La Révolution Française à travers l`exemple de Falaise 12 févr

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Étudier et valoriser le patrimoine
Les dossiers pédagogiques du
service éducatif des Archives du Calvados
« ENQUÊTE D’ARCHIVES »
La Révolution Française
À travers l’exemple de la ville de Falaise
2013
Service éducatif des
Archives départementales du Calvados
61 rue de Lion-sur-mer
14000 CAEN
Tél : 02 31 47 18 50 - Mél : [email protected]
Illustration en première de couverture : placard en forme de bonnet
phrygien (Archives du Calvados, 3L952).
Dossier pédagogique réalisé par Julie Le Cunff, enseignante du service
éducatif du second degré
Bibliographie
Biard, M, Bourdin, P, Marzagalli, S, 1789-1815, Révolution, Consulat,
Empire, Belin, 2009
Martin, J –C, La Révolution française, Documentation photographique
n°8054, 2006
Les collections de l’Histoire, « La révolution française », n°25, 2004
Site internet de L’Histoire par l’image.
LE SERVICE EDUCATIF
Le service éducatif des Archives du Calvados a vocation :
•
•
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à faire découvrir la richesse du patrimoine archivistique du Calvados
à accompagner les enseignants et leurs élèves dans leurs projets culturels en
lien avec les programmes scolaires d’histoire, géographie, éducation civique,
juridique et sociale (ECJS), français, sciences, patrimoine local histoire des
arts, Seconde Guerre Mondiale…
pour 2013-2014 : à produire des ressources documentaires et à accompagner
les projets pédagogiques menés conjointement par les Archives
départementales et l’Education Nationale dans le cadre des commémorations
des deux conflits mondiaux
Animé par deux enseignants mis à disposition par l'Education nationale et un attaché
de conservation du patrimoine, il propose :
-
-
des ressources documentaires (documents d’archives, inventaires d’archives,
bibliographies,
brochures)
à
télécharger
sur
le
site
Internet
www.archives.calvados.fr ;
des visites des Archives départementales du Calvados (sur rendez-vous) ;
des séances de travail sur documents en salle de lecture aux Archives du
Calvados (sur rendez-vous) ;
des interventions dans les classes avec des documents numérisés ou sur des
projets spécifiques et définis avec l’enseignant de la classe ;
des expositions itinérantes à emprunter gratuitement (présentation et
renseignements dans la rubrique « Apprendre avec les archives » sur
www.archives.calvados.fr).
Informations pratiques
Archives du Calvados
61 rue de Lion sur mer 14000 CAEN
Tél : 02 31 47 18 50
Mèl : [email protected]
DOSSIER PEDAGOGIQUE SUR LA REVOLUTION FRANÇAISE A FALAISE, 1789-1799
Intégration pédagogique
Niveaux concernés : classes de quatrième, classes de seconde
Place dans le programme : La contestation de l’Ancien Régime (Quatrième). La fin
de l’absolutisme (Seconde).
Contenus du dossier :
- des archives numérisées (administration révolutionnaire, presse, cours et
juridiction d’Ancien Régime, cahiers de doléances, archives communales
déposées de Falaise, etc…) ;
- des éléments de contexte ;
Problématiques
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Comprendre la Révolution comme une rupture dans l’histoire de France et de
l’Europe, mais aussi comme un trait d’union entre les contestations déjà très
nombreuses de la monarchie absolue au XVIIIe siècle, dans un contexte de
Révolutions européennes et américaine, et le XIXe siècle, siècle de révolutions
sociales, politiques et libérales mais aussi siècle de construction nationale.
Comment la Révolution française a pu, sur une courte durée, créer un monde
nouveau ?
Comment analyser les tiraillements de la Révolution française entre les
aspirations à la liberté, à l’égalité et les violences populaires et étatiques ?
Comment le peuple, hommes et femmes, va entrer en politique, par le vote, les
journaux, les clubs, les sociétés populaires, les débats.
Ces problématiques sont abordées au travers trois thématiques :
I – L’Ancien Régime, un monde contesté
II – La Révolution crée un monde nouveau en mettant fin à l’absolutisme
III – La Révolution, temps de chaos ?
Pour chacune de ces thématiques, les élèves travaillent en groupe et chaque groupe
est responsable d’un atelier : lors des heures aux archives le groupe prélève les
informations dans les documents à l’aide de questionnaires. Puis, de retour en classe,
le groupe confronte les documents aux travaux scientifiques sur la Révolution.
La reproduction sur support papier des documents, sous réserve de citation des
crédits photographiques et des cotes (© Archives du Calvados), est autorisée à des
fins exclusivement pédagogiques et non commerciales, dans le cadre scolaire.
LA REVOLUTION FRANÇAISE 1789 – 1799
En dix ans, peut-on mettre en place un monde nouveau ?
I. L’Ancien Régime, un monde contesté
1A : Une justice arbitraire
er
Lettres (rapport d’enquête sur Victor Dubourg), 1 septembre 1746, cote : C345
1B : contre une fiscalité inégale et très lourde
Cahier de doléances de Cordey, 1789, cote : 16B63
Cahier de doléances de Soulangy, 1789, cote : 16B20
1C : contre l’organisation par ordre
La fable des trois frères, 1789, cote : F2428
Arlequin réformateur dans la cuisine des moines, 1789, cote : 386EDT399
1D : les revendications des femmes
La requête des femmes pour leur admission aux Etats généraux, 1789, cote : F2544
1E : une monarchie affaiblie ?
Cahier de doléances d’Aubigny, 1789, cote : 16B20
Cahier de doléances de Damblainville, 1789, cote : 16B72
Introduction d’un pamphlet « La passion la mort et la résurrection du peuple », 1789, cote : F2428
II. La Révolution crée un monde nouveau en mettant fin à l’absolutisme
2A : l’entrée des Français en politique
Journal des Clubs ou Sociétés patriotiques, 11 au 18 novembre an II (1793), cote : 13T8/19
Discours prononcé par le sans-culotte Bernazais fils, à partir de 1791, cote : 386EDT388
2B : une société égalitaire et libre
Pierre portant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, non coté.
Timbre dans une correspondance de l’agent national du district de Rouen au district de Falaise, 8
ventôse an III (26 février 1795), cote : 386EDT192
Lettres patentes du roi concernant l’aliénation des terrains nationaux, 25 juillet 1790, cote : 386EDT102
2C : de la fin de l’absolutisme à la fin de la monarchie
Estampe monochrome, imprimée par le Bureau des Révolutions de Paris, sans date, avant octobre
1789, cote : 17Fi1095
Décrets de l’Assemblée nationale rendus les 18 et 21 juin, sanctionnés par le roi les 23 et 25 du même
mois, sur la perception des Dîmes, Champarts, et autres droits de pareille nature, 1790, cote :
386EDT532.
Lettres patentes du Roi, sur le décret de l’Assemblée Nationale, du 20 juillet dernier, portant
suppression des droits d’habitation, de protection, de tolérance et de redevances semblables sur les
Juifs, 7 août 1790, cote : 386EDT102
Assignat, 1792, cote : Fi1Q480
Timbres extraits du Registre des Délibérations du Conseil général permanent du District de Falaise. 2
ventôse an II (20 février 1794), cote : 386EDT399
2D : un monde nouveau fondé sur la raison
Timbre du comité de Surveillance et Révolutionnaire de Rouen, 25 prairial an II (13 juin 1794), cote :
4L79
Paroles pour le citoyen Frémanger, représentant du peuple, à Falaise, s.d., Cote : 386EDT399
Calendrier de l’almanach, 1795, cote : nouv acq 1199
2E : une redistribution des biens
Lettres patentes du roi concernant l’aliénation des terrains nationaux, 25 juillet 1790, cote : 386EDT102
Plan de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise, 29 prairial an IV (17 juin 1796), cote : Fi1Q480
Procès-verbal des terrains à aliéner de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise, 16 brumaire an VII (6
novembre 1798), cote : 3L952
Biens nationaux à louer et à affermer à Falaise, 2 février 1793, cote : 3L952
Plan géométrique d’une partie de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise, 29 prairial an IV (17 juin 1796),
cote : Fi1Q480
Assignats, 14 janvier 1792, cote : Fi1Q480
III. La Révolution, temps de chaos ?
3A : des violences sporadiques de plus en plus fréquentes
Pierre portant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, non coté.
Exposé fidèle et succinct de ce qui s’est passé à Falaise, depuis le 14 juillet 1789, jusqu’au mois de
Novembre suivant, [XIXe siècle], cote : 8°477
Bulletin des Lois de la République française, extrait du procès-verbal de la Convention nationale du 19
nivôse an III, 1794, cote : 386EDT 388
3B : la guerre avec l’extérieur, accélérateur de la violence
Chanson républicaine, 1789, cote : F3072
Chanson républicaine, 1789, cote : F3072
3C : une République et une dictature : la Terreur
Tableau du comité de surveillance de la commune de Falaise, 25 prairial an II (13 juin 1794), cote :
4L79
Correspondance du comité de surveillance et révolutionnaire de Rouen à l’agent national du District de
Falaise annonçant l’arrivé d’un condamné, 25 prairial an II (13 juin 1794), cote : 4L79
Document du Comité de salut public aux sociétés populaires, 1793, cote : 386EDT399
Document la Société populaire régénérée de Falaise à la Convention nationale, 1793, cote :
386EDT399
Compte-rendu d’une séance de l’administration municipale, après 1795, cote : 3L952
Reproduction d’un bonnet phrygien, après 1795, cote : 3L952
3D : la violence des opposants à la Révolution
Correspondance, 17 décembre 1794, cote : 386EDT399
Bordereau d’envoi de la loi du 12 frimaire an III amnistiant les chouans qui déposent leurs armes, 1794,
Cote : 4L79
Chanson, 1789, cote : F3072
I. L’Ancien régime, un monde contesté
Au XVIIIe siècle, la France oscille entre tensions, contestations et espoirs de
changements.
1A. Une justice arbitraire
La justice en France sous l’Ancien Régime est la justice du roi qui reçoit de Dieu le
pouvoir de rendre justice : au moment du sacre, l’archevêque de Reims remet la
« main de justice », signe d’équité, et l’épée qui est le glaive de justice. Le Roi doit à
ses sujets une justice bonne et rapide.
La lettre de cachet est le symbole de cette justice qui émane seulement du roi, une
justice qui apparaît arbitraire. La lettre de cachet est une lettre fermée signée du roi,
contenant le plus souvent un ordre individuel d’exil ou d’emprisonnement. Les
accusés ne sont pas mélangés avec des prisonniers classiques. La Bastille, le
château de Vincennes et le Mont-Saint-Michel sont les lieux d’enfermement les plus
connus mais ils sont loin d’être les seuls.
Après l’enfermement, l’administration enquête pour vérifier les accusations portées
mais on peut considérer cette justice comme arbitraire puisque les procédures sont
secrètes et les enquêteurs s’appuient sur leur opinion personnelle.
Document :
Lettres (rapport d’enquête sur Victor Dubourg)
1er septembre 1746
Cote : C345
er
Lettres (rapport d’enquête sur Victor Dubourg), 1 septembre 1746, cote : C345
Selon les documents des Archives du Calvados, un certain Victor Dubourg est
arrêté par ordre du roi et est conduit au mois d’août 1745 à l’abbaye du Mont SaintMichel. Il est accusé d’avoir diffusé des journaux contre la monarchie. Ces journaux
auraient été diffusés à partir de Francfort.
Le roi demande qu’ « une personne digne de confiance et assez intelligente »
enquête pour connaître sa vie, sa personnalité et comprenne cette affaire des
« feuilles de Francfort ».
Celui qui est chargé de l’enquête est allé interroger Victor Dubourg au Mont SaintMichel et explique les conditions très difficiles de son emprisonnement : « ce jour,
j’ai travaillé deux heures jusqu’à six que le froid me força de quitter l’endroit où il est
estant très froid et très humide et sans y pouvoir allumer de feu. »
Victor Dubourg s’est laissé mourir de faim, « sans repenti » est-il précisé. Il est
resté en tout un an au Mont.
Atelier 1B : contre une fiscalité inégale et très lourde
Document :
Cahier de doléances de Cordey
1789
Cote : 16B63
Les Etats généraux sont tombés en désuétude : ils n’ont pas été convoqués depuis
1614. C’est aussi un aveu d’échec pour le roi qui n’a pu trouver de ressources
supplémentaires. En mars et avril 1789 se tiennent dans tout le royaume des réunions
pour élire des députés aux Etats généraux et rédiger les cahiers de doléances. Des
cahiers modèles sont diffusés par les Patriotes.
Il existe plusieurs cahiers de doléances de la région de Falaise : Aubigny,
Damblainville, Epaney, Eraines, Villy-lez-Falaise, Versainville, Soulangy, Saint-Martindu-Bû, Saint-Pierre-du-Bû, Saint-Pierre-Canivet, Cordey, Ce dernier est le plus lisible
et le plus bref.
Les réclamations concernent avant tout les réformes fiscales : les habitants
demandent un seul et unique impôt, une répartition de l’impôt en fonction des revenus
des sujets du roi, la fin des privilèges concernant l’impôt, la fin des droits seigneuriaux
(corvée, droit de banalité, garenne, colombier, forbannies), la fin de la gabelle.
Document :
Cahier de doléances de Soulangy
1789
Cote : 16B20
En introduction, le cahier de doléances de Soulangy indique la fusion de ces cahiers
en un seul par élection pour qu’ils puissent remonter aux Etats généraux :
« Remontrances et Doléances de la parroisse de Soulangy à sa majesté lesquelles
seroient portée par leurs députés à l’assemblée général qui se tiendra le neuf mars
prochain devans monsieur Bauché, lieutenants général au Bailliage de Falaise pour,
conjointement avec les députés des autres paroisses être formé un cayé de
Romontrance et doléance de l’élection de Falaise ». Atelier 1C : contre l’organisation
par ordre
L’article 1 du cahier de Soulangy demande un impôt unique et l’égalité devant
l’impôt : « « Nous suplions sa majesté de voulouer bien exiger de nous qu’un seul et
unique impôts au lieu et place de ceux étably sous différentes dénomination et que
cette impôts soit répartit par les assemblées municipalle sur tous les biens fonds de
quelque nature qu’il soient et sur les personnes qui n’ont point de bien fonds mais
seulement à proportion du gain par leurs travaille et industrie »
Atelier 1C : contre l’organisation par ordre
La société est encore divisée en trois ordres au XVIIIe siècle : 98% des Français
appartiennent au Tiers-Etat, 1% à la noblesse, 1% au clergé. Toutefois, ces ordres
sont aussi touchés par de très fortes inégalités internes. La crise de cette société est
déterminée par l'antagonisme qui oppose une organisation traditionnelle (fondée sur
la hiérarchie, l'inégalité, l'existence des ordres, la défense des privilèges = lois
particulières dont bénéficie un groupe social ou un lieu) et les nouvelles aspirations
des classes qui montent. D'année en année, le décalage est davantage accentué par
le déplacement de richesses qui appauvrit la noblesse et enrichit la bourgeoisie, par
l'évolution des esprits, la remise en cause des fondements juridiques et intellectuels
de l'ordre traditionnel. Le raidissement des nobles et des privilégiés contribue à
exaspérer les antagonismes et ce d'autant plus que le pouvoir royal n'est plus en
mesure de les départager.
L’appartenance aux deux premiers ordres garantit des privilèges nombreux :
exemptions fiscales, en particulier pour le clergé, autorisation de prélever des impôts,
droits seigneuriaux, sur les fiefs laïcs ou religieux, possibilité d’accéder à différentes
fonctions politiques ou militaires, ainsi que de nombreux privilèges honorifiques, dont
le port de l’épée, théoriquement réservé à la noblesse.
Dans les pamphlets qui circulent en 1789 contre l’Ancien Régime, nombreux sont
ceux qui critiquent cette société organisée par ordre, les deux premiers ordres
bénéficiant de très nombreux privilèges. Néanmoins, le clergé est divisé entre un haut
clergé, vivant très confortablement et formant un véritable « lobby » contre les
réformes, et un bas clergé, vivant avec de maigres revenus mais de mieux en mieux
formé et pouvant soutenir les revendications sociales et économiques du Tiers-Etat.
Document :
La fable des trois frères
1789
Cote : F2428
La fable des trois frères écrite en 1789 critique cette division en ordre et donc cette
société inégalitaire : la maison est bien sûr le royaume français. Le premier des trois
frères, la noblesse, « battoit ses gens, mangeoit, buvoit et s’amusoit ». La noblesse
était à l’origine l’ordre qui combattait. Le cadet, c’est le clergé : « le second, mieux
qu’aucun, partagé par son père, sous la condition de prier pour les trois, tant au lit,
qu’à la table, ou dans la Cour des Rois passoit son temps, et laissoit les prières à de
malheureux mercenaires ». Le deuxième ordre prie pour le salut des deux autres.
Enfin, le troisième ordre, le Tiers-Etat doit travailler pour la noblesse et le clergé. Cette
fable dénonce ainsi la société inégalitaire : « un jour ma maison mal construite,
craqua, fléchit ». Les trois ordres refusant de s’unir, « la maison tombe et les écrase
tous ».
A la fin de la fable, l’auteur en appelle à une réaction du peuple, en tout cas à des
débats autour de cette société inégalitaire.
Document :
Arlequin réformateur dans la cuisine des moines ou Plan pour réprimer la gloutonnerie
monacale, au profit de la Nation épuisée par les brigandages de harpies financières
1789
Cote : 386EDT399
Ces revendications contre un haut clergé opulent et ayant perdu de vue son devoir
religieux se retrouvent également dans les cahiers de doléances. Dans celui de
Soulangy, l’abbé de Saint-Evroult est accusé de posséder la moitié du revenu de la
paroisse.
Atelier 1D : les revendications des femmes
Document :
La requête des femmes pour leur admission aux Etats généraux
1789
Cote : F2544
L’auteur, une femme, argumente et réclame une place pour la femme dans les
décisions nationales. Elle propose la constitution d’un quatrième ordre et explique que
la tenue des précédents Etats généraux, en 1483 à Tours, en 1560 à Orléans, en
1576 et 1588 à Blois, en 1614 à Paris, a été irrégulière, puisque la moitié du royaume
en était exclue. « Nous formons cependant la plus saine et la majeure partie de la
Nation ». Pour convaincre, elle compare le royaume de France à des Etats considérés
comme inférieurs : « Que les peuples barbares qui nous tiennent indignement
renfermées dans des serrails, aient jugé à propos de nous exclure de toute
administration, rien n’est moins étonnant ; [...] mais qu’en France, où nous sommes le
canal par où passent toutes les graces, & où nous faisons tout, on n’ait pas encore
songé à nous admettre aux Etats généraux, on a peine à se le persuader. Elle récuse
la réputation de « sexe faible et pusillanime ». La femme devrait cependant être mère
pour siéger aux Etats généraux.
La femme est toujours considérée comme une mineure : avant le mariage, elle est
sous la tutelle de son père qui lui choisit son époux ; pendant son mariage, elle est
sous l’autorité de son mari ; si elle commet l’adultère, elle pourra être arrêtée et
enfermée selon les souhaits de son époux. Le divorce lui est interdit ; veuve, elle
retournera sous l’autorité du conseil de famille.
Les revendications pour les conditions de travail sont très rares, par contre, de
nombreux salons débattent de la place de la femme dans la société et la politique.
Nicolas et Sophie de Condorcet revendiquent l’égalité des sexes. Les femmes ne
seront pas autorisées aux Etats généraux.
Atelier 1E: une monarchie affaiblie ?
Dans les cahiers de Falaise, le roi n’est pas attaqué directement. Les rédacteurs
préfèrent alléguer qu’il n’a pas été informé des abus de l’administration et des
seigneurs contre la population et qu’il n’a pas pu y remédier.
Document :
Cahier de doléance d’Aubigny
1789
Cote : 16B20
Le cahier de doléances d’Aubigny est plutôt humble :
- Il commence par « adulation des habitants de ladite paroisse »
- « il n’y a point de citoyen qui ne fuit plus charmé de payer aux finances du roy qu’à
aucun seigneur du royaume »
- « S’il était encore de la bonté du roy de permettre… »
Document :
Cahier de doléances des habitants de Damblainville
1789
Cote : 16B72
Celui de Damblainville est beaucoup plus revendicatif et met en garde le roi contre
les abus des seigneurs et de ses intendants.
- « Premièrement, ils commencent à représenter à sa Majesté les vexations que les
généraux exercent contre eux au sujet des gabelles et aides »
- « Sire, voilà la justice qu’on exerce contre votre peuple du tiers-état »
- « Ah sire, secourez-nous, nous implorons votre clémence, il n’y a qu’à vous que
nous avons recours, expulsez ceux qui dévastent votre royaume et qui font mourir vos
sujets de faim »
- « C’est pourquoi nous supplions donc votre majesté de réduire tous les impôts que
nous avons payés par le passé en un seul, c’est le vœu de toute la nation afin que
nous soyons délivrés de ces tyrans qui nous lasseront le temps de dresser des prières
au ciel pour la prospérité, Sire, de votre personne et la conservation de votre
Royaume ».
Dans celui de Versainville, on trouve une demande de dialogue régulier avec le roi : à
l’article 12, « la périodicité des Etats-généraux fixée suivant la prudence et la bonté de
sa Majesté conjointement avec ledit Ministre de ses finances et ceux qui prennent les
intérest de la Nation » est demandée. La régularité des Etats généraux changerait la
nature même de la monarchie. Nous retrouvons cette revendication dans le cahier de
Saint-Pierre-Canivet qui fixe la périodicité à quatre ou cinq ans.
On retrouve dans d’autres écrits cette idée du roi bon et juste mais mal conseillé et
ignorant des injustices et des inégalités qui frappent son peuple. Les coupables
désignés sont les privilégiés de la noblesse et du clergé.
Document :
Introduction d’un pamphlet « La passion, la mort et la résurrection du peuple »
1789
Cote : F2428
II. La Révolution crée un monde nouveau en mettant
fin à l’absolutisme
Atelier 2A : l’entrée des Français en politique
Les cahiers de doléances marquent l’entrée massive des Français en politique. Des
cahiers modèles auraient été distribués par les Patriotes. Cependant, le corpus de
cahiers de doléances autour de Falaise montre que les habitants ont personnalisé ces
documents. Certains sont très courts (à peine une page pour celui de Villy-lesFalaise), d’autres beaucoup plus longs (plus de six pages pour celui de
Damblainville).
Dans le cahier de doléances de Cordey, les habitants ne supplient pas le roi et ne
l’accusent pas. Mais ils « demandent » fermement. Ils réclament dans le premier
article que le Tiers-Etat puisse « opiner par tête et non par ordre ».
Devant l’accélération des événements à Paris, dans toute la France et même à
l’étranger, les Français ont besoin d’information. Depuis la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen, ils ont droit à la liberté d’expression. Ainsi de nombreux
journaux vont voir le jour dès 1789. Un nouveau périodique paraît chaque jour
jusqu’en 1792.
Document :
Une du Journal des Clubs ou Sociétés patriotiques
11 au 18 novembre an II (1793)
Cote : 13T8/19
Document :
Discours prononcé par le sans-culotte Bernazais fils
A partir de 1791
Cote : 386EEDT388
Le papier est de mauvaise qualité, les feuilles sont en général pliées en quatre ou
huit. Le format est bien plus petit que celui des journaux actuels. Des clubs naissent
spontanément en 1789, dans de nombreuses villes de France. Ces clubs sont assez
autonomes et ont des idées et des initiatives. Les sociétés populaires sont créées à
partir de 1791 par l’Assemblée nationale pour contrôler les municipalités, veiller à
l’application des lois révolutionnaires et propager les idées de la Révolution.
Atelier 2B : une société égalitaire et libre
Document :
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
1793
Pierre de la Bastille
La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen est votée le 26 août 1789. Elle
reconnaît aux citoyens français des droits naturels. Celle-ci est la déclaration des
droits réitérée en 1793, quelque peu différente toutefois.
Cette déclaration figure dans de nombreux documents révolutionnaires : elle reste une
référence nationale et internationale.
Document :
Timbre dans une correspondance de l’agent national du district de Rouen au district
de Falaise
8 ventôse an III (26 février 1795)
Cote : 386EDT192
Article 10 de la Déclaration des droits : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions,
même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi
par la loi ». Ce sont les débuts de la laïcité. Les protestants, déjà électeurs et éligibles
aux Etats généraux, obtiennent l’accès à tous les emplois en décembre 1789, la
liberté de culte en septembre 1791 (souvent exercée dans des églises vendues
comme biens nationaux).
Pour les juifs, c’est plus compliqué que pour les protestants. Ils sont environ 40 000,
regroupés en petites communautés. L’antijudaïsme est traditionnel chez les
théologiens, mais aussi chez des philosophes comme Voltaire. Montesquieu appelle à
la tolérance et non à la liberté et à l’égalité.
Document :
Lettres patentes du roi concernant l’aliénation des terrains nationaux
7 août 1790
Cote : 386EDT102
Les archives ont conservé des lettres patentes du roi datées du 7 août 1790. Elles
sont publiées suite au décret de l’Assemblée nationale du 20 juillet : elles suppriment
les taxes qui pesaient sur les juifs : « L’Assemblée Nationale considérant que la
protection de la force publique est due à tous les habitans de notre Royaume
indistinctement, sans autre condition que celle d’en acquitter les contributions
communes ».
Atelier 2C : de la fin de l’absolutisme à la fin de la monarchie
L’étude des timbres des documents officiels émis pendant la Révolution française
montre le passage de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle, puis à la
République.
Document :
Estampe monochrome, imprimée par le Bureau des Révolutions de Paris
Sans date, avant octobre 1789
Cote : 17Fi1095
Très vite, les Etats généraux convoqués à Versailles le 5 mai 1789 pour résoudre la
grave crise financière qui touche le pays, échappent au contrôle du roi et de ses
ministres. Plus d’un mois est consacré au débat du vote par tête ou par ordre. Le 17
juin 1789, les députés du Tiers-état se proclament Assemblée nationale et se donnent
des pouvoirs fiscaux. Louis XVI et Necker hésitent sur la conduite à tenir. Le 20 juin,
les députés trouvent leur salle des Menus-Plaisirs fermée. Ils se rendent dans la salle
voisine du « Jeu de Paume » et y prononcent le fameux « serment de ne jamais se
séparer et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront jusqu’à ce que la
Constitution du Royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». Cet
événement fondateur sera à l’origine de la séparation des pouvoirs et de la
souveraineté nationale. Louis XVI cède et ordonne aux députés du clergé et de la
noblesse de se fondre dans l’Assemblée nationale qui se proclame, le 7 juillet,
Assemblée constituante. En juin 1789, avant la prise de la Bastille, c’est la fin de la
monarchie absolue.
Document :
Décrets de l’assemblée nationale rendus les 18 et 21 juin, sanctionnés par le roi, les
23 et 25 du même mois, sur la perception des Dîmes, Champarts, et autres droits de
pareille nature ;
1790
Cote : 386EDT532
Après juillet 1789, les lettres patentes ont comme devise « la Loi et le Roi », entourée
par « Assemblée nationale » : le pouvoir du roi est subordonné à celui de la Nation. Si
l’on étudie les symboles, les timbres associent les textes de loi et la richesse de la
Nation aux symboles monarchiques : fleurs de lys, main de justice, l’épée et les
éperons d’or.
L’origine du pouvoir n’est plus Dieu mais la Nation.
La loi est maintenant dite « donnée à Paris », « Louis, par la grâce de Dieu, & par la
Loi Constitutionnelle de l’Etat, Roi des François », « L’Assemblée Nationale a décrété,
& Nous voulons et ordonnons ce qui suit ».
Document :
Lettres patentes du Roi, sur le décret de l’Assemblée Nationale, du 20 juillet dernier,
portant suppression des droits d’habitation, de protection, de tolérance et de
redevances semblables sur les juifs
7 août 1790
Cote 386EDT102
La couronne est aussi présente dans certains documents.
Document :
Fragment d’assignat
4 janvier 1792
Cote Fi1Q480
Et sur les assignats, « Louis XVI roi des François » remplaçant « Louis roi de
France »
Document :
1789
Cote 386Edt192
On retrouve cette association dans les documents départementaux
Le double-jeu de Louis XVI entre acceptation de la Révolution et fuite, bloquant le
fonctionnement de la monarchie constitutionnelle, les premiers échecs militaires et les
conflits entre l’Assemblée modérée et les sans-culottes vont mettre fin à la monarchie.
Document :
Timbres extraits du Registre des Délibérations du Conseil général permanent du
District de Falaise. Il date du « 2 Ventôse, an second de la République, une &
indivisible ».
2 ventôse an II (20 février 1794)
Cote : 386EDT399
Toute référence à la monarchie a disparu, ce régime politique ayant été remplacé par
la « République française » depuis le 22 septembre 1792 premier jour de l’An 1 de la
République. Le bonnet phrygien est utilisé de plus en plus, symbole de la puissance
montante des sans-culottes. A noter que le bonnet phrygien, qui vient entre autres du
bonnet de la liberté des esclaves affranchis de l’Antiquité, reculera après le 9
thermidor et la chute de Robespierre.
Les timbres nous montrent également la radicalisation de la Révolution à partir de
1793 : les sans-culottes obtiennent la condamnation et l’exécution du roi, le 21 janvier
1793 puis en juin 1793, ils imposent l’élimination des Girondins par la Convention. Le
langage se radicalise dans les devises : on passe de « liberté, égalité » à « liberté,
égalité, fraternité ou la mort » et « Mort aux tyrans », référence évidente à la mort du
roi.
Atelier 2D : un monde nouveau fondé sur la raison
L’essor du culte de la Raison est lié à la déchristianisation, opérée d’abord en
province. La Raison est aussi un des grands principes défendus par les Lumières.
Document :
Timbre du comité de Surveillance et Révolutionnaire de Rouen
25 prairial an II (13 juin 1794)
Cote : 4L79
Document :
Paroles pour le citoyen Frémanger, représentant du peuple, à Falaise
S.d.
Cote : 386EDT399
Chanson dédiée à la Raison, déifiée
Un nouveau calendrier est adopté en 1793 et sera utilisé jusqu’en 1806. Il est
organisé par un système décimal et supplante le calendrier grégorien donc le
christianisme. Le premier jour de ce calendrier est le 22 septembre 1792. Les noms
des mois se calquent sur les saisons et les climats.
Document :
Calendrier de l’almanach
1795
Cote : nouv acq 1199
Les Archives du Calvados conservent le calendrier de l’Almanach sous-verre pour l’an
quatrième. Le monde nouveau se réfère à la nature. On peut le voir en particulier
dans les pages qui précèdent et suivent le calendrier, pages consacrées aux sciences
naturelles. Le nouveau système est difficilement intégré par les Français puisque ce
calendrier de la 4e année présente toujours les deux systèmes, l’ancien et le nouveau.
On constate que les saints chrétiens sont conservés.
Atelier 2E : une redistribution des biens
Document :
Lettres patentes du roi concernant l’aliénation des terrains nationaux
25 juillet 1790
Cote : 386EDT102
Le 2 novembre 1789, l’Assemblée constituante vote le décret plaçant les biens de
l’Eglise à la disposition de la Nation. Les lettres patentes du roi du 25 juillet 1790
indiquent que cela permettra de relancer l’économie ainsi que d’épurer le déficit de la
monarchie.
Plusieurs étapes sont indispensables pour la vente de ces biens :
1- Inventorier les biens : c’est ainsi qu’est dressé le plan de l’abbaye de Falaise
Document :
Plan de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise
29 prairial an IV (17 juin 1796)
Cote : Fi1Q480
2- Estimer les biens : les Archives du Calvados conservent le procès-verbal de la
division et l’estimation des biens de l’abbaye.
Document :
Procès-verbal des terrains à aliéner de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise
16 brumaire an VII (6 novembre 1798)
Cote : 3L952
3- les enchères (plusieurs ont eu lieu. Ici, ce sont celles de 1793)
Document :
Biens nationaux à louer et à affermer à Falaise
2 février 1793
Cote : 3L952
4- l’adjudication. L’abbaye de Falaise se retrouve ainsi divisée entre plusieurs
nouveaux propriétaires.
Document :
Plan géométrique d’une partie de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise
29 prairial an IV (17 juin 1796)
Cote : Fi1Q480
Les assignats sont créés en décembre pour permettre d’acheter ces biens nationaux.
Document :
Assignats
14 janvier 1792
Cote : Fi1Q480
III. La Révolution, temps de chaos ?
Atelier 3A : des violences sporadiques de plus en plus fréquentes
Les débuts de la Révolution connaissent des épisodes violents mais peu organisés,
ou des périodes de troubles plus longues.
A la révolution politique succède une révolution populaire qui a d’abord lieu à Paris.
La prise de la Bastille est considérée comme un événement dans l’histoire de France,
par son retentissement en France (la Grande Peur) et à l’étranger (l’acceptation par le
roi de la cocarde avec le blanc royal, le bleu et le rouge de Paris atteste du succès de
la Révolution aux yeux des étrangers). Cet événement est immédiatement
commémoré par l’envoi de pierres de la Bastille dans toute la France dont on peut voir
un exemplaire aux Archives du Calvados.
Document :
Pierre portant la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793
Dite Pierre de la Bastille
Non cotée
Cette image est extraite de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1793, insérée dans une pierre de la Bastille. La Déclaration est symboliquement
encadrée par deux piliers dont l’un est soutenu par la prise de la Bastille le 14 juillet
1789. Si l’on considère les faits, ce n’est pas une rupture puisque des destructions
précédentes avaient donné lieu à un bilan bien plus lourd : ici, la Bastille était mal
défendue, le commandant a été tué, responsable d’une centaine de morts. Mais la
prise de la Bastille est un événement parce que cette citadelle était un symbole de
l’arbitraire royal et l’image nous montre ce qu’on a voulu retenir de l’événement, c’està-dire l’unité du peuple au premier plan face à la résistance du roi.
La Grande Peur, un épisode violent
Avant la prise de la Bastille, les ruraux sont entrés dans la contestation à travers les
émeutes de subsistance.
Entre le 20 juillet et la première semaine d’août, quatre peurs se conjuguent pour
semer la panique dans tout le royaume en créant une « gigantesque fausse
nouvelle » :
• peur de l’arrivée de brigands
• peur du complot des farines (des gens seraient là pour incendier les réserves)
• les brigands seraient à la solde des nobles
• peur d’une invasion de la France par des soldats étrangers
En représailles à la prise de la Bastille, l’aristocratie pousserait brigands et soldats
étrangers au pillage et au meurtre. Les communautés d’habitants vont alors se
retourner contre les seigneurs locaux.
Document :
Exposé fidèle et succinct de ce qui s’est passé à Falaise, depuis le 14 juillet 1789,
jusqu’au mois de Novembre suivant.
XIXe siècle
Cote : 8°477
Cette peur est évoquée dans un livre de la fin du XIXe siècle : Exposé fidèle et
succinct de ce qui s’est passé à Falaise, depuis le 14 juillet 1789, jusqu’au mois de
Novembre suivant. Le comte d’Aubigny, gouverneur du château de Falaise, se serait
rallié à la Révolution, en portant la cocarde patriotique. Les autres nobles rejetaient la
Révolution et le comte d’Aubigny. « Mais le lendemain ayant appris que les brigands
environnaient leurs châteaux pour les réduire en cendres, ces hommes nobles par
accident, déposèrent leur orgueil, & prièrent M. le commandant de voler à leur
secours. [...] Non content de purger continuellement le territoire de Falaise de cette
troupe de mauvais sujets, d’être sans cesse à leurs trousses, de les suivre partout &
de se multiplier pour ainsi dire sur leurs pas, de les dissiper par le feu de ses regards,
M. d’Aubigny calmait encore par sa sagesse & par la vénération héréditaire qu’on
porte à sa famille, l’effervescence des paysans irrités qui voulaient faire main-basse
sur la noblesse et sur le clergé, qu’ils accusaient de leurs désastres. »
Le massacre des Tuileries
Document :
Pierre portant la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793
Dite Pierre de la Bastille
Non cotée
Cette image est extraite de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1793, insérée dans une pierre de la Bastille. La Déclaration est symboliquement
encadrée par deux piliers. L’un est soutenu par la prise de la Bastille le 14 juillet 1789.
L’autre évoque le massacre des Tuileries le 10 août 1792.
On assiste à une montée en puissance de la violence en 1792. Dans le conflit qui
oppose l’Assemblée au roi sur les mesures à prendre face à la menace extérieure,
c’est le peuple parisien qui va prendre la parole en donnant l’assaut aux Tuileries.
Louis XVI doit se réfugier à l’Assemblée, qui le suspend et le fait emprisonner à la
prison du Temple. La prise des Tuileries a donné lieu à de véritables tueries. Près de
1000 hommes sont massacrés. En 1793, cette journée est commémorée car elle
symbolise la fin de la monarchie. On fait semblant de croire que les massacres étaient
utiles pour empêcher une contre-offensive des troupes du roi. Par contre, les
massacres de septembre sont minorés et peu utilisés dans la propagande.
La violence prend le dessus et devient incontrôlable : un tournant dans la Révolution,
l’exécution du roi
Document :
Bulletin des Lois de la République française, extrait du procès-verbal de la Convention
nationale du 19 nivôse an III
1794
Cote : 386EDT388
Evocation de l’exécution du roi Louis XVI, le 21 janvier 1793, en place de la
Révolution, actuelle place de la Concorde. Le roi paye sa timidité, voire son doublejeu vis-à-vis de la Révolution. La grande majorité des députés déclarent Louis XVI
coupable de trahison. Il est condamné à la peine capitale à une voix de majorité.
Cette exécution va faire basculer complètement la Révolution dans la radicalisation.
Atelier 3B : la guerre avec l’extérieur, accélérateur de la violence
Document :
Chanson républicaine
1789
Cote : F3072
Ces chants exaltent la violence et la justifie car elle permet de sauver la Nation. Les
Montagnards qui prônent la radicalité apparaissent comme ceux qui peuvent souder
et sauver la Nation
L’entrée en guerre accentue les tensions. C’est avec l’arrière-pensée d’une défaite de
la France révolutionnaire que Louis XVI approuve, le 20 avril 1792, la guerre contre
l’Autriche, décidée par les modérées et les Girondins de l’Assemblée. Les combats
s’engagent mal.
Trois chants conservés aux Archives départementales du Calvados témoignent de
l’accélération de la violence.
Document :
Chanson républicaine
1789
Cote : F3072
La chanson de la Carmagnole a connu de multiples versions. En voici une.
A la fin de 1792, après Valmy et Jemmapes, la situation militaire française est bonne
mais la politique conquérante de la Convention inquiète les puissances européennes.
Une nouvelle coalition se crée à l’instigation du premier ministre anglais William Pitt.
Elle réunit l’Angleterre, L’Autriche, la Prusse, les princes allemands, la Hollande,
Naples, le Portugal et l’Espagne. Les échecs militaires se succèdent pour la France
dans le Nord, l’Est et le Roussillon.
Ces échecs militaires provoquent l’arrestation des députés girondins le 2 juin 1793.
De nombreux départements et municipalités se révoltent contre ce coup d’Etat : c’est
la révolte fédéraliste.
Elle touche en particulier Toulon : les fédéralistes chassent les Jacobins, puis sont
chassés par les royalistes. Ceux-ci font appel à la flotte anglo-espagnole qui croise au
large pour soutenir les troupes engagées dans le Roussillon. Le 28 août, 13 000
Britanniques, Espagnols, Sardes et Napolitains débarquent à Toulon. Pour mater ces
insurrections fédéralistes, le Comité de Salut Public envoie l’armée dite des
« Carmagnoles ». Le siège dure quatre mois et Bonaparte, chef d’artillerie, chasse les
Anglais le 19 décembre « Nous avons chassé de Toulon / tous les esclaves
d’Albion ». Les révolutionnaires entrent dans la ville de Toulon. La répression y est
sanglante. La dernière strophe exalte la violence du Comité de Salut public.
Atelier 3C : une République et une dictature, la Terreur
En juin 1793, les sans-culottes éliminent les Girondins de la Convention. La contrerévolution fait des progrès : tout l’Ouest de la France se lève contre ce coup d’Etat,
Charlotte Corday assassine Marat (c’est un acte isolé).
Un maillage du territoire très efficace est constitué à travers les comités de
surveillance, dans tous les départements.
Document :
Tableau du comité de surveillance de la commune de Falaise
25 prairial an II (13 juin 1794)
Cote : 4L79
Renseignements sur les personnes détenues (noms, domicile, âge, enfants, raisons
de sa détention, profession, ses relations et ses liaisons). Une colonne indique « le
caractère et les opinions politiques qu’il a montrés dans les mois de mai, juillet et
octobre 1789, au 10 août, à la fuite et à la mort du tyran ; au 31 mai et dans les crises
de la guerre ; s’il a signé des pétitions ou arrêtés liberticides ».
Document :
Correspondance du comité de surveillance et révolutionnaire de Rouen à l’agent
national du District de Falaise annonçant l’arrivé d’un condamné.
25 prairial an II (13 juin 1794)
Cote : 4L79
Le 10 octobre, la Convention décrète que « le gouvernement provisoire de la France
sera révolutionnaire jusqu’à la paix ». Le rouage essentiel du gouvernement
révolutionnaire est le Comité de Salut public. Celui-ci met en place la Terreur grâce au
Tribunal révolutionnaire de Paris et en province, grâce aux sociétés populaires et aux
représentants en mission.
Document :
Document du Comité de salut public aux sociétés populaires
1793
Cote : 386EDT399
Dans ce document émanant du Comité de Salut public et à destination des sociétés
populaires, on comprend que les sociétés populaires sont un rouage essentiel de la
Terreur, pour « enlacer tous les ennemis du peuple »
Document :
Document la Société populaire régénérée de Falaise à la Convention nationale
1793
Cote : 386EDT399
Falaise a également sa société populaire. On retrouve dans ce rapport de la société
populaire à la Convention Nationale le vocabulaire propre à cette période. Dans ce
document, la société populaire réfute les progrès de la Contre-révolution.
On voit qu’un langage radical s’installe, qui interdit toute compromission, exige des
punitions exemplaires et justifie toutes les violences. Cette dictature de la Terreur va
prendre fin en 1794. Mais l’affaire des bonnets rouges à Falaise montre que certains
extrémistes souhaitent un retour à cette période radicale. Les modérés (tels La
Cocherie) sont considérés comme des « chouans », c’est-à-dire des contrerévolutionnaires.
Document :
Compte-rendu d’une séance de l’administration municipale
Après 1795
Cote : 3L952
Nous pouvons reconstituer l’« affaire des bonnets rouges ». Nous savons que lors de
cette séance, un des personnages de l’administration municipale s’appelle Lacocherie
et qu’il est commissaire du Directoire exécutif. Cette séance est consacrée aux
Bonnets rouges : cinq bonnets phrygiens rouges ont été posés pendant la nuit dans
différents endroits de la ville. C’est le commissaire Yvendorff qui est chargé de l’affaire
et qui a recueilli ces bonnets rouges rapportés entre autres par le citoyen Combray.
Etaient pointés sur ces bonnets, avec une épingle, deux carrés de papier faisant
référence à la Constitution de 93, demandant le retour des Jacobins, des bons
patriotes et des Montagnards. L’administration municipale est considérée comme
modérée : Lacocherie reçoit donc des menaces de mort.
Document :
Reproduction d’un bonnet phrygien
Après 1795
Cote : 3L952
Atelier 3D : la violence des opposants à la Révolution
Deux types de contre-révolutionnaires coexistent pendant la Révolution :
• les anti-Lumières refusent toute innovation politique, sociale ou religieuse
• les soulèvements populaires qui mêlent mécontentements sociaux, refus des
réformes religieuses. Ils veulent en général davantage d’autonomie et de
libertés vis-à-vis du pouvoir central
Document :
Correspondance
17 décembre 1794
Cote : 386EDT399
L’auteur regrette l’indifférence de nombreux Falaisiens vis-à-vis de la Révolution. Le
document suivant montre qu’il semble y avoir des contre-révolutionnaires dans cette
ville puisqu’on leur propose la liberté s’ils se rendent. Cette lettre date du 27 frimaire
de l’an III. Les auteurs sont Guezno et Guermeur, représentants du peuple près des
armées des côtes de Brest et de Cherbourg et dans les Départements de leurs
Arrondissements.
Document :
Bordereau d’envoi de la loi du 12 frimaire an III amnistiant les chouans qui déposent
leurs armes
1794
Cote : 4L79
Les émigrés sont les nobles qui s’expatrient volontairement dès le début de la
Révolution, suivant le comte d’Artois, frère de Louis XVI. L’assemblée les somme de
revenir, leurs biens sont frappés de séquestre puis mis en vente au profit de la nation
en 1791.
Document :
Chanson
1789
Cote : F3072
On voit dans cette chanson que la Contre-révolution menée par les émigrés est
idéologique et militaire. Lorsque l’Assemblée nationale déclare la guerre au roi de
Bohême, les rassemblements d’émigrés vont être partagés en trois corps dont celui
du prince de Condé, cousin de Louis XVI. Ce corps fait les campagnes de 1793 et
1794 avec l’armée autrichienne, puis passera du côté des Anglais. Ce corps sera
dissous en 1800. On peut considérer que les émigrés ont échoué militairement.
CONCLUSION
La Révolution a changé la France sur le long terme : les Français ont appris la
démocratie, la politique, une relative liberté religieuse, l’existence des droits naturels.
Ils ont changé leurs cadres administratifs, leur justice et leurs finances.
Mais la Révolution a bien sûr ses limites telles que la violence des hommes, des
femmes, de l’Etat. Certains changements n’ont jamais été adoptés par les
populations : le calendrier décimal, le culte de l’Etre suprême, les assignats. La moitié
de la population a été « oubliée » par la Révolution puisque les femmes n’ont pas
obtenu des droits nouveaux. La Révolution a pris fin en 1799 avec le coup d’Etat de
Napoléon Bonaparte qui ouvre un siècle de révolutions et d’échecs de la démocratie.
Falaise a connu ces deux pans de la Révolution : les changements ont été mis en
place, avec parfois beaucoup de violence. De leur côté, beaucoup de Falaisiens ont
semblé bien « tièdes » vis-à-vis de cette Révolution.
Les Archives du Calvados regorgent de documents sur cette période. Le choix des
documents proposés a été difficile et frustrant. D’autres documents pourraient être
consultés sur place par les élèves.
Ce dossier pédagogique est le fruit d’un projet mené avec les élèves de Seconde 4 du
lycée Louis Liard à Falaise. Le contexte historique contemporain a permis à ceux-ci
de comparer la Révolution Française aux révolutions arabes et de relativiser
l’impatience à voir aboutir rapidement ces révolutions actuelles.
Julie Le Cunff
Enseignante détachée - Service éducatif
Archives départementales du Calvados
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