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explicatifs des événements peuvent être discernés : certains auteurs insistent sur l’influence de
la dynamique budgétaire, d’autres mettent plutôt en avant le rôle de la politique monétaire.
Dans le sillage des analyses d’époque, les contributions jouent abondamment du
contraste entre les dérives et les échecs en tous genres de la période 1919-1926 et
l’extraordinaire succès de la stabilisation Poincaré jusqu’en 1928 voire au delà puisque au
“ miracle Poincaré ” succède l’exception française d’une entrée tardive dans la grande
dépression mondiale de 1929. Les auteurs à l’origine des anticipations rationnelles (Sargent
(1986), Dornbusch (1989)) voient notamment dans l’expérience Poincaré l’illustration de leur
point de vue selon lequel une désinflation est possible sans recul important de l’activité
économique à la condition que le programme de lutte contre l’inflation soit crédible. C’est
l’absence de crédibilité qui est précisément aux sources des dérives antérieures.
Blancheton (2001) invite à nuancer la vision d’un échec complet du diagnostic et de la
conduite de la politique économique française du milieu des années 1920. Dès 1922, les
responsables de la direction du Trésor ont correctement analysé l’incompatibilité entre la
situation des finances publiques et l’objectif de revalorisation du franc, très tôt la nécessité
d’une stabilisation-dévaluation est proclamée au sein de l’administration. De même, au total,
dès 1926 la politique économique française ne fait-elle pas figure de réel succès à mi-chemin
entre l’expérience britannique de retour de la livre à son ancienne parité or coûteuse en matière
de croissance et d’emploi et la faillite monétaire allemande de 1922-23 totalement
déstructurante sur le plan social et pour longtemps traumatisante. En définitive l’inflation
française n’a-t-elle pas permis d’absorber - au moindre coût - le choc financier de la Première
Guerre mondiale ?
Sur la base de cette intuition notre contribution entend d’abord étayer la thèse d’une
certaine réussite de la politique économique française jusqu’en 1926. Elle souhaite aussi
parfaire la connaissance du processus inflationniste français de l’époque en se situant dans un
cadre théorique qui intègre les conséquences des interdépendances entre la politique budgétaire
et la politique monétaire. Nous souhaitons plus particulièrement attirer l’attention sur la
pertinence de la souplesse monétaire alors à l’œuvre dans le contexte budgétaire de l’époque.
Paradoxalement une politique monétaire plus rigoureuse aurait été à l’origine d’une dérive
inflationniste beaucoup plus marquée.
Au total, le succès résiderait plus dans la conduite de la politique économique d’avant
1926 que dans la réalisation technique de la stabilisation et le rôle déterminant du thaumaturge
Poincaré : l’inflation avait alors fait son œuvre en rendant compatible valeur réelle de la dette
publique et retour à une convertibilité or du franc. Le “ miracle ” Poincaré devient alors le
miracle du ‘policy-mix’ à l’œuvre entre 1922 et 1926. Miracle au sens où le succès ne résulte
pas de l’application d’un plan réfléchi mais au contraire d’un enchaînement incontrôlé de chocs
graves et de palliatifs improvisés. Miracle également au sens où d’autres ‘policy mix’ auraient
pu engendrer une dynamique hyperinflationniste.
Pour défendre ces idées, nous allons nous situer dans le cadre théorique de la ‘Fiscal
Theory of The Price Level’ (courant d’analyses macro-économiques qui étudient les
conséquences inflationnistes des interactions entre politiques monétaire et budgétaire), plus
précisément nous proposons une extension du modèle de Loyo (1999) c’est-à-dire un cadre
d’économie ouverte où la dette est susceptible d’être le principal déterminant de la progression
du NGP.
Jusqu'à présent seuls Sargent (1986), Eichengreen et Wyplosz (1988) et Villa (1993)
avaient tenté de modéliser les événements monétaires et financiers français de la période. Par
rapport aux contributions existantes plusieurs “ avancées ” peuvent être mentionnées. Nous
proposons une analyse plus “ intégrée ” sur le plan formel de l’influence de la politique