20•Ingenierie:Gabarit Transversal ENVIRONNEMENT 3/05/07 11:02 Page 20 Par Emmanuel Boutefeu • Certu Vgétaliser les villes pour atténuer les îlots de chaleur urbains Les villes vont devoir se préparer au changement climatique : une végétalisation abondante des tissus urbains permettra de réduire les effets dramatiques des vagues de chaleur sur la santé humaine. n août 2003, la canicule qui s’est solidement installée sur le territoire a fauché la vie de plus de 15 000 personnes, le plus souvent âgées et fragiles : 91 % avaient plus de 65 ans et 87 % vivaient en immeuble collectif. Pendant une quinzaine de jours, les températures ont battu des records historiques : les deux tiers des stations de Météo France affichaient des températures comprises entre 25-35 °C, et 15 % des stations françaises ont enregistré des températures supérieures à 40 °C. Les régions Ile-de-France et Centre ont été fortement touchées par cette vague de chaleur exceptionnelle, notamment les grandes agglomérations urbaines, telles Paris, Tours, Orléans. En France, les décès précisément attribués à la déshydratation, hyperthermie, coup de chaleur ont augmenté de 23 % par rapport à la mortalité attendue en un mois d’août « normal ». E Des espaces verts rafraîchissants Dans une étude des facteurs de risques de décès des personnes âgées résidant à domicile durant la vague de chaleur d’août 2003, l’Institut de veille sanitaire (INVS) confirme que les villes denses sont plus vulnérables aux fortes - Réduire les surfaces imperméables. chaleurs que les villes - Préférer les revêtements clairs réfléchissant la vertes. lumière. À l’aide d’une analyse - Planter des arbres capables de transpirer en multivariée, les auteurs période de forte chaleur. mettent en évidence - Ombrager les parkings, les cours d’école, les esplanades. que certaines caracté- Végétaliser les murs, les balcons, les toituresristiques des logeterrasses. ments diminuent le - Mettre en service des fontaines, jets d’eau, risque de mortalité : la bassins d’eau vive. qualité de l’isolation, la - Multiplier les espaces verts de proximité. présence de volets ou Conseils et astuces pour rafraîchir les villes 20 Techni.Cités n° 129 — 8 mai 2007 de stores protégeant les ouvertures, un faible ensoleillement de la pièce de nuit. Un bâtiment bien conçu permet, y compris lors de pics à 40 °C, de ne pas franchir les 27 °C dans la journée. En revanche, le fait d’habiter au dernier étage d’un immeuble est un facteur de risque aggravant, d’autant que la chambre est située sous les toits. Et parmi les paramètres ayant un effet positif, une hausse de l’indice de végétation à proximité des logements est un bon moyen de rafraîchir l’air ambiant et d’abaisser les températures extérieures. Des travaux de référence dans ce domaine montrent que les écarts de température entre un parc urbain et ses environs vont de 1 °C à 7 °C ; la différence la plus importante étant obtenue aux abords de grands parcs arborés « baignés » par une rivière. À partir d’images satellitaires des longueurs d’ondes infrarouges d’un quartier résidentiel de la ville de Munich (Parc du château de Nymphenburg), et d’une analyse des températures de surface émises à la mijournée et la nuit, Stephen Pauleit et Friedrich Duhme soulignent qu’une augmentation de 10 % de la surface végétalisée abaisse la température de 1 °C dans un rayon de 100 mètres de profondeur. D’autres campagnes de mesures réalisées à l’intérieur du parc national d’Athènes et autour du site, en août 1998, et pendant dix jours consécutifs, indiquent que l’écart est de 1,5 °C entre les températures les plus basses et les plus hautes. La différence maximale atteint 3 °C au cours d’une journée. 20•Ingenierie:Gabarit Transversal 3/05/07 11:02 Page 21 gner sa température sur celle de l’air environnant. Ce mécanisme de régulation thermique est loin d’être négligeable : un arbre feuillu peut émettre jusqu’à 4 000 litres d’eau par jour, ce qui représente une puissance de refroidissement équivalente à celle de cinq climatiseurs pendant 20 heures en climat chaud et sec. Des arbres très bénéfiques Un espace vert est donc un excellent équipement pour atténuer l’îlot de chaleur urbain et rafraîchir l’air ambiant. Une étude de modélisation des flux d’énergie au-dessus d’un quartier témoin parvient à des résultats similaires de ceux de Munich. Ainsi, l’aménagement d’un parc arboré de 100 mètres carrés au cœur d’un îlot urbain, bordé par des immeubles de 15 mètres de hauteur, permet d’abaisser la température de 1 °C dans les rues canyon adjacentes. Ce gain de fraîcheur se prolonge sur une distance de 100 mètres. Au-delà, l’effet bénéfique de l’espace vert s’estompe. Et les chercheurs de conclure qu’une augmentation de 10 % de l’emprise verte au sol diminue la température de l’air ambiant de 0,8 °C. Or, un écart de 1 °C n’est pas anodin en terme de mortalité : l’INVS estime qu’une hausse de 1 °C aurait aggravé le risque de 80 % pendant la vague de chaleur d’août 2003 ! L’asphalte, le béton et le granit sont des revêtements inertes qui accumulent l’énergie solaire la journée et déstockent la chaleur emmagasinée la nuit. Ces matériaux, imperméables et sombres, sont de véritables puits de chaleur qui alimentent l’îlot de chaleur urbain. Sous nos latitudes, les surfaces engazonnées et les arbres d’ornement équilibrent leur température interne, à la manière d’un corps humain, en transpirant énormément dès que la température extérieure dépasse 25 °C. Outre qu’un arbre intercepte une partie du rayonnement solaire, procurant une ombre protectrice, il a aussi tendance à ali- Une augmentation de 10 % de la surface végétalisée abaisse la température de 1oC dans un rayon de 100 mètres de profondeur La dernière synthèse du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), présentée à Paris le 2 février dernier, l’affirme sans ambiguïté : « la Terre se réchauffe et le principal responsable de ce changement est l’homme ». Certains climatologues français prévoient que les vagues de chaleurs estivales seront plus longues, plus intenses et plus fréquentes, passant de 1 jour durant la période 1960-1989, à 14 jours à la fin du 21e siècle. En France, le changement climatique attendu se traduirait par une hausse moyenne de 9 °C (+6 °C globe), et le réchauffement serait plus marqué en été qu’en hiver. Afin de limiter les effets tragiques des pics de chaleur, l’introduction massive d’espaces verts et d’arbres doit être une priorité. Des plans de verdissement, campagnes de plantation, aides à la création de parcs et de squares sont des mesures efficaces pour rafraîchir les îlots de chaleur urbains et atténuer les conséquences humaines des canicules à venir. Les villes doivent anticiper cette nouvelle donne climatique. Un espace vert rafraîchissant à Barcelone. Pour en savoir plus Liébard Alain, De Herde André, décembre 2005, Traité d’architecture et d’urbanisme bioclimatiques – Concevoir, édifier et aménager avec le développement durable, éditions Le Moniteur, 368 p. Techni.Cités n° 129 — 8 mai 2007 21