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Université Bordeaux Segalen Bordeaux 2
Diplôme Universitaire
d’Hypnose Médicale
Année 2012-2013
Formation coordonnée par Dr Fabrice Lakdja
Co-responsables : Pr Bruno Brochet et Pr François Sztark
Gestion de la douleur chronique
par cathéter périnerveux en
chirurgie de la main : apport de
l’outil hypnotique
Véronique Sztil infirmière anesthésiste
Dr Amélie Lasserre anesthésiste
Directrice de mémoire Dr Frédérique Honoré
Remerciements
Au Docteur Frédérique Honore de nous avoir encadré dans ce mémoire et de nous avoir guidé
dans l’élaboration de ce travail.
Au Professeur Fabrice Lakdja pour nos avoir permis de suivre cet enseignement.
Au Professeur Sztark, pour sa participation à cet enseignement en tant que chef de pôle
d’anesthésie afin d’élargir le champ de notre spécialité hors des thérapeutiques médicamenteuses,
l’anesthésie ne se limitant pas à de la chimie.
Au Professeur Nouette-Gaulain pour son soutien toujours enthousiaste
Au Docteur Marie-Christine Krol-houdek et à Brigitte Lhomme, pour avoir ouvert « la voie de
l’hypnose » au Centre François Xavier Michelet.
A tous nos collègues pour nous avoir permis de nous absenter pour suivre les cours du DU
A tous les intervenants pour leur enthousiasme à nous faire partager leur savoir.
A tous les patients du mémoire et tous ceux à venir qui enrichissent chaque jour notre expérience
de soignants.
A nos proches pour leur soutien.
Mémoire joué à quatre mains par Véronique Sztil, infirmière anesthésiste et Amélie Lasserre
médecin anesthésiste au Centre François Xavier Michelet
Résumé
La douleur chronique est une problématique extrêmement fréquente en chirurgie,
particulièrement en chirurgie de la main (syndrome douloureux regional complexe
notamment). La prise en charge de ces pathologies fait appel à une bonne
connaissance des différents types, des différentes composantes de la douleur. Elle
se doit d’être multimodale avec un traitement médicamenteux adapté, une
rééducation active du patient et tout ceci dans le plus grand confort possible pour le
patient. Les anesthésistes peuvent apporter via la mise en place de cathéter
périnerveux à visée analgésiques une aide à la réeducation du patient. La pose de
ces cathéters au bloc opératoire, lieu souvent anxiogène pour le patient, peut se
faire sous hypnose conversationnelle ou formelle. En dehors de ce contexte de pose
de cathéter (gestion de la douleur aigue), l’hypnose est probablement un outil
intéressant pour ces patients pour les aider à mobiliser des capacités qu’ils ont en
eux pour gérer leur pathologie (gestion de la douleur chronique).
Table des matières
1.
a.
b.
c.
d.
i.
ii.
iii.
iv.
e.
f.
g.
2.
a.
b.
i.
ii.
c.
i.
ii.
3.
4.
Douleur chronique et chirurgie de la main ............................................................................... 6
Le contexte : anesthésie en chirurgie de la main ..................................................................... 6
douleur aigue/ douleur chronique ............................................................................................ 7
Douleur par excès de nociception/douleur neuropathique ....................................................... 7
Différentes composantes de la douleur ................................................................................... 10
La composante sensori-discriminative .................................................................................... 11
La composante affectivo-émotionnelle ................................................................................... 11
La composante cognitive ..................................................................................................... 11
Composante comportementale : .......................................................................................... 11
La chronicisation de la douleur en post opératoire................................................................ 11
Chirurgie de la main et chronicisation de la douleur............................................................. 12
la consultation d’anesthésie postopératoire ........................................................................... 14
L’outil hypnotique .................................................................................................................. 15
Historique de l’hypnose .......................................................................................................... 15
L’hypnose conversationnelle .................................................................................................. 20
Base théorique ......................................................................................................................... 20
Cas concret : pose d’un cathéter supraclaviculaire droit sous hypnose conversationnelle. .... 21
L’hypnose formelle.................................................................................................................. 24
Base théorique ......................................................................................................................... 24
Cas concret : pose d’un cathéter supra claviculaire droit sous hypnose formelle................... 28
L’avenir ................................................................................................................................... 32
Conclusion .............................................................................................................................. 33
1. Douleur chronique et chirurgie de la main
a. Le contexte : anesthésie en chirurgie de la main
La chirurgie de la main a fait beaucoup de progrès :
• au niveau chirurgical par amélioration des techniques et diminution des
temps d’intervention
• au niveau anesthésique
o d'une part en per opératoire en remplaçant une anesthésie générale
(AG) lourde par une anesthésie locorégionale (ALR) consistant en
l’administration d’anesthésique local au niveau du plexus brachial,
permettant d’endormir tout le membre supérieur
o d'autre part en postopératoire par l’amélioration de la qualité de
l'analgésie en particulier via les cathéters péri-nerveux (CPN)
consistant à administrer des anesthésiques locaux dilués afin d’obtenir
une analgésie (et non une anesthésie chirurgicale) de tout le membre
supérieur. L’indication privilégiée de cette technique d’analgésie est la
chirurgie avec des douleurs post opératoire modérées à sévères
pendant plus de 24h. La prise en charge des patients est ainsi
optimisée afin de minimiser les phénomènes de cicatrisation fibreuse
(rééducation précoce), de sensibilisation du système nerveux central à
la douleur, pouvant entraver l’objectif initial de la chirurgie : rendre
au patient la fonctionnalité de sa main. L'utilisation de ces cathéters
représente un atout majeur dans la prise en charge postopératoire. La
supériorité de cette technique d’analgésie sur les autres méthodes est
désormais largement prouvée par les données récentes de la littérature
[1] [2]
Les techniques d'échoguidage (ponction sous échographie) en ALR ont pris
un essor fondamental ces dernières années en particulier dans la chirurgie de la
main [3] [4] Par une meilleure visualisation des nerfs et des structures
avoisinantes, elles ont permis également d'optimiser le placement des CPN,
facilitant ainsi au maximum la diffusion des anesthésiques locaux au contact des
structures cibles tout en minimisant la diffusion aux zones contiguës. [5]
b. douleur aigue/ douleur chronique
La douleur est définie par l’OMS comme « une expérience sensorielle et
émotionnelle désagréable en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle
ou décrite en ces termes ».
De toute évidence dans le cadre de la chirurgie ; l’atteinte tissulaire, réelle ou
potentielle ou décrite en ces termes en préopératoire qui fait poser l’indication
opératoire est suivi d’une atteinte tissulaire pour le coup toujours réelle
consécutive à la chirurgie !
La douleur aigue, qui fait suite à 1 lésion quel qu’elle soit, est une douleur
symptôme.
La douleur chronique est définie selon l’HAS [6] comme un syndrome
multidimensionnel avec:
• Des douleurs persistantes ou récidivantes, évoluant au-delà du délai habituel
d’évolution de la pathologie causale diagnostiquée, notamment au-delà de 3
mois
• Accompagnées d’un retentissement fonctionnel dans les actes de la vie
quotidienne ou d’une intrication sociale ou professionnelle, notamment audelà de 3 mois.
c. Douleur par excès de nociception/douleur neuropathique
Il existe deux grands types de douleur :
• Les douleurs dite par excès de nociception, consécutives à l'activation du
système de transmission des messages nociceptifs par stimulation excessive
des récepteurs périphériques mis en jeu par des processus lésionnels,
inflammatoires ou ischémique via des perturbations métaboliques
locorégionales. Ainsi la douleur post opératoire immédiate est un « modèle »
de douleur par excès de nociception, l’incision provoquant localement la
libération de bradykinine, d'histamine, de sérotonine, de prostaglandine et
autres substance P intervenant dans le processus d'inflammation.
Ces douleurs répondent en général assez bien aux antalgiques dits classiques
définis en palier par l’OMS selon la classification suivante :
D’après antalvite.fr
• Les douleurs dite neuropathique causées par une lésion primitive ou un
dysfonctionnement du système nerveux (définition de l’IASP). Le
diagnostic peut se faire grâce à un questionnaire : le DN4 comprenant un
interrogatoire et un examen clinique du patient à l’issu desquels le praticien
peut poser le diagnostic de douleur neuropathique si le score est au moins de
4/10. Ces douleurs répondent en règle générale assez mal aux traitements
antalgiques classiques décrits dans les paliers de l’OMS et certains
antiépileptiques (gabapentine, pregabaline) et antidépresseurs (amitriptyne)
représentent les molécules de choix dans le traitement de cette entité
douloureuse.
Tiré de 51e congrès de la SFAR. Évaluation et traitement de la douleur
2009 Elsevier Masson SAS.
Incidence et prévention de la douleur chronique postopératoire
H. Keïta 1, J. P. Estèbe d’après [7]
Extrait de [8]
d. Différentes composantes de la douleur
Toute douleur, quel qu’elle soit, a différentes composantes qu’il est
nécessaire de connaitre pour la prise en charge des patients douloureux :
i. La composante sensori-discriminative
Elle correspond à ce que sent le patient avec une localisation, un type, une intensité
et une durée.
ii. La composante affectivo-émotionnelle
Elle correspond à ce que ressent le patient et son retentissement sur l’affectivité et
l’humeur : angoisse, anxiété et dépression
iii. La composante cognitive
Elle correspond à l'ensemble des processus mentaux susceptibles d'influencer la
perception de la douleur et les réactions comportementales qu'elle détermine :
attention, diversion de l'attention, interprétation et valeurs attribuées à la douleur,
anticipation, références à des expériences douloureuses antérieures personnelles ou
observées, décisions sur le comportement à adopter.
iv. Composante comportementale :
Elle correspond à l'ensemble des manifestations verbales et non verbales
observables.
e. La chronicisation de la douleur en post opératoire
La chronicisation de la douleur en post opératoire est un phénomène commençant
à être de mieux en mieux connu et hélas assez fréquent : le tableau 1(conférence
d’actualisation de la sfar) résume les différentes incidences de douleur en fonction
du type de chirurgie et l’on peut voir qu’un grand nombre de patient, souvent
avoisinant la moitie selon l’étude et la chirurgie, présente après une intervention
chirurgicale une chronicisation de le la douleur.
Tiré de 51e congrès de la SFAR. Évaluation et traitement de la douleur
2009 Elsevier Masson SAS.
Incidence et prévention de la douleur chronique postopératoire
H. Keïta 1, J. P. Estèbe d’après [9]
Cette douleur post opératoire tardive est souvent de type neuropathique.
f. Chirurgie de la main et chronicisation de la douleur
Dans l’étude KTAX réalisée dans notre service, 64% des patients opérés d’une
chirurgie majeure de la main (16/25) ont des douleurs résiduelles avec une EN
médiane à 6 à 1 mois (IQ25-75% : 3-6), 56% de ces douleurs étant de type
neuropathique (score DN4> ou = à 4/10). La problématique de la douleur post
opératoire tardive (même si l’on ne peut pas encore parler de douleur chronique au
sens strict du terme) semble donc à envisager pour toute personne intervenant dans
la prise en charge de ces patients.
En post opératoire de chirurgie de la main, il existe de plus une entité particulière
de syndrome douloureux appelée syndromes douloureux régionaux complexes
(SDRC) de type 1 ou 2 anciennement appelé algoneurodystrophie. Ce syndrome
associe une douleur constante, parfois disproportionnée par rapport à l’atteinte
initiale, associé à des modifications sensorielles, vasomotrices, sudomotrices,
motrice et trophique du membre concerné. Le type 1 ne présente pas d’atteinte
neurologique systématisé contrairement au type 2.
[10]
g. la consultation d’anesthésie postopératoire
Devant ces constatations, nous avons décidé conjointement avec les chirurgiens de
mettre un réseau en place pour ces patients douloureux fasse auxquels ils se
trouvent parfois désemparés à la consultation chirurgicale. En effet, malgré la
réussite « technique » de l’intervention, l’objectif initial n’est pas atteint puisque
le patient n’a pas retrouvé la fonctionnalité de sa main.
Nous avons donc « ouvert » 2 matinées par mois de consultations d’anesthésie post
opératoire en chirurgie de la main.
En effet, les anesthésistes ont dans leur savoir faire des techniques extrêmement
puissante pour soulager la douleur des patients dont l’anesthésie locorégionale. Elle
consiste comme nous l’avons vu plus haut à anesthésier (priver de sensation) une
région du corps, ici le membre supérieur en déposant sous échographie de
l’anesthésique local autour de chacun des nerfs du plexus brachial. Le nerf ainsi
baigné dans l’anesthésique local, la transmission nerveuse ne peut plus « circuler »
de canal sodique voltage dépendant en canal sodique voltage dépendant le long du
nerf, « comme si la route était barrée » : les informations douloureuses ne seront
plus transmises au cerveau et les demandes de mobilisation n’aboutiront plus à la
main.
Dans le cadre de l’analgésie (Terme grec composé de alpha privatif et du mot grec
exprimant douleur), nous utilisons des anesthésiques locaux dilués (type
ropivacaïne 2mg/ml) de façon à préserver au maximum la sensibilité et surtout la
motricité pour permettre la rééducation.
Ainsi les patients sont vu une première fois en consultation pour évaluation de la
douleur en utilisant les outils proposés par l’HAS :
• Schéma de la douleur
• Evaluation de la douleur par EVA (échelle visuelle analogique)
o au moment présent
o en moyenne depuis les 8 derniers jours
o maximale sur les 8 derniers jours
• Evaluation du soulagement par EVA procurée par les antalgiques ou autres
techniques d’analgésies
• Score DN4
• Echelle de retentissement de la douleur sur le comportement quotidien
• Score de DASH, score d’évaluation du handicap (disablity of the armshoulder-hand), d’autant plus élevé que le handicap fonctionnel est important
Au terme de cette consultation, le traitement est adapté si nécessaire et le patient est
réévalué à 1 mois.
En cas d’efficacité insuffisante du traitement antalgique, c’est à ce moment la que
rentre en jeu la proposition de rééducation sous cathéter péri-nerveux.
Récemment sont en effet paru dans les afar des recommandations sur la place des
techniques d’analgésie locorégionale dans le traitement de la douleur chronique :
les blocs sympathiques et les blocs locorégionaux des membres ayant été retenus
comme traitements de seconde ligne dans les recommandations pour la prise en
charge des SDRC des membres, en association à la rééducation fonctionnelle (cette
dernière constituant le traitement de première ligne).
[11]
Mais Emile Zola nous dit: “un médicament ne vaut que par la main qui le donne”
voila des propos forts à propos qui laissent pensifs !
2. L’outil hypnotique
a. Historique de l’hypnose
L’histoire de l’hypnose commence lorsque certains thérapeutes s’aperçurent que
l’art de soigner revêtait une dimension humaine à deux. Cela implique une relation
entre le thérapeute et le patient basée sur le regard, les gestes qu’on lui prodigue,
l’attention qu’on lui porte, l’empathie, l’écoute de son histoire.
En effet, ce sont des éléments déterminants qui renforcent et amplifient les résultats
de l’acte thérapeutique en lui-même. En Egypte quelques écrits anciens sont
retrouvés décrivant des sortes d’incantations pour traiter des affections respiratoires
de façon efficace.
L’alchimiste Paracelse en 1529, décrit les « premiers traitements magnétiques des
plaies », sorte de fluide magnétique réparateur influant sur le processus de
guérison.
L’hypnose fait son apparition officielle dans le domaine médical par l’intermédiaire
d’un médecin Autrichien, Franz Anton Messmer (1734-1815). En 1780, celui-ci
décrit, en se référant à la doctrine de Paracelse, l’existence d’un fluide magnétique
universel reliant les hommes à l’ensemble du cosmos. Il le nomme « fluide animal
». Il tentera de démontrer que ce fluide peut être un moyen de préserver les
hommes en bonne santé, voire de les guérir en rétablissant l’harmonie. Cela sera
sans compter sur ses détracteurs et pairs scientifiques qui, bien que reconnaissant
l’évolution favorable des patients, n’y voient qu’un effet de leur imagination,
activée par leur espoir de guérir... C’est la première fois que l’on parle du pouvoir
de l’imagination comme facteur thérapeutique essentiel. Aujourd’hui nous parlons
de ressources potentielles intrinsèques à chaque individu qui ne demandent qu’à
être mobilisées.
Il faudra attendre 1843 et la publication d’un ouvrage de James Braid - chirurgien
Anglais- intitulé « Neurohypnologie, traité du sommeil nerveux ou hypnotisme »,
pour voir enfin apparaître le terme «hypnose », réfutant totalement la notion de
magnétisme et de fluide corporel.
Certains chirurgiens - tels que Jules Cloquet (1829) et James Esdaille (1851) - vont
réaliser des interventions chirurgicales en plongeant les patients dans un état mental
les protégeant de la réalité vécue. Ils s’inspiraient alors et entre autre des méthodes
de Messmer.
Ils constatent une réduction de la morbidité et de la mortalité péri-opératoire,
comme une amélioration de la survie des patients.
Après la découverte faite par deux chirurgiens-dentistes - les Docteurs Wells et
Morton - du Protoxyde d’azote et de l’éther, l’analgésie pharmacologique est née.
Elle est plus fiable, reproductible sans danger si administrée à bon escient. Elle va
supplantée l’analgésie hypnotique qui va peu à peu être abandonnée, faute de
preuves scientifiques.
Cependant, l’état d’hypnose reste un champ d’investigation important pour les
neurologues.
Jean Martin Charcot (1825-1893) - Professeur d’anatomie pathologique - exerce à
l’hôpital de la Salpêtrière à Paris. Il s’intéresse tout particulièrement à l’hystérie.
Pour lui l’état hypnotique dans lequel il plongeait ses patientes (séances réalisées
dans un grand amphithéâtre devant un grand public) était le résultat d’une névrose
hystérique
Antoine Liebaut (1823-1904) et Hippolyte Bernheim (1837-1919) de l’école de
Nancy, s’opposent aux théories de Charcot. Ils ne font pas appel au spectaculaire,
sont très méthodiques et ne réservent pas leur thérapie à une seule catégorie de
patients comme le faisait Charcot, mais l’expérimentent sur des pathologies
courantes et variées. Pour eux l’état hypnotique est le résultat de la suggestion
opérée par le thérapeute.
Sigmund Freud (1856-1936) recevra les deux enseignements : La Salpêtrière et
l’Ecole de Nancy. Il utilisera l’hypnose dans son cabinet, puis, face à des échecs
qu’il ne peut expliquer, il abandonnera plus ou moins l’hypnose pour développer sa
théorie analytique. En cela il s’opposa à Bernheim, refusant d’utiliser les
suggestions autoritaires.
Peu à peu, au début du 20ème siècle, l’hypnose tombe en désuétude, faute de
preuves scientifiques, dans un siècle où tout est objectivé par la science.
Parallèlement, aux USA, suite aux deux guerres mondiales, on assiste à un regain
d’intérêt pour l’hypnose.
En effet, elle est utilisée pour traiter des névroses résultant d’une exposition à des
situations traumatisantes. Son efficacité avérée lui a permis de reconquérir une
place dans les psychothérapies.
Dans les années 1920 aux USA, un psychiatre, Milton Erickson (1901-1981)
travaille sur la mise au point de plusieurs méthodes d’hypno-thérapies qui ont
redonné à l’hypnose une réelle impulsion.
La réhabilitation de l’hypnose en France se fera essentiellement par L. Chertok
(1911-1991), psychiatre, qui fut l’un des rares à poursuivre des recherches sur
l’hypnose. Il situe l’hypnose au carrefour du psychisme et de l’organique, comme
un lien psychosomatique. Il pense que c’est la base de la relation entre le thérapeute
et le patient. Il réuni autour de ce concept des sociologues, des chercheurs des
philosophes-cliniciens tel que François Roustang qui précisera la place de
l’hypnose dans l’acte thérapeutique.
Il crée en 1972 une structure de recherche avec le soutien de l’association « l’Elan
retrouvé ». Il en confie la responsabilité à Didier Michaux Docteur en Psychologie.
Il faudra attendre 1980 pour voir la naissance de deux formations à la pratique de
l’hypnose (l’une conduite par les Dc Michaux et Chertok) l’autre se référant aux
pratiques Ericksoniennes (conduite par les Psychiatres J.Godin et J.A. Malarewicz).
Ces deux formations permettront une voie de communication moderne pour la
pratique de l’hypnose.
Jorge Albia Anesthésiste, réalisera une transe hypnotique permettant de réaliser la
première cholécystectomie sous hypnose.
Dans les années 1990, le Dr Marie-Elisabeth Faymonville développe la technique
d’hypnosédation avec laquelle elle réalise quelque 3500 interventions chirurgicales
notamment des thyroïdectomies…. Elle objectivera par neuro-imagerie
fonctionnelle les particularités du fonctionnement neuronal sous hypnose [12]
travaux confirmés par Rainville [13]
L’hypnose a connu des fluctuations contradictoires. Souvent controversée,
encensée, abandonnée, elle suscite encore aujourd’hui beaucoup de questions dans
le milieu médical car très encombrée de préjugés vivaces. Sa pratique est comparée
à du chamanisme, de la magie, à l’hypnose de foire, ou de music-hall…
Plusieurs définitions sont à notre disposition, ce qui témoigne de la complexité du
phénomène.
Etymologiquement le mot hypnose provient du Grec et signifie sommeil (hypnos)
En 1843, James Braid, décide de nommer ce phénomène psychique assimilé alors à
un sommeil artificiel provoqué l’ hypnotisme. Il se réfère alors à l’immobilisme du
sujet, sa respiration régulière, mais aussi au contenu de sa pensée qui s’apparente à
des rêves. Ce terme est admis rapidement par l’ensemble des praticiens. Ce terme
deviendra à la fin du 19°siécle -l’hypnoseTrès rapidement après enregistrement de l’activité cérébrale, les scientifiques
objectivèrent qu’il s’agit d’une forme d’éveil, que le sujet est conscient mais dans
un » état de conscience modifiée ».
Mais ce terme semble lui aussi impropre, il sera affiné par plusieurs autres
scientifiques.
Milton Erickson
« C’est un état de conscience dans lequel vous présentez à votre sujet une
communication avec une compréhension et des idées, afin de lui permettre
d’utiliser cette compréhension et ces idées à l’intérieur de son propre répertoire
d’apprentissage »
Il se base sur sa propre expérience personnelle. Lorsqu’il était jeune à 17 ans alors
immobilisé totalement par une poliomyélite, il développa des stratégies mentales de
type auto hypnotique, qui lui permit de dépasser certaines difficultés graves
associées à ces troubles. De cette observation, il déterminera que l’hypnose peut
être un moyen donné à la personne d’identifier, de mobiliser, d’utiliser et amplifier
ses propres ressources pour changer.
Il dit aussi « l’hypnose, c’est une relation pleine de vie qui a lieu dans une
personne et qui est suscitée par la chaleur d’une autre personne. »
Il s’oppose totalement avec les notions anciennes de « manipulation » et
d’autoritarisme rattachées à l’hypnose. Il démontre que l’état hypnotique permet
d’ouvrir un espace de liberté plus grand dans lequel seul le patient pénètre à sa
convenance simplement guidé par le thérapeute. Il n’y a pas de suggestion
autoritaire en hypnose Ericksonnienne.
Dr Rossi, d’abord élève de Milton Erickson puis son collaborateur, défini l’hypnose
Ericksonienne comme une technique capable d’aider les gens à apprendre à mieux
reconnaitre leurs propres ressources naturelles intérieures, pour résoudre leurs
problèmes et gagner la santé. Chacun de nous est différent et a, à apprendre de
quelle manière unique il peut fonctionner au mieux. Cette connaissance a besoin
d’être connue de tous. Comme nous apprenons mieux comment agir avec créativité
et comment optimiser notre propre santé, je crois que cette connaissance devrait
etre enseignée dans les écoles en même temps que la lecture, l’écriture et
l’arithmétique…..
François Roustang
Philosophe et hypno thérapeute français né en 1923. Il fut psychanalyste pendant
plus de 20 ans à l’école freudienne de Jacques Lacan. Il rompt avec la psychanalyse
pour se consacrer à l’hypnose. Il s’impose peu à peu comme celui qui désire
théoriser l’hypnose. En 2003, il propose une définition moderne de celle-ci.
L’hypnose est décrite comme un état de veille paradoxal (état de sommeil apparent
et activité électrique cérébrale de veille), c’est un phénomène naturel et actif où il y
a une augmentation du contrôle de soi et non une perte.
Michel Kérouac (1996)
Psychothérapeute, fondateur de l’institut Milton H. Erickson au Québec défini
l’hypnose comme suivant :
« C’est un état et /ou un processus de conscience modifiée, produit par une
induction directe, indirecte ou contextuelle, ressemblant parfois au sommeil, mais
physiologiquement distinct, caractérisé par une élévation de la suggestibilité et qui
produit à son tour certains phénomènes sensoriels et perceptuels.
Les étapes d’une séance d’hypnose
En se référant à la définition de l’hypnose, c’est un mode de communication
privilégiée, ayant pour objectif de prendre en charge une personne dans sa
globalité. Chaque individu a ce qu’on appelle une dimension interne…c’est son
histoire, sa façon de vivre, de ressentir la vie. C’est son expérience subjective. De
plus il existe une dimension externe, la personne est insérée dans un milieu
familial, socio-professionnel, culturel, religieux qui lui est propre et unique. Il
faudra prendre en compte tous ces éléments dans la prise en charge du patient et le
thérapeute devra s’adapter constamment et proposer un travail personnalisé,
spécifique et individuel, non stéréotypé.
Rappelons que lors d’une séance d’hypnose le thérapeute n’est qu’un guide, il
n’apporte pas arbitrairement et de façon autoritaire les solutions. Le patient à une
grande part active dans la quête de sa guérison. En effet le travail hypnotique
favorise le travail de l’inconscient sur le conscient, c’est dans son propre champs
d’apprentissage que le patient seulement guidé par le thérapeute va explorer et
trouver ses propres solutions. Nous sommes tous soumis à notre
propre cadre de référence, avec des limites que nous nous fixons arbitrairement
liées à nos expériences, apprentissages, échecs. De ce fait certaines situations
peuvent être bloquées si l’on pense être incapable de les résoudre. L’hypnose va
alors permettre de mettre en valeur d’autres ressources insoupçonnées et jusque-là
inutilisées et de les mobiliser, afin de guérir.
b. L’hypnose conversationnelle
i. Base théorique
La communication thérapeutique est un outil dont on ne peut plus se passer quand
on connait son existence !
Au bloc opératoire, le patient qui arrive est très souvent déjà dans un état de transe
mais dans un état de transe négative, focalisé sur sa douleur, sa pathologie ou son
inquiétude !
Les soignants voulant bien faire ressassent à longueur de temps : ne vous inquiétez
pas, n’ayez pas peur, vous n’allez pas avoir mal, est ce que vous avez mal quand je
touche votre bras, désolé je vais vous piquer et la Bétadine est froide !!!!!
Le cerveau en état de transe ne connaissant pas la négation, le patient n’entend
qu’inquiétude, peur, mal, désolation, piqure, froid ; sa conscience critique ayant
laissée place à sa conscience imaginaire !
Le soignant pensant toujours bien faire, de sa voix la plus empathique, tente alors
souvent de le rassurer : « décontractez vous, pensez à quelque chose
d’agréable…mais ce discours qui se veut rassurant est alors totalement inadapté à
l’état du patient ! Il faut « aller chercher le patient la ou il se trouve ». Ceci
nécessite donc de « diagnostiquer » la ou il se trouve en observant les différentes
voies de communication du patient :
non verbal : regard, posititon, mimique, respiration
paraverbal : rythme, ton de voix, pause
verbal : choix des mots, métaphores employées, chant lexical utilisé…
Le mirroring, en utilisant les mêmes mots, mêmes expressions que le patient, en
adoptant le même rythme respiratoire et en ne parlant que sur l’expiration du
patient (pacing) nous permet alors de rejoindre notre patient. L’objectif est de
ramener le patient ici et maintenant. Pour cela le soignant l’invite à regarder tout ce
qui l’entoure, du plus lointain au plus proche : la fenêtre, le couloir, les gens qui y
passent et qui travaille pour soigner, le rideau qui préserve l’intimité, le scope
élément de sécurité (canal visuel)….qui fait des bips bips (canal auditif), le contact
avec le matelas, moelleux dans lequel chaque partie du corps peut s’installer
confortablement, s’enfoncer profondément, la chaleur de la couverture chauffante,
(canal kinesthésique), l’odeur du masque à oxygène qui permet de respirer
profondément (canal olfactif)… le patient est alors revenu de sa transe négative.
A ce moment la, intervient la focalisation :
• Sur la sensation de la compresse de Bétadine, fraiche qui permet de préparer
la peau, sentir toutes les modifications induites par cette préparation :
fraicheur, sensation du toucher de la compresse, les petites fourmis,
l’engourdissement qui s’en suit (série de truisme suivi d’une suggestion :
yes set) avant toute ponction
• sur l’écran d’échographie (description de l’écran par le patient, focalisation
sur les battements de l’artère axillaire….)
• sur le scope et ses différentes lignes représentant les battements du cœur et la
respiration qui petit à petit avec la relaxation va se faire plus lente….
Et de cette focalisation, le patient peut alors partir vers une transe positive, aidé par
le thérapeute.
Ces techniques sont utilisables tous les jours au bloc opératoire, facilement, sans
préparation particulière du patient et très utile pour la gestion des patients lors de la
pose des perfusions ou de la réalisation des ALR, notamment des cathéters
périnerveux.
ii. Cas concret : pose d’un cathéter supraclaviculaire droit
sous hypnose conversationnelle.
Mr P. agé de 39 ans est opéré le 31.12.2012 d’une plaie face dorsale de la main
droite sur le troisième doigt avec suture d’un tendon extenseur et effraction
articulaire. Il s’agit d’un accident du travail, le patient, cuisinier dans un restaurant,
ayant volontairement sous l’effet de la colère donné un coup de poing dans une
assiette.
Ce patient est adressé à « la consultation d’anesthésie postopératoire » par le
chirurgien au mois de mars pour un syndrome douloureux régional complexe
(SDRC 1) avec une main oedématiée, desquamée, présentant des troubles
trophiques, les doigts figés en extension, dans l’incapacité de travailler.
Il ne présente à ce moment aucune douleur, son EVA moyenne sur les huit
derniers jours étant aussi à 0, par contre son EVA max sur les huit derniers jours
avoisines les 10, systématiquement au moment des séances de kinésithérapie.
L’interrogatoire révèle tres vite que le patient a mis en place des stratégies lui
évitant tout mouvement de flexion des doigts de sa main droite dans son quotidien,
expliquant qu’il s’en sert tout de même pour des activités comme passer
l’éponge…
Le chirurgien lui ayant parle de rééducation sous CPN, le patient s’interroge sur
l’intérêt de cette technique ; sur la réserve, voire même sur la défensive :
l’anesthésiste lui explique qu’il est libre de choisir et lui rédige simplement une
ordonnance (moment hypnotique fort dans la consultation..) avec la prise d’un
antalgique opioïde faible le tramadol 50mg avant les séances de rééducation afin
d’améliorer son confort (suggestion directe) pour les séances de kinésithérapies
essentielles au traitement de son algodystrophie.
A la consultation prévu 1 mois plus tard, il ne se présente pas…. mais arrive une
semaine plus tard, confus d’avoir loupé son RDV précédent. Il est OK pour le
cathéter : le rendez vous est donc pris pour la fin avril. L’hypnose est alors évoquée
pour amélioré son confort pendant le geste. Dans un premier temps, Monsieur P
semble à nouveau sur la défensive. Des explications lui sont alors fournies comme
quoi il ferait l’essentiel du travail (maitrise), que le thérapeute était là juste pour lui
permettre de trouver des clés pour s’évader ailleurs pendant qu’ il nous laissait son
bras (dissociation) pour procéder à la pose du cathéter qui allait lui permettre de
faire les séances de kinésithérapies de façon confortable.
Accueil du patient
Le patient est conduit sur un brancard au SAS ALR du bloc opératoire ou tout le
matériel pour la pose du cathéter est prêt ainsi que le matériel de surveillance des
paramètres vitaux et de sécurité.
Après les vérifications d’usage (identité, jeun,….) l’infirmière lui propose donc de
manière informelle de commencer la séance d’hypnose pour lui poser la voie
veineuse. Le patient est visiblement tendu, logorrhéique, il raconte avoir été opéré
plusieurs fois pour des traumatismes de l’épaule occasionnés lors de bagarre, se
décrivant comme un sanguin n’aimant pas être « enquiquiné ». Comme il est agité,
théâtral, dans sa façon de s’exprimer et de se mouvoir sur le brancard, l’infirmiére
procède de la même façon, s’agite autour de lui, est volubile, avec une voix forte et
un débit très rapide. Très attentive à ces paroles, elle reformule tout en prenant
garde de toujours utiliser des mots à connotation positive, agréable. Peu à peu elle
ralentie ses gestes, sa voix et s’assoit sur un siège pour le perfuser (position basse).
Après s’être renseigné sur la façon dont il était venu à l’hôpital, l’infirmière lui
demande de détailler les circonstances de son accident. Il raconte alors le milieu de
la restauration à Bordeaux : dur, avec un patron qui le sous-estime, voire l’exploite,
lui en demandant toujours plus sans reconnaissance, regrettant les restaurants
prestigieux ou il exerçait à Paris.
Pendant ce temps-là, elle lui pose la voie veineuse sans qu’il s’en aperçoive, tout
occupé qu’il est à raconter son histoire… Alors qu’il l’avait prévenu qu’il redoutait
les piqures ! Par la même occasion, elle se détend aussi car son abord impulsif lui
avait fait se poser des questions sur le déroulement de la pose du CPN sous
hypnose conversationnelle…
Peu à peu il lui demande si c’est elle qui va s’occuper de lui pour l’hypnose et qu’il
est impatient de voir son efficacité. En attendant l’anesthésiste, ils parlent de
différents restaurants bordelais qu’il pourrait recommander…
Lorsque l’anesthésiste arrive, l’infirmière lui fait un résumé discret sur leur
conversation et elles décident de lui demander de leur livrer quelques recettes et
secrets culinaires, ayant compris qu’au-delà d’être son métier, cuisiner était aussi
une vraie passion.
L’anesthésiste lui explique alors le déroulement de l’acte faisant quelques
métaphores culinaires entre la préparation de la table de pose du CPN et la
préparation d’un repas et lui enjoint de nous dévoiler une de ses recettes
préférées…
Le patient se tient tranquille et nous explique comment réaliser « les nouilles
chinoises au wok avec des petits légumes ». A chaque moment potentiellement
algique l’anesthésiste lui pose une question concernant les quantités exactes, où
trouver les ingrédients…Lorsqu’elle doit se concentrer sur l’écran vidéo pour
repérer les nerfs, l’infirmière prend le relai et il se trouve ainsi sous un flux de
questions auxquelles il répond volontiers. Il est calme plaisante et va nous parler
aussi d’une recette de tarte à la fraise… La pose du cathéter se passe vite et bien,
il semble presque surpris de la rapidité et observe le dispositif posé sur son bras
comme si c’était une preuve tangible que l’acte avait bien était réalisé.
Il est enchanté que cela soit fait, quoiqu’un peu surpris par l’engourdissement
de son bras.
Ainsi, il ne faut présager de rien quant à la réussite de l’hypnose, même dite
« conversationnelle » et des capacités des patients : toujours se faire confiance,
être créatif ! Le côté « abrupte » de Mr.P aurait pu faire penser qu’il n’était pas
forcément le bon candidat à ce genre de prise en charge, et pourtant …Ainsi, la
pose du CPN s’est réalisé sans stress, sans douleur, et nous, sommes reparties
avec la satisfaction d’avoir apporté un soin sans contrainte ni inconfort et…
deux recettes supplémentaires !
c. L’hypnose formelle
i. Base théorique
Dans le contexte de l’anesthésie, l’hypnose formelle est pour le moment moins
utilisé dans notre équipe, car nécessitant une information et une préparation
spécifique du patient, patient qui n’est pas toujours endormie par l’anesthésiste
qui la vu en consultation…. Notre contexte de pose des KTPN pour la douleur
chronique au contraire s’y prête fort bien ! En effet il existe un lien, une alliance
thérapeutique qui se fait lors des différentes consultations avec une place pour
évoquer le recours à l’hypnose pour la pose du cathéter. Si l’annonce a en
général un effet de surprise souvent suivi d’un non, l’explication au patient de la
transe hypnotique à l’aide d’exemple suscite souvent l’intérêt :
• tous les jours nous vivons des moments de transe, quand le corps est à un
endroit et la tête ailleurs : lors de trajet en voiture, en cours quand on rêve
pendant que le professeur ennuyeux parle, au cinéma quand on est partit
dans l’écran…
• il s’agit simplement de lui permettre par lui-même d’avoir accès
uniquement s’il le souhaite à un endroit de son choix, pendant que l’on
s’occupe de son bras, qu’il peut laisser au thérapeute le temps du soin,
comme si son bras, pendant un moment ne lui appartenait plus !
Enoncer un truisme (la transe spontanée), une série de truisme (la série
d’exemples) puis suggérer ensuite la transe formelle, la dissociation (yes set)….
Ainsi toute séance d’hypnose se construira selon le plan suivant :
• L’alliance thérapeutique
Le thérapeute doit absolument obtenir la confiance du patient comme dans tout
acte thérapeutique. Le début de cette alliance se fera lors des premières
consultations qui servent à collecter des informations qui guideront le travail :
• déterminer ses croyances, convictions, fantasmes, craintes, réticences,
attentes, espoirs du patient vis-à-vis de l’hypnose.
• Déterminer la personnalité du sujet en fonction de l’âge, du sexe, de
ces habitus, environnement familial, socio-professionnel, son
fonctionnement psycho-affectif
• Détecter son canal sensoriel et corporel. Chacun de nous perçoit
l’environnement selon un de ses sens privilégié : C’est le VAKOG( –
Visuel-auditif-kinesthésique-olfactif-gustatif-) Ceci permet au
thérapeute d’affiner son discours en utilisant le même registre sensoriel
que le patient et d’être en phase.
• Connaitre l’anamnèse et l’histoire du patient.
Après ce recueil d’informations, les techniques et les principes de l’hypnose
peuvent être expliqués en insistant sur le fait que ce n’est «ni de la magie ni de
la manipulation mentale », que le patient garde le contrôle, acteur à part entière
dans son désir de changement. Le thérapeute et le patient peuvent déterminer les
objectifs thérapeutiques ce qui permettra aussi une évaluation secondaire et un
réajustement.
• L’induction
Plusieurs techniques sont utilisées pour induire l’hypnose. Elles n’ont qu’un but,
amener un changement chez le patient par des suggestions. Comme nous l’avons
vu précédemment, c’est grâce au « contrat » liant le thérapeute et le patient que
ce dernier va être capable de changer sa propre relation avec lui-même son corps
et le monde extérieur.
Les différentes techniques employées vont modifier la sensorialité du sujet.
La connaissance du canal sensoriel préférentiel du patient va permettre de
choisir le type d’induction.
o Visuelle, en fixant son regard sur un objet, un point (selon son
choix) ceci provoquant une restriction du champ perceptif : vision
trouble, contour flou, le patient étant invité s’il le désire à fermer
les yeux.
o kinesthésique ou cenesthésique en se concentrant sur ses sensations
corporelles (position du corps, installation confortable, détente des
différentes parties du corps…).
o auditive utilisant les bruits environnants, de la musique choisi par le
patient, la synchronisation du son de la voix, du débit des paroles à
la respiration du patient facilitant l’induction.
o olfactive avec les odeurs environnantes
o gustative, canal sensoriel lié à des souvenirs, des émotions. Utile
dans certaines circonstances comme chez le dentiste
Il existe d’autres techniques d’induction de plus d’autres techniques
d’inductions :
o La catalepsie d’un bras Le thérapeute soulève délicatement le bras
par le poignet et le lâche. Le patient reste immobile le bras levé.
Cela crée une transe assez rapide et stable et c’est un bon indicateur
de la persistance de la transe.
o La lévitation : Il s’agit de faire s’élever un membre (en général le
bras) par suggestion verbale. Cette induction est précoce et
entretenue par des suggestions métaphoriques de légèreté, ballon,
etc... Cela provoque une dé potentialisation de la conscience
critique et de favoriser l’imaginaire.
.
• La dissociation
C’est une façon de séparer le sujet de sa conscience critique. Elle peut être
induite par la confusion, le sujet focalisant son attention sur ce qu’il ne
comprend pas, cherchant à analyser, et pendant ce temps-là, il ne perçoit pas les
messages indirects destinés à l’inconscient. Le thérapeute utilise pour cela des
phrases complexes, n’ayant aucun sens.
C’est lors de cette phase que l’on observe le lâcher prise et que le patient va
avoir accès à la perceptude1 : état d’ouverture à soi, à ses sensations et au
monde environnant sans contrôle logique ni critique. 1 François Roustang, Il
suffit d’un geste, Editions Odile Jacob poches
Le patient entre dans une perception sensorielle plus large et de multiples
suggestions amènent le patient à envisager de nouvelles possibilités, stratégies,
modes de fonctionnement, d’autres postures pour contourner ce qui était vécu
jusqu’alors comme un obstacle. Durant cette phase de transe hypnotique, le
thérapeute peut alors utiliser différentes techniques pour donner les clés au
patient pour qu’il profite pleinement de l’expérience :
o Les suggestions
Suggestion directe
suggestions indirectes
suggestion post-hypnotique
o La ratification : En fonction de l’observation du patient, de sa
respiration, fermeture des yeux, calme apparent, le thérapeute
valide, congratule, gratifie le patient « Je vois que vous fermez les
yeux …c’est bien…vous êtes détendu…votre respiration est calme,
fluide…c’est bien ce que vous faites…. » tout en continuant de
formuler d’autres suggestions.
o Le saupoudrage : Lors de l’induction on introduit des notions
répétées de confort, chaleur, bien être, tout en marquant un temps
de pause entre chaque mot.
o Le truisme : le thérapeute énonce des évidences banales orientées
en fonction du patient.
o La suggestion négative paradoxale : Le thérapeute propose quelque
chose en disant de ne pas le faire (vous n’avez pas envie de fermer
les yeux…).
o Les métaphores. C’est un outil caractéristique de l’hypnose.
Comme en poésie et en littérature, le thérapeute s’emploie à
transformer (en fonction de sa propre créativité) les termes
descriptifs du patient en des pensées plus complexes, en utilisant un
vocabulaire provenant d’un autre champ lexical. Il peut en lui
proposant d’autres images métaphoriques lui montrer d’autres
solutions à ses problèmes.
• La fin de la transe
La transe à un début, un milieu, une fin. Le chemin se fait de la conscience
critique vers la transe, puis de la transe vers la conscience critique. Le patient est
guidé par le thérapeute dans les deux sens car il ne peut trouver le chemin seul.
C’est une phase importante, le thérapeute doit veiller à ce que le patient retrouve
sa conscience critique normale.
Le thérapeute avant de reconduire le patient vers son état de conscience
personnelle lui suggérer de garder un souvenir agréable, une sensation. Certains
suggèrent même un cadeau « symbolique »que le patient peut s’offrir. C’est le
principe de la suggestion post-hypnotique. Cela permet de transmettre une partie
de l’expérience intérieure à la conscience critique. Le patient par les suggestions
du thérapeute peut se référer à tout moment à ce souvenir et l’utiliser dans sa vie
courante dès qu’il en éprouve le besoin.
Afin de réactiver la conscience critique, il est prépondérant de respecter l’ordre
inverse des étapes ayant permis au patient d’entrer en transe.
- Suggérer au patient de prendre une grande inspiration ce qui l’invite à
reprendre le contrôle actif de son corps.
- Réorienter le patient dans le « ici et maintenant ». L’informer sur le jour,
l’heure, le lieu où il se trouve.
- Réactiver les canaux sensoriels en respectant le sens inverse de l’induction :
GOKAV
- Lui suggérer de faire quelques mouvements si l’état thérapeutique du patient le
permet.
Il est intéressant d’évaluer le retour à la pleine conscience du patient en lui
demandant comment il va, comment il a ressenti la séance, quel bénéfice il en
tire. Par ses réponses, et son attitude le thérapeute recueil tous les indices d’un
fonctionnement psychomoteur normal.
ii. Cas concret : pose d’un cathéter supra claviculaire
droit sous hypnose formelle
Mme T., âgée de 31 ans, est adressée à la « consultation d’anesthésie post
opératoire » par le chirurgien orthopédique pour une griffe ulnaire sur le 4eme et
le 5eme doigt apparu au décours d’une ostéosynthèse par plaques d’une fracture
ouverte du tiers distal du radius gauche sans atteinte électromyographique du
nerf ulnaire. En effet, Mme T. a subi en septembre un accident de la voie
publique (AVP) très violent avec son compagnon avec fracture de la vertèbre L2
et fracture du poignet gauche.
Mme T. ne peut plus utiliser ces deux doigts. Ils sont douloureux, rétractés, au
toucher ils semblent durs comme du béton, froids. Ils entravent ses gestes les
plus anodins de la vie courante car bien qu’elle conserve une pince manuelle
avec les trois autres doigts, ces deux doigts s’accrochent partout et la font
souffrir. Les séances de kinésithérapie ne peuvent être pratiquées de manière
efficace tant elle est algique.
Après une consultation du Dr Lasserre, il lui est proposé la pose d’un cathéter
péri-nerveux supra-claviculaire avec un anesthésique local (Naropeïne 2mg/ml),
avec un débit continu (5 ml/h) et un bolus qu’elle pourra s’injecter toute seule
toute les heures si besoin en parfaite autonomie.
La veille de la pose de son cathéter, l’anesthésiste et l’infirmière se rendent dans
sa chambre, afin de lui proposer une séance d’hypnose pour l’accompagner
durant tout l’acte.
Le médecin lui rappelle les consignes de sécurité concernant le jeûne, lui
explique qu’elles lui poseront une perfusion, le matériel de surveillance des
constantes vitales inhérent à toute pose de cathéter ainsi que le déroulement de
l’acte.
Quand le médecin lui propose la séance d’hypnose et lui explique le bénéfice
qu’elle en tirera, elle est tout de suite réticente, voire sur la défensive : « je ne
veux pas perdre le contrôle »… « Cela me fait peur tous ces trucs »… Le
médecin lui explique alors qu’elle-même n’est pas adepte de « médecines
parallèles » mais l’hypnose en est t’elle vraiment une ? Car qu’est ce que
l’hypnose, la patiente a-t-elle déjà vécue des moments de transe? La patiente se
détend, entend mieux ce discours et décide d’essayer…Lorsque le médecin lui
propose un 1er anxiolytique pour dormir et un 2nd en prémédication pour le
lendemain avant l’acte, elle refuse et dit que l’hypnose suffira…La cause était
entendue et la patiente avait compris tout le bénéfice de cette séance pour elle.
Le médecin laisse alors l’IADE seule avec la patiente, toujours avec son accord,
afin qu’elles fassent plus ample connaissance.
L’infirmière commence de manière anodine, presque badine, une conversation
pour savoir comment elle est venue…comment elle trouve sa chambre…si elle
est bien installée… lui parle de la vue sur le patio…déplore le mauvais
temps…l’absence de fleurs.
Puis elle lui parle de sa main douloureuse, avec son accord l’examine. Elle
décrit sa douleur «…cela me comprime, me serre…»… visuellement ses doigts
ressemblent à une serre d’aigle…L’infirmière anesthésiste (IADE) lui propose
donc, si elle le veut bien, pour la séance du lendemain, de travailler sur la
détente et la laxité de ses doigts. Pour cela, L’IADE se renseigne auprès d’elle,
d’un endroit où elle voudrait se rendre, où elle se sent bien détendue. La patiente
propose alors de l’emmener en randonnées dans la campagne avec son
compagnon et des amis et de faire un pique-nique au bord d’un lac après avoir
ramassé des champignons…L’IADE lui explique qu’elle axera la séance sur
cette promenade, et se retire. La patiente semble plus détendue, plus sereine
qu’au début de l’entretien.
Le lendemain, après les vérifications d’usage inhérentes à tout acte d’anesthésie,
la patiente est accompagnée vers le SAS ALR du bloc opératoire, où tout a été
préparé avant son arrivée. Une fois le monitorage habituel mis en place, la
séance commence par une hypnose conversationnelle pour la pose de la
perfusion. Cela se déroule très bien, la patiente est calme.
Lors de la pose du masque à oxygène, l’IADE commence à lui parler de l’air pur
qui provient de la brise du lac où elle va se rendre.
Bien sûr, toutes les équipes qui sillonnent le bloc opératoire sont prévenues, de
la séance d’hypnose et du calme que cela nécessite, le volume des alarmes
sonores du monitorage est diminué.
La séance d’hypnose peut alors débuter
Induction hypnotique
L’IADE prend place confortablement à gauche de la patiente, en position basse,
avec un contact visuel sur le scope et le médecin anesthésiste. Elle lui explique
qu’elle va rester à ses côtés tout au long de l’acte et qu’elle doit écouter le son
volontairement bas de sa voix , que la patiente et l’IADE sont « interconnectées
»; elle doit rester immobile pendant la réalisation de l’acte.
Nous savons qu’un patient en transe est éveillé. Il peut communiquer avec le
thérapeute : elle met donc en place le « signaling », technique de communication
non verbale, décidé communément avec la patiente. Ainsi, elle lui signifiera
d’un petit geste de la main droite, toutes situations inconfortables ou en passe de
le devenir. Alors commence officiellement le travail du thérapeute qui modifie
le fonctionnement mental du patient pour l’amener vers une transe positive
provoquée et maintenue.
L’IADE lui fais prendre conscience de son installation sur le brancard…l’invite,
si elle le veut bien, à se positionner le plus confortablement possible…à se
laisser s’enfoncer dans le matelas en commençant par la tête, la nuque, les
épaules, les bras, le dos, les jambes, d’apprécier le moelleux du matelas, de se
détendre jusqu’au bout des doigts, de prendre conscience de son corps «ici et
maintenant» dans ce lieu….pendant que son corps reste là, son esprit ira ailleurs
ou plus profondément dans son monde intérieur.
C’est aussi le moment d’introduire l’orientation spatio-temporelle « ici et
maintenant ».
L’IADE et l’anesthésiste invite la patiente à observer le SAS ALR où elles se
trouvent en lui montrant les baies vitrées…la lumière du jour…les rideaux
couleur corail qui les protègent des regards…à observer le médecin anesthésiste
habillé chirurgicalement en bleu…Elle lui montre le reste du personnel
déambulant devant le SAS, lui explique que ce seront des marcheurs qu’elles
croiseront lors de leur promenade (intégration des bruits du bloc opératoire).
L’IADE diminue le volume sonore de toutes les alarmes car elle garde un
contact visuel sur le scope et ne veut pas perturber la transe par des bruits «
techniques ». Cette partie est très importante dans la réalisation de la transe. Elle
est appelée VAKOG et permet une activation sensorielle importante. Ce
VAKOG peut être réalisé dans l’ordre d’exploration suivant : le canal visuel,
auditif, kinesthésique, olfactif et gustatif.
L’IADE a préféré l’intégrer pour cette patiente dans l’ordre suivant : le
kinesthésique d’abord, le visuel, l’auditif puis l’olfactif. Nous remarquons qu’il
est difficile d’explorer le canal gustatif lors de cet acte. Lors de la sortie de la
transe l’IADE veillerai à respecter l’ordre en sens inverse.
Elle lui demande maintenant de se concentrer sur sa respiration. C’est le
moment « officiel » d’entrer en transe. L’IADE prends elle-même une grande
inspiration, se calle peu à peu sur le rythme respiratoire de la patiente afin
d’activer le «mirroring » et d’acter un rite de passage dans la transe.
Petit à petit la patiente se détend. L’IADE demande de fixer un point. La
patiente décide de se focaliser sur une barre métallique au plafond. L’IADE lui
susurre que celle-ci va peu à peu se déformer et sa vue se brouiller. Si elle le
veut bien, peut-être pourra-t-elle fermer les yeux, « ne voit-on pas plus clair les
yeux fermés ? »…la patiente sourit…
Après deux ou trois phrases destinées à la dissocier, la patiente ferme les yeux.
L’IADE vérifie le calme de la patiente et fais signe au Médecin qu’elle peut
commencer l’acte.
L’Anesthésiste dépose alors les champs opératoires stériles sur la patiente. Ils lui
couvrent le visage alors que nous commencions déjà à cheminer dans la
campagne et à fouiller la terre et les feuilles à la recherche de champignons.
L’IADE inclus alors dans son discours que le soleil vient de faire son apparition
et qu’elle se recouvre d’un chapeau de protection qu’elle portera tout le long.
Lors de la désinfection du site et de la pose du gel échographique, l’IADE parle
de brise légère, fraîche et caressante.
Lors de l’exploration du territoire supra-claviculaire à l’aide de la sonde
d’échographie l’IADE parle d’une libellule qui se pose sur son épaule. La
patiente ne réagit pas et continue de sourire.
Le médecin s’apprête alors à la ponctionner avec l’aiguille. L’IADE parle donc
de la sangle de son sac à dos qui est trop serrée et la gêne un peu. Elle va donc
devoir le déposer afin de continuer à chercher les champignons. L’IADE lui
suggère de se munir du couteau à champignons pour les couper lorsqu’elle voit
le Médecin repérer les nerfs et mobiliser l’aiguille d’ALR. La patiente ne bouge
toujours pas.
Peu à peu la respiration de la patiente se fait plus ample, plus rapide et gêne
l’anesthésiste. L’IADE lui dit alors qu’elles sont arrivées au bord du lac et que
pendant que ses amis préparent le pique-nique elle va aller se détendre en
marchant pieds nus dans l’eau fraiche. L’IADE lui propose aussi de mettre ses
doigts dans l’eau fraiche, apaisante, magique.
Le médecin demande alors d’activer le neuro-stimulateur. L’IADE intègre alors
dans la séance le bruit de l’appareil en lui signifiant que ce sont des grenouilles
et que les petits fourmillements qu’elle ressent dans le bras et la main -dus aux
ondes électriques- sont des petits poissons qui jouent avec ses doigts. Elle sourit
toujours. L’IADE lui suggère alors, si elle le veut bien, d’aller se détendre en
s’allongeant avec ses amis, au soleil, sur le sable chaud, doux comme un nid
douillet.
A chaque fois qu’un soignant parle fort, l’IADE intègre le son de sa voix en
évoquant des pêcheurs qui s’interpellent. La patiente semble détendue.
Lorsque le médecin tunnelise le cathéter sous la peau, l’IADE reparle alors de
cette libellule qui se pose sur son épaule. Pas de réaction de la patiente.
Le médecin signifie à l’IADE que l’acte est fini.
L’IADE suggère à la patiente qu’elle pourra si elle le veut bien retourner dans
cet endroit apaisant à tout moment. Elle peut en disposer quand elle en a besoin
pour l’aider à surmonter tout moment désagréable car c’est en elle ; il est à sa
disposition au plus profond d’elle-même.
C’est la suggestion post-hypnotique. L’intérêt est ici de préserver le patient
d’une mémorisation désagréable, voire douloureuse. En effet s’il ne garde
aucune sensation négative du soin, plus il se sent acteur dans la prise en charge
de sa douleur, plus le processus de guérison sera accéléré. Il abordera les autres
soins réalisés dans le futur avec moins de crainte, moins d’angoisse.
Alors vient la sortie de transe. L’IADE suggère de quitter cet endroit qui sent
bon l’humus et la brise marine. Pour la faire revenir « ici et maintenant » dans ce
lieu sans odeur particulière, elle lui dit de prendre son temps…. de revenir au
rythme qu’elle désire… de laisser les grenouilles au bord du lac… et de revenir
dans le SAS en prenant conscience peu à peu des bruits environnants. Elle peut
même ouvrir ses paupières et reprendre contact visuellement avec la barre
métallique… ou regarder le médecin et l’IADE. La patiente semble comme «
émerger » d’un engourdissement et a toujours le sourire. L’IADE lui demande
de reprendre contact avec son corps en le bougeant peu à peu, ses pieds, ses
jambes, son dos, sa nuque, sa tête et ses bras. La patiente décrit une insensibilité
au niveau de ses deux mains….. Bien sûr, l’une d’entre elles bénéficie de
l’analgésie procurée par l’injection de naropeine, mais pas la seconde… Cela
laisse perplexes l’IADE et le médecin anesthésiste. L’IADE demande alors de
bouger la main, d’enlever tout le sable qui reste collé dessus et peu à peu la
patiente dit retrouver une sensation normale.
Elle est enchantée de l’expérience et très calme. La patiente dit qu’elle a trouvé
des champignons….Puis la patiente est raccompagnée en SSPI où elle reçoit des
consignes du médecin.
Elle rejoint sa chambre très détendue.
3. L’avenir
Initialement, notre objectif se limitait à l’utilisation de l’hypnose pour la pose de
cathéters périnerveux dans la douleur chronique en chirurgie de la main… Un
patient nous a donné envie d’aller plus loin dans l’aventure hypnotique en
utilisant cet outil pour apporter au patient un moyen de moduler sa douleur.
En effet, l’hypnose a été utilisée en traitement de nombreux syndrome
douloureux notamment :
• l’algodystrophie [14] :Gainer décrit la prise en charge de 3 patients
atteints de SDRC par hypnotherapie avec une modulation de la réponse
sympathique par l’hypnose.
• Les douleur des membres fantômes [15] [16] [17] ont fait aussi l’objet de
nombreux travaux par l’équipe de Ramachandran sur les possibilités de
réorganisation cérébrale via des hallucinations visuelles du membre
amputé.
Ainsi Mr B. a un accident de la route fin 2012 avec un délabrement important au
niveau du coude. Nous l’avons rencontré pour un lambeau de recouvrement
(perte de substance avec ostéite sous-jacente) avec une douleur insupportable au
niveau de son coude en Janvier 2013. Ce patient bénéficie au moment de sa
chirurgie d’un cathéter périnerveux, gardé trois semaines avec un retour à
domicile. Une fièvre faisant suspecter une infection nécessite hélas le retrait du
CPN, ne permettant pas d’avancer suffisamment dans la rééducation pour passer
le cap de la réintégration du membre supérieur dans le schéma corporel. Revu en
consultation en avril 2013, le patient est toujours aussi douloureux, prenant une
trentaine de comprimes par jour : skenan, actiskenan, neurontin, antidepresseur,
doliprane, acupan, ADO, antihypertenseur… non sans effet secondaire…
Ses paroles sont les suivantes : «la douleur, je commence à arriver à la gérer
mais j’ai vraiment du mal à être aussi abruti par les médicaments »
Certes une adaptation de son traitement médicamenteux semble nécessaire
(remplacer les 9 cp de neurontin et l’ISRS par un seul antidépresseur du type
laroxyl par exemple) mais surtout nous avons vu ici un appel à être pris en
charge « autrement ». un travail hypnotique lui est proposé avec un
apprentissage de technique lui permettant de moduler son ressenti avec la
possibilité lui-même de faire des séances d’auto hypnose…. Le patient est
adressé à une collègue plus chevronnée en hypnose et le projet petit à petit prend
de l’ampleur et se structure dans notre centre François Xavier Michelet !!!!
4. Conclusion
Pourquoi l’hypnose ?
L’Attente des patients est de recevoir des soins de plus en plus performants dans
les meilleures conditions de sécurité, de confort notamment lorsque ces soins
sont répétés tout au long d’un parcours médical parfois grave pour eux (maladie
chronique (dialyse), maladie cancéreuse (Chirurgies multiples, chimiothérapie,
radiothérapie,….), patients douloureux chroniques…).
Ils sont aussi de plus en plus demandeurs d’une participation active dans la prise
en charge de leur maladie, avec des soins plus personnalisés.
Les soignants, une fois maitrisée toutes les techniques auxquelles ils sont
formées pour soigner, guérir les patients, réfléchissent à la dimension humaine
nécessaire pour apporter les meilleurs soins dans les meilleurs conditions aux
patients.
La complémentarité des deux acteurs est essentielle afin de réussir.
Il nous est apparu, après cette année de formation riche en nouveauté,
expériences étonnantes, et au travers de nos balbutiements « apeurés », que
l’hypnose répond à tous ces critères.
Le patient possède des ressources en lui pour influencer sa guérison, et le
soignant formé à l’hypnose peut l’aider à les mobiliser. De plus il est à noter que
le soignant retrouve de l’enthousiasme, de la créativité, de la souplesse mentale
de la disponibilité tant il est satisfait lui-même des avantages dont profitent les
patients…Le soignant retrouve du plaisir à soigner !!!
De plus « l’esprit comptable » dont s’est emparée l’administration de nos
hôpitaux est à prendre en compte… Certes la formation du personnel à
l’hypnose à un cout, mais les économies générées par la suite sont à évaluer
avec le plus grand sérieux (diminution d’utilisation de médicament, de journée
d’hospitalisation….).
Alors…Formons-nous, pratiquons l’hypnose autant que possible afin de susciter
chez nos collègues de nouvelles vocations !
Pour notre part au centre François Xavier Michelet nous continuons de recruter
de nouveaux patients prêts à tout pour guérir mieux.
L’Aventure ne fait que commencer. Alors on transe !
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