Les vaccins contre le diabète :
une injection peut-elle
prévenir le diabète ?
y Colin Dayan
>>
Les vaccins exposent l’organisme à des
petites quantités d’une infection sous une
forme qui n’est pas dangereuse. Ceci permet
au système immunitaire de développer des
anti-corps et des globules blancs protecteurs
(lymphocytes T) contre l’infection en
question et prépare ainsi l’organisme à lutter
contre l’infection réelle en cas de besoin.
Ce principe repose sur la ‘mémoire’
remarquable du système immunitaire.
Lorsque celui-ci a agi à une infection,
Depuis le premier vaccin, lorsque Edward Jenner a utilisé un
extrait de variole de la vache pour prévenir la variole, des
millions de personnes dans le monde ont reçu un vaccin, en
général même plusieurs vaccins différents. Les programmes
de vaccination contre la variole, la polio, le tétanos et la
diphtérie ont pratiquement éradiqué ces maladies auparavant
communes dans les pays développés. Dans le cas du diabète
de type 1, bien qu’il ne s’agisse pas au sens strict d’un
‘vaccin’, des traitements préventifs se sont avérés efficaces
sur des modèles animaux. Colin Dayan nous informe sur
les progrès réalisés dans le développement d’une injection
destinée à prévenir le diabète de type 1 chez l’être humain.
les lymphocytes T et les cellules
productrices d’anti-corps se multiplient
pour répondre spécifiquement à cette
infection. L’organisme est mieux prépa
à réagir ; une seconde réaction est plus
rapide et plus puissante que la première.
Ces cellules à mémoire peuvent rester
dans l’organisme pendant 20 ans ou plus.
Un ‘vaccin’ contre le diabète ?
Dans le cadre de la pvention du diabète,
le principe du vaccin ne s’applique qu’au
diabète de type 1, une condition qui est
déclenchée lorsque les lymphocytes T
attaquent les cellules bêta productrices
d’insuline du pancréas. La plupart des
scientifiques pensent que le processus d’une
maladie est provoqué, non pas directement
par une infection, mais indirectement par
une erreur d’identification : le système
immunitaire attaque car il identifie par erreur
certaines molécules des cellules bêta comme
faisant partie d’un organisme infectieux.
Nombreux sont ceux qui se réfèrent à
une injection ou une série d’injections
préventives contre le diabète sous le
terme de ‘vaccin’. En fait, pour provoquer
une réponse qui diminue cette réaction
immunitaire erronée – au lieu de la rendre
plus rapide et plus puissante – c’est le
contraire d’un vaccin dont nous avons besoin.
Toutefois, par souci de simplification, nous
utiliserons dans cet article le terme ‘vaccin’.
Un concept attrayant mais
complexe dans la pratique
Le concept d’un vaccin contre le diabète
est attrayant. Nous avons besoin d’un vaccin
qui soit capable de réduire la réponse
erronée du système immunitaire aux cellules
bêta sans entraver les autres réactions
immunitaires vitales. Ce vaccin ne produirait
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pas le risque accru d’infections et de cancer
observé avec les médicaments qui annihilent
l’ensemble du système immunitaire,
comme ceux utilisés pour prévenir le rejet
des greffes par l’organisme. De plus, si le
système immunitaire pouvait ‘se souvenir’
de cette réaction (de la même façon que
le système immunitaire ‘se souvient’ avoir
reçu un vaccin contre le tétanos jusqu’à cinq
ans aps une injection), il serait possible
d’administrer le vaccin seulement à quelques
reprises au total, et non quotidiennement.
Toutefois, il existe de nombreux obstacles
au développement d’un tel vaccin.
Tout d’abord, pour être incorporées
au vaccin, la ou les parties spécifiques
des molécules que les lymphocytes T
reconnaissent sur les cellules bêta doivent
être identifiées. Cette identification
est plus difficile dans des conditions
non infectieuses comme le diabète ;
dans le cas du diabète, les réactions dans
le sang sont faibles et difficiles à étudier.
Ensuite, en administrant ces molécules, il
y a un risque d’accentuer la réaction du
système immunitaire aux cellules bêta
(l’action d’un vaccin traditionnel), aggravant
ainsi le diabète ou provoquant un diabète
chez des personnes non atteintes de la
condition. Il y a également un risque de
déclencher d’autres maladies auto-immunes.
En outre, la plupart des vaccins doivent être
administrés avant qu’une condition ne se
veloppe. Des études centes suggèrent
que, dans le cas du diabète de type 1, la
réaction immunitaire se produit pendant cinq
à dix ans, voire plus, avant que les taux de
glycémie n’augmentent et que la condition
ne soit diagnostiquée. La question est donc
de savoir si il faut administrer le vaccin
contre le diabète à cette étape (lorsque la
réaction auto-immune de l’organisme est
en cours mais non observée) ou plus tôt.
Réussite chez les animaux
Une nouvelle encourageante est que la
stratégie de vaccination préventive semble
bien fonctionner dans les études alisées
sur les animaux. Le diabète a pu être évité
chez des souris par l’injection d’au moins
trois molécules de protéines différentes,
administrées à la fois entièrement et sous la
forme des fragments exacts reconnus par
les lymphocytes T. Ce traitement peut être
administré sous la forme d’une injection et il
s’est également avéré efficace par voie nasale
et parfois par voie orale. L’effet bénéfique se
maintient tout au long de la vie de la souris.
Il est important de signaler que, dans quelques
études, il a été possible d’interrompre le
veloppement de la condition alors que la
réaction immunitaire était déjà à un stade
avancé, juste avant que les taux élevés
de glycémie apparaissent. Aucun cas de
veloppement d’autres maladies auto-
immunes n’a été signalé chez les animaux.
De plus, dans certains modèles impliquant
des souris, il a été possible demontrer
que ce traitement stimulait leveloppement
de ‘lymphocytes T régulateurs’ protecteurs.
S’ils sont transférés à d’autres souris, ces
lymphocytes peuvent prévenir le veloppement
futur du diabète chez ces rongeurs.
Ces lymphocytes protecteurs diffusent
fréquemment une substance chimique
appelée ‘interleukin-10’, qui permet
leur identification.1 Cependant, lorsque
l’injection de lymphocytes T protecteurs a
Les lymphocytes T sont
un type de lymphocytes qui
joue un rôle important dans
la réaction immunitaire de
l’organisme. L’abréviation ‘T’ fait
référence au thymus, l’organe
dans lequel leur étape de
développement finale se produit.
La technique ELISPOT sert
à déterminer la concentration
des lymphocytes T activés,
généralement chez les souris.
© Dreamstime.com
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été administrée aux souris dans certaines
formules et par certaines voies, il a été signalé
que cela avait provoqué le déclenchement
du diabète et, après plusieurs injections, des
réactions allergiques graves chez les animaux.
Réussite chez l’être humain ?
Chez l’être humain, les progrès dans ce
domaine ont été plus lents que chez
les rongeurs. Trois protéines différentes
– l’insuline, l’acide glutamique décarboxylase
65 (GAD 65) et la protéine de choc
thermique 65 – ont été testées en tant
que vaccins. Des études connexes ont été
réalisées dans le cadre d’autres conditions,
comme la sclérose en plaques et l’arthrite
rhumatoïde. Aucun effet secondaire significatif
n’a été observé autre que, dans certains
cas, des réactions cutanées à l’endroit de
l’injection.2,3 Dans le cas de la protéine
de choc thermique 65, il y a eu certaines
preuves scientifiques d’une réduction de
la action immunitaire contre les cellules
bêta ainsi qu’une augmentation du nombre
de cellules productrices d’
interleukin-10
;
cette étude doit toutefois être confirmée.2
Le service d’immunologie, d’infections
et de maladies inflammatoires du King’s
College de Londres, Royaume-Uni, en
collaboration avec nous, a développé
un test sanguin qui a recours à la
technique ELISPOT. Cette dernière
est capable de détecter de façon fiable les
modifications de la réaction immunitaire
des lymphocytes T aux cellules bêta.
Il est intéressant de signaler que, en
utilisant ce test, des cellules productrices
d’interleukin-10 protectrices contre les
cellules bêta ont été trouvées chez plus de
60 % des personnes non atteintes de diabète.
Il s’agit peut-être d’une des façons dont
l’organisme se protège naturellement contre
le développement du diabète de type 1.
Le test sanguin a également été utilisé pour
identifier au moins trois fragments différents
de protéines des cellules bêta auxquelles les
personnes atteintes de diabète de type 1
réagissent habituellement.4 Ceci est
important car il est probable que, pour
assurer un traitement efficace, en particulier
une fois que le processus de la condition a
commencé, les lymphocytes T protecteurs
devront être induits contre autant de parties
différentes de la cellule bêta que possible.
Des programmes sont en cours pour
commencer des études sur des êtres
humains en utilisant un de ces fragments
sous la forme d’une injection. Les recherches
initiales pour rifier la sécurité et la
capacité de l’induction de lymphocytes T
régulateurs dans le sang seront réalisées sur
des volontaires atteints de diabète depuis
plus de cinq ans. Ces personnes n’ayant
plus de cellules bêta, il est donc impossible
que l’injection, si elle est administrée de
façon incorrecte, aggrave leur condition.
Les informations collectées dans le
cadre de ces études sur la sécurité et les
variations de la réaction immunitaire seront
utilisées pour élaborer un futur traitement
pour les personnes chez qui le diabète a
récemment été diagnostiqué. Des études
relatives à l’allergie au chat chez les humains
suggèrent qu’administrer les fragments de
cellule bêta dans de l’eau salée uniquement
– évitant ainsi les irritants utilisés pour
stimuler la réaction immunitaire des vaccins
conventionnels – constitue une méthode
efficace d’induction de cellules protectrices.3
De l’espoir pour l’avenir
Nous ne sommes qu’à l’aube du
veloppement de vaccins protecteurs contre
les conditions auto-immunes comme le
diabète de type 1. Nos connaissances limitées
des façons dont le système immunitaire se
y Colin Dayan
Colin Dayan est professeur consultant en
médecine auprès de la University of Bristol,
Bristol, Royaume-Uni. Il est actuellement
Directeur de recherche clinique auprès du
Henry Wellcome Laboratories for Integrative
Neuroscience and Endocrinology au sein de la
University of Bristol et consultant honoraire
en diabète et endocrinologie auprès du Bristol
Royal Infirmary, Bristol, Royaume-Uni.
Références
1 Peakman M, Dayan CM. Antigen-specific
immunotherapy for autoimmune disease: Fighting fire
with fire? Immunology 2001; 104: 361-6.
2 Raz I, Elias D, Avron A, Tamir M, Metzger M, Cohen IR.
Beta-cell function in new-onset type 1 diabetes and
immunomodulation with a heat-shock protein peptide
(DiaPep277): a randomised, double-blind, phase II
trial. Lancet 2001; 358: 1749-53.
3 Oldfield WL, Larche M, Kay AB. Effect of T-cell peptides
derived from Fel d 1 on allergic reactions and cytokine
production in patients sensitive to cats: a randomised
controlled trial. Lancet 2002; 360: 47-53.
4 Arif S, Tree TI, Astill TP, Tremble JM, Bishop AJ,
Dayan CM, Roep BO, Peakman M. Autoreactive T cell
responses show proinflammatory polarization in
diabetes but a regulatory phenotype in health.
J Clin Invest 2004; 113: 451-63.
protège normalement contre les conditions
auto-immunes signifient qu’il ne s’agit pas
d’une science exacte ; les chercheurs espèrent
qu’une découverte chanceuse leur permettra
de trouver une forme efficace du vaccin.
L’enjeu est important. Nous pouvons à
présent identifier avec une précision de plus
de 90 % les personnes qui vont développer
un diabète de type 1 – cinq ans ou plus
avant qu’elles ne le découvrent elles-mêmes.
Il est donc envisageable d’administrer le
vaccin à ces personnes avant qu’elles ne
veloppent des taux élevés de glycémie. Si
une forme du vaccin s’avérait sûre et efficace,
cette découverte pourrait potentiellement
libérer ces personnes des injections
d’insuline. Ceci est notre ultime objectif.
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