PHILOSOPHIE ORIENTALE
ET
TRADITION VIETNAMIENNE
A vrai dire, il serait plus juste de parler de la Sagesse orientale que de la
philosophie orientale. Par sagesse on entend un mode de pensée qui unit la
connaissance à l'action la raison à la foi, c'est pourquoi en Asie on parle
quelquefois de la science de la Voie ou de la science du Tao, et celui qui
étudie devient Disciple du Tao ou Đạo-gia, à la fois philosophe et poète .
Dans la Grèce Antique, berceau de la civilisation occidentale, la
philosophie débuta par la recherche sur la nature des choses extérieures à
la conscience alors que dans la Chine Antique, presque à la même époque,
on s'interrogeait sur la nature de l'homme, car il est écrit dans le Chou-
King :
" La sagesse consiste en la connaissance de l'homme ".
Et depuis lors, toute l'histoire de la philosophie chinoise, de Confucius à
Wang-Yang-Ming a toujours pivoté autour de ce problème de la nature
humaine. Confucius, le premier révéla que la sincérité est la première
condition pour l'acquisition de cette connaissance, et les Néo-
Confucianistes des Tng en ont développé les méthodes de réalisation qui
consistent à " se réduire à zéro " comme dirait Gandhi.
Il y a donc continuité de pensée dans la philosophie orientale, conçue
comme une voie éternelle, une " Sanatana Dharma " chez les Hindous, en
d'autres termes comme une tradition que Coomara-swamy a comparée à la
Philosophia Perennis Occidentale. Aldous Huxley vient de définir cette
philosophie comme suit :
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" Philosophia Pérennis -- the phrase was coined by Leibniz, but the thing
-- the metaphysic recongnises a divine Reality sub-stantial to the world of
things and lives and minds ; the psychology that finds in the soul
something similar to or even identical with divine Reality ; the ethic that
places man's final end in the knowledge of the immanent and transcendent
ground of all being -- the thing is immemorial and universal, Rudiments
of the Perennial Philosophy may be found among the tradition lore of
primitive people in every region of the world, and in its fully developed
forms it has a place in everyone of the higher religions. A version of the
Highest Common Factor in all preceding and subsequent theologies was
first committed to writing more than twenty-five centuries ago, and since
that time, the inexhaustible theme has been treated again and again, from
the standpoint of every religious tradition and in all the principal languages
of Asia and Europe. "
_ ( The Perennial Philosophy by Al. Huxley )
Ce grand commun Diviseur -- Highest Common Factor -- dans la
philosophie Extrême-orientale est la notion primitive de l'identité du
microcosme qui demande à chacun de nous de la réaliser, de
l'expérimenter dans tout notre être et non pas de l'interpréter chacun à sa
manière comme dans la philosophie conceptuelle, c'est cette réalisation qui
permet la conjonction de la Philosophie et de la Poésie.
Tradition Nationale -- Au Vietnam cette philosophie traditionnelle est
comprise comme la réalisation de l'Unité essentielle des Trois Grands
Enseignements philosophiques : le Bouddhisme, le Taoisme et le
Confucianisme, qui ont tous inspiré l'institution des " Concours du Triple
Système " au temps des Lý (1010-1225) et des Trn ( 1225-1341 ). A ce
sujet on trouve dans l'Encyclopédie de Phan-Huy-Chú ( 1782-1822 ) les
lignes suivantes :
" D'après l'histoire, sous les deux dynasties des Lý et des Trn, le
Bouddhisme et le Taoisme ont joui de la même considération. C'est
pourquoi en recrutant pour les fonctions publiques, on exigeait des
candidats de bien connaître, outre le Confucianisme les deux autres
systèmes philosophiques. Ainsi aucune distinction n'a été faite entre les
systèmes orthodoxes et les systèmes non-orthodoxes. Les candidats qui se
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présentaient à ces concours ne pouvaient pas réussir sans faire preuve
d'érudition en toutes ses matières."
L'esprit de cette enseignement tout en s'inspirant de la philosophie
chinoise, en diffère pourtant sur un point essentiel à savoir l'harmonie des
religions fondée sur le dogme traditionnel : l'Unité dans la Diversité. Née
en Chine des premiers contacts entre les cultures nordistes et sudistes, cette
conception n'a pu trouver sa pleine réalisation qu'au Vietnam. Elle a été
comprise comme l'unité du transcendant et de l'immanent par l'illustre
fondateur de la dynastie des Trn qui l'a exposée dans son célèbre traité sur
le Dhyana bouddhique :
" Les grands Saints Confucéens ne diffèrent pas des grand Bonzes
Bouddhistes. C'est ainsi que l'enseignement contemplatif de notre Bouddha
doit se transmettre au monde par l'action des Sages."
" L'Unité dans la Diversité " est encore comprise par Lê-Quý-Đôn,
penseur et érudit du dix huitième siècle ( 1726-1784 ) comme une vue
polyscopique du monde :
" Les sages possèdent cette vue mystérieuse à la fois totale et partielle,
grâce à l'obéissance à la nature en soi qu'ils savent adapter aux
circonstances. C'est pourquoi les premiers ont réalisé la vérité qu'il
appartiendra à leurs successeurs d'appliquer. Ce qu'on appel ' scruter la
nature des choses et atteindre la vraie connaissance ' ne consiste pas
seulement à poursuivre les observations interminables dans le monde
extérieur des choses, mais encore à regarder en soi à introspecter dans
notre foi intérieur ".
Contemporain du précédent un lettré de Thun-Hóa (Huế actuel) du nom
de Nguyn-Cư-Trinh ( 1716-1767 ) mandarin valeureux qui a conquis par
le coeur les minorités ethniques hostiles de Đá-Vách, a pu, réaliser le
principe de " l'Unité dans la Diversité " de manière à en faire une
philosophie pragmatique où le spirituel s'harmonise avec le matériel. C'est
ce qu'il a exprimé dans son fameux dialogue entre une Bonzesse et un
Lettré déguisé en Bonze où l'on relève ces vers :
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" Thành ư trung v đắc hòa bình
Hình ti ngoi bt năng trung tiết."
( Quand on n'est vrai envers soi même au fond de soi, sa conscience n'est
pas tranquille.
Et toutes ses manifestations extérieures ne s'accordent pas avec l'harmonie
universelle.)
Voilà les traits essentiels de l'interprétation vietnamienne du dogme de
l'Unité dans la Diversité. Le peuple Vietnamien au cours de son histoire
millénaire a choisi de vivre conformément à cette tradition philosophique
qui est commune à tous les peuples du Sud-Est-Asie, vivant au centre
d'interférences des grands courants culturels. Ce dogme mérite encore
aujourd'hui de nous servir de source d'inspiration. Avant de nous enrichir
la pensée de la méditation sur la mort de Socrate ou sur la vie de
Confucius, séparés de nous par l'espace et le temps, il nous semble tout
naturel de chercher à nous inspirer directement de la mort de notre sage et
poète Phan-Thanh-gin, et de la vie exemplaire de notre Magister Nguyn-
Đình-Chiu, tous deux originaires de cette terre de Gia-Định et tous deux
nos prédécesseurs qu'à peine d'un siècle .
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