Développement des préférences alimentaires durant l’enfance et l’adolescence ▪ N. Rigal
Symposium “Les déterminants précoces du comportement alimentaire” ▪ Institut Danone ▪ 18/10/2008 ▪2▪
raison de leur caractère peu rassasiant. Deuxièmement, environ trois quarts des enfants deviennent
néophobes : ils refusent de goûter les aliments qu’ils ne connaissent pas. En somme, pendant une
période qui couvre en moyenne les âges de 2 à 7 ans, l’enfant devient difficile à nourrir (risque de
consommation excessive des aliments denses et difficulté à élargir son répertoire de consommation à
des aliments de bonne qualité nutritionnelle) et ses parents s’en désolent !
Comment expliquer cette évolution des comportements alimentaires de la naissance à l’enfance ? Nous
nous centrerons sur le rôle des parents, en laissant de côté les facteurs propres au développement
affectif et cognitif de l’enfant.
Comment préserver la capacité d’ajustement calorique du jeune enfant ?
Nous nous sommes basés sur une étude réalisée par Birch et ses collègues (2000) auprès d’un
échantillon de 156 filles âgées entre 4 et 6 ans et leur mère dont on connaît l’indice de masse corporel.
On mesure la capacité d’ajustement calorique des filles selon un protocole dit de « libre accès ». Après
qu’elles aient consommé leur déjeuner, on les invite à jouer librement dans une salle où se trouvent à
disposition des jouets et des aliments de grignotage à forte valeur énergétique. On calcule, à partir des
restes, le nombre de calories ingérées (qui devrait être quasiment nul étant donné l’état de satiété en
début d’expérience). Les mères sont invitées à compléter différents questionnaires qui évaluent leur
tendance à restreindre leur propre alimentation à travers des régimes, leur perception et leurs
préoccupations du fait que leur fille puisse être en surpoids, et le niveau avec lequel elles contrôlent
l’accès de leur enfant aux aliments riches, gras ou sucrés.
Les résultats mettent en valeur que plus les mères contrôlent les prises alimentaires de leurs filles, plus
celles-ci ont des difficultés à ajuster les quantités consommées dans le protocole de libre accès et plus
elles sont en surpoids. Deux facteurs peuvent se trouver à l’origine de cette liaison CAP (Contrôle
Ajustement Prise de poids) : d’une part, la tendance de la mère à Restreindre sa propre
alimentation (R-CAP); d’autre part, le Surpoids initial de l’enfant (S-CAP).
Dans le schéma R-CAP, le surpoids de l’enfant est en partie expliqué par les préoccupations de la
mère pour sa propre minceur : dans son combat pour rester mince, elle implique sa fille en contrôlant
fortement son alimentation. Ce contrôle a des effets inverses à ceux qui sont souhaités puisqu’il
participe à déréguler la capacité d’ajustement calorique de l’enfant qui surconsomme les produits qui
lui sont interdits à la maison quand ceux-ci se trouvent en libre accès. Dans le schéma S-CAP, le
surpoids de l’enfant est à l’origine des préoccupations de la mère pour la santé ou la silhouette de sa
fille. Sa fille étant en surpoids, la mère restreint son alimentation afin de l’empêcher de prendre
davantage de poids. L’effet obtenu n’est pas inverse mais boomerang : la fille risque d’augmenter
encore son indice de masse corporelle par réaction excessive au contrôle imposé par sa mère.
L’idéal est donc de ne pas déréguler la capacité d’ajustement calorique des enfants : laissons-les
continuer à gérer leurs prises alimentaires en fonction de leur état de faim et de satiété, tout en leur