Domaine 8 Homme et systèmes Didier Bazalgette Responsable du domaine scientifique Thèmes • Protection et vulnérabilité de l’Homme en tant qu’individu appelé à décider et à agir, physiquement, cognitivement mentalement et socialement vulnérable. • De la neuro-ergonomie à la socio-ergonomie pour la conception des espaces de travail fondée sur les sciences de l’ingénieur, les sciences humaines et sociales, les sciences de la forme … • Espaces de travail dont l’homme est une des composantes, à titre individuel ou comme agent d’un collectif de travail, interagissant à la fois avec d’autres hommes, coopératifs ou non, ou des éléments matériels ou logiciels, perceptibles ou plus profondément enfouis dans les systèmes. Priorités 2011-2012 • Monitoring et modélisation • Interactions • Travail collaboratif ENJEUX SCIENTIFIQUES POUR LA DÉFENSE La recherche et l’innovation dans le domaine Homme et systèmes agrège par nature de très nombreux domaines et disciplines scientifiques qui sont appelés à concourir à l’amélioration de la qualité de l’intégration et de la capacité de perception, de décision et d’action de l’Homme dans les systèmes pour une meilleure efficience globale de ces derniers. L’intérêt de ce domaine concerne tout autant le monde de la défense que le monde civil. Le domaine peut être considéré comme fortement dual. Pour les aspects Défense, des particularités adviennent du fait du contexte d’emploi (environnement à risque, partie adverse par nature peu coopérative, forte pression temporelle et forte incertitude). Les actions multinationales ont, de plus, pour particularité de solliciter des collectifs de travail de très grande taille, constituant de fait des systèmes de systèmes, rassemblant des cultures métier et individuelles très différentes. Cette particularité n’a, milieux de la sécurité ou domaine financier international exceptés, quasiment pas d’équivalent dans le monde civil. Dans ces contextes, tout élément ou système intégrant l’homme peut bénéficier d’innovations issues du domaine. Le domaine s’intéresse donc et s’appuie sur de nombreux domaines scientifiques et techniques allant des sciences humaines et sociales – SHS (sociologie, psychologie, communication, ethnologie, anthropologie, droit, sciences affectives, …) jusqu’a l’automatique, l’informatique et l’ingé- 56 nierie autour des disciplines centrales du domaine (facteurs humains, neurophysiologie, physiologie de la perception, processus de raisonnement et de décision, ergonomie, biomécanique, design, science de la forme, …). Ainsi, le domaine H&S constitue par essence l’interface entre ces différents champs de connaissance. Cette interdépendance entre les technologies, les modes d’organisation et l’Homme, conditionne donc l’efficacité des systèmes de systèmes spécifiques de la Défense, dans lequel l’Homme a sa place à titre individuel ou collectif au sein des organisations de travail, de la plus petite à la plus grande. De fait, ce domaine est aussi en interaction avec de nombreux domaines scientifiques de la MRIS pour lesquels il est susceptible de répondre à des questions concernant l’utilisabilité et l’acceptabilité des possibles innovations qui en sont issus. Par tous ces aspects le domaine H&S interagit plus particulièrement avec les domaines scientifiques : ● Ingénierie de l’information et robotique (I2R), ● Nanotechnologies, ● Biologie et biotechnologies. De par sa position et de par sa nécessaire pluridisciplinarité, l’évaluation des projets du domaine H&S sera plus facilement réalisée au travers d’une métrique de type SRL (System Readiness Level) que d’une métrique de type TRL, car cette dernière risquerait de ne mettre en avant qu’une part des recherches ou innovations, limitée à une composante technique ou technologique évaluée hors de son POLITIQUE ET OBJECTIFS SCIENTIFIQUES ÉDITION 2010 - ORIENTATIONS 2011-2012 Le domaine H&S, dans un contexte professionnel, a, et de manière croissante depuis quelques années, la particularité d’être soumis aux attentes des utilisateurs, issues de leurs usages du quotidien. Ainsi le domaine H&S est devenu le cadre dans lesquels se rencontrent les innovations, la diffusion et l’usage des technologies particulièrement dynamiques dans le domaine de l’interaction Homme-Homme, Homme-système en termes de concepts, produits et systèmes qui sous-tendent, facilitent, construisent ou diffusent ces interactions. Si, dans le monde des facteurs humains, la coopération entre les acteurs des sciences traditionnelles du domaine est acquise et habituelle, il n’en est pas de même pour les coopérations plus larges et transversales tant vers le monde des sciences de l’ingénieur que vers le domaine des sciences humaines et sociales. De plus, le travail collaboratif entre les sciences humaines et sociales et les sciences de l’ingénieur est encore marginal et se restreint à des actions ponctuelles. On sent, à cet égard, une réticence de certains acteurs à réaliser un saut culturel tel qu’il existe, par exemple, dans les pays anglosaxons et les pays du Nord de l’Europe (on peut citer, par exemple, la propension des universitaires anglo-saxons à s’immerger dans les milieux en charge de la sécurité, afin d’étudier et de proposer des modes d’organisation, des usages, …). En termes d’enjeu pour la Défense et pour la conception ou l’évolution de ses systèmes parfois de très grande taille qu’elle utilise, le domaine Homme et systèmes doit apporter des éléments de connaissances qui facilitent la naissance de concepts systèmes et leur traduction en spécification, ainsi qu’à leur usage et à la formation et l’entraînement des utilisateurs (individus, groupes, organisations). La capacité à observer l’homme, isolé ou en collectif de travail, comme agent d’un système complexe ou d’un système de systèmes, peut être à la fois un moyen pour identifier ou faciliter l’émergence de nouveaux concepts et pour suivre leur cycle de vie jusqu’à la qualification et l’usage opérationnels du système. Des collaborations avec le domaine I2R et l’abord sous l’angle de l’agent Humain, individuel ou collectif, des aspects cognitifs et socio-organisationnels, doivent exister pour le domaine des systèmes de système. Cet abord centré sur l’homme doit exister tant pour l’ingénierie et la gestion de projets que pour la définition, les spécifications, le design et l’évaluation des réalisations. Cette complémentarité permettra de construire et réaliser une indispensable intervention pluridisciplinaire, non purement technologique, de ce domaine par nature complexe. Les thèmes et les priorités pour le domaine Homme et Système qui vont être détaillés par la suite ont été identifiés comme démonstratifs de cette essentielle pluridisciplinarité et transversalité. Les thèmes choisis se distinguent principalement les uns des autres par le point d’attaque ou point de vue des problé- Domaine 8 usage, de sa pertinence, de son utilisabilité ou de son acceptabilité (Cf. Encart 2, page 5). matiques sous-jacentes et par la dimension capacitaire qu’ils visent à satisfaire. Ils constituent tant des axes de recherche, de travail et d’innovation à la fois génériques et instanciables que des orientations susceptibles de faire émerger des nouveaux mode de travail ou d’organisation. ORIENTATIONS SCIENTIFIQUES 1. PROTECTION ET VULNÉRABILITÉ Les conflits récents ont montré une très forte prévalence de pathologies psychologiques et psychiatriques chez les combattants de terrain et y compris chez des combattants ne quittant pas le territoire national et exposés à aucun risque d’atteinte physique (par exemple chez des opérateurs de drones opérant à très grande distance via des réseaux satellitaires). Le cadre habituel de ce type de pathologies allant du syndrome d’épuisement professionnel (burning out syndrom) au trouble de stress post-traumatique (PTSD - post traumatic syndrom disorder) est en train de se modifier rapidement du fait des évolutions des conflits et des technologies. Il pourrait être pertinent de remettre en question l’approche classique et le modèle habituel de ces types de pathologies. Des modèles d’interprétation de prédiction ou de risques différents doivent être recherchés. De nouvelles approches de traitement ou de prévention pourraient en découler tant pour ce qui concerne l’individu lui même mais aussi via la formation ou l’environnement de travail. De nouvelles approches ou systèmes de monitoring, pourraient être recherchés afin d’identifier sur une large plage de temps d’activité des signaux faibles laissant présager la survenue de telles pathologies. En termes de protections physiques, de nouvelles avancées pourront être réalisées dans le domaine des vêtements et des textiles : protection NRBC améliorée, nouvelles protections balistiques, tenues gérant mieux les contraintes mécaniques et thermiques liées à l’effort ou à l’environnement. Nombre de ces avancées sont liées au domaine des nanotechnologies ou des matériaux. Un regard particulier en termes d’utilisabilité et de risque (directive REACH) devra être précocement assuré pour garantir la possibilité d’usage de nouveaux matériaux ou dispositifs «près du corps» de l’Homme. 2. DE LA NEURO-ERGONOMIE À LA SOCIO-ERGONOMIE Ces champs pluridisciplinaires d’apparition formalisée relativement récente constituent des approches originales et innovantes pour traiter la problématique des interactions homme-système en capitalisant les travaux de neurosciences intégratives, de neuropsychologie, de psychophysiologie et de sociologie. Les travaux de ces disciplines ont fait progresser les connaissances sur la compréhension des interactions de l’homme avec son environnement. Ces résultats scientifiques suscitent désormais l’in- POLITIQUE ET OBJECTIFS SCIENTIFIQUES ÉDITION 2010 - ORIENTATIONS 2011-2012 57 Domaine 8 térêt des facteurs humains et l’application de ces modèles à l’ergonomie a donné très récemment naissance à ce nouveau courant aux Etats-Unis. Des premières études financées par notamment par l’USAF (US Air Force) ont permis de proposer une théorie générique et novatrice pour la conception de cockpit totalement adaptée au traitement cérébral de l’information. De manière générale, cette approche a pour but d’aider les opérateurs à mieux interagir avec leur environnement ou entre eux grâce aux améliorations des processus de conception, des médias d’interaction, des environnements de travail, de la formation ou de la dimension organisationnelle des activités. Ces travaux permettront de mieux comprendre pour mieux les maîtriser l’apparition de comportements émotionnels, attentionnels ou de décisions particulières (syndrome de persévération, insensibilité aux informations d’alarmes…). Ils permettront aussi de réaliser un design d’environnement de travail ou d’organisations qui soit justifié par des éléments de connaissance relatifs aux « fonctionnements » des utilisateurs individuels ou en collectifs de travail. Ces travaux doivent être conduits dans une visée applicative, vers par exemple, le développement des contre-mesures cognitives pour aider les opérateurs et sécuriser le système, ou vers l’optimisation des processus de formation et d’entraînement ou l’optimisation des aspects organisationnels ou décisionnels. Ces travaux permettront enfin d’assurer le transfert et la capitalisation vers des domaines applicatifs (conception d’environnement de travail, formation, aide à la décision, …) d’un vaste corpus de connaissances déjà existantes en sciences de l’homme (neurophysiologie, neuropsychologie, …) ou sciences humaines et sociales (psychologie, sociologie, anthropologie, théories de la décision …) ou sciences de la forme (ergonomie, design …). Cette démarche est aussi menée par la DARPA le MoD Britannique et la Commission Européenne (PCRD). Elle est aussi suivie par des actions et des soutiens de recherche de grands industriels. Au niveau national, des actions de recherche sont en cours mais en nombre et en dimension très insuffisantes eu égard à l’intérêt et aux compétences existantes. Il est à noter que cet axe de recherche a aussi été identifié par l’atelier de réflexion prospec- tive PIRSTEC (Prospective Interdisciplinaire en Réseau pour les Sciences et Technologies Cognitives) soutenu par l’ANR en 2009. Ces travaux doivent être menés par une approche pluridisciplinaire la plus large possible et dans des paradigmes de tâches ayant une valeur écologique dans les domaines d’actions ciblés. 3. ESPACES DE TRAVAIL Les technologies de l’information permettent aujourd’hui la réalisation d’espaces de travail dans lesquels les opérateurs sont en situation d’interaction avec des mondes ou des contextes opérationnels réels, enrichis ou simulés (virtuels). Ces environnements, produits à coût relativement faible permettent une large palette d’activités telle que l’ingénierie système, la formation, l’entraînement ou la réalisation d’actions opérationnelles. Ces dispositifs présentent un intérêt particulièrement fort pour la formation au vue des économies de coût réalisées par rapport à un usage de systèmes réels et d’une réduction totale des risques pour les opérateurs et les systèmes. Ils permettent aussi la réalisation de simulations utilisables pour la préparation de missions, le test d’hypothèses technico-opérationnelles, la spécification et sa consolidation, appuyée sur de l’ingénierie participative en interaction avec les utilisateurs. On constate que ces dispositifs ou ces démarches sont, à ce jour, faiblement conceptualisés. Les méthodes d’analyse des activités des opérateurs ou les méthodes de formation sont calquées sur celles utilisées dans une activité en situation réelle. Elles sont de plus très faiblement différentielles, pour ce qui concerne les aptitudes individuelles, les savoirs initiaux et la progression des compétences. De fait bon nombre d’informations ne sont pas recueillies analysées ou valorisées. Le développement de nouvelles approches de monitoring des actions et des états de l’opérateur, présentées ci-dessous comme une des priorités du domaine, apportera à ce type de situation des moyens nouveaux permettant de réaliser une analyse fine de l’usage et permettra de développer des métriques capables de mieux tracer l’évolution des activités, des aptitudes ou des compétences. Actions prioritaires 2011– 2012 1. MONITORING ET MODÉLISATION Le monitoring de l’opérateur est une action qui peut être envisagée sous plusieurs formes et dimensions et aller bien au delà du monitoring de l’état de santé habituellement seul mentionné sous ce vocable. Le monitoring doit être envisagé tant dans une dimension individuelle que collective et systémique. L’analyse de l’activité ou des capacités individuelles ou collective et la dynamique des états d’un sys- 58 tème doivent permettre d’en identifier les potentialités opérationnelles et la qualité des actions ou l’état et l’évolution de sa dynamique interne. Selon la dimension ou le type du système, ce monitoring peut être assuré par des capteurs directement au contact ou près de l’opérateur ou réalisé à partir de l’analyse en temps réel des actions ou décisions des acteurs humains ou de l’évolution du vecteur d’états du système. POLITIQUE ET OBJECTIFS SCIENTIFIQUES ÉDITION 2010 - ORIENTATIONS 2011-2012 Le monitoring individuel réalisé à des fins de surveillance de l’état physique ou médical de l’opérateur est actuellement assuré par de multiples capteurs dont les signaux sont interprétés avec une approche statistique. La réduction du nombre de capteurs conditionne l’utilisabilité d’un tel système. La recherche de modèles prédictifs est indispensable pour interpréter de manière robuste un nombre réduit de signaux recueillis. Cet allègement du système est aussi recherché dans le domaine civil pour le suivi léger de pathologies chroniques. Le monitoring de l’opérateur à des fins de meilleure efficience du couple opérateur-système doit être développé tant sur l’aspect instrumentation que sur la dimension modélisation. La compréhension de l’état cognitif et de la capacité et qualité décisionnelle, individuelle, interindividuelle ou du collectif de travail permettra une approche systémique optimisée dans le domaine des interfaces adaptatives, ou dans la réalisation de systèmes mettant en œuvre des concepts d’aide à la décision, d’initiative mixte ou de partage d’autorité homme-système. Les efforts à mener porteront donc sur : ● le monitoring individuel de l’état global à partir d’un nombre réduit de capteurs afin d’identifier de nouveaux concepts permettant de proposer de nouvelles voies pour des systèmes légers et utilisables à grande échelle et à faible coût. Les technologies de capteurs (à ce titre une liaison avec le domaine Nanotechnologies pourra être réalisée), le traitement du signal et les architectures de système dans lequel le monitoring individuel sera réalisé pourront être par la suite étudiés. Des modèles d’interprétation automatique des données issues des capteurs en nombre réduit devront être recherchés ; ● le monitoring de l’activité cognitive avec pour objectif d’identifier des états de perception, raisonnement, émotion, décision altérés ou à risque justifiant la mise en œuvre de contre-mesures cognitives ou de décision peu ou prou automatiques par le système ; ● la production de modèles à différentes échelles (individuel, interindividuel, collectif de travail, système) pouvant adresser toutes les compo- Domaine 8 Tous ces types de monitoring présupposent, et n’ont de justification et de pertinence que lorsque l’on possède des modèles d’activités ou de décisions ou d’états, cohérents avec et modulables par les informations issues du monitoring. Ces modèles devront être suffisamment fins, discriminants et robustes pour permettre de définir un ou des états de référence, et d’identifier les précurseurs des situations de risques voire de danger dans lequel l’opérateur, le groupe ou le système pourraient se trouver et justifier alors la mise en œuvre de contre-mesures appropriées (aides, initiative mixe, partage d’autorité homme-système, délégation, résilience…) pour la sécurité et la réussite des actions ou activités en cours et futures. santes de l’opérateur (physiologie, activité, capacités, comportement décisionnel ou social) servira de base à l’interprétation automatique des données recueillies ; ● les dimensions sociales, sociétales, éthiques potentielles des nouveaux concepts seront systématiquement traités dès le début de la réflexion système. Un cadre de référence et d’argumentation formalisé est à développer pour conduire et garantir la validité de cette démarche. Face une forte tendance sociétale de judiciarisation du monde du travail, y compris militaire, des moyens d’analyse et de décision devront aussi être mis en place et formalisées pour gérer les implications de la mise en œuvre en contexte opérationnel de tels principes, dispositifs ou systèmes. Les aspects médicaux légaux, hygiène et sécurité des conditions de travail (HSCT), responsabilité sociale des entreprises (RSE), responsabilité individuelle des décisions seront traités de la même manière. 2. INTERACTIONS Le domaine de l’interaction est un domaine très vaste et polymorphe et en plein bouleversement et progression dans le monde civil. Si l’on compare la situation actuelle de l’interaction de l’homme avec la machine avec celle d’il y a moins de dix années, on constate que le monde du quotidien et du loisir est désormais la référence et le moteur du domaine tant pour ce qui est des technologies que des usages et des représentations et des imaginaires individuels, collectifs et sociétaux. De nouveaux concepts, technologies, designs et usages doivent être scientifiquement explorés dans une approche très pluridisciplinaire et développés ou adaptés pour une classe d’applications à laquelle le grand public ne s’est pas encore intéressé et qui présente un intérêt fort dans le domaine professionnel. Figure 8.1 : En utilisant une table interactive tactile, un opérateur signale une zone d’intérêt à un essaim de drones. REI SUSIE (SUpervision de Système d’Intelligence en Essaim) - © ENSTB-LUSSI POLITIQUE ET OBJECTIFS SCIENTIFIQUES ÉDITION 2010 - ORIENTATIONS 2011-2012 59 Domaine 8 On retiendra en particulier les enjeux suivants : ● les moteurs de recherche accessibles à tous sont pour la plupart très rudimentaires (recherche par chaîne de caractère et affichage sous forme de texte). Ainsi la navigation dans des grandes bases de connaissances doit être améliorée tant au niveau de la recherche, la navigation ou la représentation de l’information (information design) ; ● le monde du jeu est en train de rendre « sans état d’âme » des générations d’adolescents vis-à-vis de l’automatisation de l’action ou de la décision. Il est nécessaire d’étudier comment les concepts d’initiative mixte, d’interfaces adaptatives peuvent être intégrés, de manière robuste dans les systèmes futurs ; véhiculer à un débit important tout type de données, et le développement et l’usage croissant de systèmes d’information et de commandement ont créé de nouvelles formes, possibilités et capacités de travail collaboratif. Force est de constater qu’il n’existe pas aujourd’hui quasiment pas de connaissances scientifiques sur les implications individuelles, sociales, sociétales, organisationnelles … de cette révolution du monde de l’information. De fait faute d’être identifiées les conséquences de ces évidentes implications ne peuvent pas encore se traduire sur les processus de conception ou innovations en termes de travail d’organisation, de mode de décision … ● le fort couplage des grands systèmes (transport– énergie–sécurité par exemple) et le fait que toute action et décision est perçue ou a des conséquences au niveau individuel ou social justifie le besoin d’outils permettant d’aider à la décision dans un contexte d’information très riche, mais aussi incomplet ou contradictoire, ainsi que de disciplines ou domaines multiples. Ces travaux concernent tant le domaine de l’ingénierie de l’information que le domaine H&S ; ● en miroir d’une automatisation croissante inéluctable, ou d’outils d’aide à la décision, il conviendra d’explorer, là encore selon une approche pluridisciplinaire et à un niveau individuel ou collectif, la relation entre confiance, risque et qualité qu’induiront les nouveaux systèmes, les nouveaux moyens d’échange et d’interaction et les nouveaux moyens d’aides à la décision ; ● de plus en plus des nouveaux outils et usages du quotidien (réseaux sociaux, smartphones …) pénètrent dans le monde professionnel. Il conviendra, dans un contexte impérativement pluridisciplinaire, de tester et valider au regard d’exigences propres à un usage professionnel (robustesse, traçabilité, cohérence avec des applications professionnelles existantes) les risques et opportunités, conditions et limites d’usage de ces nouveaux média et supports d’interaction. L’ensemble de ces travaux devront se réaliser à partir de plates-formes expérimentales qui n’existent pas encore mais devraient à terme se développer par des associations pluridisciplinaires de laboratoires, de PME et d’industries (défense, sécurité, énergie, transports, finance …). Une dimension forte d’ingénierie devra exister en appui de ces plates-formes ouvertes et rapidement reconfigurables, utilisant des standards en matière d’échanges et de descriptions de données, de description des réalisations, de métriques dans différents domaines (ergonomie, psychologie, sociologie, utilisabilité, design, concepts opérationnels, traçabilité …). 3. TRAVAIL COLLABORATIF Le travail collaboratif est en évolution permanente depuis une décennie. L’augmentation de connectivité permise par des capacités d’échange de données croissantes via les réseaux informatiques pouvant 60 Figure 8.2 : Un opérateur ajoute et confronte son expertise métier dans un outil d’aide à la décision stratégique multi-domaine (prise en compte des facteurs sociaux et culturels dans une situation de stabilisation reconstruction) REI CALLISCO - Étude d’un environnement de conception de règles de décision et de comportement. © Normind-Intactile Design Les sciences de l’information ont jusqu’à ce jour servi de base de structuration et d’architecture tant pour la définition que la conception ou l’usage de ces nouveaux systèmes. Les spécifications de ces systèmes ont bien souvent été réalisées sans remise en cause, par une projection d’organisations ou de modes de travail ou de formes d’échanges antérieurs aux technologies de l’information. Si des modes d’échanges ou d’organisations, parfois très anciens et antérieurs sont encore utilisés, d’autres pourtant pertinents, ont été oubliés. Les capacités d’échange de diffusion et de stockage décuplés et permis aujourd’hui par l’état de l’art de la technologie ont été pris en compte comme un simple accroissement sans s’interroger sur les évidentes conséquences profondes de ces changements apportés par des éléments techniques ou technologiques sur les modes de raisonnement, de décision et de comportements individuels collectifs ou sociaux. Les conséquences inévitables de ces évolutions et profonds changements de paradigme sur les échanges et les connaissances en termes de construction profonde de l’être, du groupe et de la société ont des implications qu’il conviendrait d’identifier pour pré- POLITIQUE ET OBJECTIFS SCIENTIFIQUES ÉDITION 2010 - ORIENTATIONS 2011-2012 Domaine 8 parer les systèmes et les modes de fonctionnement de l’Homme de demain. Des travaux théoriques, à visée applicative doivent être conduits dans les domaines suivants : On ne peut que constater qu’il n’existe pas aujourd’hui de science qui propose les connaissances fondamentales utilisables dans la conception de grands systèmes ou de systèmes de systèmes. Il n’existe pas de supports théoriques ou de modèles permettant de prévoir le comportement, l’acceptabilité et l’utilisabilité de ces systèmes avant leurs réalisations. De ce constat découle le fait que de nombreux points qui sont des enjeux pour la conception ab initio des grands systèmes futurs doivent être traités en parallèle. ● observation, analyse, modélisation et simulation du travail collaboratif dans les collectifs de travail (de l’ordre de 10, 100, 10000 utilisateurs et au-delà), ● observation, modélisation, simulation et design des interactions sociales, ● réseaux sociaux : opportunités et risques, ● sûreté de fonctionnement versus accident inévitable, résilience et stabilité des grands systèmes hybrides. ■ POLITIQUE ET OBJECTIFS SCIENTIFIQUES ÉDITION 2010 - ORIENTATIONS 2011-2012 61