Procédure devant la commission de conciliation et d

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Acta Endosc. (2016) 46:59-62
DOI 10.1007/s10190-016-0528-3
RECOMMANDATIONS DE LA SFED / SFED RECOMMENDATIONS
Procédure devant la CCI : Commission de conciliation
et d’indemnisation des accidents médicaux
CCI Procedure: Commission for Conciliation
and Compensation of Medical Accidents
Dr Anne‑Laure Tarrerias (Paris) ∙ Dr Raymond Lefevre ∙ Pr Catherine Buffet (Le Kremlin‑Bicêtre) ∙ Dr Lionel Parois ∙
Pr Robert Benamouzig (Avicenne) ∙ Dr Thierry Tuszynski ∙ Michel Robaskiewicz
© Lavoisier SAS 2016
La mission première des commissions de conciliation et
d’indemnisation des accidents médicaux (CCI) est d’offrir,
au titre de la solidarité nationale, une procédure d’indemni‑
sation amiable — c’est‑à‑dire extrajudiciaire —, rapide et
gratuite, aux victimes d’accidents médicaux :
●● graves, ayant pour origine un acte de prévention, un
acte de diagnostic ou un acte thérapeutique, à condition
que l’acte en cause soit postérieur au 4 septembre 2001.
Les actes de chirurgie esthétique ne font pas partie du
dispositif et ne sont donc pas susceptibles de faire l’objet
d’une indemnisation ;
●● dont le degré de gravité entraîne une atteinte permanente
à l’intégrité physique et psychique (AIPP, ex‑IPP) supé‑
rieure au seuil de 24 %.
Il s’agit des dommages occasionnés par :
●● un accident médical ou des dommages imputables à une
activité de recherche biomédicale ;
●● une affection iatrogène ;
●● une infection nosocomiale contractée dans un établisse‑
ment de santé.
Les critères de gravité prévus par les articles L1142‑1 à
L1142‑3 et D1142‑1 à D1142‑3 du Code de santé publique
sont les suivants :
●● soit un taux d’AIPP supérieur à 24 % ;
●● soit une durée d’arrêt temporaire des activités pro‑
fessionnelles (ATAP, ex‑ITT) supérieure à six mois
consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période
d’un an ;
A.-L. Tarrerias (*)
10 rue Jean Richepin, F-75116 Paris, France
e-mail : [email protected]
soit la personne est déclarée définitivement inapte à
exercer son activité professionnelle (celle exercée
avant l’accident) ;
●● soit un déficit fonctionnel temporaire (DFT) au moins
égal à 50 % sur une durée de six mois consécutifs ou six
mois non consécutifs sur une période d’un an ;
●● soit l’accident occasionne des troubles particulièrement
graves dans les conditions d’existence.
Les CCI sont présidées par un magistrat nommé par le garde
des Sceaux, ses commissions sont composées (outre le pré‑
sident) de membres représentant les usagers, les profes‑
sionnels de santé, les établissements de santé, les assureurs,
l’ONIAM ainsi que de personnalités qualifiées. Elles se réu‑
nissent en moyenne une fois par mois. Elles rendent des avis
et non pas des décisions.
La CCI peut être saisie dans les dix ans qui suivent la conso‑
lidation de la victime ; au‑delà, il y a prescription. Elle a
six mois après la saisine pour rendre un avis. La CCI et
l’ONIAM sont des institutions distinctes, mais qui œuvrent
pour un même objectif dans le cadre d’une même procé‑
dure : indemniser les victimes d’accident médical.
●●
Déroulé de la procédure
●●
Le patient (ou ses ayants droit) saisit la CCI à l’aide
d’un document Cerfa à remplir et d’un certificat médi‑
cal décrivant le dommage imputable que tout médecin
peut rédiger. Ce certificat permet à la commission de
faire un premier tri et de rejeter tous les dossiers, dont
à l’évidence le dommage est trop faible pour envisager
sa compétence (en général, si le déficit est de moins de
6 %). Il s’agit d’un certificat très important qui engage la
60 ●●
●●
●●
responsabilité de celui qui le rédige et qui doit se limiter
à l’évaluation du dommage. C’est sans doute là le point
faible de la commission qui n’exige pas que le praticien
qui rédige ce document ait des connaissances en évalua‑
tion du dommage corporel. Attention, si vous devez rédi‑
ger ce type de certificat, à le faire en suivant les règles
de rédaction d’un certificat médical (voir le document
de l’Ordre national des médecins sur le site de la Sfed).
Dans le dossier, tous les éléments justifiant le dommage
et l’implication du praticien doivent être fournis par le
patient. Il doit aussi prévenir sa caisse d’assurance mala‑
die de sa démarche :
la commission examine la recevabilité de la demande, et
une expertise est demandée si la CCI accepte le dossier.
Si la CCI considère le dossier non recevable, elle informe
le demandeur qu’il peut saisir la CCI en formation de
conciliation. L’expertise est à la charge de l’assureur
du praticien mis en cause si une faute de ce praticien
est reconnue ou à la charge de l’ONIAM dans le cas
contraire, elle sera donc gratuite pour le patient. Nous
verrons plus loin comment aborder cette étape pour le
praticien mis en cause ;
l’expertise et le dossier sont revus par la CCI au cours
d’une de ses réunions pour rendre un avis ;
cet avis est transmis en recommandé avec accusé de
réception au praticien mis en cause et au patient.
Déroulé de l’expertise
C’est un moment souvent mal vécu par le praticien et pas
nécessairement facile pour le patient. Il convient de bien pré‑
parer cette réunion. Les experts doivent disposer de tous les
documents qui étayent les plaintes de la victime : les pièces
transmises par la victime et celles transmises par le praticien
via son avocat. Chaque partie doit disposer de l’ensemble
des pièces avant l’expertise. La CCI peut du reste réclamer
ces éléments pour ses experts.
Avant l’expertise
Vous êtes avisé de la date de cette expertise par recommandé
avec accusé de réception, et vous recevez la mission, com‑
muniquée aux experts que vous devez bien lire (les experts
ne répondront qu’aux seules questions de la mission), tout
comme la lettre du médecin et celle du patient afin de bien
comprendre ce qui vous est reproché. Votre assurance pro‑
fessionnelle va nommer un avocat et un médecin‑conseil
pour vous aider à organiser ce dossier, vous devez impé‑
rativement tout leur communiquer et préparer une réponse
étayée pour vous défendre. Vous transmettez ces éléments à
votre avocat et à votre médecin‑conseil, surtout rien directement aux autres parties. Votre avocat et votre conseil sont
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soumis au secret médical. Quand vous aurez pris connais‑
sance du nom des experts nommés, vous êtes en droit de les
récuser si vous pensez qu’ils ne seront pas transparents ou
objectifs, mais très rapidement, avant le début de l’expertise.
Votre avocat va rédiger un dire à destination des experts
avec votre aide, s’il connaît bien la procédure, vous seul
saurez argumenter votre indication d’examen et les modali‑
tés d’information du patient.
Jour de l’expertise
En général, l’expertise est réalisée en binôme, le patient est
présent avec ou sans avocat, et avec ou sans son médecin
de recours. Votre présence n’est pas obligatoire, mais elle
est plus que souhaitable et indispensable (en général, votre
assureur vous le demande). Vous êtes accompagné de votre
avocat et de votre médecin‑conseil. Les experts vont retracer
toute l’histoire du patient afin d’évaluer son état antérieur
(toutes les pathologies qui ont pu contribuer au dommage).
On ne peut pas leur opposer le secret médical en CCI.
Le contrôle des experts portera sur divers points :
●● le bien‑fondé de l’indication de votre examen ou inter‑
vention ;
●● la qualité de l’information délivrée au patient (il est
important de vous justifier sur ce point) ;
●● la qualité de l’acte technique ;
●● la qualité du suivi ;
●● l’examen du patient (en général, l’expert examine le
patient seul, mais vous pouvez toutefois demander à être
présent). Les avocats ne peuvent pas assister à l’examen.
Il convient de laisser se dérouler l’expertise sans intervenir
(sauf pour répondre aux questions de l’expert), même si cela
peut paraître pénible, et d’attendre la fin de l’expertise pour
intervenir le cas échéant. Les experts doivent en effet vous
donner la parole, et il convient alors, sans polémiquer, de
ne pas hésiter à appuyer sur les points importants de votre
défense, à savoir :
●● la bonne indication de votre intervention (d’où l’impor‑
tance des recommandations de sociétés savantes et de la
littérature à l’appui) ;
●● les éléments d’appréciation de la qualité de l’information
de votre patient : consultation préalable, courrier rédigé
à l’intention du médecin traitant mentionnant que vous
avez informé le patient des risques de l’examen ou de
l’intervention, tout autre document permettant de prou‑
ver cette information. Le consentement signé n’est pas
obligatoire, mais utile ;
●● la qualité de l’acte technique se déduit des circonstances
de réalisation de l’examen et des divers comptes rendus
ainsi que de l’étude du dossier de bloc (matériel utilisé,
circonstances de déroulement de l’exploration, etc.) ;
●● insistez sur l’état antérieur constitué par toutes les patho‑
logies qui ont pu participer à la complication ;
Acta Endosc. (2016) 46:59-6261
●●
apportez des informations sur le suivi et des éléments
démontrant la qualité de la prise en charge de cette com‑
plication (d’où l’importance du courrier d’information
adressé au médecin traitant en cas d’accident médical).
Après l’expertise : les conditions d’indemnisation
Si le seuil de gravité n’est pas atteint, la CCI est incompé‑
tente (même situation qu’avant la loi Kouchner de mars
2002), la victime peut porter plainte devant un tribunal
civil pour obtenir une indemnisation de son préjudice,
mais elle doit le faire avec un avocat ;
●● si le seuil de gravité global est atteint, mais que la situa‑
tion médicale du patient n’est pas imputable à un acci‑
dent médical ou à une infection nosocomiale, la CCI
est incompétente ;
●● si un résultat dommageable (ou un manquement à ce
qui est attendu) est à l’origine du préjudice, les experts
devront établir dans quelles proportions entre 0 et 100 % ;
●● en l’absence de faute, si le dommage est anormal au regard
de l’évolution prévisible d’un acte médical, il s’agit d’un
aléa thérapeutique indemnisable par l’ONIAM ;
●● l’origine du dommage peut être multifactorielle : inter‑
vention dans les règles de l’art ou non, infection noso‑
comiale (dans ce cas, fournir les recommandations du
CLIN local aux experts), influence de l’état antérieur.
C’est tout l’art de l’expertise de faire la part de l’origine
du dommage corporel.
En cas de résultat dommageable ou de manquement,
l’assureur pourra proposer une indemnisation amiable dans
les quatre mois qui suivent la réception de l’avis de la CCI.
La victime peut refuser l’offre et aller au tribunal civil.
L’action civile peut être menée parallèlement à une action
devant la CCI.
●●
Conditions d’indemnisation par l’assurance
responsabilité professionnelle du praticien
Si la responsabilité d’un professionnel de santé est retenue
soit pour faute médicale, soit sans faute (en cas d’infection
nosocomiale avec une AIPP inférieure à 25 % ou de pro‑
duits défectueux), l’assurance obligatoire de ce profession‑
nel doit jouer son rôle de garantie.
Conditions d’indemnisation par l’ONIAM
Comme substitut de l’assureur en cas de responsabilité
engagée
Lorsque, à l’issue du délai de quatre mois dont il dispose,
l’assureur n’a pas fait d’offre d’indemnisation, la vic‑
time ou ses ayants droit adressent à l’ONIAM, par lettre
recommandée avec accusé de réception, une demande aux
fins d’obtenir une indemnisation de sa part.
L’ONIAM peut alors se substituer à l’assureur et a un
délai de quatre mois, à compter de la date de réception de la
demande faite par la victime ou ses ayants droit, pour verser
l’indemnisation.
Au titre de l’indemnisation de l’accident médical non
fautif (ou aléa thérapeutique)
L’aléa thérapeutique est la conséquence anormale d’un acte
de prévention, de diagnostic ou de soins, sans faute du pra‑
ticien (ce type de préjudice est difficilement indemnisable
devant les juridictions de droit commun).
L’Office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans
un délai de quatre mois suivant la réception de l’avis, une
offre d’indemnisation visant à la réparation intégrale des
préjudices subis. L’acceptation de l’offre de l’Office vaut
transaction au sens de l’article 2044 du Code civil.
La victime, ou ses ayants droit, dispose du droit d’action
en justice contre l’Office si aucune offre ne lui a été pré‑
sentée ou si elle n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite.
Ce recours s’exerce devant le tribunal administratif.
Cas particulier des infections nosocomiales
Une infection est nosocomiale lorsqu’elle est acquise lors
d’une prise en charge de soins et qu’elle apparaît dans un
délai de 48 heures faisant suite à celle‑ci. Pour les infections
du site opératoire, on considère comme nosocomiales les
infections survenues dans les 30 jours ou s’il y a prothèse
ou implant, dans l’année.
Un régime spécifique d’indemnisation a été mis en place
pour les victimes d’infections nosocomiales :
En cas d’infections nosocomiales contractées
dans un cabinet médical
●●
●●
En l’absence de faute du professionnel de santé = indem‑
nisation par la solidarité nationale ;
en cas de faute prouvée du professionnel de santé  =  indem‑
nisation par l’assureur, quelle que soit la gravité.
En cas d’infections nosocomiales contractées au sein
d’un établissement de santé
●●
●●
Pour les préjudices n’excédant pas 25 % d’AIPP : présomp‑
tion de faute de l’établissement, sauf s’il prouve son absence
de responsabilité en apportant la preuve d’une cause étran‑
gère. Indemnisation par l’assureur de l’établissement ;
pour les préjudices supérieurs à 25 % d’AIPP = indem‑
nisation par l’ONIAM, à charge pour lui de se retourner
vers l’assureur de l’établissement de santé s’il rapporte la
preuve d’une faute caractérisée de celui‑ci.
62 Au total
La procédure devant la CCI est une procédure amiable, gra‑
tuite pour le patient et donc de plus en plus utilisée, il appar‑
tient au praticien mis en cause de répondre en concertation
avec son assureur, avec tact et professionnalisme pour pré‑
senter un dossier bien construit, et vous pouvez solliciter les
sociétés savantes pour appuyer vos décisions.
L’expertise est le moment important dans la procédure,
car elle va établir un manquement ou non du praticien, et
si oui permettre l’évaluation des conséquences précises du
résultat dommageable. L’erreur la plus souvent reprochée à
un praticien est le défaut d’information. Cette information
passe par le respect des procédures : consultation préalable
à tout examen invasif, courrier au médecin traitant précisant
Acta Endosc. (2016) 46:59-62
que l’information a été donnée au patient (noter le document
remis et utiliser le plus possible les documents des sociétés
savantes). Le recueil d’un consentement éclairé signé est un
plus, mais n’est pas obligatoire. La traçabilité de l’informa‑
tion est un élément important.
Il convient surtout de ne pas oublier qu’en cas de compli‑
cation, afin d’éviter toute mauvaise communication, il faut
voir le patient très rapidement afin de lui expliquer la situa‑
tion ainsi qu’à sa famille, puis ensuite aller le revoir réguliè‑
rement. Si vous ressentez une agressivité et/ou si vous avez
l’impression d’être mal entendu, proposez un conciliateur.
Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
lien d’intérêt.
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