Mais, que Deleuze entend-il par le plan d’immanence? Est-il possible de penser
l’immanence sans sujet et objet? Comment répond-il aux problèmes métaphysiques
sur « l’absolu »? Veut-il retourner au dogmatisme pré-kantien? ou est-il toujours
prisonnier de l’attitude naturelle à laquelle Husserl reproche? Quand nous disons le
plan d’immanence, de telles difficultés se posent nécessairement. L’immanence
absolue ne peut être pensée que si nous cherchons à abolir les illusions dont le plan
d’immanence ne peut s’empêcher. Afin de traiter les problèmes qui entourent le plan
d’immanence, nous commencerons par les deux points de départ : l’intuition
philosophique que propose Bergson, et l’image dogmatique de la pensée qui était
thématisée dans Différence et répétition. Cela nous montrent une dimension d’une
compréhension intuitive ou de présupposés implicites de la philosophie : le « pré-
philosophique » et le « non-philosophique ». On ne peut se diriger vers le plan
d’immanence qu’en tant que l’on tient compte de cette dimension, et par cela la
plupart des difficultés, qui reviennent de la pensée deleuzienne du plan d’immanence,
se résoudra de plus en plus.
Malgré tout, penser et dire le plan d’immanence sont toujours problématiques. Car
il est en effet impossible de saisir, comprendre, définir et expliquer l’immanence avec
le concept. La philosophie est un « constructivisme » dont deux aspects sont de créer
le concept et de tracer le plan d’immanence, mais il ne faut jamais les confondre ;
chaque fois que l’on considère le plan comme un concept, on tombera de nouveau
dans d’illusions. Nous devons rendre compte du plan d’immanence sans concepts
philosophiques ; matière et esprit, sujet, objet et autrui, subjectivité et objectivité,
conscience et cogito, ceux-ci ne peuvent pas expliquer le plan l’immanence. C’est
pourquoi il y a nécessairement des problèmes d’expressions très délicats, comme
Bergson les pose en indiquant l’inexprimabilité de la durée. Il s’agit dès lors d’une
méthode pour dire l’immanence absolue.
Il faut tout d’abord distinguer le plan d’immanence de ce qui ne l’est pas ; ce que
nous entendons par le plan d’immanence, ce sont le mouvement de l’infini, l’horizon
absolu, les traits diagrammatiques et surtout l’image de la pensée qui n’est rien
d’autre que la matière de l’être ; au contraire, le plan ne doit pas être confondu avec le
concept, l’horizon relatif, les traits intensifs. Nous résumerons le mouvement d’infini
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