tragique avec les mots « poignard » « sang » et « chasser leurs âmes ». L’amour est évoqué au passé aussi comme le
soulignent les deux images des « feux » et des « flammes », les enfants ayant disparu, l’amour aussi. La vengeance a été
réalisée car Médée ne reverra ainsi plus Jason dans ses enfants. En effet, le futur et les deux pronoms personnels
« moi » et « toi » associés à la négation « ne plus » indiquent clairement la fin de leur histoire. Ils « ne feront plus pour
moi/ De reproches secrets à ton manque de foi ». Ils ne pourront plus rappeler à Médée, par leur ressemblance physique,
la trahison de Jason. La scène permet enfin la catharsis, conformément au but d’une tragédie : ici, le public ressent de la
crainte vis-à-vis du personnage de Médée ainsi que de la pitié pour ses enfants et pour Jason.
Ensuite, le dénouement est aussi particulièrement spectaculaire. On peut le constater dès la première réplique de
Médée. En effet, elle emploie à plusieurs reprises des termes du champ lexical de la vue : « lève les yeux » « reconnais
ce bras » « tu vois ». Il s’agit d’exhiber la vérité aux yeux de Jason, de lui montrer ce qu’elle a fait. Ainsi, Médée
correspond bien au sens étymologique du mot « monstre » qui veut dire « montrer » en latin. Médée se dévoile et
dévoile son crime. Corneille choisit une mise en scène spectaculaire, comme l’indique la didascalie : « en l’air dans un
char tiré par deux dragons ». Cette mise en scène à la mode à l’époque correspond au théâtre à machines. Le dénouement
choisi par Corneille s’appuie sur ces techniques pour mettre en valeur la victoire finale de Médée.
Ce dénouement particulièrement impressionnant permet à Corneille de clore sa pièce. Mais l’aspect tragique de cet
extrait est renforcé par la violence des propos échangés entre les deux personnages.
L’ultime confrontation des amants laisse éclater une violence hors norme.
Dans un premier temps, les deux personnages laissent éclater leur haine. Les deux anciens amants emploient, pour se
désigner l’un l’autre des apostrophes violentes. En effet, Médée qualifie Jason de « parjure », de « perfide » et de
« lâche », les mots sont mis en valeur en tête de vers, de phrase et de tirade. Jason, quant à lui, lance une réplique
cinglante, sous forme de phrase averbale, simplement construite sur deux jurons juxtaposés, dans lesquels sa rage
explose « Horreur de la nature, exécrable tigresse ! ». Le premier groupe de mots rapproche Médée du monstre, de l’être
surnaturel et infâme. Le second procède par métaphore : la tigresse est choisie pour qualifier la cruauté de Médée.
L’adjectif insiste sur le mépris et le dégoût ressentis par Jason. Il se débat comme tout héros tragique. On peut repérer au
fil de ses tirades, une tentative de révolte, une montée de la tension. Après avoir insulté Médée, il s’indigne et reprend
courage : l’exclamation « quoi ! », le verbe « oser », l’interrogative montrent qu’il se dresse contre le pouvoir écrasant
de Médée, « le bras », sur un ton frondeur : « ta brutalité pense encore échapper à mon bras irrité ». Il désire se venger en
évoquant une « peine » pour son ancienne compagne. Il reprend cette idée dans sa dernière réplique grâce aux termes
« supplice » « punisse » « répondra »- au sens de rendre justice- Jason est animé par cet esprit de vengeance et se montre
digne d’un héros épique, comme l’attestent les expressions « ah ! c’en est trop souffrir » « sus, sus, brisons les portes,
enfonçons la maison ». Mais Médée le laisse seul sans possibilité de vengeance.
En outre, Médée montre sa supériorité tout au long de l’extrait. Elle est supérieure scéniquement, car elle est placée
« en haut » comme l’indique la didascalie du début de la scène. C’est aussi elle qui parle le plus et qui domine le
dialogue. Elle aussi est supérieure sur le plan de l’action. Elle est en avance sur lui, comme le montre l’opposition entre
le présent et le passé composé « ton désespoir encore en délibère » « ce bras qui t’a vengé ». Les deux adverbes
« encore « et « déjà » montrent que pendant que Jason réfléchissait, Médée, elle, est passée à l’action. Enfin, la
supériorité est aussi physique. A Jason qui la menace, elle répond par une question rhétorique qui montre qu’elle est
sûre de vaincre : l’emploi de l’oxymore frappant « débile vaillance » réduit à néant les élans héroïques de Jason. Elle en
profite pour lui rappeler le passé « Mon art faisait ta force, et tes exploits guerriers ». Ainsi, les prétentions militaires de
Jason, représentés symboliquement par le laurier, sont anéanties par ce raisonnement. Le chiasme sur les déterminants
possessifs « mon » « ta » « tes » « mon » met en avant l’idée que Jason doit tout à Médée.
Cette scène illustre la rupture définitive entre les deux amants et la victoire complète de Médée sur son ancien amant. Sa
vengeance est consommée.
La supériorité de Médée et la mise en scène spectaculaire nous permettent voir dans ce personnage l’incarnation
de la vengeance.
Pour commencer, Médée apparaît comme une femme cruelle et sarcastique. Elle invite Jason, à plusieurs reprises, à
rejoindre Créuse. Pour cela, elle emploie des périphrases qui lui rappellent son couple « heureux père et mari »
« bienheureux amant ». Elle use aussi des impératifs « réjouis t’en » « va posséder Créuse » « va…cajoler ta maîtresse »
« va, va, lui contrer tes rares aventures ». Ces rappels sont d’autant plus cruels que sa femme est morte. En outre, Médée
présente la situation de Jason sous un jour favorable, comme le montrent les expressions « la place vide à ton hymen
nouveau » et « tu n’auras plus personne ici qui t’accuse ». Elle fait comme si elle acceptait la situation, avec
enthousiasme, mais elle met devant les yeux de Jason sa souffrance et sa solitude. Elle se montre encore plus perverse
dans son emploi de l’ironie, notamment lorsqu’elle le désigne sous le nom de « cher époux ». Dans cette scène, Médée
s’attache bien à humilier Jason, à le blesser plus qu’il ne l’est. Elle affirme sa supériorité dans le mal.
De plus, la cruauté de Médée s’explique par la joie qu’elle ressent à sortir victorieuse de l’affrontement. La litote «
Je n’ai pas mal employé ma journée/ Que la bonté du roi, de grâce, m’a donnée », renforce l’ironie du personnage qui
exprime son contentement de manière anodine en regard du massacre qui vient d’avoir lieu. Médée formule ainsi une
phrase simple « mes désirs sont contents », qui exprime sa pleine et entière satisfaction. Elle sort de scène en donnant à