DESCRIPTION DU PROJET PERTINENCE STRATÉGIQUES EU ÉGARD AUX BESOINS NON COMBLÉS La décennie 1990-2000 a été la décennie des neurosciences, et a mené à des découvertes majeures dans le domaine de la génétique, de l’imagerie cérébrale et des désordres dégénératifs. Sur la base de ces découvertes importantes, le National Institute of Mental Health (NIMH) aux États-Unis a récemment décrété dans sa nouvelle planification stratégique que les 25 prochaines années devront maintenant être consacrées à appliquer ces connaissances aux populations humaines souffrant de troubles de santé mentale. Selon le NIMH, pour que la recherche en santé mentale soit innovante, et mène à des découvertes majeures, elle devra permettre de répondre aux 4 Ps de la médecine personnalisée, c’est-à-dire : -Prédire : Augmenter notre capacité de prédire quels sont les individus qui sont à risque de développer un trouble de santé mentale; -Prévenir : Développer des interventions qui auront le potentiel de freiner le processus de la maladie mentale; -Personnaliser : Décrire les signatures biologiques, psychologiques et sociales des individus dans le but de personnaliser les traitements; -Participer : S’assurer que les recherches cliniques impliquent la participation active des patients dans leur traitement et leur rétablissement. Prédire et Prévenir : Position du problème À ce jour, la majorité des projets de recherche portant sur la santé mentale se concentre sur les deux premiers Ps de la médecine personnalisée, la prédiction et la prévention. Ici, le développement important de biobanques permettant de stocker des échantillons sanguins pour analyse d’ADN a connu un essor important et a mené à des découvertes majeures dans la génétique de certaines maladies mentales. Toutefois, pour comprendre les maladies complexes et chroniques telles les maladies mentales, nous devons innover en sortant d’une approche réductionniste qui implique essentiellement l’analyse d’un gène comme facteur explicatif d’un trouble mental. En effet, des dérèglements biologiques autres que ceux liés à la génétique (ou en lien avec celle-ci) sont associés à l’apparition de troubles de santé mentale. Par exemple, des dérèglements du système immunitaire sont associés au développement de troubles mentaux tels la dépression. D’autre part, le syndrome métabolique est l’un des effets secondaires les plus importants des traitements de neuroleptiques de seconde génération, ce qui mène bon nombre de patients souffrant de schizophrénie à développer d’autres maladies chroniques telles le diabète. Des études récentes montrent aussi que l’exposition à certaines toxines environnementales (plomb, mercure, BPC) est associée à un risque accru de développer certains troubles mentaux, et d’autres études montrent des liens entre l’exposition à certaines infections au cours de la vie (toxoplasmose, influenza) et un risque accru de développer un trouble mental. Enfin, les hommes et les femmes ne montrent pas la même susceptibilité à différents troubles mentaux, ce qui mène à croire que des facteurs hormonaux puissent en partie expliquer la vulnérabilité différentielle des hommes et des femmes à la maladie mentale. Compte tenu de la complexité des troubles mentaux et de leur chronicité, une médecine personnalisée permettant de prédire et prévenir le développement de troubles mentaux devrait prendre en compte des marqueurs immunitaires, hormonaux, toxicologiques et infectieux, en association avec des marqueurs génétiques. Une panoplie de marqueurs biologiques n’est pas un critère suffisant pour répondre aux deux premiers Ps de la médecine personnalisée (prédire et prévenir). En effet, ces marqueurs 1 DESCRIPTION DU PROJET biologiques doivent s’accompagner d’un phénotypage détaillé de la condition des patients et permettre de mieux comprendre les caractéristiques (cognitives, émotionnelles et sociales) associées à la maladie mentale. Parce que la plupart des troubles mentaux sont des maladies chroniques, une telle biobanque associée à un phénotypage détaillé devrait permettre de prendre les signatures biologique, psychologique et sociale de ces troubles mentaux à différents moments de la maladie (durant la crise, lors du traitement et lors du rétablissement). L’analyse des associations entre biomarqueurs et phénotypes à différents moments de la maladie pourrait ainsi permettre d’évaluer l’impact de l’environnement et/ou de l’état du patient sur l’expression de certains gènes (épigénétique), déterminer l’efficacité des médications en lien avec les différents états biologiques et/ou psychologiques du patient, d’identifier des gènes impliqués dans la réponse au traitement et identifier les mécanismes à la base de différents troubles mentaux. Toutefois, à ce jour, aucune biobanque spécialisée en santé mentale et en phénotypage longitudinal n’existe au Canada ni ailleurs dans le monde (étude McKinsey, planification stratégique de l’Hôpital Louis-H. Lafontaine, 2009). Personnaliser et Participer : Position du problème Une biobanque et un suivi longitudinal des phénotypes de la maladie mentale ne permettent de répondre qu’aux deux premiers Ps de la médecine personnalisée (prédire et prévenir). À ce jour, bien peu de centres de recherche se sont tournés vers des projets novateurs permettant de répondre aux deux derniers Ps de la médecine personnalisée (personnalisation et participation). Or, pendant que la recherche est de plus en plus centrée sur le patient, les politiques avancées de santé mentale et les meilleures pratiques cliniques se dirigent vers des soins de proximité, le rétablissement et une responsabilisation du patient, bien représentées dans le Plan d’action en santé mentale du gouvernement du Québec. Cependant, promouvoir l’autonomie du patient dans la communauté apporte de nouveaux défis : un sentiment d’isolement accru, une surveillance réduite de la condition et de la compliance médicale de l’usager, un fardeau accru des aidants naturels et un accès limité au soutien clinique aux moments des périodes de crises. À ce jour, certaines technologies ont été développées pour permettre d’augmenter la compliance médicale des patients, mais ces techniques sont souvent jugées stigmatisantes par les patients (piluliers portatifs, montre de suivi etc.). De plus, le rétablissement des patients s’accompagne très souvent de rechutes, qui surviennent généralement dans les 30 premiers jours suivant la sortie de l’hôpital. Cette rechute s’explique en majeure partie par la perte ou l’absence de réseaux sociaux chez les patients souffrant de troubles mentaux, et par la difficulté de certains patients et de leurs proches à recevoir de l’information ciblée pour les aider à gérer leur maladie. Ainsi, une médecine personnalisée de haute qualité doit aussi tenir compte des deux derniers Ps de la médecine personnalisée, c.à.d., la personnalisation des traitements et du rétablissement, et la participation active de la part des patients et leurs proches. Toutefois, le système de santé est limité en termes de personnel et il est souvent difficile de fournir à chaque patient une aide personnalisée lors du traitement et de la réadaptation. Ainsi, pour aider les usagers à réclamer leur juste place dans la société, des ressources innovatrices en technologie informatique mobile doivent être développées pour une utilisation personnalisée chez les citoyens qui vivent avec une maladie mentale. LE CENTRE SIGNATURE : POUR UNE MÉDECINE PERSONNALISÉE EN SANTÉ MENTALE Le Centre de recherche Fernand-Seguin est à la croisée des chemins et a récemment pris un détour sans précédent vers une science extrêmement innovante de recherche en santé mentale. 2 DESCRIPTION DU PROJET Après une consultation auprès d’un comité aviseur international composé d’experts reconnus à l’échelle mondiale pour la qualité de leurs travaux en santé mentale provenant du Canada, des États-Unis et de l’Europe (Janvier 2009), le Centre de recherche Fernand-Seguin a décidé de prendre le détour de la recherche du 21ème siècle en santé mentale humaine. Sur la base des recommandations de notre comité aviseur international, nous avons mis fin à nos activités de recherches animales et nous consacrons tous nos efforts dans le développement d’une recherche humaine de très haut niveau en santé mentale. Le Centre de recherche Fernand-Seguin est multisites, et comprend l’Hôpital Louis-H. Lafontaine (populations psychiatriques adultes), l’Hôpital Rivière-des-Prairies (populations psychiatriques pédiatriques) et l’Institut Philippe-Pinel (populations psychiatriques légales). L’accès à ce très large bassin de patients de différents âges et de différentes natures a été décrit par notre comité aviseur international comme étant la force majeure de notre centre, et celle sur laquelle nous devrions concentrer nos efforts de recherche. En effet, la sommation des lits dédiés à la clinique sur nos trois sites montre que plus de 3 000 patients sont admis annuellement sur nos sites et 5 000 de plus sont traités chaque année par le biais de services de soins externes et ambulatoires. Nos activités multi-sites nous mènent donc à avoir la plus vaste population de patients souffrant de troubles mentaux au Canada. De plus, ce bassin de patients est diversifié, couvrant différents groupes d’âge de l’enfance à l’âge adulte et différentes natures de troubles mentaux (ex. patients criminels à Pinel). Troisièmement, la population est stable et les faibles taux d’émigration au Québec assurent que la vaste majorité des participants vont demeurer localement. Quatrièmement, la population est homogène, puisque la population québécoise descend d’une petite population fondatrice composée de 2600 immigrants français et la population québécoise est reconnue à l’échelle internationale comme étant une source propice d’analyse génétique. Enfin, la population est accessible puisque des liens très importants ont été établis entre les chercheurs et les cliniciens des trois sites qui ont conclu après 12 mois de travaux une entente de partenariat de recherche clinique au sein des trois sites. Au cours de l’année 2009-2010, nous avons donc été très proactifs à mettre sur pied un plan de développement extrêmement innovant qui repose sur les forces de notre centre de recherche et qui aura le potentiel de nous propulser sur la scène nationale et internationale de la recherche en santé mentale humaine. Dans le cadre de ce plan de développement et du projet de développement stratégique innovant du FRSQ, nous proposons la création du ‘Centre Signature en Santé Mentale’ qui permettra au Centre de recherche Fernand-Seguin de se distinguer très nettement face à l’ensemble des hôpitaux psychiatriques et des centres de recherche au Québec et ailleurs dans le monde dans le domaine de la médecine personnalisée en santé mentale. ASPECTS INNOVANTS POUR LE CENTRE ET POUR LE QUÉBEC Pour rencontrer les 4 PS d’une vraie médecine personnalisée en santé mentale, nous proposons la création du Centre Signature : le plus grand établissement mondial de monitorage en recherche psychiatrique et d’innovation technologique au service des meilleurs traitements. Grâce à l’accessibilité d’une importante population diversifiée et unique, ce projet collectera systématiquement une vaste « signature » des indicateurs biologiques, psychosociaux et cliniques chez les participants, à des moments critiques, pendant et entre les hospitalisations. Cette première approche permettra de rencontrer les deux premiers Ps d’une médecine personnalisée en santé mentale (prédiction et prévention). Une série complémentaire d’applications informatiques sera aussi développée pour la technologie des écrans tactiles mobiles, comme 3 DESCRIPTION DU PROJET l’iPad et l’iPhone. La série des applications informatiques du Centre Signature favorisera la participation des patients à la gestion et au traitement de leur maladie mentale, à l’intérieur et à l’extérieur de l’hôpital. Ces innovations en biomonitorage et en technologie informatique mobile permettront, ensemble, d’accéder à un autre niveau de la médecine personnalisée pour la prévention, le traitement et le rétablissement des personnes vivant avec une maladie mentale. Innover dans la prédiction et la prévention : La Signature de la maladie mentale Développée par une équipe de 63 cliniciens et chercheurs des trois sites associés au CRFS, ainsi que par le soutien d’experts internationaux, la Signature inclut des indicateurs biologiques, psychosociaux, cognitifs et cliniques qui seront obtenus au moment de l’hospitalisation, durant le traitement et durant le rétablissement. Le composant biologique comprend des biomarqueurs immunitaires, génétiques, hormonaux, toxicologiques et infectieux qui seront obtenus dans des spécimens de sang, de cheveux, de salive et d’urine. Ces spécimens seront entreposés à -20 o et à -80 o dans une biobanque pour l’analyse ultérieure : ceci permettra de cibler la recherche vers des sous-groupes et appuiera l’analyse de la prochaine génération de biomarqueurs qui n’ont pas encore été découverts. Une subvention de 218 000$ de la Fondation Canadienne pour l’innovation a déjà été obtenue pour le développement de laboratoires d’analyses hormonales et immunitaires et une demande aux projets d’infrastructure Volet 2 du MDEIE est présentement en cours d’écriture pour l’obtention des infrastructures de biobanque et d’analyses génétiques. Le composant psychosocial comprend des mesures cognitives, psychologiques et sociales qui ont été développées par un partenariat fructueux entre chercheurs et cliniciens des trois sites associés au CRFS. L’application d’une signature unique aux diverses populations psychiatriques composant nos sites hospitaliers permettra de positionner très rapidement le CRFS dans le cadre de la nouvelle modélisation du DSM V qui sera disponible en 2013. La nouvelle approche du DSM V vise à catégoriser les dimensions communes aux différents troubles mentaux dans le but de mieux caractériser les facteurs de vulnérabilité (biologiques, génétiques, psychologiques et/ou sociaux) associés à différents désordres mentaux. Ainsi, une signature biologique et psychosociale commune, obtenue auprès des différentes populations souffrant de désordres mentaux permettra de propulser le CRFS et ses sites cliniques associés à l’avant-plan de l’innovation clinique en santé mentale. Tous les chercheurs du CRFS auront accès aux biospécimens emmagasinés dans la biobanque et aux données des signatures psychosociales. L’accès privilégié aux biospécimens et aux données psychosociales du Projet Signature sera un atout de taille pour nos chercheurs, qui seront alors très compétitifs pour l’obtention de subventions de recherche portant sur les différentes signatures biologiques, psychologiques et sociales de la maladie mentale. Un comité scientifique sera mis en place pour l’évaluation des projets d’utilisation des biomarqueurs et chaque biomarqueur analysé dans le cadre de subventions obtenues de la part de nos chercheurs sera automatiquement intégré à la base de données commune (incluant les signatures biologiques, psychologiques et sociales) qui pourra être partagée par l’ensemble des chercheurs et cliniciens. Cette approche favorisera la collaboration active des chercheurs et cliniciens des trois sites associés au CRFS. Innover dans la personnalisation et la participation : La technologie mobile au service des patients souffrant de troubles mentaux Dans le but de rencontrer les deux derniers Ps de la médecine personnalisée (personnalisation et participation), nous sommes à développer une expertise unique dans la technologie mobile au service du rétablissement de patients souffrant de troubles mentaux. Le CRFS a développé un axe 4 DESCRIPTION DU PROJET de recherche spécialisé dans le ‘Transfert des connaissances et le développement technologique’. Une chaire de l’INSPQ en transfert des connaissances a déjà été obtenue par Dr Véronique Lapaige du CRFS et nous avons recruté deux jeunes chercheurs spécialisés dans l’application technologique au service du transfert de connaissances auprès de patients souffrant de troubles mentaux (Dr Catherine Briand et Dr Jean-Francois Pelletier). Des études préliminaires effectuées par nos chercheurs auprès de patients souffrant de troubles mentaux montrent que ceux-ci sont des utilisateurs de nouvelles technologies et qu’ils voient dans cette dernière une façon non-stigmatisante de les aider dans leur rétablissement. Nous avons donc décidé d’innover dans le domaine de la personnalisation et la participation active des patients à leur rétablissement en développant une expertise unique au monde dans l’utilisation de la téléphonie mobile au service du rétablissement de patients souffrant de troubles mentaux. Dans le but de promouvoir la participation du patient au Projet Signature, une application informatique iPad permettant de prendre des mesures psychologiques a été développée par Mirego, une importante entreprise québécoise dans le domaine de la téléphonie mobile et un partenaire du Centre Signature. De plus, nous sommes actuellement en pourparlers avec Bell Canada pour un partenariat potentiel de 1 million de dollars au projet de technologie mobile. À ce jour, près d’une cinquantaine de patients ont déjà participé à l’étude et répondent très bien à la nouvelle technologie. Dans le but de personnaliser le traitement et d’induire une participation active du patient dans celui-ci, nous utiliserons la technologie mobile pour développer une série d’applications qui seront disponibles sur des Ipod touch ou des Iphones (des ‘SignApps’) mis à la disposition des patients. Ces applications de technologie mobile seront développées en collaboration directe avec les patients et auront pour rôle de les aider dans leur rétablissement. Des groupes de discussion formés de cliniciens, de chercheurs et de patients se réunissent actuellement pour déterminer les idées porteuses d’avenir et près de 25 applications ont déjà été proposées par les patients, les chercheurs et les cliniciens pour développement ultérieur. Par exemple, les usagers renvoyés et en attente d’un suivi en consultation externe pourront utiliser un iPhone pour visionner l’accès au centre de crises, ou pour un soutien à distance de leur condition mentale. Une seconde application sera développée pour permettre aux patients de faire un suivi de leur compliance à la médication. À l’intérieur et/ou à l’extérieur de l’hôpital, les patients qui utiliseront leur iPhone pourront participer à un réseau de soutien social ou visionner l’information multimédia pour en apprendre davantage sur leur maladie mentale. Ce ne sont que quelques exemples qui démontrent combien la technologie mobile favorisera la responsabilisation des patients et la qualité des soins. Les bénéfices de la recherche clinique du Centre Signature seront donc ressentis à trois niveaux : aider les patients d’aujourd’hui en prenant les décisions sur des bases scientifiques évidentes; protéger les populations à risque par le développement de techniques de prévention et de détection précoce; et fournir aux patients d’aujourd’hui des outils technologiques leur permettant de personnaliser leur approche au rétablissement en fonction de leurs besoins. Par conséquent, le Centre de recherche Fernand-Seguin deviendra, au cours de la prochaine décennie, un chef de file de la technologie informatique mobile en psychiatrie. Il aura créé un centre d’excellence dans le domaine de plus en plus vital de la recherche clinique appliquée. En tant que seul projet de biobanque en santé mentale au Canada, de la plus vaste étude au Canada de cohorte à long terme de patients en psychiatrie, ce projet possède le potentiel pour révolutionner le domaine de la recherche en santé mentale humaine et pour, selon les termes du plan stratégique du NIMH : « s’assurer que les découvertes capitales en science deviennent des découvertes capitales pour les personnes qui vivent avec des désordres mentaux ». 5