l`islam est-il tolérant? l`exemple du maghreb médiéval en particulier

L'ISLAM EST-IL
TOLÉRANT?
L'EXEMPLE
DU
MAGHREB MÉDIÉVAL
EN
PARTICULIER
Mohamed
TALBI*
De
l'étranglement
de
la
tolérance
Nous vivons
dans
un
monde
pluriel. Or,
qui
dit
pluralité,
dit
nécessaire-
ment
tolérance,
condition
sine
qua
non de
toute
convivialité. L'islam
joue-t-ille
jeu?
À la
question:
«E
n
apprenant
la
fatwa
contre
Rushdie
, avez-vous
pensé
que
vous aviez de
la
chance
d'êtr
e
catholique?
",
José
Saramago
,
l'auteur
de
L'Évangile
selon Jésus-Christ,
un
livre
qu
i n
'est
pas
moins
blasphématoire
que
Les Versets
Sataniques
ré
pondit:
«Non. J'ai
pensé
que
j'avais
de la
chance
de
ne
p
as
êt
re
mu
s
ulman
». Ainsi,
ne
pas
être
musulman
est
perçu
comme
une
"
chance
» . Co
mm
e
nt
en
es
t-on
arrivé
l
à?
C'est
la
question
à
laquelle
nous
all
ons
tente
r d'
apporter
quelques
éléments
de
réponse
en
nous
basant
essentie
lle-
ment
,
mais
non
exclusivement
-
toute
coupure
brutale
est
impossible
- s
ur
l'
histoire
médiévale
du
Maghreb
pour
re
ster,
autant
que
cela
se
peut,
dans
le
ca
dr
e s
patio-temporel
de
notre
compétence.
Pour
comprendre
en
effet
l'islam
pluriel
dan
s le M
ag
hreb
contemporain,
dans
ses
diversités
,
ses
tensions
et
ses
problèmes
-
et
il
en
a ! - on ne
peut
isoler
cette
région
, ni de son
passé
, ni
de
son
a
ir
e
culturelle
naturelle
. Les
ét
udes
étroitement
ciblées,
cellulaires
,
ethno
lo
gi-
ques,
a
nthropologiques
ou
autres,
sont
certainement
indispensables
pour
coller
le
plu
s
pr
ès
possible
aux
fait
s.
Mais
elles
ne
prennent
leur
sens
et
ne
livrent
to
ut
e le
ur
signification,
qu
e lorsqu'elles sont,
par
une
démarche
invers
e,
restitu
é
es
à
leur
globalité.
Tout
es
Les Politiques de Dieu (1),
qui
s'
approprient,
a
nnexent
et
accapa-
re
nt
Dieu
à le
ur
profit
ex
clusif
,
qu
'ell
es
soient
hindouistes,
juive
s,
chr
ét
iennes
,
mu
s
ulman
es
ou
a
utr
es,
ont
un
mê
me
nominat
e
ur
commun:
l'intolérance
re
li
gieu
se
.
Une
intolérance
qui
s'origine
dans
l'absolutisation
de soi,
comme
norme
,
et
dans
la
diabolisation
consécutive et
nécessaire
de
l'autre.
Toute
intolé
rance
est
a
rrogance,
suffisance,
égocentrisme
et
nombrilisme
.
Et
la
te
nt
atio
n
du
nombrili
s
me
n
pargne
personne,
s
que
l'a
ss
urance
es
t exces-
sive, et que la vigilance
critique
est
absente
ou
défaillante.
Nous
sommes
tous
susce
ptibl
es
de
céder
à l'intolé
ranc
e. Les
combats
pour
la
tolérance
ne
s
ont
pour
a
in
si
dire
jamais
définitivem
e
nt
gagnés
. Ils nécess
it
e
nt
,
en
nous
et
a
utour
de
nou
s,
une
mobili
sa
tion
constante
.
La
vigilance
est
de
rigueur.
Toute défaillance
,.
Pr
ofesse
ur
honoraIr
e. Tunis.
(l
J
Titr
e d'
un
ouvrage
co
ll
e
ctif
sous la direction de Gilles
KEPEL
, Le Seuil,
Paris
, 1993.
Annuaire de l'Afnque du Nord, tome XXXIII, 1994,
CN
RS Éditions
38
MOHAMED
TALBI
ouvre la voie à
la
montée de l'intolérance. C'
est
de cette
mont
ée de l'intolérance,
au se
in
de l'islam, que nous allons
tenter
d'esquis
ser
la
courbe,
en
privilégi
an
t
en particulier l'espace
maghrébin
médiéval.
Mais d'abord,
pour
ne
pas
fausser
indûment
les perspectives,
nou
s devons
rappeler
qu
e l'intolérance ne fut
pas
toujours
et
partout
de règle. Ce n
'est
p
as
sa
ns raison
qu
e l'islam s'
était
acquis
une
solide ré
putation
de toléra
nc
e.
L'ex
pr
ession al-is
ldm
din
al-tasdmul:t (l'islam, religion de la tolérance)
est
deve
nu
e
un
slogan qui
revient
sans
cesse
dan
s le discours
ju
squ'à
no
s jours.
Multiracial
e, multi-lingue
et
multi-confessionnelle,
l'air
e is
lamiqu
e, à
so
n
apogée, était
condamn
ée à ê
tr
e
une
aire
de tolérance. Ni la philosophie, ni le
kald
m, c'est-à-
dir
e
la
th
éologie à fortes compos
ant
es helléniques et rationali-
sa
ntes, ni les sciences n'
aur
aie
nt
pu
se développer s
ans
un
e libe
rt
é rée
ll
e de
ré
fl
exion, de pene et d'
expr
ession.
Sans
libe
rté
et s
an
s t
ol
érance, il n'y a pas
de civili
sa
tion possible. Or, la civilisation
musulmane
est
une
r
éa
lit
é,
un
e
gra
nd
e et ra
yonnant
e
réalité
.
Une
réalit
é
suffisamment
connue pour nous
limit
er ici à
un
seul exemple qui
illustr
e bien l'ambiance de franc-parler et de
torance qui
avait
pr
évalu à Bagdad
dans
la
seconde moitié
du
Ive/xe siè
cl
e,
un
e
ambiance
qu
e tous les pays de l'aire islamique s
an
s exception,
en
ce
tt
e fin de
XX
" scle,
pourraient
lui envier.
V
ers
le de
rnier
quart
du Iv
e/
xe s
cl
e, un faqih
malikit
e andalou, Abu,
'Umar
~m
a
d
b.
Mu~ammad
b.
Sa'dï,
entreprit
, comme il é
tait
al
or
s de
co
utume
,
un
e ri
l:tla
,
un
voyage d
tude
qui le me
na
à Bagdad, il
ass
i
st
a,
par
deux
foi
s,
aux
majalis
ahl
al
-
kaldm
,
aux
cercles de controverses
th
é
ol
ogiques. A
son
re
tour
, de passage
par
Kairouan, il en fait,
pour
Abu
Mu~
a
mm
a
d
I
bn
Abï
Zayd
(3
10-386/922-996
),
le
tr
ès célèbre
juri
s
te
et
théologien ka
irou
anais,
la
desc
rip
tion suiv
ant
e:
«Au
pr
emier cercle
auquel
j'ai
as
s
ist
é, j'ai vu ré
un
ies
tout
es
l
es
fo
rm
ations
religieuses (firaq ) :
mu
s
ulmane
s s
unnites
et
innovate
ur
s (bid'a ); toutes sort
es
d'infidèles (
kuff
dr) :
paï
ens (
mdjü
s),
ma
rialist
es
(
cf:a
hr
iyya), manichéens (za-
nd
diqa
),
jui
fs
,
chr
étiens, et toutes les formes d'in
fid
é
lit
é. Cha
qu
e fois
qu
'
ar
rive
un préside
nt
, quel que soit s
on
groupe, tous les
ass
is
tant
s se ve
nt
co
mme le
se
ul
homme po
ur
l'accueillir, et a
ttend
e
nt
qu'
il
s
oi
t
ass
is
pour
s'asseoir à leur
tour.
Lorsque l'auditoire est
pl
ein à
craqu
er,
et
qu
'
on
n'atte
nd
plus pers
onn
e,
un porte-parole des infidèles
proclame:
«
Vou
s
êt
es
réunis pour la c
ontr
overse et
l'arg
um
en
ta
tion. Que les
musulmans
ne
tirent
p
as
a
rgum
ent
co
ntr
e nous de
le
ur
Livre, ni des paroles de
leur
Prophèt
e. Nous n'y croyons
tout
simpl
eme
nt
p
as
et
nou
s n'y a
joutons
aucune
foi.
Limitons donc
no
s
co
ntrovers
es
aux
arg
um
e
nt
s ra
tionn
els à ce qui pe
ut
faire l'objet d'examen et de sy
ll
ogisme » .
Tous l
es
assista
nt
s ré
pondent
: «Très bien ! Nous vous a
cc
ordons cela ». Abu
'U ma
l'
po
ur
s
uit:
lors
qu
e j'ai
entendu
cela, je ne suis plus reto
urné
à ce cercle.
Puis on me
dit
: «Il y a
un
a
utre
cercle de controverses
th
éo
lo
gi
ques » .
Je
m'y
suis re
ndu
. J'y ai re
trou
exa
ct
eme
nt
la
même march
e.
J
'ai
donc i
nt
e
rr
ompu
la fréque
nt
ation des
ce
rcles
th
éologiques,
et
je n'y suis plus r
et
ourn
é. Abu
Muh
a
mm
ad b. Abï Zaid s'exclama : «
Et
les
mu
sulman
s!
Ils a
cc
e
pt
ent de tels
L'ISLAM EST-IL TOLÉRANT ? L'EXEMPLE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 39
ag
i
sse
ments
?
De
tels
propos
?"
-
Abü
'
Umar
confirma:
C'est
bien
ça
, ce
que
j
'a
i
vu
».
Alor
s
Abü
Mu~ammad
donna
libre
cours à son
indignation.
«
Finis
les
sa
vants!
"
dit
-il. «
C'en
est
fait
du
pre
stige
de
l'islam
et
de
ses
droits!
Comment
l
es
musulmans
pe
uv
e
nt-ils
tolérer
la
controver
se
avec les infidèles
(a
l-k
uffâr
)?
Cel
a,
déjà,
n'est
pas
permis
, m
ême
avec les
innovateur
s
(a
hl
al
bida
'),
qui
pourtant
s
ont
d
es
musulman
s, qui
confessent
que
l'islam
es
t Vérité,
et
qu
e
Muh
a
mm
ad -
qu
e la bénédiction
soit
sur
Lui!
-
es
t
vrai
prophète
.
Celui
qui
,
parmi
l
es
ad
e
pte
s de l'islam,
adhère
à
un
e
innovation
(
bid
'a),
on
doit
le me
ttre
en deme
ur
e de r
eveni
r à la
Tradition
(S
unna)
et
de
r
ej
oindre
le
consensu
s
(a
l-jamâ
'a). S'il
obtempère
,
on
accepte s
on
retour
. S'il
refu
se, on lui
tranche
le
cou.
Quant
aux infidèl
es
(
al-kuffâr),
on
doit
les me
ttre
en
demeur
e
d'embra
sser
l'islam
. S'ils
obt
e
mp
è
rent
, on l
es
lai
sse
en
paix
. S'ils
refusent
,
et
offrent
en
é
change
de p
aye
r
la
capitation
(jizya),
dan
s
un
e région ce
la
es
t
permis
, on les
lai
sse
éga
lem
e
nt
en
paix
, et
on
accepte
leur
offre.
Mais
qu'on
en
gage
avec
eux
la
co
ntrov
erse,
et
qu
e
par
s
urcroît
ils po
sent
co
mme
conditions
qu
'
on
ne
tire
pa
s
a
rgwnent
c
ont
re
e
ux
en
nou
s
réf
éra
nt
à
notr
e Livre, ou à
notre
Proph
ète, voilà
un
co
mble inacce
pt
able.
Enfin
! À
Dieu
nou
s s
omm
es
et à Dieu
nou
s
retour-
non
s »(2).
Ce
texte,
ave
c
ses
deux
versa
nts
,
est
particuli
ère
ment
éclairant,
et
mé
rit
e
un
co
mm
e
nt
aire
détaill
é.
Noton
s
seulement
ici qu'on y
rencontre,
côte à côte,
dan
s
un
raccourci
abr
upt,
la
tolérance
la
plu
s
rationnellement
objective
et
ouverte,
et l'intol
éra
nce la
plu
s
ét
roit
e
et
la
plus
exp
éd
itiv
eme
nt
me
urtri
ère. Il
nous aide à
comprendre
l
es
valeurs
qui
ont
fait
la
grandeur
de
la
civilisation
mu
s
ulm
ane,
et
ses
tare
s d'où dé
riv
e l'épidé
mi
e d'
intol
érance
meurtrière
qui
sév
it aujo
urd
'
hui
da
ns
plus
d'
un
pay
s de
l'aire
islamiqu
e
et
men
ace
rieu
se
-
ment
tous
l
es
a
utre
s. L'isl
am
es
t
pluri
e
l,
et
nous
so
mme
s s
ur
le
mauvai
s
ver
san
t.
Impo
ss
ible
de
compr
e
ndr
e
la
situation
actuelle
sa
ns
nou
s
reporter
au
référe
nt
th
éo
lo
g
iqu
e é
labor
é au
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des
pr
emie
rs siècles de l'is
lam
et
qui
a fini
par
propul
ser à
l'a
va
nt-
scène l'intolé
rance
au dé
triment
de
la
tolérance
. Le
pa
ssé
é
clair
e
et
ex
pliqu
e le
pr
ése
nt.
Le
texte
révèle aussi le dé
pha
sage
imp
ortan
t qui, d
ès
le
dernier
quart
du
Ive/x" siècle, s'est creu
entre
l
'Orie
nt
, la
tolérance
continuait
enc
ore
à
s
ur
vivre -
pas
pour
longt
em
ps encore, il
est
vrai
- et le
Maghreb
tout
e
tolérance
ava
it
été
déjà définitiveme
nt
é
tr
anglée. À
pa
rti
r
du
scle s
uivant
tou
te
l'his
toir
e
int
e
ll
ect
uelle de l'islam
ne
se
ra
plu
s
qu
e celle de l
'as
phyxie
progressive
de la tolé
ranc
e,
et
de
la
mise
inex
o
rabl
e de
la
pen
sée sous le
régime
d'
un
e ac
tivit
é sus
pect
e, é
tro
ite
me
nt
s
urv
eillée
et
contrôlée, le
régim
e
ma
g
hr
é-
bin
é
tant
de
tous
le
plu
s
as
phyxia
nt
et le
plu
s stérili
sa
nt
. Le
Maghreb
a
produi
t
en g
rand
no
mbr
e d
es
juri
stes,
d
es
faqih-s qui dise
nt
la
norm
e
dan
s le ca
dr
e fixé
un
e
foi
s
pour
toutes
par
l'école
malikite
. Mais
dan
s
toute
l'hi
sto
ir
e
du
Maghr
eb
121 AL-HUMAYDi (420/488/1029- 1095), Jadh,wat aL·Muktabia, Beyrou
th
1403/1983, nO 185,
pp. 175-176. Abü
'Uma
r
Ahm
ad
b.
Muhammad
b.
Sa'di avait ren
co
ntré à Bagdad Abü
Bakr
Mu
pammad
al-
Abha
ri (289-375/902-9
86
),
ce qui s
itu
e sa visite à
cette
vi
ll
e
ava
nt 375/986.
40
MOHAMED
TALB!
aucun
gran
d théologien (3) -
Ibn
Tümart
(4)
est
surtout
un
éclectique disside
nt
po
litiqu
e -
aucun
grand
philoso
phe
-
Ibn
Tuf
ayl
et
Ibn
Rusd
éta
ient
des
a
nda
lous
qui
s'é
taient
fourvoyés
au
Maroc -
aucune
me
ntion
des
majdli
s
al-ka
ldm
(5).
Dès le ve/
Xl
e siècle, le
kalam,
la réflexion théologique, fut d'aille
ur
s
pa
rtout
l'objet
d'un
réquisitoire
en
règle.
Pratiquement
il
n'est plus toléré
-se
ulement
toléré -que sous
sa
forme as'arite,
seu
le
adm
ise à la ri
gueur
co
mme s
unnit
e
et
orthodoxe. Le cadi 'Abd al-Jabbar,
mort
en
415/1025, fut le
de
rnier
grand
théologien «di
ss
ident
»,
mu'tazilit
e. Le
VI
e/XlIe siè
cl
e
fut
dominé
par le polygraphe
et
sermonnaire
tIanb
alite
ibn al-Jaw
(510-597/1116-1200
),
a
uteur
entre
autres
de Talbis
Ibll
s (Les
Ru
sses de
Satan
),
et
de
Sayd
al-Khatir
(De Fil en
Aiguill
e)
il
part
en
gue
rre
avec fougue contre ceux qui s'
entichent
de
Pythagore
(5
70-480 av. J.-C.
),
d'Hippocrate (460-377
av.
J .
-C
.),
et de Galien
(131-201),
dissertent
s
ur
la hylée (
hayüla
)
et
l'atome (al-ju
z'
al-lac/J
la
y
ata
zaz-
za
')
,
et
laissent
le
Coran
et
la
Tradition. Bien
entendu
il
pourf
end
aus
si le
J
wld
m .
Dans
cette ambiance, on ne pouvait
pas
ne pas
donner
la
chasse aux
sorcières.
Rukn
al-Dîn b. 'Abd a
H{adir
al-Djîlî (m. 56111166
),
accude d
éten
ir
des livres suspects de philosophie
et
de zandaqa, en p
artic
uli
er
l
es
Rasa'il
l
kwan
al
-fiafa' -ouvrage
dont
les
auteurs
ava
ie
nt
pr
éré
garder
l'anonym
at-
per
dit
son ense
ignement
et la
dir
ection de son collège.
On
vei
llait
dé
S
Ul'
les
lect
ur
es et l'unive
rsit
é.
Depuis on n'a
rien
inv
enté
de plus ou de mieux. Au
Mag
hr
eb, Ibn
RtiSd
(520-595/1126-1198
),
l'Averroès des
Latins
, ne fut p
as
non
plus à l'abri des p
ersé
cutions pour délit d'opinion. Le ca
lif
e almohade
a
l-M
an~3Ur
(580-595/1184-1199),
en
guerre
contre les chrétie
ns
en Espagne,
du
t, vers la fin
de son règn
e,
pour
gagner le
parti
des
fuqaha
'
(l
es doc
teurs
de la Loi
),
lâcher
Ibn
Rusd.
Celui-ci «fut
banni
à Luce
na
,
pr
ès de Cordoue,
et
ses doctrines a
nath
émi-
sées à la s
uite
de
sa
co
mparution
deva
nt
un
aréopage constitué
par
l
es
principales per
sonna
lit
és cordouanes (6).
En
même
temps
des é
dit
s
du
ca
lif
e
"ordonnère
nt
de
brûler
les
li
vres de philosophie
et
int
e
rdir
e
nt
ces
ét
udes
dangereuses pour la religion (7)
».
Vers la fin de
so
n règn
e,
le
so
utien du parti
des f'uqahd' d
evenant
moins nécessaire, le calife
rapporta
ces é
di
ts,
et
Ibn Rusd
re
trouva
la grâce
du
prince et la libe
rt
é, ce qui illu
st
re bien le
caract
ère s
ubt
il
et
ambigu des
li
ens qui li
ent
État
et Religion, liens régis p
ar
la loi de l'opp
ortu-
nisme. Nous y revie
ndr
ons.
Ibn
Rusd finit paisiblement l
es
deux
derni
ères
(31
Cf. M.
TALBI,
Th
eologic
al
Pol.emics
at
Q
ayrawân
dUl'Lng
the
3rd
(.9
/h) l'en/ury.
dans
lI
ocsnrh
Or/l'rr/rrlrs/yczl1'y, t. XLIII
(982)
, Varsovie, pp. 153-1
63;
De
l'I'taril
el1
Ifriqiya
au
/lr" /
{X'
-srècle,
dans
la
Il
evue
7ll/ris
ienne
de
Sciences
Sociales,
pp.
45-85;
article
repr
is
dansÉ/urles
d'His/orr,.
Ifr
Ï</
r
.yerrrrl'.
Tuni
s, 1975, pp.
40-43;
1982, pp. 379-420.
(
41
Cf.
M.
TALBI,
I
brr
Tümar/,
d
ans
Les
Africains,
éd.
Jeune
Afrique,
Paris,
1978. t. XI.
pp. 137- 1
65;
'Abd al-Maj
jd
al-N
AJJAR,
al·
Mah
di
f
bn
'f
limar/,
B
eyrouth,
1403/1983.
(51
La
co
ntrove
r
se
qui
avait
oppo
le
kairou
anais
Muhammad
b.
Sahnun
(202-256/817-H70I,
de
passage
au
Caire.
dans
un
ha
mmam
, à
un
juif
qui, à
bout
d;a
rgument
s. sc'
serait
converti à l'
islam
est.
au
mieux,
un
cas
iso.
et
à
une
très
nette
coloration apol
ogét
ique.
VOII'
M.
TALBI,
13
iblrogrrrp/rll's
A"lrlabrde
s
ex
/rar./es
des
Kadârr."
du
Cadr 'I
ydd,
Tuni
',
19
68, pp. 181-182.
(
61
R.
AHNALIlEZ, s.v. Ibn Ru
.<
d,
in
Encyclopédie
de
l'Isla.m ,
lII
,
p.
934.
(71
I
hrrl
.. 1II, p. 934.
L'ISLAM EST-IL TOLÉRANT? L'EXEMPLE DU MAGHREB MÉDIÉVAL 41
années
de
sa
vie,
mais
il
ne
nous
reste,
en
arabe,
qu
'
un
tout
petit
nombre
de
ses
ouvrages.
La
plupart
ont
été
conservés
en
traductions
latines
ou
hébraïques.
La
fuite
de
la
pensée
persécutée
et
jugée
indésirable
et
dangereuse
vers
l'Occident,
qui
lui
accorda
généreusement
le
droit
d'asile,
avait
commencé, ce qui
éclaire
ce
constat
amère
et
désabusé
d'ibn
Khaldun
à propos
des
sciences
rationnelles
(
al-
'
ulüm
al-
'aqliyya)
:
«
Puis,
au
Maghreb
et
en
Espagne,
lorsque le
vent
de
l'épanouissement
('um
rdn
)
tomba,
et
que
son
déclin
entraîna
consécutivement
celui
des
sciences,
celles-ci
finirent
par
disparaître,
à l'exception de
quelques
rares
vestiges,
que
l'on
rencontre
encore chez
quelques
individus
isolés,
et
soumis
à
l'inquisition
des
docteurs
sunnites
(wa
tal,tta
riqbatin
min
'ulamd'
al-sunna)
... Or,
nous
apprenons,
à ce
moment
même,
que ces sciences philosophiques,
dans
le
pays
des
Francs,
dans
les
territoires
relevant
de Rome
et
ceux
avoisinants,
sur
la
rive
se
ptentrionale
de
la
Méditerranée,
connaissent
un
grand
essor. De
nouveau
elles
y so
nt
florissantes;
de
multiples
cours
en
assurent
la
diffusion ; les
ouvrages
qui
en
traitent
sont
exhaustifs
et
à
la
portée
de
tous
;
et
les
étudiants
y
affluent
en
grand
nombre»
(8).
D
ep
uis,
cela
n
'a
pas
changé. Le fossé
entre
l'Occident
et
l'islam
n'est
pas
pr
ès
d
tre
comblé. L'Occident
demeure
le refuge de
la
pensée
persécutée
et
indésirable.
Témoin, le
nombre
sans
cesse
grandissant
des
demandeurs
d'asile.
La
fuite
des
cerveaux
se
poursuit.
Émigrés,
ces
cerveaux
deviennent
subite-
ment
bien
plus
intelligents.
L'air
de
la
tolérance
et
de
la
liberté
vivifie.
Intolérance,
Religion
et
État
L'i
ntolérance
a
ainsi
dans
l'is
lam
de
l'histoire, celui vécu
au
quotidien,
de
solid
es
antécédents,
et
s'alimente
à bonne source.
L'intolérance
actuelle
entre-
tient
avec le
passé
une
relation
d'ant
écé
dent
à
conséquent,
avec
une
impitoya-
ble logique. Le
pa
ssé
éclaire
et
explique le
présent
.
Pas
de
métaphores
du
«
retour
" donc,
ni
«
retour
du
religieux
",
ni
«
retour
du
refoulé",
car
la
religion
n'a
jamai
s
été
absente,
ou
refoulée,
dans
les
préoccupations
de
l'État.
D
es
origines
jusqu'à
nos
jours
,
État
et
religion
n'ont
jamais
cessé -
et
ce
n'est
pa
s le
privilège
exclusif
de l'islam -de
flirter
ensemble
sur
fond
d'ambiguïté
, d'inces-
sants
malentendus,
quelquefois
cuisants
,
et
de
'w;abiyya,
d'esprit
de
clan
visant
la
conquête
du
pouvoir,
ou
sa
conservation.
Nous
ne
pouvons
nous
étendre
ici
s
ur
l
es
ana
lyses
pé
nétrante
s
d'Ibn
Khaldun
dans
ce
domaine
(9
).
L'État
est-il
au
service
de
la
Religion, comme le ve
ulent
les
fuqahd'
, les
dépositaires
et
porte-parole
qui se
veulent
exclusifs de
la
Sarï'a,
de
la
Loi?
Ou
est-ce
plutôt
l'inverse?
La
religion est-elle
la
se
rvante
de
l'État,
comme il
res
s
ort
en
fait
de
la
pratique
de
toutes
les époq
ue
s ?
C'est
le clair-obscur
qui
prévaut,
et
cela
arrange
tout
le
monde
. L'
intoléranc
e
religieuse
peut
s'exercer
par
l'État
au
service de
l'
État,
ou c
ontre
l'État.
Elle a
toujours
un
lien
avec le politique.
(8) Ibn
KHALDU
N.
Maqaddima,
Beyrouth
1956, p. 866.
La
traduction
de
V M
ON
TEIL
, Ib
n.
Khaldtln.. Disc
oars
sar
l'
Hi
stO/.
re Universelle,
Beyrouth,
1973,
111
,1048-1049,
ne
serre
pa
s le
texte
assez
p
s. Elle le
paraphrase
(9)
Jérusale
m. Voir M.
TA
LB
I, I
bn
Khal
dtln. et l'histoire,
Maison
Tunisienne
de
l'E
diti
on,
Tunis.
1973,
pp
.
38
-52.
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