2
et responsable. Il en est de même d’un paysan qu’un programme de développement a
« libéré » de sa pluriactivité misérable pour lui donner la capacité d'être un artisan sans avenir.
L’amélioration des indicateurs sociaux et sociétaux, alliée à une plus grande liberté
de choix, peut-elle être durable sans que le support de ces capacités, la personne vulnérable,
ne soit prise en compte ? Le développement social en tant que moyen peut être non soutenable
humainement. Traditionnellement la personne a des capacités premières à «s’exprimer » et à
«s’imputer » une responsabilité, elle supporte la responsabilité d’une capacité à choisir.
Autrement, elle peut se détruire et/ou détruire les autres dans une société acceptant les
"sacrifices humains". Le thème de la « pourriture » de l’homme par une éthique économique
immorale est au centre des conflits actuels entre les religions et l’économie. Il est au centre
des conflits de générations entre les personnes qui veulent léguer des valeurs sociétales et
celles qui voient avant tout l'insoutenabilité humaine de telles sociétés.
Partant de l’échec du développement humain et des difficultés à concevoir les coûts
humains, nous reconstruisons une séquence où la personne est le sujet du développement
durable. Cette personne, compte tenu des moyens soutenables, cherche à satisfaire sa
condition. Ce sujet est faillible et vulnérable, un principe de précaution est nécessaire.
1. Les échecs de la dimension humaine du développement
Selon le rapport du PNUD (2005), les indicateurs sociaux révèlent un «échec» du
développement humain concernant plusieurs pays, des plus pauvres aux plus riches. Cette
non-soutenabilité humaine « forte » a trait à des pertes de vie humaine, et donc à des
irréversibilités. Mais cette soutenabilité est plus large, elle concerne la destruction de
l’homme, par exemple la détresse humaine qui accompagne tous les niveaux de
développement, y compris les plus élevés : détresse professionnelle, familiale, sanitaire. Les
indicateurs tendent à montrer que l'amélioration matérielle du niveau de vie s'accompagne
d'une détresse morale2 croissante, manifestée, entre autres, par la drogue, les suicides, les
crimes, la consommation de neuroleptiques et d’alcool3. Elle se révèle également par les
révoltes des personnes qui prennent conscience de leur dégradation dans l'ordre social établi.
Du point de vue théorique, l’homme reste indéfini, malgré la nouvelle microéconomie
du développement. Plus généralement, le concept de « libre capacité de choix » a pris une
importance cruciale dans la théorie récente d’Amartya Sen, fondée sur une question de
contenu (What ?) et jamais sur la question du support personnel (Who ?). De ce fait, le
développement économique comme libre capacité à réaliser ses projets de vie est un schéma
fonctionnel, sans originalité et sans mention du sujet. Pire, il est interprété largement par les
disciples comme un projet normatif sans précaution sociale.
Si la « libre capacité de choix » est une norme, elle a la forme logique d’une
permission ayant trait à une action (un mode de vie, soit M1). Cette permission (P) fait
intervenir deux variables nominales : la personne qui permet (j) et celle qui bénéficie de la
permission (i). Toutes les formes de la permission peuvent être employées : forte, faible, etc..,
mais la variable qui est déterminante est la variable nominale,i, en relation avec j Que va faire
i de cette permission ? Et quels sont ses rapports avec j , celui ou ceux qui autorisent le
choix ?
2 Sinon physique, voir les Troubles Musculosquelettiques des membres Supérieurs.
3 Voir annexes.