PN50-Fiche_pedagogique_3

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FICHE Pédagogique N°3
Petite histoire de la
production de l’électricité
du XVIIIe à nos jours
y Dominique Wynsberghe
Sciences et Techniques au Carré de l’UMONS
Le XVIIIe, le siècle
des étincelles !
Même si, vers le VIe siècle av. J.-C., il était connu que
l’ambre frotté attire les corps légers, il faut attendre
la fin du XVIIe et surtout le début du XVIIIe siècle
pour que s’éveille l’intérêt pour les manifestations
mystérieuses entre corps électrisés et, notamment,
pour les inexplicables étincelles lumineuses.
De nombreuses machines électrostatiques verront
le jour à la suite de la machine électrique de Otto
Von Guericke – machine que nous qualifierions
actuellement « d’électrostatique » – et seront utilisées pour produire les charges électriques mises
en œuvre dans diverses expériences.
Le XVIIIe siècle mérite bien son nom de siècle des
étincelles. En effet, une des expériences les plus
célèbres de l’époque consiste à placer une dame sur
un tabouret l’isolant du sol, à la mettre en contact
avec une machine électrostatique chargée et à
demander à un galant homme d’approcher son
visage de celui de la belle. Vous l’aurez deviné, une
étincelle jaillit entre les deux personnages, qualifiant
l’expérience de « Baiser électrique ».
Reproduction d’expériences d’attraction-répulsion (verre frotté avec une peau de chat attirant
de petites billes de sureau ou autres matériaux
légers…), phénomènes d’électrisation d’objets ou
de personnes (baiser électrique…) sont autant
d’expériences reproduites dans les salons de la
« bonne société » ou dans les cabinets de curiosité
que s’offrent des notables fortunés.
collectée à une borne d’une machine électrique.
Le condensateur est né !
Vers le milieu des années 1700, Benjamin Franklin
réalise ses travaux sur l’électricité. Il aura fallu
attendre quasiment soixante ans pour découvrir
l’analogie entre la foudre et l’étincelle électrique.
Dans le même temps, les premières expériences
« d’électrothérapie » voient le jour et permettent
d’obtenir certains résultats notamment dans le
processus de guérison de paralytiques.
De la fin du XVIIIe siècle au milieu du XIXe apparaissent les machines électrostatiques de
Leroy-Winter, Holtz, Wimshurt, …
Cependant, le XVIIIe siècle ne dépassera pas le
stade de l’électricité statique, c’est-à-dire le déplacement et l’accumulation de charges se terminant
le plus souvent par l’éclatement d’une étincelle.
Aucune production « utilitaire » d’électricité ne
verra le jour durant ce siècle.
En 1785, sur le principe de la répulsion de charges de
même signe, Charles-Augustin Coulomb (1736-1806),
ingénieur et physicien français, construit une balance
de torsion et déduit la première relation quantitative de
l’étude de l’électricité. Cette relation est connue sous
le nom de Loi de Coulomb et traduit que les forces
exercées entre deux corps chargés électriquement
sont proportionnelles aux charges et inversement
proportionnelle au carré de la distance qui les sépare.
Baiser électrique
e
Machine électrostatique de Otto Von Guerick
Parallèlement à ces expériences spectaculaires,
l’électrisation va donner lieu à quantité de recherches
menées avec beaucoup de rigueur et de méthode
dans des domaines très variés. Ainsi, l’abbé Nollet,
précepteur des enfants du roi et concepteur d’instruments scientifiques réputé de son époque, rapporte
de manière très précise les résultats d’expériences
qu’il a menées pour étudier la perte de poids de
chats et de pinsons au voisinage d’un corps électrisé.
Vers 1746, Musschenbroek découvre la bouteille
de Leyde qui permet de stocker de l’électricité
Bouteille de Leyde
Recherches sur l’électricité par l’abbé Nollet
(1700 – 1770)
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FICHE Pédagogique N°3
Pile Volta
Expérience d’Humphry Davy
– l’arc voltaïque éclairant
Balance de Coulomb
Le XIXe, premières utilisations
de l’électricité !
Alors que le XVIII e siècle n’a produit que des
déplacements de charges (courants électriques)
d’une durée extrêmement faible (des étincelles),
Alessandro Volta, en 1800, produit pour la première
fois un courant qui se poursuit dans la durée. En
empilant une succession de disques de cuivre et
de zinc séparés par une pièce de feutre imbibée
d’une solution acide, Volta invente la première pile.
L’électricité devient utilisable !
Daniell, Grenet, Bunsen, Leclanché vont produire
successivement des modèles de piles auxquels ils
laisseront leur nom. La pile Leclanché, inventée vers
1865-67 et constituée d’une électrode de zinc et
d’une électrode de carbone, est encore la plus utilisée
aujourd’hui. Toutes ces piles ont en commun qu’elles
sont constituées de deux électrodes de nature différente, placées dans une solution conductrice.
Sur ce modèle, Planté met au point une pile particulière qui peut être rechargée, l’accumulateur est né.
Des piles à la lumière !
Au début du XIXe siècle, l’homme s’éclaire encore
à la bougie ou à la lampe à huile. Cet éclairage
peu confortable et de qualité médiocre motive les
recherches d’un mode de production de lumière à
la fois plus commode et plus intense.
L’idée première, réalisée par Humphry Davy, est
de produire une étincelle permanente en reliant
les deux bornes – constituées de bâtons de charbon et enfermées dans une ampoule de verre dans
laquelle on a fait le vide d’air – à une batterie de piles
(2000 piles, soit une surface au sol de 1200 m²).
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Électrolyse de l’eau
Appareil galvanoplastique
Cette ampoule porte le nom d’œuf électrique.
L’expérience réussit.
Il faut cependant attendre les environs de 1845
pour que l’éclairage par arc électrique commence
à être utilisé dans quelques lieux publics.
Des piles à l’électrochimie !
La découverte de la pile Volta a également permis de mettre en évidence les effets chimiques
du courant électrique. En reliant deux électrodes
plongées dans un récipient d’eau à une pile, l’eau
est décomposée en hydrogène et en oxygène, c’est
ce qu’on appelle une électrolyse. Cette expérience
a permis de vérifier la composition à la fois quantitative et qualitative de l’eau. Cette expérience,
menée dans un grand nombre de solutions, a mis
au jour ou permis d’isoler de nombreux éléments
tels que le palladium et le rhodium (en 1803), le
sodium et le potassium (en 1807), …
Mais il est une autre application de l’électrolyse,
qui sera très soutenue financièrement, il s’agit
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de la galvanoplastie ! En effet, jusqu’alors, pour
déposer une pellicule d’or sur un objet à dorer,
l’objet était recouvert d’un amalgame à base de
mercure et d’or que l’on chauffait afin de vaporiser
le mercure pour ne garder que l’or. Cette opération
était donc extrêmement polluante et très dangereuse pour la santé des artisans. L’électrolyse va
permettre ce recouvrement d’une fine couche d’or
ou d’argent dans des conditions beaucoup moins
polluantes et moins onéreuses. Le procédé est
constitué d’une électrode du métal à déposer,
d’une solution d’un sel du métal à déposer, l’objet
à recouvrir constituant la deuxième électrode. Les
électrodes sont reliées à une pile. Le passage
du courant permet le dépôt du métal noble sur
l’objet à recouvrir.
De l’électromagnétisme aux moteurs !
En 1819, Œrsted découvre qu’une aiguille aimantée
et libre de mouvement dévie lorsque le fil électrique
sous lequel elle se trouve est parcouru par un courant.
Le lien entre électricité et magnétisme est établi !
FICHE Pédagogique N°3
Machine de Clarke
Électroaimant de Sturgeon
Machine de l’Alliance
Expérience de Faraday
Bobine de Ruhmkorff
Expérience d’Œrsted
De la découverte d’Œrsted découleront deux
applications. Citons tout d’abord, le galvanomètre
– appareil de mesure de l’intensité de courant
électrique basé sur la mesure du déplacement
l’un par rapport à l’autre d’un conducteur parcouru par un courant et d’une pièce magnétique.
Jusque dans les années 1980 où apparaitront les
appareils électroniques à affichage numérique,
tous les appareils de mesures électriques sont
construits sur ce principe.
Deuxième application directe de la découverte
d’Œrsted : l’électroaimant mis au point par Sturgeon
en 1825 et capable alors de soulever un objet de
4 kg, soit 20 fois sa masse. Cette application de
l’électromagnétisme est toujours d’actualité pour
soulever des charges ou séparer les composants
ferreux d’un mélange.
En 1831, Faraday montre que le déplacement
d’un aimant – ou d’un électroaimant – à l’intérieur
d’une bobine de câble électrique y induit un courant électrique, c’est le phénomène d’induction
électromagnétique.
La production d’électricité est
toujours due au mouvement d’un
électroaimant dans le champ d’un ou
plusieurs bobinages électriques […]
Cette découverte fondamentale conduit à la
construction des premiers générateurs magnéto-électriques, comme ceux de Saxton (en 1833)
et de Clarke (en 1836). Ces machines ont un très
faible rendement, car le champ magnétique produit
par les aimants permanents est petit.
En 1853, Florisse Nollet (1794-1853), professeur
à l’École Royale militaire à Bruxelles, construit
une machine magnéto-électrique constituée d’une
batterie de 64 machines de Clarke. Restée célèbre
sous le nom de machine de l’Alliance, cette machine
est très utilisée – notamment pour l’éclairage des
phares côtiers – jusqu’à l’apparition des machines
dynamo-électriques, telles que celles de Gramme,
au rendement bien supérieur.
Les machines dynamo-électriques sont identiques aux machines magnéto-électriques à la
différence près que l’aimant permanent – siège
d’un faible champ magnétique – est remplacé
par un électroaimant dont le champ magnétique
est beaucoup plus intense. Le courant électrique
généré par les machines dynamo-électriques est
donc bien plus grand, ce qui fait le succès de
ces machines.
Jusqu’à nos jours, à l’exception de l’électricité
d’origine photovoltaïque, l’électricité est produite
par le mouvement d’un électroaimant appelé
« rotor » qui induit un courant électrique dans un
ou plusieurs bobinages de câbles électriques fixes
qu’on appelle le « stator ». La mise en mouvement
du rotor par le biais d’une turbine est assurée
de diverses manières comme un courant d’eau
(barrages hydroélectriques, énergie des marées),
un courant d’air (éoliennes), un jet continu de
vapeur produite directement (géothermie à haute
température) ou grâce à une source de chaleur
obtenue à partir du charbon, du gaz, de la biomasse, d’un combustible nucléaire, du soleil.
Mais la production d’électricité est toujours due
au mouvement d’un électroaimant dans le champ
d’un ou plusieurs bobinages électriques qui sont
alors le siège d’un courant induit important que
l’on peut utiliser.
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FICHE Pédagogique N°3
Fonctionnement d’une centrale solaire thermique à concentration
Ces générateurs électriques, dont l’usage se répandra à partir des années 1870, sont capables de
fournir des intensités de courant importantes sous
de basses tensions (quelques dizaines à quelques
centaines de volts).
électriques classiques (fluide faisant tourner un
électroaimant à proximité de bobinages électriques).
Le fluide est la vapeur d’eau produite par un chauffeeau solaire géant. Ces centrales ont vu le jour au
cours de ces vingt dernières années.
Cependant, des applications à base de générateurs de tensions très élevées (quelques dizaines
ou centaines de milliers de volts) mais ne produisant
que des intensités de courant extrêmement faibles
(microampères) voient le jour. Le plus connu de ces
générateurs, appelés aussi bobines d’induction, est
la bobine de Ruhmkorff (1851).
Les centrales solaires photovoltaïques sont
basées sur l’effet photoélectrique découvert par
Antoine Becquerel en 1839 : lorsque certains
métaux sont éclairés, ils émettent un courant électrique. L’étude de ce phénomène est reprise par
Hertz en 1887, mais ce n’est qu’en 1905 qu’Einstein
en donne l’explication : l’émission d’électrons par
une plaque métallique est due à l’absorption par
celle-ci de « particules » de lumière (appelées « photons ») possédant une énergie déterminée. Il faut
attendre les années 1960 pour voir les premières
applications de panneaux solaires photovoltaïques
dans l’alimentation électrique des satellites. Ce
n’est qu’à partir des années 1990 que les panneaux
solaires sont utilisés en Europe pour produire de
l’électricité à grande échelle.
Ces bobines ont eu des applications thérapeutiques
(électrothérapie) mais ont aussi été utilisées pour
l’allumage des moteurs de voiture jusque dans les
années 1970-80 où elles ont été remplacées par
un dispositif d’allumage électronique.
Ces générateurs de très hautes tensions ont également contribué au développement des connaissances
concernant la nature de la matière ainsi qu’à la mise
au point d’instruments scientifiques tels que les appareils à rayons X utilisés en radiographie.
Le XXe, le début de l’ère
de la production d’énergie
électrique d’origine solaire !
Il faut distinguer deux types de production d’énergie
électrique à partir d’énergie solaire.
Les centrales solaires thermiques produisent de
l’électricité selon le même principe que les centrales
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A plus petite échelle, les cellules photovoltaïques
remplacent les piles dans nos petits appareils tels
que les calculettes.
De nos jours…
Aujourd’hui, la plus grande partie de l’électricité mondiale est produite dans des centrales
alimentées par des énergies non renouvelables
(charbon, gaz naturel, pétrole, uranium). Ces
sources d’énergie sont en voie de devenir rares
et chères, sans compter certains aspects nocifs
pour l’environnement. Resteront les énergies
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renouvelables : solaire, éolienne, hydroélectrique,
géothermique, marémotrice… Pour satisfaire nos
besoins en électricité, il faudra agir à la fois au
niveau local où il conviendra d’exploiter toutes
les sources d’énergie disponibles (réseaux intelligents, compteurs intelligents…) et au niveau
mondial où il faudra concevoir et réaliser des systèmes utilisant les sources d’énergie disponibles
aux endroits favorables (projet Desertec visant à
combiner dans un vaste réseau des installations
solaires des régions très ensoleillées, des champs
d’éoliennes des régions venteuses comme les
régions côtières, des barrages hydroélectriques
des régions montagneuses…).
Note :
Ce cahier pédagogique a été élaboré sur base
de l’exposition « Produire de l’électricité du
XVIIIe au XXIe siècle ». Cette exposition est
une collaboration entre l’asbl Sciences Echos
et le centre SciTech² de l’UMONS, centre
bénéficiant du soutien de la DGO6 du SPW.
Elle met en valeur une partie de la collection d’instruments anciens de la Fédération
Wallonie-Bruxelles. L’exposition est accessible
jusqu’au 29 juin 2014 au Musée d’Histoire
naturelle et Vivarium à Tournai (plus d’infos
sur http://scitech2.umons.ac.be).
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