recours au bon sens déclenche son écoeurement, et il tient à le
partager. C’est celui qui croit tout savoir sur tout et tous, et que
pourtant on n’entend pas. Perdu dans un cosmos où l’on
marche sur la tête il semble s’intéresser à notre vie, mais joue
sur les mots. Il pinaille, il parle pour ne rien faire : quand il
disserte sur le bonheur, il fait la gueule. D’ailleurs à écouter son
blabla à la lettre on en viendrait vite à croire qu’on devrait tous
se taire. On pense illico à une sorte de dédain. On dirait qu’il
veut nous priver de notre liberté de conscience, on le voit
comme geôlier de la pensée.
Le comble c’est qu’il serait bien incapable de vivre dans
notre réalité. Il a beau jeu de se prélasser dans l’inutile : seule
une position privilégiée (poste d’Etat, université populaire,
fauteuil doré chez un ami éditeur …) lui permet de vivre
comme il prétend le faire. Or il en jouit comme si de rien n’était
et signifie sa distance en mimant une posture céleste. Plutôt que
lier, permettre la discussion et la recréation d’une communauté
où chacun pourrait satisfaire le besoin de se situer, le
philosophe chante une vie plus que personnelle, au-delà de la
subjectivité. N’est-ce pas parce qu’il est incapable de supporter
les souffrances qu’elle cause ? D’ailleurs cette existence n’est
pas aussi altruiste qu’il le dit parce qu’avec lui, il n’y a pas de
partage : il propose l’amour verbal, mais l’autre se sent vite
minable, et quand il se dirige vers ses pairs il est dans la lutte.
Alors il paraît loin des gens qui, eux, s’ancrent mutuellement
dans la vie en prenant soin les uns des autres pour un temps. Sa
solitude est affront. Il est ailleurs, au lieu de participer à la vie
commune. Le poète aussi, mais il a l’avantage de faire rêver ; le
philosophe, lui, plombe l’ambiance.
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Que penser de ce réquisitoire ? Je ne saurais décemment
nier que la posture philosophique est liée à un intérêt de classe.
Mais certains exemples vont contre : si Diogène fait la leçon, il
profite d’un tonneau qui ne doit rien aux inégalités sociales. En