La pensée chinoise
Dans notre langue, « c’est du chinois » signifie que c’est
difficilement compréhensible et des « chinoiseries » sont des
complications tracassières. Ceci illustre la difficulté qu’il y a à saisir une
pensée qui ne veut pas se dénuder et préfère contourner son discours.
Le rébus, la métaphore, l’allégorie, la fable sont ses modes d’expression
préférés. Le chinois se complaît dans l’élusif, l’allusif, l’énigmatique,
l’elliptique. Le jaune est sa couleur, intermédiaire entre les extrêmes:
rouge et violet. Il aime tourner autour du pot et se rapprocher le plus
possible du centre, du milieu, en tournant en spirale autour, sans y
prendre position.
La pensée chinoise est donc très difficile à cerner et l’on ne
peut en dégager, en peu de lignes, les caractéristiques principales. Le
chinois aime le flou et l’imprécis. L’esprit logique l’embarrasse. Il se
dérobe à toute définition précise car il en connaît l’inanité.
Descartes, s’il avait été chinois, n’aurait pu écrire le Discours de la
méthode. Le Chinois tourne autour des choses et en donne diverses
interprétations en sachant qu’il n’ira jamais dans leur cœur. Il sait qu’il
fait partie d’un monde en perpétuel bouleversement dont on ne peut
avoir que des instantanés. Il ne sait pas trancher entre le faux et le vrai
et opte pour leur mixité. Une proposition n’est jamais absolument vraie
ou fausse. Elle peut être à la fois vraie et fausse.
Ceci est symbolisé par le Yin et le Yang de l’immuable Tao qui
s’interpénètrent et oscillent perpétuellement autour d’un équilibre jamais
atteint. Le Chinois ignore la distinction. Pour lui, tout est interdépendant
et en étroite relation. Les faits isolés s’inscrivent dans un contexte
évoluant en permanence. Le devenir est constant. Son esprit fuit le
concept et abhorre le développement du raisonnement linéairement
ordonné. L’univers constitue un immense organisme auquel il semble
insensé de chercher une origine et une cause, une forme et des limites,
un sens et une fin. Il n’utilise pas le mot Dieu.
Comprendre n’a pas de signification pour lui, car cela revient à
essayer vainement d’adapter des concepts humains à une réalité
fuyante, qui se dérobe constamment. Il faudrait comprendre qu’il n’y a
rien à comprendre. Il cherche à s’intégrer dans la nature dont il n’est
qu’un fragment intimement mêlé aux autres.