Une économie de la médiation dans une société de clivages
Dans les sociétés modernes, trois espaces sont en tension :
•L’espace politique qui construit une communauté d’appartenance, faisant
appel à la figure du citoyen avec des droits politiques basés sur des phénomènes
de domination et de consentement,
•L’espace de la vie privée et l'épanouissement d'un sujet libre,
•L'espace du marché dont la tendance naturelle est de transformer le sujet
en marchandise, en chose.
L'économie sociale et solidaire, en constituant des groupes intermédiaires
pour éviter d'être seul face au pouvoir politique ou de devenir un instrument
de production, est une protestation permanente face au risque d'éclatement
de la société. L’ESS, avec pragmatisme, est guidée par l'utopie de la
réconciliation possible du sujet, du producteur et du citoyen.
Dans une société de clivages, la suppression du capitalisme et de l’Etat ne
paraissant pas des hypothèses réalistes, Robert Lafore invite à renoncer à
penser l'économie sociale et solidaire comme un modèle pur et global en
capacité de remplacer les systèmes actuels.
L'économie sociale et solidaire constitue plutôt un système de médiation et un
élément d'autorégulation de la
démocratie qui permettent de défendre
les intérêts collectifs face au pouvoir du
politique et de marché.
Redonner de la substance à l'action démocratique de
l'économie sociale et solidaire
Face aux tendances à l'instrumentalisation de l'ESS par l'Etat (par exemple
sur les mutuelles) ou par le marché (par exemple sur les coopératives), un
des grands enjeux de l'économie sociale et solidaire est de repenser son
action démocratique et ses modes de gouvernance. L'enjeu est de dynamiser
la logique ascendante par la mobilisation des usagers, des clients et du
bénévolat. Pour structurer le milieu, il y a nécessité de décloisonner, de
favoriser les passerelles et créer des lieux d'échanges entre les initiatives.
L'ESS ne doit pas être un adjuvant de la puissance publique
Dans un contexte de perte de confiance du citoyen vis-à-vis du politique et de
crise économique, l'économie sociale et solidaire peut proposer des espaces
de solutions et de médiation afin d’éviter la casse du sujet (exclu du système
au même titre que le producteur). Pour ne pas être instrumentalisé, l'ESS doit
défendre auprès de l'Etat une forme de souplesse et de liberté d'initiatives
pour pouvoir expérimenter.
L'économie sociale et solidaire doit, par ailleurs, lutter contre une vision
uniforme portée au niveau de l'Union européenne qui promeut le principe de
libre concurrence et qui a tendance à nier la façon de produire les biens et
services qui n'est, pourtant, pas neutre. Il s'agit ainsi de faire reconnaître
auprès des pouvoirs publics les apports des structures au-delà du service
qu'elles rendent. La reconnaissance des services sociaux d'intérêt général
dans la réglementation européenne est ainsi un enjeu majeur.
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