
La constitutionnalité de l’interdiction de
publicité directe des médicaments
d’ordonnance
Lindy Rouillard-Labbé et Valérie Scott*
* Bachelières en relations internationales et droit international de l’UQÀM et bachelières en droit de
l’UQÀM, auxiliaires juridiques à la Cour suprême du Canada respectivement en 2009-2010 et en
2008-2009. Les opinions exprimées dans cet article sont uniquement celles des auteures et n’engagent
aucunement la Cour. Les auteures désirent remercier Me Mathieu Gagné pour d’enrichissantes
discussions sur le sujet, le professeur Pierre-Claude Lafond pour leur avoir suggéré l’idée originale de
l’article, le professeur Thierry Bourgoignie pour son soutien, ainsi que le professeur Hugo Cyr pour
ses encouragements. Pour une réflexion complémentaire sur le sujet par les mêmes auteures, voir «La
publicité des médicaments d’ordonnance : étude comparative des régimes canadien et américain» dans
Thierry Bourgoignie, dir., Propos autour de l’effectivité du droit de la consommation, Cowansville
(Qc), Yvon Blais, 2008. Les auteures peuvent être contactées aux adresses suivantes :
© Lindy Rouillard-Labbé et Valérie Scott 2009
Mode de référence : (2009) 54 R.D. McGill 133
To be cited as: (2009) 54 McGill L.J. 133
L’interdiction de publicité directe des médicaments
d’ordonnance (PDMO) au Canada implique une confrontation entre
d’une part, le droit des individus à l’information et la liberté
d’expression des entreprises et d’autre part, la protection de la santé
publique. Réagissant notamment au recours intenté en 2005 par
CanWest Media Works (maintenant Canwest Media) devant la
Cour supérieure de l’Ontario dans le but de faire déclarer
inconstitutionnelle cette interdiction, les auteures soutiennent que
l’interdiction de PDMO de la Loi sur les aliments et drogues et du
Règlement sur les aliments et drogues (RAD) viole la liberté
d’expression protégée par la Charte canadienne des droits et
libertés, mais que cette violation est justifiée par l’article premier de
la Charte.
S’appuyant sur des positions théoriques, sur des études
empiriques sur les effets de la PDMO et sur la jurisprudence
pertinente en matière constitutionnelle, les auteures expliquent
d’abord pourquoi elles interprètent le RAD comme interdisant toute
PDMO, y compris les publicités de rappel. Concluant à une atteinte
à la liberté d’expression, elles examinent ensuite cette atteinte et sa
justification au regard de l’article premier de la Charte. Les auteures
jugent que protéger les Canadiens contre les effets préjudiciables de
la PDMO sur la santé publique est un objectif dont la réalité et
l’urgence sont attestées par les résultats de plusieurs études. Ces
dernières concluant, entre autres, à l’existence d’une corrélation
entre la PDMO et l’augmentation des prescriptions des
médicaments publicisés, les auteures estiment qu’il existe un lien
rationnel entre l’interdiction de PDMO et l’objectif visant à prévenir
l’influence de telles publicités sur la relation entre le patient et le
médecin, l’acte de prescription et la santé du patient. Les auteures
soutiennent finalement que la prohibition quasi absolue de publicité
aux consommateurs reste une atteinte minimale, car aucune
alternative ne permettrait d’atteindre l’objectif du législateur.
The prohibition on direct-to-consumer advertisement of
prescription drugs (DTCA) in Canada implicates a confrontation
between the individual’s right to information and corporate freedom
of expression, on the one hand, and the protection of public health,
on the other. Reacting to an appeal brought by CanWest Media
Works (now Canwest Media) in 2005 before the Superior Court of
Ontario to render this prohibition unconstitutional, the authors assert
that the prohibition, found in the Food and Drugs Act and the Food
and Drug Regulations (FDR), violates freedom of expression
protected under the Canadian Charter of Rights and Freedoms.
However, they determine that article 1 of the Charter justifies the
infringement.
The authors draw on doctrinal theory, empirical studies on
the effects of DTCA on public health, and relevant constitutional
jurisprudence in support of their interpretation of the FDR as
prohibiting all DTCA, including follow-up advertisement. Finding
an infringement of freedom of expression, they consider the
constitutionality of this infringement under section 1 of the Charter.
The authors determine that protecting Canadians from the
detrimental effects of DTCA on public health is a valid objective,
the reality and the urgency of which have been demonstrated by the
results of numerous studies. The authors establish, inter alia, that
there is a correlation between DTCA and the increased prescription
of advertised medication. They assess that there is a rational link
between banning DTCA and reducing the influence of advertising
on the relationship between patients and doctors, the act of
prescription and, ultimately, the health of the patient. The authors
conclude that the near-total prohibition of advertising to consumers
is a minimal infringement, given that no alternative would permit
the realization of the legislator’s objective.