4| cité de la musique
l’invention du sentiment
Ludwig van
Beethoven
Quintette pour piano
et vents, en mi bémol
majeur, op. 16
Ce Quintette exploite une combinaison instrumentale
insolite, témoignage des diverses influences qui ont
pu déterminer Beethoven à ce stade de sa carrière.
En premier lieu, la musique de chambre pour instru-
ments à vent, qui constitue un souvenir direct de la
tradition musicale de la cour de Bonn, tandis que la
formation convoquée est un hommage explicite au
quintette que Mozart composa pour la même formation
et dans la même tonalité. Ensuite, le piano. Instrument
roi, il est également l’instrument de la notoriété de
Beethoven à Vienne. Le jeune compositeur s’y est ins-
tallé en 1792, à l’origine pour prendre des cours de
composition auprès de Haydn. Mais il s’affranchit rapi-
dement de cette tutelle et acquiert une renommée
croissante, principalement fondée sur son talent de
pianiste et son génie d’improvisateur, qui lui valent
d’être constamment sollicité dans les mondanités vien-
noises. En 1796, année de composition du Quintette,
une grande tournée consacre son succès viennois et
le mène à Prague, Dresde, Leipzig et Berlin, à la cour
de Frédéric II. Le Quintette op.16 est créé le 6 avril
1797, avec Beethoven lui-même au piano. Si le
contexte de l’Académie – concert dont les bénéfices lui
revenaient de droit – suggère une certaine émancipa-
tion du compositeur, celle-ci reste encore toute rela-
tive, comme en témoigne la dédicace au Prince Joseph
zu Schwarzenberg, l’un des premiers bienfaiteurs de
Beethoven à Vienne. L’originalité de sa formation, l’ho-
mogénéité de timbres qu’elle permet, apparaît dès la
longue introduction grave du premier mouvement, qui
expérimente toutes les combinaisons sonores. Les
quatre vents, traités à égalité, se répondent, tandis que
le piano dialogue avec eux, isolés ou unis. La virtuo-
sité de l’écriture pianistique repose sur un esprit d’im-
provisation (gammes, travail motivique, reprise ornée
d’un même thème). L’ensemble se distingue donc par
son équilibre, particulièrement sensible dans l’andante
central, d’une douceur toute mozartienne.
Sandrine Blondet