UN PAYSAGE BANCAIRE EN PLEINE MUTATION a c t u a l i t é b a n c a i re JUIN 2013 N°562 OBJECTIF CROISSANCE La loi sur la régulation et les activités bancaires devrait être adoptée à la fin du mois. Elle n’était pourtant pas une urgence pour les banques françaises qui ont plutôt bien résisté à la crise. La priorité pour notre pays, c’est le retour à la croissance, ce qui passe notamment par la restauration de la compétitivité des entreprises et le retour à la confiance des investisseurs inquiets des perspectives économiques. Les banques sont mobilisées pour soutenir le retour à la croissance et continuer à financer l’économie, malgré une conjoncture difficile et les bouleversements réglementaires. Les crédits à l’économie continuent à progresser sur un an de 1,5% alors que la croissance est nulle. Les banques françaises font mieux en la matière que leurs homologues de la zone euro. Dans le contexte actuel, il est essentiel de leur laisser les moyens de prêter à l’ensemble des acteurs économiques, d’accompagner efficacement les entreprises sur les marchés et de conserver des services de qualité pour leurs clients particuliers. Le secteur bancaire français évolue sous l’influence de multiples facteurs, à la fois structurels et conjoncturels. Cette adaptation concerne toutes les activités, y compris la banque de détail. Le secteur bancaire français est un des piliers du secteur privé. Il est solide et il a pu recruter plus de 21.000 personnes en 2012. Cependant, l’année 2012 marque un tournant en matière d’emploi ; pour la première fois depuis une décennie, le taux d’embauche recule de manière sensible. Cette rupture s’explique par la conjugaison de trois facteurs principaux. UNE ÉVOLUTION CONJONCTURELLE MAIS AUSSI STRUCTURELLE Premièrement, la conjoncture économique pèse sur toutes les entreprises et donc aussi sur les banques. Le PNB des 6 principaux groupes a baissé de 7,3% à 135 milliards d’euros1. De même pour le Résultat Net Part du Groupe, qui s’établit à 8,4 milliards d’euros. Les bouleversements réglementaires constituent le deuxième facteur d’explication. L’augmentation des obligations en fonds propres a été substantielle dans le cadre de Bâle 3 ; les banques s’y sont conformées avec plusieurs années d’avance sur le calendrier initial. Désormais ce sont des règles plus restrictives en matière de liquidité qui vont bientôt s’appliquer. Ces ré- formes sont compréhensibles après la crise de 2008, mais elles sont très structurantes pour les activités des banques. En France, le contexte réglementaire est également marqué par l’adoption dès 2013 de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires. Cette loi, contraignante pour les banques, comporte des éléments sur les activités de marché mais aussi sur la banque de détail, comme le plafonnement des commissions perçues pour traiter les irrégularités de fonctionnement d'un compte bancaire. Le texte de loi initial proposait de plafonner plus étroitement les frais bancaires pour les populations fragiles afin de mieux les protéger, ce qui est compréhensible. En revanche, plafonner ces frais d'intervention manuelle pour tous les clients particuliers, sans distinguer les ménages en situation de fragilité n'est pas une mesure appropriée. Cette approche modifie la relation banque-clients 3 questions à JEAN-CLAUDE GUÉRY, Direction des Affaires Sociales, AFB — PAGE 3 a c t u a l i t é b a n c a i re N°562 juin 2013 et l'équilibre de la banque de détail. Enfin, une troisième raison explique la mutation de la banque en France : les habitudes de consommation des Français changent. UNE RELATION BANQUE-CLIENTS EN PLEINE MUTATION Le taux de bancarisation de la population française est de près de 99% aujourd’hui, contre 20% environ en 1967. Cette réussite s’est accompagnée d’un fort développement des réseaux. Ainsi le maillage du territoire par les banques françaises est l’un des plus denses en Europe : il existe plus de 38.000 agences bancaires réparties partout en France. Aujourd’hui, la fréquentation des agences est en baisse. En effet, même si le nombre de clients ne fréquentant jamais leur agence bancaire reste faible (5%2), le nombre de clients fréquentant leur agence plusieurs fois par mois est passé de 62% en 2007 à 17% en 2013. Ainsi, le mouvement d’ouverture de points de vente, qui avait permis d’augmenter le nombre d’agences bancaires de 8% environ par an ces 10 dernières années, s’inverse depuis peu, et on dénombre près de 1.000 agences de moins entre 2010 et 20113. Les clients des banques françaises montrent un fort attachement à leur conseiller bancaire : 81% des Français le jugent compétent et 79% pensent qu’il répond bien à leurs questions. Mais une dichotomie se fait jour de manière de plus en plus marquée entre deux types de clientèle : une majorité de clients (64%) se déclarent en faveur d’un modèle de banque avec conseiller clientèle attitré qui les suit personnellement tandis qu’une proportion significative de Français (31%) préfèrent un mode relationnel dématérialisé, sans agences physiques ou interlocuteur désigné. LES RÉSEAUX S’ADAPTENT À CES NOUVELLES DEMANDES DE LEUR CLIENTÈLE Pour faire face à ces changements, les réseaux bancaires ont adapté leurs gammes de produits et services, notamment ceux accessibles à distance. Les applications désormais disponibles sur des supports très variés (internet, tablettes, smartphones…) rencontrent un grand succès car elles informent à tout moment les clients et leur proposent de plus en plus de services. Ces nouveaux outils sont perçus comme sécurisés par les Français, qui n’hésitent pas à y recourir pour la gestion au quotidien. Ainsi, près de la moitié des Français déclarent que le développement des offres de services bancaires par internet les conduit à moins se rendre en agence. Les réseaux d’agences sont devenus un élément du dispositif multicanal de vente élaboré par les banques, et non plus leurs points de vente uniques. L’offre de produits et de services mais aussi le marketing bancaire ont pris en compte ces changements. Les banques sont confrontées au besoin de faire évoluer leurs segmentations de clientèle pour conserver leurs clients et capter de CHIFFRES-CLÉS • En France, la densité du réseau bancaire est supérieure à celle du réseau de pharmacies : une agence bancaire pour 1.297 habitants, une pharmacie pour 2.900 habitants. (source : BCE, INSEE). • 21.000 embauches dans les banques en 2011 dont 64% de jeunes de moins de 30 ans. • 70% des salariés des banques en France travaillent au contact des clients. (source : FBF) nouveaux prospects en lien avec leur stratégie et leur organisation propres. En effet, la concurrence entre les banques est une réalité en France ; environ 4% des clients changent de banque chaque année. Et les Français sont également près d’un sur quatre à posséder des comptes dans plusieurs banques. La banque de détail a été de longue date un employeur et un recruteur de premier plan. Elle continue à recruter de nombreux commerciaux pour renforcer ses équipes au contact des clients. Sa mutation sous l’effet des multiples facteurs qui viennent bouleverser son modèle économique va se poursuivre. (1) source, rapport de l’ACP, mai 2013. (2) Source : enquête IFOP, mai 2013. (3) Source : Statistiques Paiements BCE, septembre 2012. a c t u a l i t é b a n c a i re N°562 3 questions à JEAN-CLAUDE GUÉRY, direction des Affaires Sociales, AFB L'EMPLOI DANS LES BANQUES EN 2012 QUELLE EST LA SITUATION DE L’EMPLOI DANS LES BANQUES FRANÇAISES FIN 2012 ? QUELLES SONT LES RÈGLES EN VIGUEUR POUR LES RÉMUNÉRATIONS VARIABLES ? Les banques françaises ont vu leurs effectifs reculer de 1,1% en 2012, c’est la première fois depuis la crise que nous enregistrons une évolution aussi significative. L’année 2009 avait plutôt fait apparaître un léger tassement des effectifs, qui étaient ensuite repartis à la hausse en 2010 et 2011. Ce recul s’explique principalement par la baisse du taux d’embauche, qui passe de 8,8% en 2011 à 5,7% en 2012, le taux de sortie restant pour sa part stable. Malgré la baisse du taux d’embauche, 21.000 personnes ont signé un contrat de travail avec les banques françaises, un nombre qui reste très significatif au regard de la situation de l’emploi en France. Les banques françaises ont été les premières à se doter dès février 2009 de normes professionnelles encadrant les rémunérations des professionnels de marchés et à appliquer le volet «rémunérations» de la directive CRD3. Les métiers les plus pointus comme les métiers du contrôle et du reporting qui avaient vu leurs effectifs sensiblement augmenter depuis la crise, ont été moins recruteurs. De même, les métiers liés à la banque de financement et d’investissement recherchent moins de profils actuellement. Mais cela pourrait revenir d’ici peu ; sous l’effet de Bâle 3, le recours aux marchés financiers est appelé à se développer et les entreprises auront alors besoin d’accompagnement par leurs banques pour lever des fonds. juin 2013 l’assemblée des actionnaires. La loi bancaire en France anticipe sur l'application de ces dispositions. En 2012, la rémunération variable a progressé de 14% dans un contexte de forte augmentation des revenus de ces activités ; elle est globalement équivalente au fixe pour les preneurs de risque1 (périmètre monde). QUELLES ANTICIPATIONS POUVEZ-VOUS FAIRE POUR 2013 ? Tout d’abord, je voudrais rappeler qu’en 2012, les banques ont embauché une majorité de jeunes (64% des personnes embauchées ont moins Le dispositif actuel s’applique à tout de 30 ans), une catégorie durement salarié dont l’activité est susceptible touchée par le contexte économique d’avoir un impact sur le général. Nos emplois En 2012, profil de risques de l’entresont aussi à 99% des les banques ont postes en CDI. Enfin, prise, et aux membres de embauché une l’exécutif. Ces personnes les banques françaises majorité appelées « preneurs de poursuivent leurs inde jeunes risques » sont 8.800 dans vestissements dans la les quatre principaux formation continue, ce groupes français fin 2012 contre qui permet à leurs nombreux colla9.355 fin 20111 (périmètre Monde). borateurs d’augmenter leurs compétences et pour certains d’accéder à Les rémunérations variables sont des promotions internes. soumises à des règles quantitatives et à une obligation de transparence, Nous anticipons pour 2013 la pourqui prévoient notamment le paie- suite des tendances observées en ment en titres d’au moins 50% de la 2012, des recrutements plus ciblés, rémunération variable, ainsi qu’une tandis que le nombre de départs ne période de rétention (entre 40% et devrait pas sensiblement évoluer. La 60% des bonus doivent être conser- banque de détail devrait notamment vés pendant au moins 3 ans). continuer à embaucher des commerDans le texte CRD4 qui vient d’être ciaux pour ses réseaux. A cet égard, adopté par le Parlement européen, le les formations Bac+2/+3 sont les ratio maximal rémunération variable plus recherchés ; ils ont représenté sur salaire fixe est limité à 1 pour 1, 50% des embauches en 2012. avec une possibilité d’augmenter ce ratio à 2 pour 1 avec l’accord de (1) source, enquête AFB. a c t u a l i t é b a n c a i re N°562 juin 2013 ACCORD DE PLACE SUR LE PRÉFINANCEMENT DU CRÉDIT D'IMPÔT COMPÉTITIVITÉ La FBF a signé l'accord de place sur le préfinancement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Les banques proposent ainsi à leurs clients entreprises et TPE/PME de leur faciliter davantage le financement de l'exploitation et des investissements. L’offre des réseaux bancaires est prête pour les clients, alors que ce dispositif complexe a été finalisé par l'instruction fiscale du 26 février dernier et a nécessité des travaux importants au sein des établissements de crédit. Comme tout crédit, le préfinancement du CICE devra être analysé au cas par cas en fonction de la situation et des perspectives d'activité de l'entreprise. Le CICE s'inscrit dans le sens de l'amélioration de la compétitivité des entreprises, élément clé du retour à la croissance et à l'emploi. PROPOSITION DE DIRECTIVE SUR LES COMPTES BANCAIRES : LES BANQUES FRANÇAISES OFFRENT DES SERVICES ADAPTÉS AUX BESOINS DES CLIENTS La FBF a pris acte de la proposition de directive sur les comptes bancaires qui porte notamment sur la mobilité bancaire, la transparence des frais et l'accès à un compte bancaire. Elle comprend les objectifs de la commission européenne alors que le niveau des services bancaires de proximité est très variable d'un pays européen à l'autre. Toutefois, ceci ne doit pas conduire à la mise en place d'un cadre juridique qui créerait des contraintes sans améliorer la qualité du service rendu aux clients et sans répondre à des attentes identifiées. Il y aurait en outre des risques de conflit avec d'autres exigences règlementaires, notamment la connaissance du client. En France, de nombreuses mesures sont déjà en place pour faciliter la comparabilité des frais bancaires, le changement de banque et l'accès à un compte bancaire (ce qui se traduit par un taux de bancarisation de 99%). Ces sujets ont été traités de manière concertée entre les établissements financiers, les pouvoirs publics et les associations de consommateurs. NOUVELLE PUBLICATION Le programme Les clés de la banque complète sa collection par un miniguide intitulé « Bien réagir en cas de séparation », à destination des particuliers. Ce mini-guide pédagogique détaille les incidences de la situation nouvelle (divorce, rupture de PACS…) sur les comptes bancaires : compte joint, comptes individuels, comptes des enfants. Il précise également le sort des crédits souscrits ensemble avant la séparation ou encore la possibilité de souscrire un crédit, seul, pendant la phase de séparation. Le chiffre du mois 2 545 C’est le nombre de COUR- RIERS REÇUS EN 2012 PAR LE MÉDIATEUR auprès de la FBF, en augmentation d’environ 40%. Cet accroissement correspond en grande partie aux répercussions de la crise économique et financière. Source : Rapport 2012 du Médiateur auprès de la FBF LE COMITÉ NATIONAL SEPA RÉITÈRE SON APPEL À UNE MIGRATION URGENTE AVANT LE 1ER FÉVRIER 2014 Malgré la date butoir, de nombreux acteurs économiques français n'ont toujours pas engagé leur migration vers les moyens de paiement SEPA. Or, une migration tardive comporte des risques opérationnels qui pourraient perturber le fonctionnement de l'économie française. Les conclusions du conseil ECOFIN du 14 mai 2013 incitent les Etats membres à renforcer la communication autour de SEPA. Le Comité national SEPA1, engagé dans une démarche de diversification de ses actions de sensibilisation, appelle chacune des parties prenantes à participer à cet effort. (1) co-présidé par la Banque de France et la FBF Publication mensuelle de la Fédération Bancaire Francaise, Direction de l’Information et des Relations extérieures 18, rue La Fayette, 75440 Paris cedex 09 • tél. 01 48 00 50 09 • fax : 01 48 00 50 10 • www.fbf.fr • Membre de l’UJJEF • Dépôt légal : 2ème trimestre 2013, ISSN 0224-9375 Directeur de publication : Ariane Obolensky • Directeur délégué de publication : Valérie Ohannessian • Rédacteur en chef : Colette Cova • Rédaction : Céline Meslier, Zoë Boissel • Maquette : Olivier Lhomme Imprimé avec des encres végétales sur du papier PEFC par une imprimerie détentrice de la marque Imprim’vert, label garantissant la gestion des déchets dangereux dans les fililères agréées. La certification PEFC garantit que le bois utilisé dans la fabrication du papier provient de forêts gérées durablement.