EchographiE cardiaquE préopératoirE : pour quEl patiEnt

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Echographie cardiaque
préopératoire :
pour quel patient ?
Nadia Benyounes
Unité de Médecine interne, Département d’Anesthésie, Réanimation,
Urgences et Médecine interne, Fondation Ophtalmologique Adolphe
de Rothschild, 25-29 rue Manin, 75940 Paris Cedex 19, France.
Introduction
L’évaluation cardiaque préopératoire a pour objectifs d’identifier et d’apprécier
la gravité d’une pathologie cardiaque préexistante, qui pourrait grever le pronostic
vital et d’évaluer le risque cardiovasculaire péri-opératoire, en tenant compte des
facteurs de risque du patient, y compris de sa capacité fonctionnelle et du type
de chirurgie, ainsi que de son degré d’urgence.
Cette évaluation peut aboutir à différentes mesures, visant toutes à réduire
la morbi-mortalité péri-opératoire : optimisation du traitement médical d’une cardiopathie sous-jacente, définition d’objectifs hémodynamiques, modification de la
technique opératoire et/ou anesthésique, monitorage peropératoire, surveillance
postopératoire spécifique ou rediscussion collégiale du rapport bénéfice risque
d’une intervention chirurgicale programmée [1].
L’échocardiographie dans ses différentes modalités peut-elle apporter une
valeur ajoutée par rapport aux scores cliniques validés, dans la stratification du
risque cardio-vasculaire péri-opératoire ? Si oui, chez quels patients ?
1. Facteurs cliniques de risque péri-opératoire accru
Les taux de complications cardiovasculaires majeures varient de 1 à 10 %
en fonction de la nature de la chirurgie et des caractéristiques du patient [2].
Ainsi, si la fréquence de l’infarctus du myocarde post-opératoire est proche
de 0,7 % chez l’homme de plus 50 ans en chirurgie générale, elle passe à 3,1 %
en chirurgie vasculaire [1].
De plus, une enquête de la SFAR révèle une augmentation de l’âge des
patients opérés, les plus de 54 ans représentant 39 % des anesthésies en
1996, contre 26 % seulement en 1980 [3]. Plusieurs scores cliniques ont été
proposés, avec leurs avantages et inconvénients, afin de tenter de chiffrer ce
88
MAPAR 2008
risque cardiaque péri-opératoire et de prendre les mesures prophylactiques
nécessaires.
En particulier, des explorations complémentaires non invasives sont à
proposer aux patients à risque clinique intermédiaire de complications cardiovasculaires péri-opératoires, s’ils ont une faible capacité fonctionnelle ou si la
chirurgie programmée est à haut risque [4, 5].
Les patients à faible risque clinique seront en majorité opérés sans exploration non invasive complémentaire (avec de rares exceptions) et les patients à
haut risque clinique auront majoritairement une coronarographie si le risque est
lié à une cardiopathie ischémique.
Les principaux scores cliniques utilisés sont les suivants :
1.1.Le score de Goldman
A été validé en 1977 en chirurgie générale et modifié par Detsky en 1986 pour
introduire les critères angor, antécédent d’infarctus du myocarde, antécédent
d’œdème pulmonaire et type de chirurgie. Ces deux scores sous-estiment le
risque péri-opératoire dans les populations à haut risque, par exemple en chirurgie
vasculaire [2].
1.2.Le score de l’ASA
Le score de l’ASA (The American Society of Anesthesiologists Score), est
le premier score clinique pour l’évaluation du risque anesthésique. Bien que
subjectif, sa sensibilité est bonne pour prédire le risque de décès et de complications majeures non fatales dans la population générale. Il est par contre
moins performant pour la prédiction des complications cardiaques que d’autres
scores [6].
1.3.Le score de Lee [7]
Très utilisé, il comporte six variables : chirurgie à haut risque, cardiopathie
ischémique (angor ou antécédent d’infarctus du myocarde), antécédent d’insuffisance cardiaque, antécédent d’accident ischémique cérébral (constitué ou
transitoire), insulinothérapie préopératoire et insuffisance rénale préopératoire
(créatinine > 2 mg/dl). Chaque variable est affectée d’un point et 4 classes sont
définies en fonction du nombre de facteurs de risque du patient : classe I (pas
de facteur de risque), classe II (1 facteur), classe III (2 facteurs) et classe IV (3
facteurs et plus).
Les taux d’événements cardiaques majeurs (infarctus du myocarde, arrêt
cardiaque, œdème pulmonaire et bloc auriculo-ventriculaire complet) ont été
rapportés pour chaque classe de risque. Pour la classe I : 0,4 % (IC 95 % :
0,05-1,5), pour la classe II : 0,9 % (IC 95 % : 0,3-2,1), pour la classe III : 6,6 %
(IC 95 % : 3,9-10,3) et pour la classe IV : 11,0 % (IC 95 % : 5,8-18,4).
1.4.STRATIFICATION DU RISQUE SELON L’American College of Cardiology et l’American Heart Association
L’American College of Cardiology et l’American Heart Association ont développé un algorithme de stratification du risque péri-opératoire dans la mise à jour
de leurs recommandations en 2002, en utilisant une classification des facteurs
de risque cliniques en majeurs, intermédiaires et mineurs [5].
Ces facteurs cliniques sont résumés dans le tableau I.
Le cœur en anesthésie-réanimation
89
Le niveau de risque est défini en fonction de la fréquence des complications
cardiovasculaires observées dans chaque classe. La fréquence des complications cardiovasculaires péri-opératoires des patients à faible risque clinique est
inférieure à 3 %. Elle varie entre 3 et 10 % (voire 15 % pour certains) chez les
patients à risque clinique intermédiaire et dépasse les 10-15 % chez les patients
à risque clinique élevé [8].
Tableau I
Facteurs cliniques de risque cardiovasculaire accru en péri-opératoire
(Infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, décès).
Facteurs majeurs
• Syndromes coronaires
aigus
• Infarctus* du myocarde
aigu ou récent, avec
ischémie étendue
• Angor instable ou sévère
(classes III et IV)
• Insuffisance cardiaque
décompensée
• Arythmies significatives :
- Bloc auriculo-ventriculaire de haut degré
- Arythmies ventriculaires significatives, avec
présence d’une cardiopathie sous-jacente
- Arythmies supraventriculaires, avec cadence
ventriculaire non contrôlée
• Valvulopathie sévère
Facteurs
intermédiaires
• Angor stable modéré
(classes I ou II)
• Antécédent d’infarctus du myocarde à
l’interrogatoire ou
ondes Q pathologiques sur l’ECG
• Antécédent d’insuffisance cardiaque ou
insuffisance cardiaque
compensée
• Diabète (surtout
diabète insuliné)
• Insuffisance rénale
chronique
Facteurs mineurs
• Age > 70 ans
• ECG anormal (HVG, BBG,
anomalies du segment ST,
de l’onde T…)
• Rythme non sinusal (FA…)
• Faible capacité fonctionnelle
(impossibilité de monter
un étage avec un sac de
courses)
• Antécédent d’accident
ischémique cérébral, constitué ou transitoire
• HTA non contrôlée**
IDM* aigu : dans les 7 jours. IDM récent* : plus de 7 jours et ≤ à 30 jours.
** : HTA non contrôlée : PAS ≥ 180 mmHg et/ou PAD ≥ 110 mmHg
HVG: hypertrophie ventriculaire gauche ; BBG : bloc de branche gauche ;
FA : fibrillation auriculaire.
Les scores cliniques sont une étape indispensable dans la stratification
du risque cardiovasculaire préopératoire. Néanmoins, certains patients à faible
risque clinique auront des événements cardiovasculaires péri-opératoires [10] et
surtout, la majorité des opérés est à risque clinique intermédiaire d’événements
cardiovasculaires (30 à 60 % des patients en chirurgie vasculaire). Il s’agit là des
limites des scores cliniques, rendant nécessaire leur sensibilisation par d’autres
moyens, afin de mieux apprécier le risque de ce groupe hétérogène de patients,
qui peuvent être coronariens stables connus ou asymptomatiques avec nombreux
facteurs de risque vasculaire.
L’échocardiographie fait-elle partie de ces moyens de sensibilisation ? Si oui,
quels patients en bénéficieraient le plus ?
90
MAPAR 2008
2.Place des examens complémentaires échocardiographiques dans la stratification du risque cardiovasculaire péri-opératoire
2.1.Echocardiographie trans-thoracique
L’échocardiographie trans-thoracique permet, en présence d’une cardiopathie
valvulaire connue ou suspectée sur les données de l’examen clinique (souffle
cardiaque par exemple), d’évaluer la sévérité de la valvulopathie et la fonction
systolique ventriculaire gauche, important facteur pronostique.
En présence d’une cardiopathie ischémique connue, elle détecte d’éventuelles anomalies de la cinétique segmentaire, leur extension et évalue la fonction
ventriculaire gauche et les pressions de remplissage du ventricule gauche.
Une cardiopathie pré-existante peut néanmoins être ignorée car latente,
chez un patient asymptomatique. L’évaluation préopératoire aura pour but de
la détecter. Ainsi, un électrocardiogramme anormal, la présence de nombreux
facteurs de risque cardiovasculaire ou une hypertension artérielle compliquée
pourront amener à la réalisation d’une échocardiographie trans-thoracique
préopératoire.
La détection d’anomalies de cinétique segmentaire pourrait plaider en faveur
d’une cardiopathie ischémique sous-jacente.
Dans un souci à la fois économique (coût des examens complémentaires),
d’efficience (la positivité d’un examen complémentaire doit avoir une incidence
sur la prise en charge du patient) et d’organisation des soins (retard à la chirurgie
induit par la réalisation d’examens complémentaires, ayant d’ailleurs le plus
souvent une faible valeur prédictive positive), une sélection préalable des patients
devant être explorés par échocardiographie trans-thoracique préopératoire est
nécessaire.
Quelques équipes ont tenté d’évaluer l’intérêt de l’échocardiographie transthoracique de repos en péri-opératoire d’une chirurgie non cardiaque, avec des
résultats disparates.
En chirurgie vasculaire majeure, un algorithme associant données cliniques
et résultats d’une échocardiographie trans-thoracique a été testé [10]. En plus
des variables cliniques (âge, antécédent et classification de la sévérité de l’angor,
antécédent d’infarctus du myocarde ou onde Q pathologique avec anomalies de
cinétique segmentaire en échocardiographie trans-thoracique, diabète, insuffisance cardiaque congestive et HTA, classée en modérée et sévère), la fraction
d’éjection ventriculaire gauche échographique a été incluse dans l’algorithme de
stratification du risque, sauf si l’électrocardiogramme de surface était normal,
chez un patient n’ayant pas de facteurs de risque clinique. Dans ce seul cas,
l’échocardiographie trans-thoracique n’était pas réalisée. Si en analyse univariée,
l’HTA, l’antécédent d’insuffisance cardiaque congestive et la fraction d’éjection
ventriculaire gauche échocardiographique étaient associés à un risque accru
d’événements cardiovasculaires, seul l’antécédent d’insuffisance cardiaque
congestive restait associé au risque d’événement péri-opératoire en analyse
multivariée dans ce travail.
Les résultats sont très semblables dans une série de 339 patients coronariens ou à haut risque clinique de cardiopathie ischémique, opérés d’une chirurgie
non cardiaque majeure [11]. L’âge moyen était de 67 ± 9 ans.
Le cœur en anesthésie-réanimation
91
Une échocardiographie trans-thoracique a été réalisée chez tous les patients
en préopératoire, avec évaluation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche,
de la cinétique segmentaire (exprimée par un index de score segmentaire) et
recherche d’une hypertrophie ventriculaire gauche. Un événement ischémique
postopératoire a été observé chez 3 % des patients, une insuffisance cardiaque
congestive chez 8 % et une tachycardie ventriculaire chez 8 %. En analyse
univariée, une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 40 % était
associée au risque de survenue de toutes les complications cardiovasculaires
combinées, au risque d’insuffisance cardiaque congestive et à la survenue
d’arythmies ventriculaires. En analyse multivariée, une fraction d’éjection
ventriculaire gauche abaissée n’était plus associée qu’à la combinaison des
complications cardiovasculaires avec un Odds ratio de 2,5 (IC 95 % : 1,2-5,0).
L’index de score segmentaire n’était également associé en analyse multivariée
qu’au risque combiné des complications, avec un Odds ratio de 1,3 (IC 95 % :
1,0-1,7). La sensibilité de l’association facteurs cliniques plus fraction d’éjection
inférieure à 40 % pour la survenue du critère combiné des événements cardiovasculaires postopératoires (19 % dans ce travail) était de 17 %, la spécificité
de 98 %, la valeur prédictive positive de 73 %, la valeur prédictive négative
de 83 % et la précision diagnostique de 83 %. Ces chiffres ne sont pas significativement différents du modèle clinique seul (respectivement : 6 %, 98 %,
50 %, 81 % et 81 %). L’évaluation préopératoire associant facteurs cliniques et
échocardiographie n’apportait pas, ici, de valeur ajoutée significative par rapport
à une évaluation par facteurs cliniques seuls.
Lorsqu’une évaluation cardiologique non invasive préopératoire doit être
réalisée pour la stratification du risque cardiovasculaire, certaines équipes [12]
préconisent l’association d’une échocardiographie trans-thoracique (évaluation
de la fraction d’éjection ventriculaire gauche), à la scintigraphie myocardique au
thallium et dipyridamole (recherche de défects myocardiques réversibles). L’association de l’échocardiographie trans-thoracique améliorerait significativement la
valeur prédictive positive de la scintigraphie myocardique. Cependant, le rapport
coût-efficacité d’une telle prise en charge ne peut être favorable.
A la lumière de ces quelques travaux, l’échocardiographie trans-thoracique
systématique pour l’évaluation du risque cardiovasculaire avant chirurgie non
cardiaque n’apporte pas de valeur ajoutée significative à l’évaluation clinique
seule et n’est de ce fait pas recommandée [13]. Elle peut s’avérer utile chez les
patients suspects de cardiopathie valvulaire, d’insuffisance cardiaque aiguë ou
de cardiomyopathie (dilatée, hypertrophique, autre) par exemple [14].
2.2.Echocardiographie de stress
Si la majorité des patients à faible risque clinique est opérée sans exploration
complémentaire et la majorité des patients à risque clinique élevé avec suspicion
de cardiopathie ischémique est coronarographiée, la prise en charge du groupe à
risque clinique intermédiaire était assez mal codifiée, jusqu’aux travaux récents
sur l’intérêt de l’échocardiographie de stress chez ces patients. Les premiers
travaux ont montré une sensibilisation des scores cliniques par échocardiographie
de stress et fait très important, un travail a clarifié la conduite à tenir en fonction
des résultats du test d’ischémie : traitement bêta-bloquant péri-opératoire ou
coronarographie préopératoire en vue d’une revascularisation coronaire [15].
En échocardiographie de stress, le stress en question peut-être physiologique
92
MAPAR 2008
(effort) ou pharmacologique (dobutamine). Le stress pharmacologique est le
plus adapté au contexte préopératoire (sujet souvent âgé, chirurgie vasculaire
ou orthopédique, faible capacité fonctionnelle) et le mieux validé dans cette
indication de stratification du risque.
La chirurgie vasculaire majeure étant associée à un risque de complications
cardiovasculaires péri-opératoires élevé, multiplié par un facteur de 3 à 5 (par
rapport à la population générale des opérés), un certain nombre de travaux a
ciblé cette population.
L’échocardiographie sous-dobutamine systématique a-t-elle un intérêt
supplémentaire par rapport à une prise en charge classique, comportant une
évaluation clinique approfondie, en chirurgie vasculaire majeure ?
Pour tenter de répondre à cette question, une équipe a comparé le taux
d’événements dans leur cohorte historique de patients opérés de l’aorte à une
cohorte prospective avec échocardiographie sous-dobutamine systématique [16].
La mortalité totale était de 2,3 % et la mortalité cardiovasculaire de 0 % dans
le groupe des 42 patients explorés par échocardiographie sous dobutamine
systématique, contre respectivement 4,4 % et 2,9 % dans la cohorte historique
de 68 patients. La différence n’était pas significative et les événements sont tous
survenus chez des coronariens connus. Cependant, la valeur prédictive négative
de l’échocardiographie de stress était excellente, chiffrée à 97 %.
Si l’échocardiographie de stress systématique ne semble pas avoir d’intérêt
supplémentaire par rapport à l’évaluation clinique seule, est-elle utile chez des
patients sélectionnés ?
Cela semble être le cas en chirurgie non cardiaque majeure, comme
rapporté dans le travail de Torres et al [17]. Avant chirurgie majeure, les patients
ayant au moins un des facteurs de risque suivants : antécédent d’infarctus du
myocarde, angor, insuffisance cardiaque congestive et diabète ont été explorés
par échocardiographie sous dobutamine. La combinaison des facteurs cliniques
et des résultats de l’échocardiographie sous dobutamine a permis une stratification des patients selon leur taux d’événements (décès d’origine cardiaque,
syndromes coronaires aigus et infarctus du myocarde) : faible risque avec une
fréquence d’événements de 1,8 %, correspondant à la survenue d’un infarctus
du myocarde chez un patient (pas d’ischémie documentée en échocardiographie
sous dobutamine), risque intermédiaire avec une fréquence d’événements
cardiovasculaires de 9 % ; IC 95 % : 1-9 % (ischémie documentée et 1 ou 2
facteurs de risque clinique), risque élevé et seuil d’ischémie élevé avec une
fréquence d’événements de 20 % ; IC 95 % : 4-48 % (3 ou 4 facteurs de risque,
ischémie documentée avec seuil élevé) et risque élevé et seuil ischémique bas
(< 70 % FMT), avec une fréquence d’événements de 33 %; IC 95 %: 10-65 %.
Il est intéressant de noter que le traitement bêta-bloquant ne réduisait pas le
risque d’événements cardiovasculaires dans ce travail, même si l’administration
de ce traitement n’était ici ni systématique ni randomisé.
L’équipe de la Mayo Clinic a également montré, en chirurgie non vasculaire
(Figure 1), que l’échocardiographie sous dobutamine apportait une valeur ajoutée
par rapport à la stratification clinique seule (Score de Eagle : tableau II), chez des
patients coronariens ou suspects de l’être [9]. Le risque échographique était faible
en l’absence d’ischémie documentée, intermédiaire en présence d’une ischémie
Le cœur en anesthésie-réanimation
93
myocardique avec seuil ischémique élevé (> 60 % FMT) et élevé en présence
d’une ischémie pour une fréquence cardiaque inférieure à 60 % de la FMT.
45%
40%
35%
% Evénements en
fonction score
clinique
% Evénements en
fonction stress
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
Faible risque
Risque
Haut risque
intermédiaire
Figure 1 : Supériorité du score échographique sur le score clinique pour la
prédiction des événements cardiovasculaires péri-opératoires
Tableau II
Score clinique de Eagle [18].
Critères
• Age > 70 ans
• Antécédent d’angor
• Antécédent d’infarctus du myocarde
• Diabète
• Antécédent d’insuffisance cardiaque congestive
Faible
risque
clinique
0 critère
Risque
intermédiaire
Risque
clinique
élevé
1 ou 2
critères
3 critères
ou plus
Surtout, la réalisation d’une échocardiographie sous dobutamine avant
chirurgie vasculaire majeure, chez des patients sélectionnés (ayant des facteurs
de risque clinique) peut modifier leur prise en charge péri-opératoire [15].
Un test d’ischémie a été réalisé chez les patients ayant au moins trois
des critères du score de Lee [15]. L’apparition d’anomalies de cinétique segmentaire en échocardiographie de stress était un puissant facteur prédictif
des complications cardiovasculaires péri-opératoires. L’étendue de l’ischémie
induite (nombre de segments ischémiques) apportait une information pronostique importante, avec une fréquence d’événements de 10,8 % chez les
patients avec ischémie induite de 1 à 4 segments, contre 23,9 % si l’ischémie
intéressait 5 segments et plus. Surtout, le traitement bêtabloquant réduisait
significativement le risque d’événements cardiovasculaires péri-opératoires dans
tous les sous-groupes sauf le plus à risque (3 critères cliniques ou plus avec
cinq segments ischémiques ou plus). Ainsi, en chirurgie vasculaire majeure, les
patients avec trois facteurs de risque clinique ou plus et une échocardiographie
sous dobutamine négative ou révélant une ischémie induite peu étendue
pourraient être opérés sous traitement bêta-bloquant péri-opératoire, avec un
taux de complications acceptable. Ceux ayant une ischémie étendue devraient
94
MAPAR 2008
être explorés par coronarographie, en vue d’une revascularisation coronaire
préopératoire. L’attitude proposée par cette équipe, qui consiste à combiner l’échocardiographie sous dobutamine et le traitement bêtabloquant chez des patients
sélectionnés est d’autant plus intéressante qu’il n’y a pas d’argument à ce jour,
en faveur d’une revascularisation coronaire prophylactique systématique avant
chirurgie vasculaire [19]. La prophylaxie médicamenteuse semble ainsi prendre
le dessus sur la revascularisation coronaire systématique préopératoire.
3.ConclusionS
3.1.test non invasif cardiologique en préopératoire
Le recours à un test non invasif cardiologique en préopératoire d’une chirurgie
non cardiaque doit être réservé aux situations ou le résultat de ce test est susceptible de modifier significativement la prise en charge du patient exploré.
3.2.échocardiographie trans-thoracique
L’échocardiographie trans-thoracique systématique n’est pas recommandée
pour l’évaluation du risque cardiovasculaire avant chirurgie non cardiaque [20].
Les indications de l’échocardiographie trans-thoracique préopératoire sont
en général similaires aux indications de cet examen en dehors du contexte
péri-opératoire [14, 21].
3.3.échocardiographie sous dobutamine
L’échocardiographie sous dobutamine est validée dans la stratification du
risque cardiovasculaire avant chirurgie non cardiaque. Elle apporte une valeur
ajoutée par rapport aux scores cliniques validés et a une excellente valeur
prédictive négative, proche de 100 %. Les patients qui en bénéficient le plus
sont ceux à risque clinique intermédiaire (coronariens connus stables ou patients
asymptomatiques avec facteurs de risque). Elle permet chez ces patients
d’identifier un sous-groupe à très haut risque de complications cardiovasculaires,
chez lesquels le traitement bêtabloquant prophylactique ne sera probablement
pas efficace, et qui seront à explorer par coronarographie diagnostique, en vue
d’une revascularisation coronaire préopératoire [15].
3.4.échocardiographie transœsophagienne
La place de l’échocardiographie transœsophagienne est extrêmement limitée
dans le contexte préopératoire. Sa réalisation pourra être envisagée chez les
patients ayant une indication à l’échocardiographie trans-thoracique préopératoire
mais qui s’avèrent anéchogènes.
3.5.prise en charge cardiologique spécifique
Enfin, une prise en charge cardiologique spécifique est rarement nécessaire
pour réduire le risque cardiovasculaire d’une chirurgie non cardiaque. Cependant,
la chirurgie extracardiaque représente assez souvent la première occasion pour
un patient de bénéficier d’une évaluation cardiologique et de son pronostic
cardiovasculaire à court et long terme et ceci est probablement à prendre en
compte.
Le cœur en anesthésie-réanimation
95
4.Proposition d’un algorithme de stratification du
risque cardiovasculaire avant chirurgie non cardiaque (ACC/AHA 2002), précisant la place des tests
non invasifs (échocardiographie de stress).
L’algorithme proposé (Figures 2, 3 et 4) prend en considération les facteurs
cliniques, le risque lié à la chirurgie (Tableau III) et la capacité fonctionnelle du
patient (Tableau IV).
Tableau III
Risque lié à la chirurgie.
Chirurgie à haut risque
Chirurgie à risque
intermédiaire
Chirurgie à faible
risque
• Endartériectomie caroti- • Procédures
• Chirurgie « majeure » en
endoscopiques et
dienne et chirurgie « tête
urgence (surtout chez la
superficielles
et cou »
personne âgée).
• Chirurgie vasculaire majeure • Chirurgie intrapéritonéale • Chirurgie de cataracte
• Chirurgie du sein
et intrathoracique
(aorte) et vasculaire périphé• Chirurgie orthopédique et
rique.
• Les interventions prolongées prostatique
(> 5 heures) avec pertes
sanguines significatives et
importantes variations hémodynamiques.
Tableau IV
Capacité fonctionnelle exprimée en MET.
1-4 METs
Activités ménagères mineures
Faire le tour de la maison
Marcher le long de 1-2 pâtés de maisons à plat à 3-5 Km/h
5-9 METs
Monter un étage, marche en côte
Marcher à plat à > 6 Km/h
Courir sur une courte distance
> 10 METs
Sports intenses (natation, vélo, tennis)
Travail pénible
Un MET représente la consommation en oxygène d’un adulte au repos
(3,5 ml/Kg/min).
Conduite à tenir selon les
résultats des explorations et de la
réponse au traitement
Prise en charge médicale et correction des FdR
Étape 5
Aller à l'étape
n°6
Facteurs de risque majeurs :
-SCA (syndrome coronaire aigu)
-Insuffisance cardiaque décompensée
-Arythmies significatives
-Valvulopathie sévère
Aller à l'étape
n°7
Facteurs de risque
mineurs
Bloc opératoire
Stratifiation postopératoire et
correction des facteurs de risque cardiovasculaire
Favorable et symptômes
inchangés
Facteurs de risque
intermédiaires
Défavorable ou modification
des symptômes
Coronarographie récente
ou test d'ischémie (2 ans)
Risque lié à une coronaropathie. Discuter la
coronarographie
Facteurs
Cliniques
oui
oui
Symptômes
récidivants ?
non
Bloc opératoire
Discuter le report ou
l'annulation de
la chirurgie
Facteurs de risque
majeurs
non
Évaluation coronaire
récente
non
Revascularisation coronaire
complète dans
les 5 ans ?
oui
Chirurgie vitale
Chirurgie urgente ou programmée
Indication à une
chirurgie non cardiaque
Figure 2 : Algorithme [1]
Étape 4
Étape 3
Étape 2
Étape 1
96
MAPAR 2008
Tests invasifs
Tests non invasifs
Risque lié à la chirurgie
Capacité fonctionnelle
Facteurs cliniques
Faible risque
Bloc opératoire
Stratification postopératoire et
correction des facteurs de risque
cardiovasculaire
Procédure
à faible risque
Facteurs de risque intermédiaire
-Angor stable
-Antécédent d’infarctus du myocarde
-Insuffisance cardiaque congestive compensée
-Diabète
-Insuffisance rénale
Procédure à risque
intermédiaire
Moyenne (> 4 METs)
Procédure
à haut risque
CAT selon les résultats des
explorations et de
la réponse au traitement
Discuter
la coronarographie
Haut risque
Tests non invasifs
Faible (< 4 METs)
Facteurs de risque intermédiaires
Figure 3 : Algorithme [2]
Etape 8 : tests non invasifs : échographie de stress. Le niveau de risque est défini par le nombre de segments ischémiques.
Étape 8
Étape 6
Le cœur en anesthésie-réanimation
97
Tests invasifs
Tests non invasifs
Risque lié à la chirurgie
Capacité fonctionnelle
Facteurs cliniques
Moyenne ou excellente
(> 4 METs)
Faible risque
Stratification postopératoire et
correction des facteurs de risque
cardiovasculaire
Facteurs de risque mineurs
-Age > 70 ans
-ECG anormal
-Faible capacité fonctionnelle
-Antécédent d’accident vasculaire cérébral
-HTA non contrôlée
Bloc opératoire
Procédure à risque
intermédiaire
ou faible
Conduite à tenir selon les
résultats des explorations et de
la réponse au traitement
Discuter
la coronarographie
Haut risque
Tests non invasifs
Procédure
à haut risque
Faible
(< 4 METs)
Facteurs de risque mineurs ou inexistants
Etape 8 : tests non invasifs : échographie de stress.
Figure 4 : Algorithme [3]
Étape 8
Étape 7
98
MAPAR 2008
Le cœur en anesthésie-réanimation
99
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