Edmond MBALLA ELANGA

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Le garde malade au cœur de l’organisation du système de santé au Cameroun
Edmond VII MBALLA ELANGA1
Cette communication tente d’analyser les enjeux de la présence d’un grand nombre de gardes
malades dans les institutions sanitaires camerounaise. Elle s’appuie sur une collecte des données
menée dans deux hôpitaux et deux centres de santé de la ville de Yaoundé. Notre objectif de départ
était de comprendre la place et le rôle qu’ils jouent dans l’organisation du travail et l’admission des
soins dans les hôpitaux ou centre de santé du Cameroun en général et de Yaoundé en particulier. Les
questions suivantes sont au cœur de notre réflexion : la présence des gardes au sein des institutions
sanitaires est-elle indispensable ? Si oui, comment ces profanes collaborent-ils avec le personnel
médical quand on sait que l’hôpital est, en principe, l’une des institutions les plus délicates à gérer ?
Si dans certains pays comme la France, le garde malade est une personne formée ; au
Cameroun, il est le plus souvent un inexpert, membre de la famille ou ami du patient. Il n’a aucune
connaissance de l’organisation du système de santé encore moins de l’admission des soins aux
patients. Cependant, sa présence au sein des institutions sanitaires en fait une personne centrale et
indispensable au bon fonctionnement de l’appareil sanitaire et par ricochet à la guérison des malades.
Sans la présence des gardes malades, certains patients se retrouveraient abandonnés dans les centres de
santé ou les hôpitaux. Ils sont au cœur de l’organisation du travail. Ils surveillent l’évolution des
perfusions, avertissent les infirmières lorsque celles-ci sont finies, les réveillent nuitamment en cas
d’urgence, s’occupent de l’hygiène des patients, parcourent les pharmacies, le plus souvent situées
hors des hôpitaux, pour acheter les remèdes après les prescriptions des médecins, entre autre. Parfois,
ils collaborent avec les professionnels de santé de façon un peu plus concrète. On retrouvera par
exemple un garde malade participer à l’accouchement d’une femme ou encore un autre tenir un patient
blessé qu’on opère. Dans certains hôpitaux les gardes malades sont plus nombreux que le personnel de
santé. Le rôle que jouent les gardes malade dans l’organisation du système de santé au Cameroun
illustre une situation où la place des profanes est aussi et parfois plus importante que celle des experts.
Le patient retrouve rapidement la guérison lorsqu’il se sent entouré des siens (De Rosny, 1999). La
dimension psychologique est ici centrale.
Cependant cette situation peut conduire à des conséquences tragiques. Il arrive parfois que
certains gardes malades administrent aux patients des posologies en contradiction avec celles du
personnel de santé. Un malade peut par exemple estimer que la posologie des médecins n’est pas
efficace : « ce sont des petits comprimés, on lui demande d’en prendre 2 par jours, je vais lui en
donner 3 ou 4 », déclare un garde malade de l’hôpital de district d’Efoulan2. Dans d’autres cas ce sont
par exemple les perfusions qu’ils font couler plus rapidement lorsque les patients se plaignent de la
lenteur de l’écoulement de celles-ci. Au pire, ce sont des personnes étrangères à la famille qui
pénètrent les enceintes des hôpitaux pour accomplir des crimes.
Cette situation exprime les défaillances d’un système sanitaire auquel les familles ne font pas
totalement confiance. Confier un membre de sa famille aux personnels de santé, c’est prendre un
risque. Il n’est donc pas question de laisser un patient à l’hôpital et de tourner le dos. Cette hypothèse
reste même inenvisageable dans certaines institutions sanitaires. Le garde malade ne surveille pas
seulement le malade, il surveille davantage le personnel de santé, le « motive » quand il faut. En effet,
dans un contexte où le personnel de santé se plaint de son salaire de catéchiste, il accorde plus
d’attention aux malades dont les gardes malades sont « coopératifs ». Il incombe donc au garde
malade de jouer le jeu afin de permettre la prise en charge efficiente du patient. Il doit, non seulement
participer aux tâches sanitaires mais également être à l’écoute des « attentes » du personnel soignant,
au risque de voir son malade abandonné.
Mots
clés
:
Garde
malade,
système
de
santé,
hôpital,
Cameroun.
1
2
Doctorant en sociologie, Université de Yaoundé 1.
Un hôpital de district de Yaoundé.
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