Étant dans le monastère de Saint-Joseph d'Avila, en 1562, qui
est l'année qu'il fut fondé, le père François Garcia de Tolède,
dominicain, m'ordonna d'écrire de quelle sorte cet établissement
s'était fait, et plusieurs autres choses que l'on pourra lire dans cette
relation, si elle voit jamais le jour.
Onze ans après, en l'année 1573, étant dans le monastère de
Salamanque, le père Ripalde, recteur de la compagnie de Jésus, mon
confesseur, ayant vu ce traité de la première fondation, crut qu'il
serait du service de Dieu d'écrire de même les sept autres, comme
aussi le commencement de quelques monastères des pères carmes
déchaussés, et me commandant d'y travailler. Mes grandes
occupations, tant à écrire des lettres qu'à satisfaire à d'autres choses
dont je ne pouvais pas me dispenser, parce qu'elles m'étaient
ordonnées par mes supérieurs, jointes à mon peu de santé, me faisant
juger cela impossible, je me trouvai dans une grande peine, et je me
recommandai beaucoup à Dieu. Alors il me dit : Ma fille,
l'obéissance donne des forces. Je souhaite que, selon ces divines
paroles, il m'ait fait la grâce de bien rapporter, pour sa gloire, les
faveurs qu'il a faites à cet ordre dans ces fondations. Au moins peut-
on s'assurer de n'y rien trouver qui ne soit très-véritable, puisque
nulle considération n’étant capable de me porter à mentir, même dans
les choses peu importantes, j'en ferais grande conscience dans un
sujet qui regarde le service de Dieu, et je ne croirais pas seulement
perdre le temps, mais l'offenser au lieu de le louer, ce qui serait une
espèce de trahison que je lui ferais, et tromper ceux qui le liraient. Je
prie sa divine majesté de m’empêcher, par son assistance, de tomber
dans un tel malheur.
Je parlerai de chaque fondation en particulier, et le plus
brièvement que je pourrai, parce que mon style est si long, que,
quelque soin que je prenne de ne pas trop m'étendre, j'ai sujet de
craindre d'ennuyer les autres et moi-même ; mais cet écrit devant
demeurer, après ma mort, entre les mains de mes filles, je sais
qu'elles m'aiment assez pour en excuser les défauts. Comme je n'ai en
cela d'autre dessein que la gloire de Dieu, et le profit de celles qui le