Durant l’administration coloniale, les systèmes de production
agraires ont été bouleversés, avec le développement de l’économie des
plantations, l’introduction des cultures de rente pour l’exportation (coton,
arachide, riz, sucre…). Le travail, les terres, les moyens de production ont
été accaparés par cette forme de production, au détriment de la produc-
tion vivrière qui a été systématiquement découragée.
L’agriculture vivrière dans les pays colonisés était généralement
considérée comme arriérée et primitive. Pourtant, un expert agricole bri-
tannique travaillant aux Indes, M. Voelker, pouvait écrire!en 1890:
On ne trouvera nulle part ailleurs qu’aux Indes un meilleur exemple de
terres scrupuleusement entretenues, débarrassées des mauvaises herbes,
une telle ingéniosité dans les techniques d’irrigation, une telle connais-
sance des sols et de leurs possibilités, un savoir aussi exact des époques
propices aux semailles et aux moissons. Il est merveilleux de constater la
grande expérience qu’ont les paysans de la rotation des cultures, des
techniques de polyculture et de jachère… pour ma part, je n’ai jamais vu
une façon plus parfaite de mettre des terres en valeur (cité par Moore
Lappé et Collins 1977, 122).
Les formes de production paysannes étaient articulées avec les économies
de plantation, nécessaires à leur développement.
Après les décolonisations, les tendances apparues durant la période
coloniale pour renforcer le capitalisme agraire se sont poursuivies et la
production vivrière a continué à être découragée, sans pour autant dispa-
raître car elle restait nécessaire. Beaucoup de pays ont été confrontés à
une baisse de la production des denrées alimentaires et ont alors dû les
importer.
En Amérique latine, où l’inégalité de la structure agraire était recon-
nue comme un obstacle au développement agricole, les politiques de
réforme agraire ne se sont pas réalisées. La modernisation de l’agriculture
qui a été introduite n’a profité qu’à un petit groupe d’agriculteurs privilé-
giés, même dans des pays qui avaient entrepris une réforme agraire
comme le Mexique. Les parti sans de la modernisation ont soutenu les
grandes propriétés aux dépens des petites propriétés et de l’économie
paysanne.
Dans certains pays du Sud, principalement en Asie, la révolution verte
a permis aux agriculteurs qui en avaient les moyens, soutenus par des poli-
tiques publiques, d’augmenter fortement le rendement du riz, de 2 tonnes
à l’hectare il y a 50 ans à 10 tonnes par récolte aujourd’hui, ou même jus-
18 Christine Verschuur