Étudier et valoriser le patrimoine Les dossiers pédagogiques du service éducatif des Archives du Calvados « ENQUÊTE D’ARCHIVES » La Révolution Française À travers l’exemple de la ville de Falaise 2013 Service éducatif des Archives départementales du Calvados 61 rue de Lion-sur-mer 14000 CAEN Tél : 02 31 47 18 50 - Mél : [email protected] Illustration en première de couverture : placard en forme de bonnet phrygien (Archives du Calvados, 3L952). Dossier pédagogique réalisé par Julie Le Cunff, enseignante du service éducatif du second degré Bibliographie Biard, M, Bourdin, P, Marzagalli, S, 1789-1815, Révolution, Consulat, Empire, Belin, 2009 Martin, J –C, La Révolution française, Documentation photographique n°8054, 2006 Les collections de l’Histoire, « La révolution française », n°25, 2004 Site internet de L’Histoire par l’image. LE SERVICE EDUCATIF Le service éducatif des Archives du Calvados a vocation : • • • à faire découvrir la richesse du patrimoine archivistique du Calvados à accompagner les enseignants et leurs élèves dans leurs projets culturels en lien avec les programmes scolaires d’histoire, géographie, éducation civique, juridique et sociale (ECJS), français, sciences, patrimoine local histoire des arts, Seconde Guerre Mondiale… pour 2013-2014 : à produire des ressources documentaires et à accompagner les projets pédagogiques menés conjointement par les Archives départementales et l’Education Nationale dans le cadre des commémorations des deux conflits mondiaux Animé par deux enseignants mis à disposition par l'Education nationale et un attaché de conservation du patrimoine, il propose : - - des ressources documentaires (documents d’archives, inventaires d’archives, bibliographies, brochures) à télécharger sur le site Internet www.archives.calvados.fr ; des visites des Archives départementales du Calvados (sur rendez-vous) ; des séances de travail sur documents en salle de lecture aux Archives du Calvados (sur rendez-vous) ; des interventions dans les classes avec des documents numérisés ou sur des projets spécifiques et définis avec l’enseignant de la classe ; des expositions itinérantes à emprunter gratuitement (présentation et renseignements dans la rubrique « Apprendre avec les archives » sur www.archives.calvados.fr). Informations pratiques Archives du Calvados 61 rue de Lion sur mer 14000 CAEN Tél : 02 31 47 18 50 Mèl : [email protected] DOSSIER PEDAGOGIQUE SUR LA REVOLUTION FRANÇAISE A FALAISE, 1789-1799 Intégration pédagogique Niveaux concernés : classes de quatrième, classes de seconde Place dans le programme : La contestation de l’Ancien Régime (Quatrième). La fin de l’absolutisme (Seconde). Contenus du dossier : - des archives numérisées (administration révolutionnaire, presse, cours et juridiction d’Ancien Régime, cahiers de doléances, archives communales déposées de Falaise, etc…) ; - des éléments de contexte ; Problématiques • • • • Comprendre la Révolution comme une rupture dans l’histoire de France et de l’Europe, mais aussi comme un trait d’union entre les contestations déjà très nombreuses de la monarchie absolue au XVIIIe siècle, dans un contexte de Révolutions européennes et américaine, et le XIXe siècle, siècle de révolutions sociales, politiques et libérales mais aussi siècle de construction nationale. Comment la Révolution française a pu, sur une courte durée, créer un monde nouveau ? Comment analyser les tiraillements de la Révolution française entre les aspirations à la liberté, à l’égalité et les violences populaires et étatiques ? Comment le peuple, hommes et femmes, va entrer en politique, par le vote, les journaux, les clubs, les sociétés populaires, les débats. Ces problématiques sont abordées au travers trois thématiques : I – L’Ancien Régime, un monde contesté II – La Révolution crée un monde nouveau en mettant fin à l’absolutisme III – La Révolution, temps de chaos ? Pour chacune de ces thématiques, les élèves travaillent en groupe et chaque groupe est responsable d’un atelier : lors des heures aux archives le groupe prélève les informations dans les documents à l’aide de questionnaires. Puis, de retour en classe, le groupe confronte les documents aux travaux scientifiques sur la Révolution. La reproduction sur support papier des documents, sous réserve de citation des crédits photographiques et des cotes (© Archives du Calvados), est autorisée à des fins exclusivement pédagogiques et non commerciales, dans le cadre scolaire. LA REVOLUTION FRANÇAISE 1789 – 1799 En dix ans, peut-on mettre en place un monde nouveau ? I. L’Ancien Régime, un monde contesté 1A : Une justice arbitraire er Lettres (rapport d’enquête sur Victor Dubourg), 1 septembre 1746, cote : C345 1B : contre une fiscalité inégale et très lourde Cahier de doléances de Cordey, 1789, cote : 16B63 Cahier de doléances de Soulangy, 1789, cote : 16B20 1C : contre l’organisation par ordre La fable des trois frères, 1789, cote : F2428 Arlequin réformateur dans la cuisine des moines, 1789, cote : 386EDT399 1D : les revendications des femmes La requête des femmes pour leur admission aux Etats généraux, 1789, cote : F2544 1E : une monarchie affaiblie ? Cahier de doléances d’Aubigny, 1789, cote : 16B20 Cahier de doléances de Damblainville, 1789, cote : 16B72 Introduction d’un pamphlet « La passion la mort et la résurrection du peuple », 1789, cote : F2428 II. La Révolution crée un monde nouveau en mettant fin à l’absolutisme 2A : l’entrée des Français en politique Journal des Clubs ou Sociétés patriotiques, 11 au 18 novembre an II (1793), cote : 13T8/19 Discours prononcé par le sans-culotte Bernazais fils, à partir de 1791, cote : 386EDT388 2B : une société égalitaire et libre Pierre portant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, non coté. Timbre dans une correspondance de l’agent national du district de Rouen au district de Falaise, 8 ventôse an III (26 février 1795), cote : 386EDT192 Lettres patentes du roi concernant l’aliénation des terrains nationaux, 25 juillet 1790, cote : 386EDT102 2C : de la fin de l’absolutisme à la fin de la monarchie Estampe monochrome, imprimée par le Bureau des Révolutions de Paris, sans date, avant octobre 1789, cote : 17Fi1095 Décrets de l’Assemblée nationale rendus les 18 et 21 juin, sanctionnés par le roi les 23 et 25 du même mois, sur la perception des Dîmes, Champarts, et autres droits de pareille nature, 1790, cote : 386EDT532. Lettres patentes du Roi, sur le décret de l’Assemblée Nationale, du 20 juillet dernier, portant suppression des droits d’habitation, de protection, de tolérance et de redevances semblables sur les Juifs, 7 août 1790, cote : 386EDT102 Assignat, 1792, cote : Fi1Q480 Timbres extraits du Registre des Délibérations du Conseil général permanent du District de Falaise. 2 ventôse an II (20 février 1794), cote : 386EDT399 2D : un monde nouveau fondé sur la raison Timbre du comité de Surveillance et Révolutionnaire de Rouen, 25 prairial an II (13 juin 1794), cote : 4L79 Paroles pour le citoyen Frémanger, représentant du peuple, à Falaise, s.d., Cote : 386EDT399 Calendrier de l’almanach, 1795, cote : nouv acq 1199 2E : une redistribution des biens Lettres patentes du roi concernant l’aliénation des terrains nationaux, 25 juillet 1790, cote : 386EDT102 Plan de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise, 29 prairial an IV (17 juin 1796), cote : Fi1Q480 Procès-verbal des terrains à aliéner de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise, 16 brumaire an VII (6 novembre 1798), cote : 3L952 Biens nationaux à louer et à affermer à Falaise, 2 février 1793, cote : 3L952 Plan géométrique d’une partie de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise, 29 prairial an IV (17 juin 1796), cote : Fi1Q480 Assignats, 14 janvier 1792, cote : Fi1Q480 III. La Révolution, temps de chaos ? 3A : des violences sporadiques de plus en plus fréquentes Pierre portant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, non coté. Exposé fidèle et succinct de ce qui s’est passé à Falaise, depuis le 14 juillet 1789, jusqu’au mois de Novembre suivant, [XIXe siècle], cote : 8°477 Bulletin des Lois de la République française, extrait du procès-verbal de la Convention nationale du 19 nivôse an III, 1794, cote : 386EDT 388 3B : la guerre avec l’extérieur, accélérateur de la violence Chanson républicaine, 1789, cote : F3072 Chanson républicaine, 1789, cote : F3072 3C : une République et une dictature : la Terreur Tableau du comité de surveillance de la commune de Falaise, 25 prairial an II (13 juin 1794), cote : 4L79 Correspondance du comité de surveillance et révolutionnaire de Rouen à l’agent national du District de Falaise annonçant l’arrivé d’un condamné, 25 prairial an II (13 juin 1794), cote : 4L79 Document du Comité de salut public aux sociétés populaires, 1793, cote : 386EDT399 Document la Société populaire régénérée de Falaise à la Convention nationale, 1793, cote : 386EDT399 Compte-rendu d’une séance de l’administration municipale, après 1795, cote : 3L952 Reproduction d’un bonnet phrygien, après 1795, cote : 3L952 3D : la violence des opposants à la Révolution Correspondance, 17 décembre 1794, cote : 386EDT399 Bordereau d’envoi de la loi du 12 frimaire an III amnistiant les chouans qui déposent leurs armes, 1794, Cote : 4L79 Chanson, 1789, cote : F3072 I. L’Ancien régime, un monde contesté Au XVIIIe siècle, la France oscille entre tensions, contestations et espoirs de changements. 1A. Une justice arbitraire La justice en France sous l’Ancien Régime est la justice du roi qui reçoit de Dieu le pouvoir de rendre justice : au moment du sacre, l’archevêque de Reims remet la « main de justice », signe d’équité, et l’épée qui est le glaive de justice. Le Roi doit à ses sujets une justice bonne et rapide. La lettre de cachet est le symbole de cette justice qui émane seulement du roi, une justice qui apparaît arbitraire. La lettre de cachet est une lettre fermée signée du roi, contenant le plus souvent un ordre individuel d’exil ou d’emprisonnement. Les accusés ne sont pas mélangés avec des prisonniers classiques. La Bastille, le château de Vincennes et le Mont-Saint-Michel sont les lieux d’enfermement les plus connus mais ils sont loin d’être les seuls. Après l’enfermement, l’administration enquête pour vérifier les accusations portées mais on peut considérer cette justice comme arbitraire puisque les procédures sont secrètes et les enquêteurs s’appuient sur leur opinion personnelle. Document : Lettres (rapport d’enquête sur Victor Dubourg) 1er septembre 1746 Cote : C345 er Lettres (rapport d’enquête sur Victor Dubourg), 1 septembre 1746, cote : C345 Selon les documents des Archives du Calvados, un certain Victor Dubourg est arrêté par ordre du roi et est conduit au mois d’août 1745 à l’abbaye du Mont SaintMichel. Il est accusé d’avoir diffusé des journaux contre la monarchie. Ces journaux auraient été diffusés à partir de Francfort. Le roi demande qu’ « une personne digne de confiance et assez intelligente » enquête pour connaître sa vie, sa personnalité et comprenne cette affaire des « feuilles de Francfort ». Celui qui est chargé de l’enquête est allé interroger Victor Dubourg au Mont SaintMichel et explique les conditions très difficiles de son emprisonnement : « ce jour, j’ai travaillé deux heures jusqu’à six que le froid me força de quitter l’endroit où il est estant très froid et très humide et sans y pouvoir allumer de feu. » Victor Dubourg s’est laissé mourir de faim, « sans repenti » est-il précisé. Il est resté en tout un an au Mont. Atelier 1B : contre une fiscalité inégale et très lourde Document : Cahier de doléances de Cordey 1789 Cote : 16B63 Les Etats généraux sont tombés en désuétude : ils n’ont pas été convoqués depuis 1614. C’est aussi un aveu d’échec pour le roi qui n’a pu trouver de ressources supplémentaires. En mars et avril 1789 se tiennent dans tout le royaume des réunions pour élire des députés aux Etats généraux et rédiger les cahiers de doléances. Des cahiers modèles sont diffusés par les Patriotes. Il existe plusieurs cahiers de doléances de la région de Falaise : Aubigny, Damblainville, Epaney, Eraines, Villy-lez-Falaise, Versainville, Soulangy, Saint-Martindu-Bû, Saint-Pierre-du-Bû, Saint-Pierre-Canivet, Cordey, Ce dernier est le plus lisible et le plus bref. Les réclamations concernent avant tout les réformes fiscales : les habitants demandent un seul et unique impôt, une répartition de l’impôt en fonction des revenus des sujets du roi, la fin des privilèges concernant l’impôt, la fin des droits seigneuriaux (corvée, droit de banalité, garenne, colombier, forbannies), la fin de la gabelle. Document : Cahier de doléances de Soulangy 1789 Cote : 16B20 En introduction, le cahier de doléances de Soulangy indique la fusion de ces cahiers en un seul par élection pour qu’ils puissent remonter aux Etats généraux : « Remontrances et Doléances de la parroisse de Soulangy à sa majesté lesquelles seroient portée par leurs députés à l’assemblée général qui se tiendra le neuf mars prochain devans monsieur Bauché, lieutenants général au Bailliage de Falaise pour, conjointement avec les députés des autres paroisses être formé un cayé de Romontrance et doléance de l’élection de Falaise ». Atelier 1C : contre l’organisation par ordre L’article 1 du cahier de Soulangy demande un impôt unique et l’égalité devant l’impôt : « « Nous suplions sa majesté de voulouer bien exiger de nous qu’un seul et unique impôts au lieu et place de ceux étably sous différentes dénomination et que cette impôts soit répartit par les assemblées municipalle sur tous les biens fonds de quelque nature qu’il soient et sur les personnes qui n’ont point de bien fonds mais seulement à proportion du gain par leurs travaille et industrie » Atelier 1C : contre l’organisation par ordre La société est encore divisée en trois ordres au XVIIIe siècle : 98% des Français appartiennent au Tiers-Etat, 1% à la noblesse, 1% au clergé. Toutefois, ces ordres sont aussi touchés par de très fortes inégalités internes. La crise de cette société est déterminée par l'antagonisme qui oppose une organisation traditionnelle (fondée sur la hiérarchie, l'inégalité, l'existence des ordres, la défense des privilèges = lois particulières dont bénéficie un groupe social ou un lieu) et les nouvelles aspirations des classes qui montent. D'année en année, le décalage est davantage accentué par le déplacement de richesses qui appauvrit la noblesse et enrichit la bourgeoisie, par l'évolution des esprits, la remise en cause des fondements juridiques et intellectuels de l'ordre traditionnel. Le raidissement des nobles et des privilégiés contribue à exaspérer les antagonismes et ce d'autant plus que le pouvoir royal n'est plus en mesure de les départager. L’appartenance aux deux premiers ordres garantit des privilèges nombreux : exemptions fiscales, en particulier pour le clergé, autorisation de prélever des impôts, droits seigneuriaux, sur les fiefs laïcs ou religieux, possibilité d’accéder à différentes fonctions politiques ou militaires, ainsi que de nombreux privilèges honorifiques, dont le port de l’épée, théoriquement réservé à la noblesse. Dans les pamphlets qui circulent en 1789 contre l’Ancien Régime, nombreux sont ceux qui critiquent cette société organisée par ordre, les deux premiers ordres bénéficiant de très nombreux privilèges. Néanmoins, le clergé est divisé entre un haut clergé, vivant très confortablement et formant un véritable « lobby » contre les réformes, et un bas clergé, vivant avec de maigres revenus mais de mieux en mieux formé et pouvant soutenir les revendications sociales et économiques du Tiers-Etat. Document : La fable des trois frères 1789 Cote : F2428 La fable des trois frères écrite en 1789 critique cette division en ordre et donc cette société inégalitaire : la maison est bien sûr le royaume français. Le premier des trois frères, la noblesse, « battoit ses gens, mangeoit, buvoit et s’amusoit ». La noblesse était à l’origine l’ordre qui combattait. Le cadet, c’est le clergé : « le second, mieux qu’aucun, partagé par son père, sous la condition de prier pour les trois, tant au lit, qu’à la table, ou dans la Cour des Rois passoit son temps, et laissoit les prières à de malheureux mercenaires ». Le deuxième ordre prie pour le salut des deux autres. Enfin, le troisième ordre, le Tiers-Etat doit travailler pour la noblesse et le clergé. Cette fable dénonce ainsi la société inégalitaire : « un jour ma maison mal construite, craqua, fléchit ». Les trois ordres refusant de s’unir, « la maison tombe et les écrase tous ». A la fin de la fable, l’auteur en appelle à une réaction du peuple, en tout cas à des débats autour de cette société inégalitaire. Document : Arlequin réformateur dans la cuisine des moines ou Plan pour réprimer la gloutonnerie monacale, au profit de la Nation épuisée par les brigandages de harpies financières 1789 Cote : 386EDT399 Ces revendications contre un haut clergé opulent et ayant perdu de vue son devoir religieux se retrouvent également dans les cahiers de doléances. Dans celui de Soulangy, l’abbé de Saint-Evroult est accusé de posséder la moitié du revenu de la paroisse. Atelier 1D : les revendications des femmes Document : La requête des femmes pour leur admission aux Etats généraux 1789 Cote : F2544 L’auteur, une femme, argumente et réclame une place pour la femme dans les décisions nationales. Elle propose la constitution d’un quatrième ordre et explique que la tenue des précédents Etats généraux, en 1483 à Tours, en 1560 à Orléans, en 1576 et 1588 à Blois, en 1614 à Paris, a été irrégulière, puisque la moitié du royaume en était exclue. « Nous formons cependant la plus saine et la majeure partie de la Nation ». Pour convaincre, elle compare le royaume de France à des Etats considérés comme inférieurs : « Que les peuples barbares qui nous tiennent indignement renfermées dans des serrails, aient jugé à propos de nous exclure de toute administration, rien n’est moins étonnant ; [...] mais qu’en France, où nous sommes le canal par où passent toutes les graces, & où nous faisons tout, on n’ait pas encore songé à nous admettre aux Etats généraux, on a peine à se le persuader. Elle récuse la réputation de « sexe faible et pusillanime ». La femme devrait cependant être mère pour siéger aux Etats généraux. La femme est toujours considérée comme une mineure : avant le mariage, elle est sous la tutelle de son père qui lui choisit son époux ; pendant son mariage, elle est sous l’autorité de son mari ; si elle commet l’adultère, elle pourra être arrêtée et enfermée selon les souhaits de son époux. Le divorce lui est interdit ; veuve, elle retournera sous l’autorité du conseil de famille. Les revendications pour les conditions de travail sont très rares, par contre, de nombreux salons débattent de la place de la femme dans la société et la politique. Nicolas et Sophie de Condorcet revendiquent l’égalité des sexes. Les femmes ne seront pas autorisées aux Etats généraux. Atelier 1E: une monarchie affaiblie ? Dans les cahiers de Falaise, le roi n’est pas attaqué directement. Les rédacteurs préfèrent alléguer qu’il n’a pas été informé des abus de l’administration et des seigneurs contre la population et qu’il n’a pas pu y remédier. Document : Cahier de doléance d’Aubigny 1789 Cote : 16B20 Le cahier de doléances d’Aubigny est plutôt humble : - Il commence par « adulation des habitants de ladite paroisse » - « il n’y a point de citoyen qui ne fuit plus charmé de payer aux finances du roy qu’à aucun seigneur du royaume » - « S’il était encore de la bonté du roy de permettre… » Document : Cahier de doléances des habitants de Damblainville 1789 Cote : 16B72 Celui de Damblainville est beaucoup plus revendicatif et met en garde le roi contre les abus des seigneurs et de ses intendants. - « Premièrement, ils commencent à représenter à sa Majesté les vexations que les généraux exercent contre eux au sujet des gabelles et aides » - « Sire, voilà la justice qu’on exerce contre votre peuple du tiers-état » - « Ah sire, secourez-nous, nous implorons votre clémence, il n’y a qu’à vous que nous avons recours, expulsez ceux qui dévastent votre royaume et qui font mourir vos sujets de faim » - « C’est pourquoi nous supplions donc votre majesté de réduire tous les impôts que nous avons payés par le passé en un seul, c’est le vœu de toute la nation afin que nous soyons délivrés de ces tyrans qui nous lasseront le temps de dresser des prières au ciel pour la prospérité, Sire, de votre personne et la conservation de votre Royaume ». Dans celui de Versainville, on trouve une demande de dialogue régulier avec le roi : à l’article 12, « la périodicité des Etats-généraux fixée suivant la prudence et la bonté de sa Majesté conjointement avec ledit Ministre de ses finances et ceux qui prennent les intérest de la Nation » est demandée. La régularité des Etats généraux changerait la nature même de la monarchie. Nous retrouvons cette revendication dans le cahier de Saint-Pierre-Canivet qui fixe la périodicité à quatre ou cinq ans. On retrouve dans d’autres écrits cette idée du roi bon et juste mais mal conseillé et ignorant des injustices et des inégalités qui frappent son peuple. Les coupables désignés sont les privilégiés de la noblesse et du clergé. Document : Introduction d’un pamphlet « La passion, la mort et la résurrection du peuple » 1789 Cote : F2428 II. La Révolution crée un monde nouveau en mettant fin à l’absolutisme Atelier 2A : l’entrée des Français en politique Les cahiers de doléances marquent l’entrée massive des Français en politique. Des cahiers modèles auraient été distribués par les Patriotes. Cependant, le corpus de cahiers de doléances autour de Falaise montre que les habitants ont personnalisé ces documents. Certains sont très courts (à peine une page pour celui de Villy-lesFalaise), d’autres beaucoup plus longs (plus de six pages pour celui de Damblainville). Dans le cahier de doléances de Cordey, les habitants ne supplient pas le roi et ne l’accusent pas. Mais ils « demandent » fermement. Ils réclament dans le premier article que le Tiers-Etat puisse « opiner par tête et non par ordre ». Devant l’accélération des événements à Paris, dans toute la France et même à l’étranger, les Français ont besoin d’information. Depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ils ont droit à la liberté d’expression. Ainsi de nombreux journaux vont voir le jour dès 1789. Un nouveau périodique paraît chaque jour jusqu’en 1792. Document : Une du Journal des Clubs ou Sociétés patriotiques 11 au 18 novembre an II (1793) Cote : 13T8/19 Document : Discours prononcé par le sans-culotte Bernazais fils A partir de 1791 Cote : 386EEDT388 Le papier est de mauvaise qualité, les feuilles sont en général pliées en quatre ou huit. Le format est bien plus petit que celui des journaux actuels. Des clubs naissent spontanément en 1789, dans de nombreuses villes de France. Ces clubs sont assez autonomes et ont des idées et des initiatives. Les sociétés populaires sont créées à partir de 1791 par l’Assemblée nationale pour contrôler les municipalités, veiller à l’application des lois révolutionnaires et propager les idées de la Révolution. Atelier 2B : une société égalitaire et libre Document : Déclaration des droits de l’homme et du citoyen 1793 Pierre de la Bastille La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen est votée le 26 août 1789. Elle reconnaît aux citoyens français des droits naturels. Celle-ci est la déclaration des droits réitérée en 1793, quelque peu différente toutefois. Cette déclaration figure dans de nombreux documents révolutionnaires : elle reste une référence nationale et internationale. Document : Timbre dans une correspondance de l’agent national du district de Rouen au district de Falaise 8 ventôse an III (26 février 1795) Cote : 386EDT192 Article 10 de la Déclaration des droits : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Ce sont les débuts de la laïcité. Les protestants, déjà électeurs et éligibles aux Etats généraux, obtiennent l’accès à tous les emplois en décembre 1789, la liberté de culte en septembre 1791 (souvent exercée dans des églises vendues comme biens nationaux). Pour les juifs, c’est plus compliqué que pour les protestants. Ils sont environ 40 000, regroupés en petites communautés. L’antijudaïsme est traditionnel chez les théologiens, mais aussi chez des philosophes comme Voltaire. Montesquieu appelle à la tolérance et non à la liberté et à l’égalité. Document : Lettres patentes du roi concernant l’aliénation des terrains nationaux 7 août 1790 Cote : 386EDT102 Les archives ont conservé des lettres patentes du roi datées du 7 août 1790. Elles sont publiées suite au décret de l’Assemblée nationale du 20 juillet : elles suppriment les taxes qui pesaient sur les juifs : « L’Assemblée Nationale considérant que la protection de la force publique est due à tous les habitans de notre Royaume indistinctement, sans autre condition que celle d’en acquitter les contributions communes ». Atelier 2C : de la fin de l’absolutisme à la fin de la monarchie L’étude des timbres des documents officiels émis pendant la Révolution française montre le passage de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle, puis à la République. Document : Estampe monochrome, imprimée par le Bureau des Révolutions de Paris Sans date, avant octobre 1789 Cote : 17Fi1095 Très vite, les Etats généraux convoqués à Versailles le 5 mai 1789 pour résoudre la grave crise financière qui touche le pays, échappent au contrôle du roi et de ses ministres. Plus d’un mois est consacré au débat du vote par tête ou par ordre. Le 17 juin 1789, les députés du Tiers-état se proclament Assemblée nationale et se donnent des pouvoirs fiscaux. Louis XVI et Necker hésitent sur la conduite à tenir. Le 20 juin, les députés trouvent leur salle des Menus-Plaisirs fermée. Ils se rendent dans la salle voisine du « Jeu de Paume » et y prononcent le fameux « serment de ne jamais se séparer et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront jusqu’à ce que la Constitution du Royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». Cet événement fondateur sera à l’origine de la séparation des pouvoirs et de la souveraineté nationale. Louis XVI cède et ordonne aux députés du clergé et de la noblesse de se fondre dans l’Assemblée nationale qui se proclame, le 7 juillet, Assemblée constituante. En juin 1789, avant la prise de la Bastille, c’est la fin de la monarchie absolue. Document : Décrets de l’assemblée nationale rendus les 18 et 21 juin, sanctionnés par le roi, les 23 et 25 du même mois, sur la perception des Dîmes, Champarts, et autres droits de pareille nature ; 1790 Cote : 386EDT532 Après juillet 1789, les lettres patentes ont comme devise « la Loi et le Roi », entourée par « Assemblée nationale » : le pouvoir du roi est subordonné à celui de la Nation. Si l’on étudie les symboles, les timbres associent les textes de loi et la richesse de la Nation aux symboles monarchiques : fleurs de lys, main de justice, l’épée et les éperons d’or. L’origine du pouvoir n’est plus Dieu mais la Nation. La loi est maintenant dite « donnée à Paris », « Louis, par la grâce de Dieu, & par la Loi Constitutionnelle de l’Etat, Roi des François », « L’Assemblée Nationale a décrété, & Nous voulons et ordonnons ce qui suit ». Document : Lettres patentes du Roi, sur le décret de l’Assemblée Nationale, du 20 juillet dernier, portant suppression des droits d’habitation, de protection, de tolérance et de redevances semblables sur les juifs 7 août 1790 Cote 386EDT102 La couronne est aussi présente dans certains documents. Document : Fragment d’assignat 4 janvier 1792 Cote Fi1Q480 Et sur les assignats, « Louis XVI roi des François » remplaçant « Louis roi de France » Document : 1789 Cote 386Edt192 On retrouve cette association dans les documents départementaux Le double-jeu de Louis XVI entre acceptation de la Révolution et fuite, bloquant le fonctionnement de la monarchie constitutionnelle, les premiers échecs militaires et les conflits entre l’Assemblée modérée et les sans-culottes vont mettre fin à la monarchie. Document : Timbres extraits du Registre des Délibérations du Conseil général permanent du District de Falaise. Il date du « 2 Ventôse, an second de la République, une & indivisible ». 2 ventôse an II (20 février 1794) Cote : 386EDT399 Toute référence à la monarchie a disparu, ce régime politique ayant été remplacé par la « République française » depuis le 22 septembre 1792 premier jour de l’An 1 de la République. Le bonnet phrygien est utilisé de plus en plus, symbole de la puissance montante des sans-culottes. A noter que le bonnet phrygien, qui vient entre autres du bonnet de la liberté des esclaves affranchis de l’Antiquité, reculera après le 9 thermidor et la chute de Robespierre. Les timbres nous montrent également la radicalisation de la Révolution à partir de 1793 : les sans-culottes obtiennent la condamnation et l’exécution du roi, le 21 janvier 1793 puis en juin 1793, ils imposent l’élimination des Girondins par la Convention. Le langage se radicalise dans les devises : on passe de « liberté, égalité » à « liberté, égalité, fraternité ou la mort » et « Mort aux tyrans », référence évidente à la mort du roi. Atelier 2D : un monde nouveau fondé sur la raison L’essor du culte de la Raison est lié à la déchristianisation, opérée d’abord en province. La Raison est aussi un des grands principes défendus par les Lumières. Document : Timbre du comité de Surveillance et Révolutionnaire de Rouen 25 prairial an II (13 juin 1794) Cote : 4L79 Document : Paroles pour le citoyen Frémanger, représentant du peuple, à Falaise S.d. Cote : 386EDT399 Chanson dédiée à la Raison, déifiée Un nouveau calendrier est adopté en 1793 et sera utilisé jusqu’en 1806. Il est organisé par un système décimal et supplante le calendrier grégorien donc le christianisme. Le premier jour de ce calendrier est le 22 septembre 1792. Les noms des mois se calquent sur les saisons et les climats. Document : Calendrier de l’almanach 1795 Cote : nouv acq 1199 Les Archives du Calvados conservent le calendrier de l’Almanach sous-verre pour l’an quatrième. Le monde nouveau se réfère à la nature. On peut le voir en particulier dans les pages qui précèdent et suivent le calendrier, pages consacrées aux sciences naturelles. Le nouveau système est difficilement intégré par les Français puisque ce calendrier de la 4e année présente toujours les deux systèmes, l’ancien et le nouveau. On constate que les saints chrétiens sont conservés. Atelier 2E : une redistribution des biens Document : Lettres patentes du roi concernant l’aliénation des terrains nationaux 25 juillet 1790 Cote : 386EDT102 Le 2 novembre 1789, l’Assemblée constituante vote le décret plaçant les biens de l’Eglise à la disposition de la Nation. Les lettres patentes du roi du 25 juillet 1790 indiquent que cela permettra de relancer l’économie ainsi que d’épurer le déficit de la monarchie. Plusieurs étapes sont indispensables pour la vente de ces biens : 1- Inventorier les biens : c’est ainsi qu’est dressé le plan de l’abbaye de Falaise Document : Plan de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise 29 prairial an IV (17 juin 1796) Cote : Fi1Q480 2- Estimer les biens : les Archives du Calvados conservent le procès-verbal de la division et l’estimation des biens de l’abbaye. Document : Procès-verbal des terrains à aliéner de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise 16 brumaire an VII (6 novembre 1798) Cote : 3L952 3- les enchères (plusieurs ont eu lieu. Ici, ce sont celles de 1793) Document : Biens nationaux à louer et à affermer à Falaise 2 février 1793 Cote : 3L952 4- l’adjudication. L’abbaye de Falaise se retrouve ainsi divisée entre plusieurs nouveaux propriétaires. Document : Plan géométrique d’une partie de l’abbaye de Saint-Jean de Falaise 29 prairial an IV (17 juin 1796) Cote : Fi1Q480 Les assignats sont créés en décembre pour permettre d’acheter ces biens nationaux. Document : Assignats 14 janvier 1792 Cote : Fi1Q480 III. La Révolution, temps de chaos ? Atelier 3A : des violences sporadiques de plus en plus fréquentes Les débuts de la Révolution connaissent des épisodes violents mais peu organisés, ou des périodes de troubles plus longues. A la révolution politique succède une révolution populaire qui a d’abord lieu à Paris. La prise de la Bastille est considérée comme un événement dans l’histoire de France, par son retentissement en France (la Grande Peur) et à l’étranger (l’acceptation par le roi de la cocarde avec le blanc royal, le bleu et le rouge de Paris atteste du succès de la Révolution aux yeux des étrangers). Cet événement est immédiatement commémoré par l’envoi de pierres de la Bastille dans toute la France dont on peut voir un exemplaire aux Archives du Calvados. Document : Pierre portant la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 Dite Pierre de la Bastille Non cotée Cette image est extraite de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, insérée dans une pierre de la Bastille. La Déclaration est symboliquement encadrée par deux piliers dont l’un est soutenu par la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. Si l’on considère les faits, ce n’est pas une rupture puisque des destructions précédentes avaient donné lieu à un bilan bien plus lourd : ici, la Bastille était mal défendue, le commandant a été tué, responsable d’une centaine de morts. Mais la prise de la Bastille est un événement parce que cette citadelle était un symbole de l’arbitraire royal et l’image nous montre ce qu’on a voulu retenir de l’événement, c’està-dire l’unité du peuple au premier plan face à la résistance du roi. La Grande Peur, un épisode violent Avant la prise de la Bastille, les ruraux sont entrés dans la contestation à travers les émeutes de subsistance. Entre le 20 juillet et la première semaine d’août, quatre peurs se conjuguent pour semer la panique dans tout le royaume en créant une « gigantesque fausse nouvelle » : • peur de l’arrivée de brigands • peur du complot des farines (des gens seraient là pour incendier les réserves) • les brigands seraient à la solde des nobles • peur d’une invasion de la France par des soldats étrangers En représailles à la prise de la Bastille, l’aristocratie pousserait brigands et soldats étrangers au pillage et au meurtre. Les communautés d’habitants vont alors se retourner contre les seigneurs locaux. Document : Exposé fidèle et succinct de ce qui s’est passé à Falaise, depuis le 14 juillet 1789, jusqu’au mois de Novembre suivant. XIXe siècle Cote : 8°477 Cette peur est évoquée dans un livre de la fin du XIXe siècle : Exposé fidèle et succinct de ce qui s’est passé à Falaise, depuis le 14 juillet 1789, jusqu’au mois de Novembre suivant. Le comte d’Aubigny, gouverneur du château de Falaise, se serait rallié à la Révolution, en portant la cocarde patriotique. Les autres nobles rejetaient la Révolution et le comte d’Aubigny. « Mais le lendemain ayant appris que les brigands environnaient leurs châteaux pour les réduire en cendres, ces hommes nobles par accident, déposèrent leur orgueil, & prièrent M. le commandant de voler à leur secours. [...] Non content de purger continuellement le territoire de Falaise de cette troupe de mauvais sujets, d’être sans cesse à leurs trousses, de les suivre partout & de se multiplier pour ainsi dire sur leurs pas, de les dissiper par le feu de ses regards, M. d’Aubigny calmait encore par sa sagesse & par la vénération héréditaire qu’on porte à sa famille, l’effervescence des paysans irrités qui voulaient faire main-basse sur la noblesse et sur le clergé, qu’ils accusaient de leurs désastres. » Le massacre des Tuileries Document : Pierre portant la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 Dite Pierre de la Bastille Non cotée Cette image est extraite de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, insérée dans une pierre de la Bastille. La Déclaration est symboliquement encadrée par deux piliers. L’un est soutenu par la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. L’autre évoque le massacre des Tuileries le 10 août 1792. On assiste à une montée en puissance de la violence en 1792. Dans le conflit qui oppose l’Assemblée au roi sur les mesures à prendre face à la menace extérieure, c’est le peuple parisien qui va prendre la parole en donnant l’assaut aux Tuileries. Louis XVI doit se réfugier à l’Assemblée, qui le suspend et le fait emprisonner à la prison du Temple. La prise des Tuileries a donné lieu à de véritables tueries. Près de 1000 hommes sont massacrés. En 1793, cette journée est commémorée car elle symbolise la fin de la monarchie. On fait semblant de croire que les massacres étaient utiles pour empêcher une contre-offensive des troupes du roi. Par contre, les massacres de septembre sont minorés et peu utilisés dans la propagande. La violence prend le dessus et devient incontrôlable : un tournant dans la Révolution, l’exécution du roi Document : Bulletin des Lois de la République française, extrait du procès-verbal de la Convention nationale du 19 nivôse an III 1794 Cote : 386EDT388 Evocation de l’exécution du roi Louis XVI, le 21 janvier 1793, en place de la Révolution, actuelle place de la Concorde. Le roi paye sa timidité, voire son doublejeu vis-à-vis de la Révolution. La grande majorité des députés déclarent Louis XVI coupable de trahison. Il est condamné à la peine capitale à une voix de majorité. Cette exécution va faire basculer complètement la Révolution dans la radicalisation. Atelier 3B : la guerre avec l’extérieur, accélérateur de la violence Document : Chanson républicaine 1789 Cote : F3072 Ces chants exaltent la violence et la justifie car elle permet de sauver la Nation. Les Montagnards qui prônent la radicalité apparaissent comme ceux qui peuvent souder et sauver la Nation L’entrée en guerre accentue les tensions. C’est avec l’arrière-pensée d’une défaite de la France révolutionnaire que Louis XVI approuve, le 20 avril 1792, la guerre contre l’Autriche, décidée par les modérées et les Girondins de l’Assemblée. Les combats s’engagent mal. Trois chants conservés aux Archives départementales du Calvados témoignent de l’accélération de la violence. Document : Chanson républicaine 1789 Cote : F3072 La chanson de la Carmagnole a connu de multiples versions. En voici une. A la fin de 1792, après Valmy et Jemmapes, la situation militaire française est bonne mais la politique conquérante de la Convention inquiète les puissances européennes. Une nouvelle coalition se crée à l’instigation du premier ministre anglais William Pitt. Elle réunit l’Angleterre, L’Autriche, la Prusse, les princes allemands, la Hollande, Naples, le Portugal et l’Espagne. Les échecs militaires se succèdent pour la France dans le Nord, l’Est et le Roussillon. Ces échecs militaires provoquent l’arrestation des députés girondins le 2 juin 1793. De nombreux départements et municipalités se révoltent contre ce coup d’Etat : c’est la révolte fédéraliste. Elle touche en particulier Toulon : les fédéralistes chassent les Jacobins, puis sont chassés par les royalistes. Ceux-ci font appel à la flotte anglo-espagnole qui croise au large pour soutenir les troupes engagées dans le Roussillon. Le 28 août, 13 000 Britanniques, Espagnols, Sardes et Napolitains débarquent à Toulon. Pour mater ces insurrections fédéralistes, le Comité de Salut Public envoie l’armée dite des « Carmagnoles ». Le siège dure quatre mois et Bonaparte, chef d’artillerie, chasse les Anglais le 19 décembre « Nous avons chassé de Toulon / tous les esclaves d’Albion ». Les révolutionnaires entrent dans la ville de Toulon. La répression y est sanglante. La dernière strophe exalte la violence du Comité de Salut public. Atelier 3C : une République et une dictature, la Terreur En juin 1793, les sans-culottes éliminent les Girondins de la Convention. La contrerévolution fait des progrès : tout l’Ouest de la France se lève contre ce coup d’Etat, Charlotte Corday assassine Marat (c’est un acte isolé). Un maillage du territoire très efficace est constitué à travers les comités de surveillance, dans tous les départements. Document : Tableau du comité de surveillance de la commune de Falaise 25 prairial an II (13 juin 1794) Cote : 4L79 Renseignements sur les personnes détenues (noms, domicile, âge, enfants, raisons de sa détention, profession, ses relations et ses liaisons). Une colonne indique « le caractère et les opinions politiques qu’il a montrés dans les mois de mai, juillet et octobre 1789, au 10 août, à la fuite et à la mort du tyran ; au 31 mai et dans les crises de la guerre ; s’il a signé des pétitions ou arrêtés liberticides ». Document : Correspondance du comité de surveillance et révolutionnaire de Rouen à l’agent national du District de Falaise annonçant l’arrivé d’un condamné. 25 prairial an II (13 juin 1794) Cote : 4L79 Le 10 octobre, la Convention décrète que « le gouvernement provisoire de la France sera révolutionnaire jusqu’à la paix ». Le rouage essentiel du gouvernement révolutionnaire est le Comité de Salut public. Celui-ci met en place la Terreur grâce au Tribunal révolutionnaire de Paris et en province, grâce aux sociétés populaires et aux représentants en mission. Document : Document du Comité de salut public aux sociétés populaires 1793 Cote : 386EDT399 Dans ce document émanant du Comité de Salut public et à destination des sociétés populaires, on comprend que les sociétés populaires sont un rouage essentiel de la Terreur, pour « enlacer tous les ennemis du peuple » Document : Document la Société populaire régénérée de Falaise à la Convention nationale 1793 Cote : 386EDT399 Falaise a également sa société populaire. On retrouve dans ce rapport de la société populaire à la Convention Nationale le vocabulaire propre à cette période. Dans ce document, la société populaire réfute les progrès de la Contre-révolution. On voit qu’un langage radical s’installe, qui interdit toute compromission, exige des punitions exemplaires et justifie toutes les violences. Cette dictature de la Terreur va prendre fin en 1794. Mais l’affaire des bonnets rouges à Falaise montre que certains extrémistes souhaitent un retour à cette période radicale. Les modérés (tels La Cocherie) sont considérés comme des « chouans », c’est-à-dire des contrerévolutionnaires. Document : Compte-rendu d’une séance de l’administration municipale Après 1795 Cote : 3L952 Nous pouvons reconstituer l’« affaire des bonnets rouges ». Nous savons que lors de cette séance, un des personnages de l’administration municipale s’appelle Lacocherie et qu’il est commissaire du Directoire exécutif. Cette séance est consacrée aux Bonnets rouges : cinq bonnets phrygiens rouges ont été posés pendant la nuit dans différents endroits de la ville. C’est le commissaire Yvendorff qui est chargé de l’affaire et qui a recueilli ces bonnets rouges rapportés entre autres par le citoyen Combray. Etaient pointés sur ces bonnets, avec une épingle, deux carrés de papier faisant référence à la Constitution de 93, demandant le retour des Jacobins, des bons patriotes et des Montagnards. L’administration municipale est considérée comme modérée : Lacocherie reçoit donc des menaces de mort. Document : Reproduction d’un bonnet phrygien Après 1795 Cote : 3L952 Atelier 3D : la violence des opposants à la Révolution Deux types de contre-révolutionnaires coexistent pendant la Révolution : • les anti-Lumières refusent toute innovation politique, sociale ou religieuse • les soulèvements populaires qui mêlent mécontentements sociaux, refus des réformes religieuses. Ils veulent en général davantage d’autonomie et de libertés vis-à-vis du pouvoir central Document : Correspondance 17 décembre 1794 Cote : 386EDT399 L’auteur regrette l’indifférence de nombreux Falaisiens vis-à-vis de la Révolution. Le document suivant montre qu’il semble y avoir des contre-révolutionnaires dans cette ville puisqu’on leur propose la liberté s’ils se rendent. Cette lettre date du 27 frimaire de l’an III. Les auteurs sont Guezno et Guermeur, représentants du peuple près des armées des côtes de Brest et de Cherbourg et dans les Départements de leurs Arrondissements. Document : Bordereau d’envoi de la loi du 12 frimaire an III amnistiant les chouans qui déposent leurs armes 1794 Cote : 4L79 Les émigrés sont les nobles qui s’expatrient volontairement dès le début de la Révolution, suivant le comte d’Artois, frère de Louis XVI. L’assemblée les somme de revenir, leurs biens sont frappés de séquestre puis mis en vente au profit de la nation en 1791. Document : Chanson 1789 Cote : F3072 On voit dans cette chanson que la Contre-révolution menée par les émigrés est idéologique et militaire. Lorsque l’Assemblée nationale déclare la guerre au roi de Bohême, les rassemblements d’émigrés vont être partagés en trois corps dont celui du prince de Condé, cousin de Louis XVI. Ce corps fait les campagnes de 1793 et 1794 avec l’armée autrichienne, puis passera du côté des Anglais. Ce corps sera dissous en 1800. On peut considérer que les émigrés ont échoué militairement. CONCLUSION La Révolution a changé la France sur le long terme : les Français ont appris la démocratie, la politique, une relative liberté religieuse, l’existence des droits naturels. Ils ont changé leurs cadres administratifs, leur justice et leurs finances. Mais la Révolution a bien sûr ses limites telles que la violence des hommes, des femmes, de l’Etat. Certains changements n’ont jamais été adoptés par les populations : le calendrier décimal, le culte de l’Etre suprême, les assignats. La moitié de la population a été « oubliée » par la Révolution puisque les femmes n’ont pas obtenu des droits nouveaux. La Révolution a pris fin en 1799 avec le coup d’Etat de Napoléon Bonaparte qui ouvre un siècle de révolutions et d’échecs de la démocratie. Falaise a connu ces deux pans de la Révolution : les changements ont été mis en place, avec parfois beaucoup de violence. De leur côté, beaucoup de Falaisiens ont semblé bien « tièdes » vis-à-vis de cette Révolution. Les Archives du Calvados regorgent de documents sur cette période. Le choix des documents proposés a été difficile et frustrant. D’autres documents pourraient être consultés sur place par les élèves. Ce dossier pédagogique est le fruit d’un projet mené avec les élèves de Seconde 4 du lycée Louis Liard à Falaise. Le contexte historique contemporain a permis à ceux-ci de comparer la Révolution Française aux révolutions arabes et de relativiser l’impatience à voir aboutir rapidement ces révolutions actuelles. Julie Le Cunff Enseignante détachée - Service éducatif Archives départementales du Calvados