XVème Journée de Réanimation de Picardie Processus de décision de limitation et d’arrêt des traitements Edouard FERRAND Anesthésie – Soins Palliatifs Hôpital Foch, Suresnes [email protected] Processus de réflexion aboutissant à des conditions acceptables de fin de vie Niveau d’engagement à l’admission Réflexion sur le niveau engagement durant le séjour Décision d’une stratégie palliative Réflexion sur modalités LT ou AT Démarche palliative Etat des lieux en France, - 600 000 personnes décèdent chaque année - 40% des décès à l’hôpital surviennent dans un service d’urgences ou de réanimation - 20% de la population décède en réanimation Des textes et un cadre légal très précis … • Loi 1999 : • Loi 2002 : • Loi 2005 : Reconnaissance du droit aux soins palliatifs Obligation d’une décision partagée Obligation d’une démarche palliative pour les patients en fin de vie • Circulaire 2008: Organisation des soins palliatifs Rapport IGAS 2009 : • Inadéquation des textes et des pratiques • 20% des patients bénéficient de soins palliatifs avant leur décès Rapport Aubry (CNSSP) du 6 juin 2011 : • Déficit profond de la culture palliative Le constat des pratiques: Fréquence des décisions ... fréquence d’un mauvais vécu • 1997 : 50% DC liés à LAT en France • • • • • LATAREA, Lancet 2001 ↑ DC liés à LAT en Europe et en Am du Nord (75-80%) ETHICUS, JAMA 2003 Persistance d’un taux de DC liés à LAT en France < 50% LATAREA 2, soumis MAHO, Arch Intern Med 2008 Mauvaises conditions de DC MAHO, Arch Intern Med 2008 Impact de la qualité de LAT sur burn-out paramed Poncet MC, AJRCCM 2007 Mauvais ressenti paramed de LAT RESSENTI, AJRCCM 2003 Evolution du taux de stratégies palliatives parmi les patients décédés en réanimation Etudes Année % LAT/DC San Francisco 1987 51% San Francisco 1992 90% GB 1994 70% USA 1995 75% Europe (ETHICUS) 2000 72% Complexité de la prise de décision: A quel instant de l’évolution ? après quelle complication ? Murray, BMJ 2005 Murray, S. A et al. BMJ 2005;330:1007-1011 Copyright ©2005 BMJ Publishing Group Ltd. La Loi Leonetti Pourquoi la Loi Leonetti ? 1. Respect du droit des malades en fin de vie Cohérence avec la loi 2002 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. Art. L. 1111-4. Pourquoi la Loi Leonetti ? 1 - Respect du droit des malades en fin de vie Cohérence avec la loi 2002 2 - Protéger les médecins Poursuites judiciaires possibles si lien établi entre le geste et le décès Code de déontologie médicale, Décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 Art 37 : Eviter toute obstination déraisonnable en toutes circonstances Art 38: Le médecin n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort. Le refus de lintentionnalité de décès «Cest lintention ayant conduit à cet acte qui le qualifie» Boulard G et Lienhart A, Ann Fr Anesth Réanim 2001 Lintentionnalité de décès est condamnable et assimilée à un homicide Les traitements de sédation analgésie sont acceptés Arrêt thérapeutique = homicide ? Code Pénal Article 223-6 : Omission de porter secours à personne en péril Article 221-1 : Meurtre passible de 30 ans de réclusion criminelle Article 221-3 : Assassinat Traitements et soins • Un « traitement » : se réfère à une thérapeutique à visée curative ou à une technique de suppléance d’une défaillance d’organe « to cure »: guérir une affection ou s’efforcer de le faire • Les soins de base « de confort » et « de support »: associent les soins d’hygiène, la prise en charge de la douleur et de la souffrance « to care » : prendre soin En pratique, les deux types de prise en charge coexistent en permanence. L’arrêt des traitements (AT) Défini par l’interruption d’un ou de plusieurs traitements, dont des techniques de suppléance d’organe assurant un maintien artificiel en vie. La limitation des traitements (LT) Plusieurs entités : • la non-optimisation d’un ou de plusieurs traitements, dont des techniques de suppléance d’organe assurant un maintien artificiel en vie. • la prévision d’une non-optimisation ou d’une non-instauration d’un ou de plusieurs traitement(s) en cas de nouvelle défaillance d’organe, même au cas où le maintien artificiel en vie pourrait en dépendre. Le patient peut ne jamais présenter les complications envisagées. Mortalité associée aux décisions LAT LATAREA 1(1997) LATAREA 2 (2005) 100 75 50 25 0 LAT=0 8% LT AT LAT=0 LT 58% 95% 12% 58% AT 94% Décision LAT - Euthanasie ? - Euthanasie passive ? - Euthanasie active ? Définition de l’euthanasie • Demande explicite du patient qu’un tiers lui donne la mort ou lui facilite le suicide. • Répondre à une telle demande est à ce jour assimilable à un homicide donc condamnable. Décision LAT • Projet thérapeutique de type palliatif et non plus curatif • Ni euthanasie • Ni passif • En aucun cas, arrêt des soins Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie Reconnaissance de droits spécifiques aux malades en fin de vie 1.!Refus de l’obstination déraisonnable 2.!Refus de l’intentionnalité de décès 3.!Droit au refus de soins 4.!Autorisation donnée aux médecins à arrêter tout traitement en phase avancée d’une affection grave et incurable pour le malade inconscient (sous conditions) 5.!Obligation de soins palliatifs 6.!Obligation de traçabilité Loi Leonetti : aucune décision LAT prise par le médecin seul Patient apte à consentir Patient inapte à consentir Patient Obligation Possibilité de LAT en phase avancée de respect de la si procédure collégiale ou terminale décision du malade intégrant les souhaits d’une infection (art. 6) du patient incurable (art. 7, 8 et 9) Patient Obligation Possibilité de LAT maintenu de respect de la si procédure collégiale artificiellement en décision du malade intégrant les souhaits vie (art. 3 et 4) du patient (art.5) Obligation : Le refus de « l’acharnement thérapeutique » Conseil de l’Europe, Assemblée parlementaire. Protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants. Recommandation 1418, 25 juin 1999 “ Le prolongement artificiel de l’existence des incurables et des mourants par la poursuite du traitement sans consentement du malade fait aujourd’hui peser une menace sur les droits fondamentaux que confère à tout malade incurable et à tout mourant sa dignité d’être humain.” Article 37 du code de déontologie médicale (article R. 4127-37 du code de la santé publique) En toutes circonstances, le médecin : - (..) doit s'abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique - (..) peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie. Distinguer : • la réflexion concernant la décision • la réflexion concernant le mode d’application de la décision Excellence in end-of-life care: a new goal for intensivists Truog, ICM 2002 Obligation : Le respect des droits du patient apte à consentir Article L1111-10 (inséré par Loi nº 2005-370 du 22 avril 2005 art. 6, art. 10 I Journal Officiel du 23 avril 2005) Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, décide de limiter ou d'arrêter tout traitement: • Le médecin respecte sa volonté après l'avoir informée des conséquences de son choix • La décision du malade est inscrite dans son dossier médical • Le médecin assure la qualité de sa fin de vie Refus de soins toujours acceptable ? Liberté de chacun de refuser un traitement. Mais le médecin : - ne doit pas se contenter d’un refus, même écrit et signé, pour dégager sa responsabilité tant morale et déontologique que civile et pénale. - doit tout faire pour convaincre le patient d’accepter l’intervention ou les soins utiles, a fortiori lorsque son refus ou leur interruption met la vie du patient en danger. - Il dispose d’un délai raisonnable - Il ne doit pas hésiter à demander l’intervention d’un confrère. Commentaires du CNOM Obligation : Le respect des droits du patient inapte à consentir Intervenants dans le processus LAT. La théorie. Le patient : inconscient L’entourage : - les proches ? - la famille ? L’équipe : - médecins uniquement ? - quelle participation paramédicale ? Le tiers extérieur : - comité ? - médecin ? - psychologue ? Article 37 du code de déontologie médicale (article R.4127-37 du code de la santé publique) II. - Dans les cas prévus aux articles L. 1111-4 et L. 1111-13, lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin ne peut décider de limiter ou d'arrêter les traitements dispensés sans avoir préalablement mis en oeuvre une procédure collégiale Article 37 du code de déontologie médicale (article R.4127-37 du code de la santé publique) La décision est prise par le médecin en charge du patient - après concertation avec l'équipe de soins si elle existe - et sur l'avis motivé d'au moins un médecin (consultant). La décision prend en compte : - les souhaits que le patient aurait antérieurement exprimés (DA) - l'avis de la personne de confiance qu'il aurait désignée - ainsi que celui de la famille - ou, à défaut, celui d'un de ses proches. La décision est motivée: - les avis recueillis - la nature et le sens des concertations au sein de l'équipe - les motifs de la décision Quid des proches et de la PDC ? Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté: • l'avis d’une personne de confiance désignée à l’avance, prévaut sur tout autre avis non médical dans les décisions d'investigation, d'intervention ou de traitement prises par le médecin. • sauf urgence ou impossibilité avril 2005) Article L1111-12 (inséré par Loi nº 2005-370 du 22 avril 2005 art. 8, Journal Officiel du 23 Un critère pour juger de la lutte contre l’obstination déraisonnable: Le taux de décès associé à des décisions de limitation ou d’arrêt des traitements Obligation : L’obligation de soins palliatifs Les soins palliatifs • L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle. • Les soins palliatifs et l'accompagnement sont interdisciplinaires. • Les soins palliatifs s'adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, et ont lieu à domicile ou en institution. Traçabilité « La transparence est de la plus haute importance, nul ne doit pouvoir penser qu’une telle décision a pu être prise sans avoir été pesée et discutée. » Commentaires adoptés en juin 2006 concernant l’article 37 du CDM (article R.4127-37 du code de la santé publique) Procédure de traçabilité LATAREA Commission Ethique de la SRLF Collège des Bonnes Pratiques Société de Réanimation de Langue Française CRITERES D'EVALUATION ET D'AMELIORATION DES PRATIQUES PROFESSIONELLES: Proposition d’un programme d’EPP « clés en main » : audit clinique JANVIER 2010 LIMITATION ET ARRÊT DES THERAPEUTIQUES EN REANIMATION 1 2 3 Critère 1 Les motifs ayant conduit à proposer des LAT sont retrouvés dans le dossier du patient O: N: NA : Critère 3 • l’évaluation du pronostic à partir de l’état clinique, de la pathologie actuelle et de l’état médical et thérapeutique antérieur, apparaît clairement dans le dossier. O: N: NA : Critère 4 Les motif(s) de la limitation et/ou arrêt sur la base du pronostic et des séquelles probables sont exposés O: N: NA : Critère 5 Collégialité dans la discussion médicale et paramédicale O: N: NA : Critère 6 Consultant médical extérieur O: N: NA : Conclusion Processus de réflexion aboutissant à des conditions acceptables de fin de vie Niveau d’engagement à l’admission Personne référente Prise en compte de la vulnérabilité Réflexion sur le niveau engagement durant le séjour Décision d’une stratégie palliative Réflexion sur modalités LT ou AT Démarche palliative Processus de réflexion aboutissant à des conditions acceptables de fin de vie Niveau d’engagement à l’admission Personne référente Prise en compte de la vulnérabilité Réflexion sur le niveau engagement durant le séjour Aide à la réflexion Décision d’une stratégie palliative Réflexion sur modalités LT ou AT Démarche palliative Processus de réflexion aboutissant à des conditions acceptables de fin de vie Niveau d’engagement à l’admission Personne référente Prise en compte de la vulnérabilité Réflexion sur le niveau engagement durant le séjour Aide à la réflexion Décision d’une stratégie palliative Traçabilité Réflexion sur modalités LT ou AT Démarche palliative La fin de la vie doit s’inscrire dans un projet thérapeutique : → culture de la discussion collégiale → formation Le projet thérapeutique doit être connu de tous: → procédures écrites L’implication dans le projet thérapeutique nécessite de réduire les assymétries de positions entre médecins, paramédicaux et proches du patient: → identification de la personne référente → résolution des conflits → décision collégiale La problématique de la fin de vie en réanimation est devenu un domaine d’expertise. La qualité de prise en charge des patients en fin de vie nécessite un haut niveau de connaissances et de compétence … comme toute autre thématique de réanimation