclamée au sein de l’administration. De même, au total,
dès 1926 la politique économique française ne fait-elle pas figure de réel succès à mi-chemin
entre l’expérience britannique de retour de la livre à son ancienne parité or coûteuse en matière
de croissance et d’emploi et la faillite monétaire allemande de 1922-23 totalement
déstructurante sur le plan social et pour longtemps traumatisante. En définitive l’inflation
française n’a-t-elle pas permis d’absorber - au moindre coût - le choc financier de la Première
Guerre mondiale ?
Sur la base de cette intuition notre contribution entend d’abord étayer la thèse d’une
certaine réussite de la politique économique française jusqu’en 1926. Elle souhaite aussi
parfaire la connaissance du processus inflationniste français de l’époque en se situant dans un
cadre théorique qui intègre les conséquences des interdépendances entre la politique budgétaire
et la politique monétaire. Nous souhaitons plus particulièrement attirer l’attention sur la
pertinence de la souplesse monétaire alors à l’œuvre dans le contexte budgétaire de l’époque.
Paradoxalement une politique monétaire plus rigoureuse aurait été à l’origine d’une dérive
inflationniste beaucoup plus marquée.
Au total, le succès résiderait plus dans la conduite de la politique économique d’avant
1926 que dans la réalisation technique de la stabilisation et le rôle déterminant du thaumaturge
Poincaré : l’inflation avait alors fait son œuvre en rendant compatible valeur réelle de la dette
publique et retour à une convertibilité or du franc. Le “ miracle ” Poincaré devient alors le
miracle du ‘policy-mix’ à l’œuvre entre 1922 et 1926. Miracle au sens où le succès ne résulte
pas de l’application d’un plan réfléchi mais au contraire d’un enchaînement incontrôlé de chocs
graves et de palliatifs improvisés. Miracle également au sens où d’autres ‘policy mix’ auraient
pu engendrer une dynamique hyperinflationniste.
Pour défendre ces idées, nous allons nous situer dans le cadre théorique de la ‘Fiscal
Theory of The Price Level’ (courant d’analyses macro-économiques qui étudient les
conséquences inflationnistes des interactions entre politiques monétaire et budgétaire), plus
précisément nous proposons une extension du modèle de Loyo (1999) c’est-à-dire un cadre
d’économie ouverte où la dette est susceptible d’être le principal déterminant de la progression
du NGP.
Jusqu'à présent seuls Sargent (1986), Eichengreen et Wyplosz (1988) et Villa (1993)
avaient tenté de modéliser les événements monétaires et financiers français de la période. Par
rapport aux contributions existantes plusieurs “ avancées ” peuvent être mentionnées. Nous
proposons une analyse plus “ intégrée ” sur le plan formel de l’influence de la politique
2
monétaire et de la politique budgétaire sur la dynamique des prix en France, nous proposons
une identification claire des changements de régime à l’œuvre sur la période en attirant
notamment l’attention sur l’importance de la défaillance financière allemande à partir de 1922
qui parce qu’elle modifie la donne en matière financière semble faire basculer la France dans un
régime budgétaire non ricardien.
Notre démarche se déroule en quatre temps, au rythme d’un va et viens entre analyse
historique et théorie économique. Une première section dégage les faits stylisés de la période.
Une deuxième section met en perspective les contributions consacrées à l’analyse économique
de l’histoire française entre la fin de la Grande Guerre et la stabilisation de droit du franc en
juin 1928. La troisième cherche à qualifier les régimes monétaire et budgétaire à l’œuvre en
France à l’époque. La quatrième section expose le cadre théorique retenu dans le prolongement
du modèle de Loyo. Enfin la conclusion souligne les limites de cette modélisation et les progrès
qu’il conviendrait de réaliser pour mieux appréhender les événements français.
.1. Rappel des faits stylisés
La séquence des déséquilibres monétaires d’après-guerre, dont la stabilisation de 1926 (
le “ miracle ” du franc Poincaré) constitue le point d’orgue, peut se découper en trois phases,
de durée inégale et fortement contrastées :
- les déséquilibres et incertitudes de l’immédiat après-guerre (1918-1922)
- la phase de dépréciation cumulative du franc (1922-juillet 1926)
- le dénouement inespéré (juillet-décembre 1926)
.1.1. L'immédiat après-guerre: réalités et illusions (1918-1922)
La fin du conflit, suivie par le démantèlement du contrôle des prix et l'interruption de la
solidarité financière interalliée, révèle l'intensité des pressions inflationnistes. Les dépenses de
guerre (160 milliards de francs, soit plus de trois fois le revenu de 1913) n'ont été financées par
l'impôt qu'à concurrence de 15%, le reste provenant de l'emprunt et de la création monétaire.
En 1918, la circulation fiduciaire a déjà quintuplé par rapport à 1913. Les prix de gros (par
rapport à 1913 = 1) atteignent le coefficient 3,4 (contre 1,9 aux Etats-Unis et 2,3 en Grande
Bretagne). La dépréciation du change s'amorce un peu plus tardivement, mais s'amplifie à
travers l'année 1919, en avril 1920, le franc a perdu les deux tiers de sa valeur vis-à-vis du
dollar par rapport à la parité d'avant-guerre.
3
Circulation fiduciaire et avances directes à l'Etat (1914-1926)
60
Circulation
50
Avances
Plafond circulation
Plafond avances
en milliards de francs
40
30
20
10
juil-26
déc-26
févr-26
avr-25
sept-25
nov-24
juin-24
janv-24
oct-22
mars23
août-23
mai-22
juil-21
déc-21
févr-21
avr-20
sept-20
nov-19
juin-19
janv-19
oct-17
mars18
août-18
mai-17
juil-16
déc-16
févr-16
avr-15
sept-15
nov-14
juin-14
janv-14
0
Graphique 1. Source, d’après les bilans hebdomadaires de la Banque de France, Statistique Générale de
la France.
L'impact financier de la guerre ne se limite pas à un choc intervenu “ une fois pour
toutes ”. En 1919, le déficit budgétaire atteint encore 26,7% du Revenu National selon Sauvy
(28% du PIB selon Villa) et le montant de la dette s'élève à 2 fois celui du PIB (alors qu'au
lendemain de la défaite de l871, le rapport Dette / PIB était seulement passé de 0,6 en 1869 à
0,95 en 1875). Les dépenses de Reconstruction culminent à 17% du Revenu National en 1921,
et les intérêts de la dette absorbent à eux seuls la même année 45% des recettes budgétaires.
4
Solde budgétaire brut en France (1919-1930)
5
0
1919
1920
1921
1922
1923
1924
1925
1926
1927
1928
1929
1930
en milliards de francs
-5
-10
-15
SOLDE BUDGETAIRE
-20
-25
-30
Graphique 2. Source : Statistique Générale de la France.
Dynamique de la dette publique de la France (1919 -1930)
400
250
230
350
210
190
en millards de francs
300
170
250
150
130
200
110
DETTE NOMINALE
DETTE/PIB*100
90
150
70
100
50
1919
1920
1921
1922
1923
1924
1925
1926
1927
1928
1929
1930
Graphique 3. Source Villa P., Une analyse macro-économique de l’économie française au XXè siècle,
Paris, CNRS Editions, 1993.
Cependant, malgré la violence des ajustements de l'après-guerre, on ne saurait parler
pour cette période de l'amorce d'un processus cumulatif d'inflation, ni a fortiori d'une
évolution vers l'inflation galopante comme en Allemagne.
5
Evolution de l'indice des prix de détail (1919-1926)
600
Prix
500
400
300
200
juil-26
oct-26
avr-26
janv-26
juil-25
oct-25
avr-25
janv-25
juil-24
oct-24
avr-24
janv-24
juil-23
oct-23
avr-23
janv-23
juil-22
oct-22
avr-22
janv-22
juil-21
oct-21
avr-21
janv-21
juil-20
oct-20
avr-20
janv-20
juil-19
oct-19
avr-19
janv-19
100
Graphique 4. Source, Statistique Générale de la France.
Les facteurs de freinage de l'inflation sont à la fois d'ordre interne (effort fiscal) et
d'ordre international (la crise mondiale de 1921 se traduit par une chute des prix qui se
transmet à la France à travers l'allégement du coût des importations). Mais il faut surtout
insister sur la dimension subjective : la conviction dominante, presque unanimement partagée,
reste que le franc pourra et devra rejoindre à terme, quoi qu'il arrive, sa parité or de 1913. La
convention François-Marsal, prévoyant le remboursement graduel des avances de la Banque de
France à l'Etat, témoigne de l'illusion qu'une politique monétaire suffisamment restrictive
pourrait venir à bout d’un déficit budgétaire massif et de la croissance de la dette. Quant à la
contrainte budgétaire, elle n'est pas répudiée, mais simplement mise entre parenthèses aussi
longtemps qu'on peut s'accrocher à la conviction qu'en fin de compte “ L'Allemagne paiera ”.
L'attente des Réparations contribue également à soutenir la valeur du franc sur le marché des
changes : au début de 1922, le franc a retrouvé la moitié de sa valeur de 1913 face au dollar, et
son taux de change réel effectif est proche de 1.
Rétrospectivement, la part d'illusion volontaire dans l'attitude des gouvernants ne fait
aucun doute. Le moment où la défaillance allemande est avérée marque néanmoins un tournant
dans l'histoire monétaire de la France.
.1.2. Le processus de dépréciation cumulative (1922-juillet
1926)
Au printemps 1922, l'Allemagne se déclare hors d'état de poursuivre le paiement des
Réparations et les puissances anglo-saxonnes acceptent d'interrompre les versements jusqu'au
rétablissement de l'économie allemande. Ce n'est pas la fin de l'histoire des Réparations (qui
connaîtra encore bien des rebondissements, de l'occupation de la Ruhr en 1923 au moratoire
6
Hoover de 1931, en passant par le plan Dawes appliqué de 1924 à 1930), mais c'est pour la
France la dissipation du mirage de l'apurement sans douleur des conséquences financières de la
guerre par les paiements allemands. La dépréciation du franc sur le marché des changes
reprend à partir de juin 1922. La convention François-Marsal se révèle manifestement
inapplicable , en avril 1922, une note de la direction du Trésor demande pour la première fois
son abrogation explicite. La tendance à une réduction de l'intensité relative du déficit
budgétaire amorcée en 1920-1921 (malgré les charges de la Reconstruction) est enrayée : 1923
correspond à une nouvelle “ flèche ” tant du rapport déficit budgétaire/ PIB que du rapport
dette / PIB.
Mais il ne s'agit pas cette fois d'une simple “ réplique ” des déséquilibres et convulsions
de l'immédiat après-guerre. Le processus inflationniste prend un tour cumulatif , surtout en
1924-1926, jusqu'au point culminant de juillet 1926. La hausse des prix de détail suit avec un
léger décalage la hausse des prix de gros ; elle n'en atteint pas moins - fait sans précédent en
pleine paix - un doublement en quatre ans (l922-1926), avec un rythme de hausse en
accélération continue durant la crise de 1925-1926. Quant à la dévalorisation externe du franc
(sur le marché des changes), elle est encore plus forte proportionnellement que sa
dévalorisation interne (amputation du pouvoir d'achat par la hausse des prix) : le 20 juillet
1926 le franc ne côte qu’environ un dixième de sa valeur d'avant-guerre par rapport au dollar
ou à la livre sterling.
Cours de la livre et du dollar en francs (1919-1926)
50
200
45
40
FRF/GBP
35
FRF/USD
30
100
25
pour un dollar
pour une livre
150
20
50
15
10
juil-26
oct-26
avr-26
janv-26
juil-25
oct-25
avr-25
janv-25
juil-24
oct-24
avr-24
janv-24
juil-23
oct-23
avr-23
janv-23
juil-22
oct-22
avr-22
janv-22
juil-21
oct-21
avr-21
janv-21
juil-20
oct-20
avr-20
janv-20
juil-19
oct-19
avr-19
5
janv-19
0
Graphique 5. Source. Statistique journalière, Archives de la Banque de France, données retravaillées.
La période 1922-1926, cependant, présente des traits contradictoires qui en font toute
l'originalité. La “ crise du franc ” a largement occulté aux yeux des contemporains une
progression désordonnée, mais indéniable vers le rétablissement des équilibres fondamentaux
entre 1923 et 1926. La résorption du déficit budgétaire, exprimé en proportion du PIB, se
confirme à partir de 1924 : le retour à l'équilibre est virtuellement assuré dès avant la formation
7
du gouvernement Poincaré par les mesures de son prédécesseur direct Péret (et approché dès
1925 en ce qui concerne le solde primaire). L'amélioration résulte à la fois de l'effort fiscal, de
la reprise des paiements allemands à partir de 1924 (bien qu'ils restent sans commune mesure
avec les espérances de 1918), mais surtout de l'atténuation graduelle de la charge réelle
afférente à la Reconstruction (au fur et à mesure qu’elle approche de son terme) et aux intérêts
de la dette. Le montant de la dette continue bien entendu à augmenter, en valeur nominale, à
concurrence des déficits budgétaires qui persistent jusqu'en 1926. Mais le poids relatif de la
dette (en % du PIB) est en baisse continue après 1923 : le contraste frappant (graphique 3)
entre la croissance nominale de la dette (qui se poursuit bien qu'à taux décroissant à travers les
années 1926) et le reflux du coefficient d'endettement résulte de la croissance soutenue du
volume du PIB, mais davantage encore de l'inflation, qui allège le poids réel de la dette,
surtout durant la phase d'accélération de 1924-1926. Quant aux charges d'intérêt, la rigidité
des taux d'intérêt nominaux à travers toute la période d'inflation constitue une autre
caractéristique majeure des années 1920 : elle s'explique conjointement par une politique
monétaire soumise à la contrainte de ne pas alourdir les charges du Trésor, et par le
comportement des épargnants, qui paraissent se contenter de taux d'intérêt réels fortement et
durablement négatifs du fait de l'illusion monétaire ou faute d'emploi alternatif pour leurs
avoirs en francs. La résultante de tous ces facteurs, contrairement à l'impression ressentie par
les contemporains, favorise le rétablissement à terme de l'équilibre des finances publiques.
La “ crise du franc ” de 1924-1926 doit être replacée dans ce contexte. L'opinion,
dépourvue de tout moyen d'apprécier correctement les évolutions budgétaires, s'en tient à deux
indicateurs élémentaires : le montant des billets en circulation, le cours du franc vis-à-vis de la
livre sterling. Quant aux gouvernants, plus encore que sur le budget, leur attention se focalise
sur la question de la dette, c'est-à-dire le placement et le renouvellement des titres de la dette sachant que la sanction en cas d'échec sera l'obligation de recourir à des avances
supplémentaires de l'Institut d'émission, véritable hantise pour tous. La dénonciation récurrente
du laxisme budgétaire, toujours en termes alarmistes, l'exaspération face à l’instabilité
gouvernementale, la menace de l’impôt sur le capital qui ressurgit périodiquement de 1924 à
1926, et aussi une familiarisation progressive avec les possibilités d'évasion des capitaux
constituent autant de facteurs de déstabilisation potentiels, capables de provoquer - même en
l'absence de détérioration des “ fondamentaux ” - le non-renouvellement de l'encours de la
dette et la chute du franc sur le marché des changes. Une fois amorcé, le processus tend à
s'amplifier de lui-même, par le jeu des anticipations auto-validantes. A ce stade, comme l'a
montré déjà à l'époque Albert Aftalion, “ le change mène les prix ” : la dépréciation externe du
franc n'est plus le simple reflet de l'inflation interne, elle devance la hausse des prix et devient
du même coup le principal moteur de l'inflation, à travers le renchérissement des produits
importés et le renforcement des anticipations inflationnistes. Compte tenu enfin de la
signification psychologique attribuée au chiffre de la circulation monétaire, il est clair que
l’accélération finale du processus en 1925-1926 doit être reliée à la révélation en avril 1925 du
“ scandale des faux bilans ”, qui sape ce qui reste de confiance, compromet radicalement les
efforts pour maintenir l'équilibre de la trésorerie et impose des relèvements successifs du “
plafond ” des avances et du “ plafond ” de la circulation. En juillet 1926, le franc est largement
sous-évalué (dans la proportion de 1 à 2 au moins) sur le marché des changes au regard de sa
PPA : l'énorme dépréciation du taux de change nominal intervenue depuis avril 1922 (cours de
la livre multiplié par 5, cours du dollar multiplié par 4,7) implique une forte détérioration du
taux de change réel, laissant une marge d'appréciation équivalente en cas de stabilisation.
La période 1922-1926 présente donc des traits contradictoires: déséquilibres cumulatifs,
8
crise aiguë, recouvrant un progrès significatif vers le rétablissement des équilibres. L'ensemble
des interactions évoquées ici - entre politique budgétaire et politique monétaire, entre les flux
du budget et le mouvement de la dette, entre inflation interne et dépréciation du change devront être prises en compte pour expliquer pourquoi la France des années 1920 a connu une
inflation de ce type, comment elle a échappé néanmoins à l'inflation galopante et pourquoi la
crise a pu se dénouer à l'été 1926 avec une facilité déconcertante.
.1.3. Le dénouement (juillet-décembre 1926)
A la mi-juillet 1926, la “ crise du franc ” est à son point culminant. Crise des changes car
le cours de la livre, qui valait 116 francs en novembre 1925, passe de 180 francs le 1ier juillet
1926 à 243 francs le 21 juillet. Crise de trésorerie: l'excès des remboursements sur les
émissions fait peser une menace immédiate sur la continuité des paiements de l'Etat. Crise
politique : une cascade de ministères (six entre octobre 1925 et juillet 1926), sans majorité
assurée, laisse l’opinion désemparée, de plus en plus convaincue de l’impuissance des
gouvernants. La France est au bord de la crise de régime.
Le 23 juillet 1926, Poincaré forme son gouvernement d'“Union nationale ” (des
Radicaux aux partis de Droite).
Avant même que soit fixé le programme du gouvernement - on ne saurait donc parler
d'un “ effet d'annonce ”, et moins encore de résultat d'une nouvelle politique, le franc amorce
sa remontée sur le marché des changes.
Les mesures adoptées dans les jours qui suivent associent, de manière équilibrée et
somme toute peu originale, des réductions de dépenses publiques de nature essentiellement
symbolique, la création d'impôts nouveaux et des concessions fiscales (allègement de l'impôt
sur le revenu), ainsi qu'un relèvement énergique - de 6 à 7,5% - du taux d'escompte de la
Banque de France. La création d’une caisse d’amortissement de la dette constitue une mesure
psychologique, dont la portée réelle était entièrement conditionnée par la réalisation
d'excédents budgétaires.
Après un très court temps d'hésitation (27-29 juillet), la remontée du franc se confirme
et s'amplifie : le cours de la spéculation s'est inversé et, en décembre 1926, le franc aura
quasiment regagné le terrain perdu entre novembre 1925 et juillet 1926. D'où le retournement
de la tendance des prix de gros (sous l'influence de la baisse du prix en francs des produits
importés), suivi avec un léger décalage par la stabilisation des prix de détail. En même temps,
le reflux des capitaux exportés assure l'aisance de la trésorerie et ouvre la voie à la
consolidation de la dette. Dans cette nouvelle configuration du marché du crédit, la baisse des
taux d'intérêt, tout en favorisant l'essor des investissements privés (effet de crowding in), réduit
la charge de la dette publique et contribue ainsi directement à rendre possibles les excédents
budgétaires de 1927-1930. A presque tous les égards, les développements de juillet-décembre
1926 apparaissent donc comme le “ négatif ”, le reflet inversé de la crise du franc les mois
précédents : c'est le miracle Poincaré !
“ Le fruit était mûr - commente Alfred Sauvy, en se référant surtout à l'abaissement
préalable du poids réel de la dette par l'inflation d'après-guerre -, il restait à le cueillir ”. Que
s'est-il passé ? Quelles interactions entre le budget, la monnaie, la dette et l'inflation ? Quels
liens entre le succès de la stabilisation et les enchaînements de la crise du franc?
9
.2. Panorama des analyses de la dynamique des prix entre
1919 et 1928
De manière quelque peu caricaturale, deux groupes d’explications des turbulences
monétaires et financières françaises peuvent être distinguées. Certaines contributions mettent
plutôt en avant la situation des finances publiques, d’autres incriminent plutôt la responsabilité
de la politique monétaire.
.2.1. Les difficultés budgétaires à l’origine des déséquilibres
Sargent (1986) et à sa suite Dornbusch (1989) voient dans l'inflation française des années
1920 la conséquence d'un recours aux avances de la Banque de France pour financer des
déficits budgétaires importants et persistants. L’explication nous semble fondamentalement
fiscale car nous sommes dans une configuration où, au sens de Sargent et Wallace (1981), la
politique budgétaire domine la politique monétaire. Si chez Sargent et Wallace l’interaction
entre autorités monétaires et budgétaires est envisagée, c’est dans un cadre de jeu de poule
mouillée d’où n’émerge qu’un seul vainqueur1, le gouvernement.
Sargent (1986) dans le cadre d’un modèle à anticipations rationnelles analyse le
tournant de juillet 1926 comme une rupture d’ordre budgétaire. Le retour de Poincaré
constitue un changement de régime clair et crédible, dans la mesure où il modifie du tout au
tout la donne budgétaire de l'époque... Il provoque un retournement des anticipations
inflationnistes. D’une part Poincaré a la réputation d’être conservateur sur le plan fiscal, d’être
l’avocat de l’équilibre budgétaire. D’autre part, il prend - selon Sargent - des mesures décisives
lors de son retour : hausse des impôts et réduction des dépenses2. Dans la même veine,
1
Christiano et Fitzgerald (2000) en donnent une version simplifiée - où l'analyse se déroule sur une
seule période - suffisante pour présenter les principaux points de l'analyse de la stabilisation Poincaré
proposée par Sargent. La contrainte budgétaire du gouvernement s'écrit : b = sf + sm
avec : b, montant de la dette publique en termes réels; sf différence entre les recettes fiscales et les
dépenses publiques ; sm seigneuriage monétaire.
Dans le cas général, on envisage une situation où l'autorité budgétaire mène une politique non
ricardienne et ne se soucie pas, ex ante, du financement des dépenses publiques (sf <0) . Si, dans ce
contexte, l'autorité monétaire fixe, de manière exogène, l'offre de monnaie avec le souci d'assurer la
stabilité des prix (sm # 0), la charge d'intérêt sur la dette publique est élevée et le Trésor public est dans
l'impossibilité d'y faire face (b est différent de sf + sm). Dès lors, l'autorité monétaire n'a pas d'autre
possibilité que de s'ajuster au comportement de l'autorité budgétaire. On se trouve dans une situation
d'arithmétique monétaire déplaisante où l'augmentation de l'offre de monnaie - donc, du niveau général
des prix - est nécessaire pour que la contrainte budgétaire de l'Etat soit satisfaite, ce dernier pouvant
alors faire face alors à ses engagements. Une modification de la politique budgétaire est alors le seul
moyen d'assurer la stabilité de la valeur de la monnaie. Des recettes fiscales suffisantes doivent être
dégagées pour permettre de rembourser la dette publique et d'en payer les intérêts, le recours au
seigneuriage monétaire n'étant plus alors nécessaire.
2
Selon Sargent : “ l'accession au pouvoir de Poincaré règle la question du choix des impôts à augmenter
pour assurer, de manière permanente un équilibre voire un excédent du budget de l'Etat ” (1986, p.
117). En effet, un train de mesures fiscales est adopté (loi du 3 août 1926), les principales étant (Sauvy,
1965, p. 85) : 1° l'autorisation de procéder par décret pour majorer les droits de douane et un certain
10
Eichengreen et Wyplosz (1988) insistent sur les effets positifs de ce retour à l’équilibre
budgétaire (‘crowding-in effects’) : les baisses de taux d’intérêt intervenu fin 1926 et courant
1927 sont selon eux décisive pour expliquer le dynamisme de l’investissement, lui-même
puissant moteur de la croissance française jusqu’en 1930.
Sargent - dans son texte - n’avance pas de chiffres de déficits budgétaires. Si l’on
introduit dans le débat les chiffres de la SGF (voir graphique 2) on a du mal à concilier la
réduction du déficit entre 1924 et 1926 avec l’accroissement foudroyant du NGP durant la
même période. Makinen et Wooward (1989) ont critiqué l’analyse de Sargent en insistant sur
le fait que le déficit budgétaire tendait à se réduire sur la période : en 1925 il n’était déjà plus
que de 1,5 milliards et en 1926 la France connut même un excédent de 1,08 milliards.
Un moyen de “ sauver ” l’analyse de Sargent serait de considérer que les agents avaient
une mauvaise perception de la réalité de la situation budgétaire (à l’instar de Ch. Rist,
beaucoup de gens bien informés pensent en 1925 et encore en 1926 que le déficit budgétaire
français est très important3), l’on peut faire des anticipations rationnelles sur la base
d’informations fausses.
Prati (1991), Hautcoeur et Sicsic (1998) adoptent eux aussi une explication presque
exclusivement budgétaire de la dépréciation du franc. Les anticipations d’une taxation du
capital (ou de consolidation forcée de la dette publique) conduisant chez ces auteurs à un rejet
des titres de la dette et une fuite des capitaux. Cette fois l’on glisse vers la prise en compte du
caractère cumulatif de déséquilibres initiaux amplifiés par des mécanismes d’anticipations.
.2.2. Echec de la politique monétaire et dérives des anticipations
Les explications par la politique monétaire obéissent presque toutes à cette même
“ logique ” d’une dynamique propre de la dépréciation fondée au départ sur la situation des
finances publiques mais qui s’en est peu à peu déconnectée.
Une explication monétaire intuitive est mise en avant par Hawtrey (1970) lorsqu’il
associe retour de la confiance et resserrement de la politique monétaire fin juillet 1926. Le
signal monétaire du 31 juillet 1926 (le taux d’escompte passe de 6 à 7,5%, le taux des avances
sur titres de 8 à 9,5%) est, selon lui, fondamental pour expliquer le retournement. La faiblesse
du taux directeur est-elle en cause pour rendre compte des troubles inflationnistes d’avant
1926 ? Implicitement oui.
L'étude de Makinen et Woodward (1989) se focalise avant tout sur les problèmes de
renouvellement des titres de la dette. Ces auteurs envisagent deux cas de figure pour expliquer
le non renouvellement des titres de la dette :
nombre de droits et tarifs ; 2° la majoration des droits sur les boissons, des impôts sur les transports
ferroviaires et fluviaux, des droits sur les automobiles, les camions, etc. ; 3° l'unification à 2% de l'impôt
sur le chiffre d'affaires ; 4° la majoration de 50% des impôts sur les revenus des valeurs mobilières et
revenus assimilés ainsi que de la taxe sur les valeurs étrangères non abonnées ; 5° la taxe de 7% sur le
capital immobilier ; 8° la forte majoration des impôts cédulaires. Ces mesures donnent à la politique
budgétaire un caractère ricardien et vont permettre de ne plus avoir recours au seigneuriage monétaire.
Le changement de régime étant immédiatement perçu par le public, le ralentissement de l'inflation est,
selon Sargent, quasi-immédiat.
3
Charles Rist affirme fin 1925 “ C’est 7 milliards en 1925 et 10 milliards au moins en 1926, qui
représenteraient les chiffres véritables du déficit ”, ([1933], p.15)
11
- soit la défiance envers la politique du gouvernement était telle qu'il était impossible aux
autorités de trouver un taux d'intérêt nominal qui incitât les agents à détenir les titres de la dette
publique4 .
- soit les autorités, via le maintien de taux d'intérêt peu élevés (semble-t-il à des fins
d'allégement du coût de la dette et de soutien de l’activité), n’étaient pas disposées à offrir le
rendement attendu par les agents.
Les auteurs privilégient cette dernière explication et voient, par conséquent, dans les
événements monétaires et financiers des années 1924-1926 le résultat d'un choix délibéré de
politique monétaire : une politique monétaire insuffisamment restrictive est là encore à l’origine
de l’inflation française.
Blancheton et Sénégas (2000) mettent eux aussi en cause la responsabilité de la
politique monétaire dans l’enchaînement des déséquilibres monétaires et financiers. Dans le
prolongement des travaux d’Albert Aftalion (1926), ils montrent le rôle clef de l’annonce des
chiffres de la circulation fiduciaire dans la formation des anticipations inflationnistes. La
révélation de l’affaire dite des faux bilans de la Banque de France en avril 1925 marque un
tournant en la matière. Ce scandale sanctionne l’échec définitif de la politique monétaire
française et ruine la crédibilité des autorités. Il ouvre la voie à la formation d’anticipations
inflationnistes à caractère auto-validant. La politique monétaire étant endogène (elle répond
aux besoins de la Trésorerie) un cercle vicieux hausse de la circulation - hausse des prix
s’instaure.
L’on peut considérer que les déséquilibres financiers sont la cause ultime des événements
de 1925-1926 même dans le cadre des explications dite ici monétaires : ces dernières très axées
sur les anticipations ne sont en réalité que la manifestation du caractère cumulatif des
déséquilibres.
.2.3. La nécessité d’une approche plus intégrée, présentation de
la FTPL
Vis-à-vis de l’ensemble des contributions ci-dessus, le cadre de la FTPL adopté plus
loin présente l’avantage de systématiser les conséquences inflationnistes d’une véritable
interaction entre politique monétaire et politique budgétaire en “ dépassant ” un raisonnement
séquentiel (d’abord les déséquilibres du côté des fondamentaux financiers puis leur caractère
cumulatif via la prise en compte de la dimension monétaire de la crise) et en introduisant
formellement une certaine linéarité dans la relation entre degré d’activisme monétaire et
inflation. La Banque centrale ne sera pas réduite à un état de totale soumission comme chez
Sargent et Wallace (1981).
Cette théorie budgétaire du niveau général des prix est de création récente, elle a été
échafaudé dans les années 1990 aux Etats-Unis sous l’impulsion de Leeper (1991), Sims
(1994), Woodford (1994) (1995), Cochrane (1996) ou encore Loyo (1999). Son assise
empirique est pour l’heure assez restreinte, mais une tendance de fond semble se dégager dans
cette littérature pour parvenir à un relâchement des hypothèses les plus fortes.
Sous certaines hypothèses, la théorie budgétaire du niveau général des prix fait de la
progression de la dette publique le principal déterminant de l’inflation. Pour illustrer l’analyse,
introduisons la contrainte budgétaire intertemporelle de l’Etat.
4
En particulier le taux d'intérêt pouvait se révéler trop élevé aux yeux des agents si ces derniers anticipaient
qu'il obérerait la capacité de l'Etat à tenir ses engagements.
12
L’Etat doit à chaque période satisfaire l’identité budgétaire :
Gt + it −1Bt −1 = Tt + (Bt − Bt −1 ) + (H t − H t −1 )
avec Gt désignant le montant des dépenses publiques hors charges d’intérêts, Tt celui des
recettes fiscales, Bt l’encours de la dette publique à la fin de la période (t-1) et Ht le montant de
la base monétaire (que l’on suppose ici émise uniquement en contrepartie d’un financement
monétaire de l’Etat).
On peut réécrire cette égalité en retenant des variables en proportion du PIB nominal. st
désigne le montant du seigneuriage (en termes du PIB). On suppose également que le taux
d’intérêt réel ( r ) est constant et on note λ le taux de croissance du revenu réel par tête et n le
taux de croissance de la population. On obtient alors :
g t + (r − n − λ ) ⋅ bt −1 = tt + (bt − bt −1 ) + st
avec st ≡
et
bt ≡
H t − H t −1
Pt N t yt
Bt
Gt
Tt
; gt ≡
; gt ≡
Pt N t yt
Pt N t yt
Pt N t yt
En itérant cette identité sur une infinité de périodes, l’exclusion de l’hypothèse selon laquelle le
montant de la dette publique (en termes du PIB) serait non borné à un horizon très lointain
amène à supposer que l’Etat se doit de respecter à chaque date t l’égalité suivante :
∞
Bt −1
t − g t +i + s t +i
= ∑ t +i
Pt −1 N t −1 yt −1 i=0 (1 + ρ )i +1
avec ρ ≡ r + n − λ
Si les agents anticipent que le déficit budgétaire courant ne sera pas compensé par des
excédents équivalents à l’avenir, c’est-à-dire si l’on se situe dans un régime non-ricardien alors
deux issues inflationnistes peuvent être envisagées.
- Si la Banque centrale est accommodante, un seigneuriage “ traditionnel ” peut être opéré
(progression de s). Carlstorm et Fuerst (1999) désignent cette configuration comme la forme
faible de la FTPL, en réalité nous sommes encore dans l’arithmétique déplaisante de Sargent et
Wallace.
- Si la Banque centrale est, au contraire, très conservatrice le niveau général des prix va
s’ajuster à la hausse via un mécanisme de substitution titres de la dette contre biens. Le NGP
est la variable qui ajuste la valeur réelle de la dette et la somme actualisée des soldes
budgétaires futurs anticipés. Il s’agit ici de la version dite forte de la FTPL.
Les contributions sur la théorie budgétaire du niveau général des prix invitent donc
opérer des distinctions entre régimes budgétaire et évaluer le degré d’activisme (ou de
conservatisme) de la politique monétaire. Sur cette base, nous allons tenter de qualifier les
régimes dans le cas français des années 1920. Le régime budgétaire est-il ricardien ou non
ricardien ? la politique monétaire est-elle plutôt souple ou plutôt restrictive ?
13
.3. Réflexions sur la nature des régimes monétaire et
budgétaire.
La qualification de la politique monétaire à l’œuvre puis l’identification de la nature du
régime budgétaire en vigueur sur la période passe par un retour vers l’analyse historique c’està-dire la recherche d’éléments de continuité et de ruptures parmi des faits nombreux et
complexes.
.3.1. Une politique monétaire accommodante
Dans le domaine monétaire, les données disponibles peuvent être considérées comme
de bonne qualité. Les séries des avances directes, de la circulation fiduciaire et des prix à la
consommation n’ont pas été contestées - à notre connaissance - par l’historiographie. Seul
l’épisode des faux bilans de la Banque de France (mars 1924 - avril 1925) donne lieu à la
publication d’une série corrigée, la falsification est - en définitive - de faible ampleur
(Blancheton (2001), pp.233-252). Après la révélation de ce scandale la qualification de la
politique de la Banque de France est aisée.
Entre avril 1925 et juillet 1926, la politique monétaire est - sans conteste accommodante comme en témoigne la hausse répétée des avances (voir graphique 1).
La période qui va du printemps 1922 à avril 1925 pourrait se révéler, en revanche, beaucoup
plus difficile à qualifier.
Plusieurs arguments, plutôt de nature subjective, vont dans le sens d’une qualification
restrictive.
- Le plafond de la circulation qui reste fixé à 41 milliards de francs jusqu’en avril 1925. Les
avances qui baissent malgré tout légèrement (voir graphique 1).
- La hausse du taux d’escompte de la Banque de France même si celle-ci ne suit manifestement
pas le rythme de l’inflation.
- L’affichage par les autorités d’un objectif officiel de revalorisation du franc (validé par le
précédent des années 1870).
- L’attitude et les déclarations des responsables de la Banque de France et du gouvernement,
optimistes
Mais d’autres arguments plus objectifs selon nous vont dans le sens d’une qualification
accommodante.
- Si on met en rapport cette politique monétaire et l’objectif de retour à l’étalon or sur ses
anciennes bases, on est frappé par la faiblesse du taux directeur, une politique monétaire plus
restrictive était nécessaire pour atteindre l’objectif fixé.
- Le taux d’intérêt est relativement stable lorsque l’on considère le rythme de l’inflation alors à
l’œuvre. Le degré d’activisme de la Banque centrale peut être mesuré par le coefficient de
réaction du taux d’intérêt nominal au taux d’inflation (test de l’équation ci-dessous).
I t = θ 0 + θ1 ⋅ Π t
14
L’existence de taux d’intérêt réel négatifs croissants est admise sur la période, ce qui traduit
manifestement la “ non réaction ” des taux nominaux à la hausse de l’inflation.
La Banque centrale reconnaît que l’inertie du taux d’escompte est liée à la question du
renouvellement des titres de la dette, partant la politique monétaire est, sans conteste,
“ paralysée ” par la politique budgétaire (voir l’analyse déjà parfaitement claire de J. Rueff
(1926)). L’affaire des faux bilans de la Banque de France peut être interprétée comme
l’expression d’une souplesse de fait.
Il nous semble que l’on peut convenir que la politique monétaire est plutôt accommodante
entre début 1922 et avril 1925.
.3.2. Un régime budgétaire non-ricardien
Dans le domaine budgétaire en revanche les données paraissent de mauvaise qualité.
Les données de déficits budgétaires les plus utilisées sont celles de la SGF, reprises par Sauvy
dans son Histoire Economique de la France entre les deux guerres. Il s’agit de soldes bruts et
non de soldes primaires (agrégats pris en compte dans la contrainte budgétaire intertemporelle
de l’Etat). Les données concernant la dette doivent aussi être considérée avec prudence,
l’endettement de certains organismes publics comme le Crédit National n’est pas pris en
compte.
Cela étant la piètre qualité des données n’empêche pas une tentative de qualification du
régime budgétaire alors en vigueur.
Tant que la perspective de réparations allemandes paraît très probable, il est loisible de penser
que l’on se situe toujours - c’est-à-dire comme avant 1913 - au sein d’un régime ricardien.
Selon les propos du ministre des Finances L.L. Klotz : “ les contribuables n’ont pas à
s’inquiéter, l’Allemagne paiera ”.
Par contre dès lors qu’il devient clair que l’Allemagne ne pourra pas payer, la nature du régime
change, il devient non-ricardien.
Plusieurs arguments nous conduisent à penser que l’année 1922 marque un tournant en la
matière même si d’autres arguments militeraient pour 1923 (occupation de la Ruhr) ou pour
1924 (plan Dawes)).
- Les difficultés monétaires et financières de l’Allemagne s’accélèrent au cours de cette année
charnière. En décembre 1922, il faut déjà 7000 marks pour obtenir un dollar. Entre juin et
décembre 1922, les prix de détail ont été multipliés par 16. L’Allemagne ne peut honorer ses
engagements internationaux. En octobre 1922, Brand, Cassel et Keynes - appelés à se
prononcer sur une nouvelle demande de moratoire et sur les moyens de résoudre la crise de
change - concluent qu’il ne saurait y avoir de stabilisation du mark sans une suspension des
paiements allemands.
- En France, les difficultés de trésorerie se révèlent véritablement en 1922. Si en 1921, le
gouvernement avait pu rembourser les avances à la Banque de France conformément aux
termes de la convention François-Marsal (soit 2 milliards de francs), en 1922, il ne peut
honorer ses engagements.
- La Banque de France et la Haute administration des Finances prennent conscience du fait que
la défaillance allemande modifie fondamentalement la donne financière au plan national. Dès
juillet 1922, la Banque de France analyse ainsi le phénomène “ les défaillances répétées de
l’Allemagne et les difficultés auxquelles nous avons à faire face pour poursuivre par nos
15
propres moyens l’œ uvre de réparation ont fait renaître au dehors la crainte que nous ne
parvenions pas à sauvegarder notre situation monétaire. On n’a plus momentanément la
même foi dans le relèvement continu du franc, et c’est cette inquiétude qui explique en grande
partie les demandes de rapatriement de capitaux auxquelles le marché du change éprouve
tant de difficultés à faire face ”5.
La direction du Trésor suit, de son côté, avec une grande attention l’évolution de la situation
allemande. Prenant acte de son effondrement financier, le Trésor réclame des mesures de
rééquilibrage du budget français. En novembre 1922, Jean Parmentier suggère notamment de
réduire les dépenses militaires et les indemnités accordées aux victimes de guerre. Il n’est pas
suivi par son ministre des Finances. Son successeur Pierre de Moüy ne le sera pas davantage.
- L’absence d’inflexion en matière de solde budgétaire en 1923 et même en 1924 témoignerait
dans cette logique de la nature non-ricardienne du régime budgétaire, alors que manifestement
la perspective des transferts s’évanouit, il n’y a pas de réaction fiscale en rapport avec ce
véritable “ séisme ”.
Un régime non-ricardien nous semble en place en France entre le printemps 1922 et l’été
1926 date du retour aux affaires de R. Poincaré.
Il ressort de l’analyse que la date de 1922 constitue un tournant décisif pour la politique
économique française : elle voit s’évanouir la perspective des transferts allemands et marque
l’entrée dans une phase homogène où se combine passivité monétaire et régime budgétaire
non-ricardien. L’affirmation du caractère non-ricardien du régime budgétaire est une condition
nécessaire pour pouvoir se situer dans le cadre d’une détermination du NGP par la dette
publique.
.4. Une modélisation de la dynamique inflationniste au sein
de la FTPL
Le modèle proposé s’inscrit dans le prolongement de l’analyse suggérée par Loyo
(1999) pour prendre en compte les conséquences des transferts extérieurs au sein de la FTPL.
Un des enseignements qui ressort de cette étude est que le caractère passif ou rigoureux de la
politique monétaire détermine en grande partie la nature du processus inflationniste. En ce
sens, l’attitude de la Banque de France sur la période 1922-1926 semble avoir été
fondamentale pour éviter une plus forte instabilité des prix. Plus que les désordres budgétaires,
c’est la prudence de la politique monétaire – au sens où celle-ci a été conduite de manière
relativement cohérente eu égard aux déséquilibres issus de la guerre - qui semble devoir être
mise en évidence pour rendre compte de la trajectoire inflationniste.
.4.1. Une version de la théorie budgétaire en économie ouverte
On considère une petite économie ouverte sur l’extérieur modélisée par le biais de
l’agent représentatif. Il y a un seul bien (ou un seul panier de biens) qui est échangé au niveau
international et pour lequel la loi du prix unique s’applique (et débouche, dans ce cadre, sur la
5
Procès Verbal du Conseil Général de la Banque de France, séance du 6 juillet 1922,
16
relation de parité des pouvoirs d’achat). La petite économie est placée sous un régime de
changes flexibles.
A chaque période le ménage représentatif dispose d’une dotation (yt) dans le bien
considéré sur le territoire national. Le gouvernement prélève des taxes qui lui servent à
effectuer des transferts (forfaitaires) à la fois vers le ménage représentatif (notés, en termes
réels, et nets des impôts levés, g tH ) et le reste du monde (notés, en termes réels, et nets des
flux internationaux de même nature mais effectués en sens inverse, g tF ). On désigne par gt le
déficit primaire réel qui en résulte. On a donc : g t = g tH + g tF .
Le montant des transferts (nets) effectués vers l’étranger est noté xt et on peut distinguer ceux
opérés par le ménage ( xtH ) de ceux effectués par le gouvernement ( xtG ). Par recoupement,
xtG = g tF .
Les seuls actifs financiers nationaux disponibles pour transférer la richesse sont les titres
nominaux émis à une période par le gouvernement (et donc constitutifs de la dette publique).
Ils peuvent être détenus soit par le ménage représentatif, soit par le reste du monde. On
désigne alors par bt le montant total et en termes réels de la dette publique nationale à la date t.
at et (bt – at) représentent les parts détenues respectivement par le ménage représentatif et le
reste du monde. Ce dernier émet aussi, via son gouvernement, des titres de dette en devises
auxquels le ménage représentatif résident peut souscrire (le montant, en termes réels, de titres
étrangers détenus par le secteur résident est alors noté a~t ). Le ménage représentatif ne peut
s’endetter ni auprès de son propre gouvernement, ni vis-à-vis de l’Extérieur (at et a~t ne
peuvent donc être strictement négatifs6). On suppose par ailleurs que la dette extérieure
correspond à la dette publique émise en monnaie nationale et détenue par les non-résidents (il
n’y a pas de dette nationale émise en devises) ; il s’agit donc, en termes réels, de bt - at.
La monnaie (au sens d’un actif dominé en rendement mais fournissant un service de liquidité
supérieur) n’est pas introduite dans la modélisation. L’économie peut cependant être qualifiée
de monétaire dans la mesure où les prix et les contrats financiers sont libellés dans une unité de
compte universellement acceptée.
Les comptes d’exploitation, traduisant les transactions entre les agents nationaux (ménage
représentatif et gouvernement), au cours d’une période t sont déduits des remarques
précédentes comme suit7 :
6
7
Il s’ensuit que (bt – at) est, par construction, positif ou nul.
Les facteurs d’intérêt relatifs aux détentions de titres sont explicités dans la suite de l’exposé.
17
Ménage
ct
g tH
xtH
yt,
I t −1
Πt
~
~
at −1 Rt −1
at
at −1
a~t
Gouvernement
gt
I
bt −1 t −1
Πt
bt
En consolidant les deux derniers comptes, on obtient celui de la nation dans ses relations avec
le Reste du Monde :
Nation
a~t
yt
(bt – at)
xt
ct
~
a~t −1 ⋅ Rt −1
(bt −1 − at −1 ) ⋅ I t −1
Πt
• Le comportement du ménage représentatif
Le ménage représentatif maximise son utilité sur toute sa durée de vie (par hypothèse
infinie) en choisissant son sentier de consommation optimal sous la contrainte de respecter les
termes de l’identité budgétaire à laquelle il est soumis par hypothèse à chaque période (et que
l’on déduit du compte présenté infra), soit le programme suivant :
+∞
Max ∑ β t u (ct )
{ct }∞t =0
t =0
s. c. at + a~t + ct + xtH = yt + g tH + at −1
I t −1 ~ ~
+ at −1 Rt −1
Πt
18
avec : It désignant le facteur d’intérêt nominal relatif au titre national émis entre t et t+1, Πt, le
facteur d’inflation8 prévalant entre t-1 et t. Le facteur d’intérêt réel d’équilibre correspondant,
I
entre t et (t+1), noté Rt est donné par t .
Π t +1
Dans le cadre d’une petite économie ouverte, la valeur de cette dernière variable n’est pas
déterminée par les dotations de l’économie mais imposée par le reste du monde (et dans ce cas
~
ce statut lui confère une nature exogène au modèle et la fait désigner par Rt ). En d’autres
termes, la parité des taux d’intérêt réels (d’équilibre) entre la nation et le reste du monde est
I
~
supposée prévaloir à toute date9 et il vient : t = Rt .
Π t +1
Pour simplifier l’analyse et afin d’en permettre une exposition graphique, on fait l’hypothèse
~
que le taux d’intérêt réel mondial est constant et fixé à R (on s’intéresse donc à des équilibres
stationnaires)10.
La détermination du sentier optimal de consommation par le ménage représentatif aboutit à
deux équations habituelles dans cette configuration dynamique :
1- La condition d’Euler traduit tout d’abord la substitution intertemporelle des niveaux de
consommation. Conjuguée avec la parité des taux d’intérêt réels, elle peut s’écrire sous la
forme suivante :
(1)
u ′(ct )
I
~
= t =R
βu ′(ct +1 ) Π t +1
2- La condition de transversalité (nécessaire à la détermination d’une trajectoire optimale de
consommation) impose une limite à l’accroissement de la richesse (financière) de l’agent et
peut se formuler comme suit11 :
lim
t →∞
1
~
1+ R
(
)
t
(at + a~t ) = 0
8
Dans le cadre de la petite économie ouverte et en supposant que la valeur exogène du taux d’inflation
prévalant dans le reste du monde soit nulle, taux d’inflation et taux de dépréciation de la monnaie nationaux
coï ncident.
9
La parité des taux d’intérêt réels découle de ce que l’économie est preneuse de prix sur le marché des biens et
sur celui des capitaux ainsi que de la nature parfaitement libéralisée des échanges en ces lieux. Dans ces
conditions, les relations de parité des pouvoirs d’achat et celle (non couverte) des taux d’intérêt nominaux sont
vérifiées et, combinées, conduisent à celle portant sur les taux d’intérêt réels (ex ante).
10
Plus généralement, on considérera par la suite une évolution stationnaire de l’ensemble des variables
exogènes nationales (i.e. le taux d’intérêt réel, les dotations et les déficits primaires réels en régime nonricardien – cf infra).
11
Cette formulation découle de la réunion de deux conditions, l’une (arbitraire) portant sur l’exclusion d’un
comportement d’endettement (strict) du ménage envers le gouvernement national ou celui du reste du monde,
l’autre (associée au programme d’optimisation) stipulant que le premier ne peut être le partenaire d’un jeu de
Ponzi engagé délibérément par l’un et/ou l’autre des deux gouvernements s’il veut s’assurer d’un sentier de
consommation optimal. Elle utilise aussi le fait que la condition de parité des taux d’intérêt réels est vérifiée.
19
Combinée avec l’identité budgétaire en termes de flux, cette condition implique que l’agent
privé représentatif doit respecter à toute date t une contrainte budgétaire intertemporelle
traduisant le fait que le montant total des créances qu’il détient doit correspondre à la valeur
présente (à cette date) de tous ses revenus futurs disponibles, soit :
H
H
at −1 I t −1 ~
~ ∞ ct + s − yt + s − g t + s + xt + s
(2)
+ at −1 ⋅ R = ∑
∀t ≥0
~
Πt
Rs
s =0
• Comportement du gouvernement et contrainte budgétaire intertemporelle de l’Etat en
économie ouverte
L’identité budgétaire auquel répond à chaque période le gouvernement traduit l’hypothèse
selon laquelle le financement du déficit primaire et des intérêts sur la dette publique est opéré
par recours à l’emprunt auprès du secteur privé (résident ou non résident), soit :
(3) bt = g t + bt −1
I t −1
.
Πt
Contrairement au cas d’une économie fermée, la contrainte budgétaire intertemporelle de l’Etat
ne peut être directement déduite de (3) en utilisant celle portant sur le ménage représentatif et
les conditions attenantes à l’équilibre du marché des biens (autarcique). Les échanges auxquels
se livre la petite économie ouverte impliquent en effet de considérer l’égalité emplois
ressources au niveau de la nation et les contraintes auxquelles cette dernière est confrontée à ce
niveau dans une perspective intertemporelle12. En reprenant le compte d’exploitation de la
nation dans ses relations avec le reste du monde, on obtient l’identité budgétaire suivante :
I
~
(4) a~t + xt + ct + (bt −1 − at −1 ) ⋅ t −1 = y t + a~t −1 R + (bt − at )
Πt
A l’instar de la condition posée sur le comportement du ménage représentatif, on suppose que
la nation dans son ensemble ne peut accumuler13 sur un horizon très éloigné des créances
nettes sur le reste du monde qui s’accroissent plus vite que le taux d’intérêt réel (et vice versa).
En conséquence, si l’on désigne par ft le montant des créances nettes (en termes réels) détenues
par la nation sur le reste du monde – avec f t ≡ a~t − (bt − at ) -, la condition de transversalité
correspondante de la nation s’écrit :
12
Les conséquences induites par le passage au cadre de l’économie ouverte sur la question de la solvabilité
intertemporelle des gouvernements nationaux ne donnent pas lieu à une réponse univoque. Nous retenons la
démarche adoptée par Loyo (1999) (voir pour un cas similaire, Canzoneri et Diba (2000) et Daniel (2001)).
D’autres représentations sont envisageables, cf., inter alia, Bergin (2000), Daniel (2001), Dupor (2000) ou
Loyo (1998).
13
Même si cette condition n’est pas issue explicitement d’un programme d’optimisation comme pour le
ménage, elle s’inscrit dans une continuité logique avec cette dernière, compte tenu des hypothèses formulées
sur le comportement de l’agent privé représentatif. Appréhendée conjointement avec la réalisation de
l’équilibre du marché des biens envisagée au niveau mondial, elle permet en outre de remédier au problème
potentiel d’indétermination du niveau général des prix en régime non ricardien en économie ouverte (cf.
Canzoneri et Diba (2000), Corsetti (2001) et Daniel (2001)).
20
~
(5) lim R s ⋅ f t + s = 0
s →+∞
En combinant (4) et (5), on déduit la contrainte budgétaire intertemporelle de la nation, soit
(6)
(at −1 − bt −1 )I t −1
Πt
~ ∞ c − y t + s + xt + s
+ a~t −1 R = ∑ t + s
~
Rs
s=0
La nation ne peut envisager de consommer plus que ce qu’elle ne produit période après
période que si, à toute date, ses détentions nettes d’actifs sur l’Extérieur sont strictement
positives.
Cette condition, parce qu’elle se substitue à l’équation traduisant l’équilibre du marché des
biens en situation d’autarcie, permet d’établir la contrainte budgétaire intertemporelle du
gouvernement national à partir de celle portant sur le ménage représentatif. De fait, en
retranchant (2) de (6), on obtient :
(7)
∞ g
bt −1 I t −1
= − ∑ ~t +ss
Πt
s =0 R
• Nature du policy-mix et détermination de la dynamique inflationniste
La spécification du comportement des autorités monétaires et budgétaires permet de clore le
modèle.
(1) On suppose que la politique monétaire peut être décrite par une règle de taux d’intérêt
(nominal). Le degré d’activisme (passivité versus rigueur) de la Banque centrale est mesuré par
le coefficient de réaction du taux d’intérêt nominal au taux d’inflation :
(8) I t = θ 0 + θ 1 ⋅ Π t
Plus θ0 et θ1 sont élevés, plus la politique monétaire s’avère être restrictive (du point de vue de
la lutte contre l’inflation) : elle fait réagir plus que proportionnellement le taux d’intérêt à une
modification de Πt.
(2) La politique budgétaire peut recouvrir deux facettes alternatives qui conditionnent la
détermination du taux d’inflation dans le modèle
(2-1) Le solde primaire réel peut être, tout d’abord, déterminé sans prise en considération de la
contrainte budgétaire intertemporelle du gouvernement. Compte tenu des variables
prédéterminées dans cette équation, l’exogénéité de gt implique que la variable endogène de
l’équation (7) soit πt. On se situe alors dans un régime non-ricardien.
La trajectoire d’équilibre du taux d’inflation est alors déterminée selon le système suivant
(après substitution de (8) dans (1)) :
21
θ 0 + θ 1 ⋅ Π t ~
=R
 Π

t +1
(9) 
∞
 bt −1 I t −1 = − ∑ g t + s pour t = 0
~s
 Π t
s =0 R
Le taux d’inflation initial (i.e. pour t = 0) se détermine sur la base de (9b) compte tenu des
valeurs prédéterminées de b-1 et I-1 et celles exogènes de gs (s=0, 1, …). Les taux d’inflation
ultérieurs s’établissent selon l’équation aux différences premières (9a).
(2-2) Le solde primaire réel constitue à chaque période la variable d’ajustement de l’équation
(7), et ce, en particulier, quel que soit le taux d’inflation à la date considérée. Il s’agit alors
d’un régime ricardien. Sous cette configuration, le sentier suivi par l’inflation est déterminé par
le système suivant :
θ 0 + θ 1 ⋅ Π t ~
=R

(10)  Π t +1
Π = Π pour t = 0
 t
La valeur initiale du taux d’inflation, Π , est donnée de manière exogène au modèle. Les
facteurs budgétaires n’interviennent pas dans le processus de détermination de la dynamique
inflationniste.
Dans les deux cas, en régime ricardien comme non-ricardien, les paramètres de la fonction de
réaction de la politique monétaire conditionnent (de concert avec les valeurs du taux d’intérêt
réel) la stabilité de la trajectoire inflationniste. L’équation (9a) – ou (10a) - peut en effet être
formulée comme :
Π t +1 = β 0 + β 1 ⋅ Π t
θ
θ
avec : β 0 ≡ ~0 et β 1 ≡ ~1 . La convergence vers une valeur stationnaire du taux d’inflation
R
R
(et, par là même, la stabilité de la dynamique inflationniste) n’est assurée que si β 1 < 1 , i.e.
~
θ1 < R .
.4.2. Transferts extérieurs et dynamique inflationniste : le rôle
de la politique monétaire
Cette schématisation de la dynamique inflationniste dans le cadre de la FTPL en
économie ouverte s’avère intéressante dans la mesure où elle permet d’envisager les
conséquences d’un basculement d’un régime à l’autre provoqué par exemple par un choc
touchant les transferts entre l’économie nationale et le reste du monde. Cette configuration
suggère une utilisation du modèle pour appréhender la rupture potentielle provoquée par la
cessation (pressentie) du paiement des réparations allemandes au début des années 1920 et
mettre en perspective l’impact du retour au pouvoir de Poincaré en juillet 1926.
22
Les transferts apparaissent sous deux formes dans la modélisation que nous retenons : ils
peuvent émaner soit du gouvernement et des ménages nationaux (vers l’étranger) soit de
l’étranger (vers le ménage représentatif et le gouvernement nationaux).
D’après l’équation (9b), seuls les transferts impliquant le gouvernement national dans un
régime non-ricardien ont un impact sur le taux d’inflation et sa dynamique. En régime
ricardien, tout choc sur les transferts gouvernementaux vers ou en provenance de l’étranger,
est compensé par un ajustement des transferts vers les ménages ou de la fiscalité pour
préserver la compatibilité de gt avec le taux d’inflation correspondant dans la contrainte
budgétaire intertemporelle (7). Les transferts émanant des ménages ou les visant directement
n’ont pas de conséquence sur la dynamique inflationniste, et ce quel que soit le régime
envisagé14.
Comme le suggère Loyo (1999), “ Realistically, foreign shocks might simultaneously affect x
and g, but that would have the same impact on inflation as an equal change in g in a closed
economy. Larger government transfers abroad would call for as much inflation as if they
were transfers to the domestic household – unlike domestic transfers, they do not make
households feel any richer, but instead consumption must be made to conform with the
tightened external constraint ”
• L’illusion des réparations allemandes : un changement de régime budgétaire…
Il semble intéressant à ce stade d’utiliser le cadre d’analyse précédemment établi pour
évaluer, de manière stylisée, les conséquences potentielles sur l’inflation française d’une
cessation du paiement des réparations par l’Allemagne pressentie dès 1922 (qui prennent la
forme dans le modèle d’un choc sur les transferts gouvernementaux en provenance de
l’Extérieur).
Dans cette optique, on fait l’hypothèse que le gouvernement français pouvait mener une
politique plus ou moins ricardienne en se basant sur l’espoir des rentrées fiscales étrangères
que constituaient les réparations jusqu’en 1922. Les événements internationaux qui surviennent
au cours de cette année poussent néanmoins à envisager la probable dissipation de cette manne
étrangère. Dès lors, et à défaut d’avoir réajuster immédiatement le montant du solde primaire,
on peut penser que les autorités budgétaires se placèrent ipso facto dans un régime nonricardien, basculement qui, dans le cadre d’une analyse budgétaire de l’inflation, n’est pas sans
modifier a priori les conditions de détermination de cette variable.
Examinons de manière plus détaillée cette configuration à l’aide du graphique 1. Supposons
que, jusqu’à une date T, les autorités budgétaires françaises se comportent de manière
ricardienne : elles ajustent donc gt de manière à satisfaire l’équation (10b). Dans ce contexte, le
taux d’inflation initial ( Π ) aura été fixé de manière exogène et les taux d’inflation successifs
auront été déterminés sur la base de (10a). On suppose que la trajectoire est stable, i.e que
θ
~
θ 1 < R . En T, le taux d’inflation a convergé vers sa valeur stationnaire, Π T = ~ 0 . Cet
R − θ1
équilibre est représenté par le point A sur le graphique 1.
A la fin de la période T, des incertitudes apparaissent quant à la capacité de l’Allemagne à
assurer le paiement des réparations de guerre et il s’ensuit que la valeur des transferts en
14
Ils sont en effet endogènes du point de vue du programme d’optimisation du ménage.
23
provenance d’Outre-Rhin doit être révisée à la baisse pour les périodes à venir (soit à la date
(T+1), soit à une date ultérieure et, ce, pour toutes les périodes suivantes).
Cette rupture a deux implications. La première est qu’elle se traduit, ceteris paribus, par une
augmentation de gt et correspond par conséquent à une hausse du déficit primaire réel. La
seconde est que, sans ajustement des autres composantes du budget, cette variation implique le
passage à un régime non-ricardien, puisqu’à cette date, la contrainte budgétaire intertemporelle
de l’Etat ne peut être satisfaite que par un saut compensateur du taux d’inflation en T+1 (la
détermination de ce dernier devient endogène du point de vue de (9b) en t = T+1). Par la suite,
les taux d’inflation futurs se déterminent sur la base de (9a).
Qu’en est-il alors de la stabilité de la trajectoire inflationniste suite au choc ?
Supposons que la politique monétaire demeure inchangée. Dans ce cas, l’équilibre se déplace
en (T+1) au point B. Comme les conditions de stabilité de la dynamique inflationniste n’ont pas
été modifiées, le choc budgétaire n’aura qu’un impact transitoire sur le taux d’inflation.
L’économie se rejoint in fine l’équilibre initial au point A.
Cela étant, on peut également faire l’hypothèse alternative que, face à cette poussée
inflationniste, les autorités monétaires décident de réagir de manière agressive et modifient leur
fonction de réaction. Cet infléchissement peut avoir des conséquences radicales sur la
trajectoire prise par l’inflation. En effet, si ce changement de politique est tel que la dynamique
inflationniste devient potentiellement instable (cas illustré sur le graphique avec β 1* > 1 ), le
choc budgétaire (positionnement en (T+1) au point C) induit des taux d’inflation de plus en
plus élevés.
La nature passive ou rigoureuse de la politique monétaire a donc une importance considérable
dans le maintien d’une dynamique stable de l’inflation à la suite d’un choc budgétaire. En ce
sens, le modèle suggère que la conduite plutôt accommodante des affaires monétaires par la
Banque de France sur la période aurait permis d’éviter que l’inflation française ne dérive vers
une situation explosive (comme celle vécue en Allemagne en 1922-23). Les modifications de la
politique budgétaire, à moins d’être permanentes, ne peuvent infléchir structurellement la
nature de la dynamique inflationniste et, partant, la valeur du taux d’inflation tendanciel. C’est
la nature de la politique monétaire menée qui doit être prise en compte à ce niveau.
•… qui conduit à relativiser le “ miracle Poincaré ”
Ce premier enseignement du modèle amène d’ailleurs à reconsidérer l’impact du retour
de Poincaré au pouvoir en juillet 1926. Si ce changement de régime doit être interprété comme
un réajustement de la politique budgétaire (en lui donnant une orientation plus ricardienne que
celle de ses prédécesseurs), ses effets désinflationnistes doivent être replacés, selon notre
modèle, dans le cadre de la dynamique du “ retour à l’équilibre ” à l’œuvre depuis le printemps
1922 et le choc des réparations allemandes. Cette mise en perspective invite donc à réévaluer
“ à la baisse ” l’importance prise par l’arrivée de Poincaré au cours de l’été 1926 sur la
dynamique des prix.
Au delà, si l’on pense que le retour à l’équilibre budgétaire était même engagé avant
juillet 1926, on tend à relativiser d’autant plus l’infléchissement produit en matière de
dynamique inflationniste par l’arrivée de Poincaré. Illustrons de nouveau cette configuration à
24
l’aide du graphique 1. Supposons que le choc des réparations amène le taux d’inflation à se
positionner au point (E). Par la suite, des réajustements budgétaires sont en cours et
conduisent à anticiper des améliorations du solde budgétaire primaire pour les périodes futures
(sans pour autant constituer un retour à un régime ricardien). Ces modifications se traduisent
par autant de diminutions (sauts discrets à la baisse) du taux d’inflation le long du sentier qui le
mène vers l’équilibre de long terme (point (A)), soient les points (D) et (B) sur le graphique. Si
l’on peut concevoir l’arrivée de Poincaré comme un nouveau changement de régime budgétaire
(et le retour à une configuration ricardienne), les ajustements successifs entrepris par les
gouvernements précédents dans ce domaine amènent à relativiser la portée (dés)inflationniste
de la “ rupture ” de l’été 1926.
A contrario, le concours d’une politique monétaire adéquate, eu égard aux infléchissements de
la politique budgétaire semble devoir être mis en avant pour juger de la réussite du retour au
statu quo ante et de son caractère pérenne.
Π t +1
Π t +1 = β 0* + β1* ⋅ Π t
Π t +1 = Π t
C
A
Π t +1 = β 0 + β1 ⋅ Π t
D
E
B
ΠT
Π T +1
Πt
Graphique 1
25
Conclusion
Cette contribution a cherché à remettre en cause la vision traditionnelle suivant laquelle
la politique économique à l’œuvre en France avant 1926 constituait un échec complet. Au sein
d’un cadre de FTPL en économie ouverte (qui intègre la possibilité de transferts internationaux
comme les paiements allemands), nous avons souligné la pertinence de la souplesse monétaire à
l’œuvre entre 1922 et 1926 au sein d’un régime budgétaire manifestement non-ricardien (du fait
de la défaillance financière allemande). Dans le contexte de l’époque une politique monétaire
plus conservatrice aurait pu, sous certaines hypothèses, engendrer une dynamique
hyperinflationniste.
Afin de relativiser la portée des travaux qui mettent en exergue le miracle accompli par
Poincaré, le rôle fondamental du thaumaturge dans le rétablissement des équilibres financiers et
monétaires d’après guerre, nous évoquons le miracle monétaire français de 1922-1926 pour
attirer plutôt l’attention sur le statut de variable d’ajustement du NGP dans un conteste de
déséquilibres cumulatifs du budget et de progression de la valeur nominale de la dette publique.
De même, le terme miracle fait référence au fait que la trajectoire de l’économie française a été
pour le moins mal contrôlée. L’histoire de la période est faite avant tout d’incompréhensions :
incompréhensions de phénomènes économiques nouveaux (au moins par leur ampleur) comme
l’inflation, la spéculation sur le change, l’illusion monétaire... ; incompréhensions entre les
pôles de l’autorité monétaire (Banque de France, direction du Trésor, ministre des Finances)
ainsi d’ailleurs qu’entre les pôles de l’autorité budgétaire.
Cette contribution a aussi cherché à faire progresser la connaissance du processus
inflationniste à l’œuvre en proposant une modélisation qui appréhende les interactions entre
politique monétaire et politique budgétaire. Dans le prolongement du modèle de Loyo, la
Banque centrale n’est plus comme chez Sargent réduite à une entière passivité, son activisme
est au contraire graduel ce qui ouvre la voie à plusieurs trajectoires inflationnistes.
La FTPL nous semble faire ainsi la preuve de son utilité pour analyser une phase
inflationniste sur le moyen et le long termes, en tous cas aussi longtemps que l’on peut
identifier une permanence des régimes monétaires et budgétaires. Bien entendu, la FTPL a des
difficultés - sans doute insolubles - à rendre compte des dynamiques de court terme des prix, ici
l’approche historique constitue un complément d’explication indispensable.
La portée de nos conclusions est réduite par les hypothèses et la nature du modèle.
- L’on pose ainsi l’absence de monnaie alors que les années 1920 sont justement une période
d’incertitude où un actif inférieur en rendement mais très liquide paraît avoir un rôle central à
jouer. L’économie des années 1920 est par excellence une économie monétaire.
- La modélisation pourrait chercher à appréhender la rétroaction du degré d’activisme
monétaire sur la conduite de la politique budgétaire. S’il n’est pas absurde de poser le
déséquilibre budgétaire comme une contrainte (sachant la domination structurelle exercé par le
budgétaire sur le monétaire), il n’est pas interdit de penser que l’autorité budgétaire
connaissant “ la fonction de réaction ” de l’autorité monétaire puisse vouloir se réajuster afin
d’éviter une totale dérive des prix.
- De même il conviendrait d’introduire les variations du change dans l’analyse, les
contemporains ont souligné le rôle moteur de la dépréciation du franc en matière inflationniste.
26
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