le consensus de washington, le fmi et l`algerie

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LE CONSENSUS DE WASHINGTON, LE FMI ET
L’ALGERIE
Zoher Adli
&
Kada Akacem1
Professeur, faculté des sciences
économiques et de gestion, université
d’Alger 3.
Résumé
Le but de notre communication est de montrer que les politiques économiques, ‘embedded’
dans le fameux « Washington Consensus »que l’Algérie suit (cahin-caha) depuis plus de deux
décennies, qui lui ont été imposées dans le passé par le FMI et qui lui sont fortement, et
avec grande insistance, recommandées par ce dernier depuis les années deux mille, ne
sont pas du tout appropriées pour un développement économique et sociale satisfaisant
pour notre pays, surtout si elles sont suivies à la lettre, et cela pour au moins deux
raisons: la première est que ces politiques économiques ont été conçues non pas dans
l’intérêt des pays tel que l’Algérie mais plutôt dans celui des multinationales
(occidentales en particulier) ; la deuxième raison est que ces politiques économiques et
notamment l’ouverture prématurée et tout azimut de notre pays aux produits et
entreprises étrangères, que l’institution internationale nous a imposées, ne sont pas, et
ne peuvent pas, être soutenables dans le long terme.
MOTS CLES: politiques économiques, Washington Consensus, FMI, objectifs,
soutenabilité, politiques à deux vitesses, patriotisme économique, institutions,
développement économique et social.
Après son indépendance l’Algérie avait adopté un système d’économie planifiée, administrée. Celui-ci n’ayant pas donné les
résultats escomptés, le pays a été obligé de changer de cap et a opté pour un système d’économie de marché, à travers les
réformes économiques contenues dans le Washington Consensus, et qui lui ont été prescrites par le FMI en vue d’une
transition vers une économie de marché. Est-ce à dire que cette dernière a été bien menée et qu’elle a donné les résultats
espérés ? Loin de là. La transition a été un échec quasi-total et au lieu d’une économie de marché dynamique, le pays a eu
droit à une économie de bazar qui se caractérise par, en particulier, un gaspillage sans précédent des ressources du pays.
Cela est dû bien évidemment à
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INTRODUCTION
Concernant les politiques publiques nous avons choisi, pour notre communication, de
parler des politiques économiques du « Washington Consensus » imposées par le FMI, à
l’Algérie dans les années quatre-vingt-dix (en particulier à partir de l’année 1994) et très
fortement recommandées, par ce dernier, depuis les années deux mille. Ce sont des
politiques qui sont un ensemble de réformes économiques néolibérales qui ont été
imposées à des pays infortunés, par les institutions financières internationales basées à
Washington et qui les ont conduits vers: misères et crises.
Plusieurs raisons, mais l’une des plus importantes se trouvent dans la nature même des
politiques économiques du Consensus de Washington imposées par le FMI, et en
particulier celle concernant le commerce extérieur.
Le but de notre communication est alors de montrer que les politiques économiques du
Consensus de Washington, surtout si elles sont suivies à la lettre, ne peuvent être que
catastrophiques pour un pays comme l’Algérie, et ce, et en particulier, parce que les
objectifs réels et inavoués de ces politiques économiques à géométrie variable telles
qu’imposées par le FMI, sont très différentes de celles que notre pays devrait avoir, tout
au moins si le but des autorités est d’avoir une économie suffisamment forte et
performante pour satisfaire, dans un avenir plus au moins court, au moins les besoins les
plus rudimentaires de la population : emploi, logement, santé, éducation… Les réformes
du Consensus de Washington ont en effet déjà conduit le pays vers une impasse
économique et sociale, et à plus au moins moyen terme vers une impasse politique aussi
bien. Ce dont le pays a alors besoin, ce n’est pas d’un Consensus de Washington mais
d’un Consensus (patriotique) d’Alger pour une transition vers une économie sociale (ou
socialiste) de marché administrée, à travers un ensemble, de politiques économiques,
cohérent, bien structuré, bien transparent et fruit d’un débat national (sans exclusion) et
d’un minimum de consensus national dans le cadre d’une totale transparence. Cela
suppose alors, lors de la conception et de l’adoption de cet ensemble de réformes, une
participation active de tous les stakeholders: gouvernement, parlement, les universités,
les grandes écoles, syndicats des ouvriers, syndicats des patrons, parties politiques, et
autres associations… Une telle participation sera alors le gage du soutien populaire pour
un tel programme, soutien qui est par ailleurs indispensable à la réussite et à la
soutenabilité de ce dernier. De telles politiques économiques de transition devront être
abordées, conçues et mises en œuvre sous un angle patriotique, autrement dit il faut
pratiquer le patriotisme économique durant la transition (et même après) comme tout un
chacun, comme tous les pays l’ont fait et continuent à le faire, sauf malheureusement le
nôtre, même si dernièrement quelques mesures très timides et certainement bien
insuffisantes, ont été prise dans ce sens. Tels seront les points qui seront abordés dans
notre communication à travers trois parties. Dans un premier temps nous verrons ce que
sont les politiques du consensus de Washington, telles qu’imposées par le FMI (nature et
objectifs). Dans un second temps nous examinerons leur nature à deux vitesses. Et enfin
dans une troisième et dernière partie nous verrons ce que l’Algérie a accompli dans ce
cadre et que les résultats obtenus sont très négligeables et parfois même très
dommageable. Nous avancerons quelques recommandations tout le long de cette
présentation et dans la conclusion générale en particulier.
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1. Les politiques économiques du FMI et leurs objectifs
1.1. Nature de ces politiques.
Beaucoup de pays, et parmi eux l’Algérie, qui avec l’espoir d’améliorer leurs situations
économiques et sociales, ont eu à un moment ou un autre un besoin urgent de
l’assistance financière des institutions financières internationales, et sous les injonctions
de ces dernières, ont dû se soumettre à mettre en œuvre, à un rythme plus ou moins lent
et plus ou moins discontinu, tout un ensemble de politiques économiques, quasiment
standards (‘one size fits all’ : une seule et unique taille pour chacun), auxquelles sont
souvent rattachées des plans d'austérité à des conditionnalités très sévères forçant le pays
emprunteur à adopter des réformes pour une transition vers un système d’économie de
marché. Ce programme, intégré dans le Consensus de Washington, est d’une inspiration
éminemment néolibérale. En effet pour les tenants de ce courant économique, la priorité
dans la gestion des ressources économiques doit être donnée au mécanisme des prix, à la
libre entreprise à travers la propriété privée des moyens de production, et à une réelle
concurrence dans tous les marchés : financiers, travail, biens et services…
A propos de l’Algérie, l’une des caractéristiques de son économie vers le milieu des
années 1980 (qui correspond à la période de la chute libre du prix du pétrole jusqu’à
environ $6 le baril) est un déclin significatif de la croissance économique. De leader (ou
tout au moins l’un des leaders) mondial durant les années 1970, ayant connu une
croissance économique très rapide (l’Algérie avait connu alors, des taux de croissance
plus élevé que ceux de la Corée du Sud), le pays est devenu l’un des plus grands
perdants, économiquement, de la globalisation. Les institutions financières
internationales, beaucoup d’experts et autres économistes expliquent ce déclin par, entre
autres causes, la part trop grande, du secteur public dans l’économie du pays, secteur non
performant mais surtout défaillant. En Algérie pourtant, et dès la mort du Président
Boumediene en 1979, mais surtout et avec plus d’insistance à partir de l’année 1986,
année de la chute brutale des prix mondiaux du pétrole, on a commencé à se poser la
question de savoir quel était le meilleur modèle politique et surtout économique qui
aurait le plus de chance de réussir à obtenir un développement économique et social
harmonieux et satisfaisant. Aussi, l’Algérie a entrepris d’elle-même de réformer le
secteur public notamment, mais en vain. Les résultats ont été plus que décevants. En
conséquence et avec la situation économique et sociale catastrophique, dans laquelle
s’est trouvé le pays, surtout après les événements sanglants de la fin de l’année 1988,
l’Algérie ne pouvait plus, (n’avait plus les moyens de), réformer son économie
indépendamment de toute interférence externe. Elle a tout simplement perdu le luxe
de pouvoir choisir le modèle de développement qui lui conviendrait le mieux, surtout une
fois qu’elle a été obligée de tendre la main au FMI. Comme d’autres pays, elle a été
alors obligée d’appliquer des politiques économiques, des réformes, dictées par les
institutions financières internationales. En effet dans les années 90, quand l'Algérie
était financièrement au fond de l'abîme, le FMI lui a imposé un drastique et
douloureux programme d'ajustement structurel (PAS) en contrepartie de son
soutien financier. De ce PAS et de l’époque pénible, les Algériens ne gardent pas du
tout un bon souvenir, contraints et soumis qu’ils étaient à l'humiliation de passer par les
prescriptions du FMI. A travers ses conditionnalités le PAS est conçu de telle sorte à
pratiquement forcer le pays emprunteur, ici l’Algérie, à adopter des réformes pour le
conduire vers une économie de marché. En fait et selon John Williamson1, l’économiste
qui inventa le terme même de Washington Consensus, celui-ci fut conçu et mis au point
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par les institutions financières internationales (la banque mondiale, le FMI…), la banque
centrale américaine (la Réserve Fédéral), le gouvernement américain, (à travers son
ministère des finances : le ‘Tresory Secretary’), le Congrès Américain, et enfin des Think
Tanks américains: d’où le non de ‘Washington’ donnée au consensus, car ces institutions
sont localisées à Washington. Les réformes qu’il contient étaient à l’époque de leur
conception (1989), destinées aux pays de l’Amérique Latine notamment, qui étaient
pendant longtemps le théâtre à d'hyperinflations et à des déficits budgétaires
insoutenables, pour les aider à surmonter les crises de dettes internes et externes,
auxquelles ils faisaient face dans les années quatre-vingt. Par la suite, l’acceptation de,
ou la résignation à, l’application de ces réformes était devenue la fameuse formule
magique ‘Sésame, ouvre-toi !’, qui permet à tout pays en difficulté d’obtenir l’assistance
financière des institutions financières internationales.
Si ce package de politiques économiques du consensus était considéré comme standards
et invariables: ‘one size fits all’: une seule et même taille pour chacun, comme une
recette de sortie de crise, valable pour tous les pays et toutes les époques, c’est que
jusqu’à très récemment, il ne tenait pas compte des spécificités du pays concerné, des
circonstances (politiques, sociales et surtout économiques) de temps et de lieu, dans sa
mise en œuvre. C’est, entre autres, ce qui a amené certains économistes à considérer ce
programme comme une ressuscitation du fameux laisser-faire, laisser-aller et de la
fameuse main ‘invisible’ d’Adam Smith qui recommandent, la réduction du rôle de l’Etat
(et donc du secteur publique) dans l’activité économique, et une confiance aveugle dans
les vertus du marché, pour une allocation optimale des ressources économiques et une
utilisation efficiente de ces dernières. Il était vu par eux comme une véritable doctrine
stricte, du fondamentalisme du marché, d’où l’appellation par certains économistes, de
consensus du « market fondamentalism »2, (et par d’autres3 de ‘Washington
Confusion’4). En effet la façon dont le FMI a géré, notamment les crises d’endettement
a été beaucoup controversée. Parfois le FMI a même été accusé d'être le facteur
accélérateur des crises (voir la crise financière Mexicaine de 1994, les crises Asiatique
de 1997, de la Russie, du Brésil de 1998 et de l’Argentine de 2001). C’est ce qui, entre
autres, a conduit Williamson lui-même à reconnaitre des 2002 que les résultats de
l’adoption des politiques économiques du Consensus ont été décevants, en particulier en
termes de croissance, de l'emploi et de la réduction de la pauvreté5. Mais avant
d’analyser un peu plus profondément les ‘economic policies’ du Consensus, voyons
d’abord ce que sont ces politiques ou réformes économiques. Notons alors dès
maintenant que les trois idées fondamentales de ce programme sont la discipline
macroéconomique, l'économie de marché, et l'ouverture au monde en ce qui concerne
le commerce et les IDEs. Ces politiques ou réformes économiques ont connues plusieurs
types de classification : réformes macroéconomiques et réformes microéconomiques, ou
réformes de stabilisation macroéconomiques et réformes structurelles (ou politiques de
stabilisation et politiques d’ajustement structurel), ou encore réformes concernant la
gestion de la demande globale et la promotion de l’offre globale, ou réformes de
première génération et réformes de deuxième génération…Quant à nous, nous préférons
proposer la classification suivante, beaucoup plus suggestive, plus précise et plus claire :
stabilisation, libéralisation, privatisation/dérégulation et institutionnalisation6 :
- Stabilisation : (macro stabilisation à travers notamment une discipline monétaire et
budgétaire…),
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5
- libéralisation : de tous les marchés (commerce intérieur, commerce extérieur, travail,
financiers…). Libérer les marchés de toute contrainte et de toute interférence des
autorités…
- privatisation (et dérégulation, structuration) : non seulement des entreprises publiques
(EPEs) mais aussi et en un sens plus large, privatisation de toute l’économie.
- institutionnalisation : création du cadre légale et des infrastructures institutionnelles
qui sont la condition sine qua non de la réussite de toutes les autres réformes et donc de
toute politique de développement économique et sociale. Ces dernières réformes sont
parfois appelées réformes de deuxième génération et ont été souvent ignorées et/ou
négligées, notamment par le FMI et autres institutions financières internationales (IFI).
1.2. Les objectifs officiels du FMI
Les objectifs proclamés par le FMI, de toutes les politiques économiques du
Consensus, est l’amélioration de la gestion de l’économie, l'amélioration du climat
d'affaires (qui permettra de développer un secteur privé performant), en créant un
environnement économique stable et des plus favorables à la réalisation d’un taux de
croissance suffisamment élevé pour permettre une réduction, au moins raisonnable, du
chômage, et une augmentation, au moins acceptable, du niveau de vie du pays concerné,
notamment à travers des marchés libres de toute interférence de l’Etat dans leur
fonctionnement :
- La discipline budgétaire et monétaire, par exemple, est supposée améliorer le contrôle
de l’inflation et des déficits budgétaires et attirer ainsi les investissements.
- Autre exemple, la promotion du commerce extérieur à travers la réduction de toutes
sortes de barrières à l’importation et un bon management du taux de change pour
promouvoir les exportations, viserait à réduire les importations, améliorer la balance des
payements et assurer la stabilité de la monnaie nationale, en même temps que permettre
aux consommateurs de bénéficier de plus de choix (parmi les produits) ainsi que des prix
plus bas, grâce à la concurrence étrangère.
- Enfin, à travers la libéralisation et la privatisation de l’économie et l’élimination des
politiques protectionnistes, les réformes sont supposées, attirer les investissements directs
étrangers (IDE), dont l'Algérie a, il est vrai, besoin, en leur garantissant une égalité des
droits avec les investissements domestiques. Les IDE permettraient le transfert de
technologie, le savoir-faire et le financement nécessaires pour le développement et la
diversification de l’économie du pays.
Ces réformes sont donc supposées changer les caractéristiques les plus fondamentales de
toute l’économie et de sa structure, de telle sorte que les effets des réformes devraient
apparaître à travers toute l’économie, pour le bénéfice et le bien être de tout le peuple… en
principe! C’est précisément et officiellement tout au moins, pour atteindre ces différents
objectifs, que les institutions financières internationales, telles que le FMI et la Banque
Mondiale, recommandent ou exigent selon le cas, le paquet de réformes du «Washington
Consensus ». Certes l’attitude du FMI a plus qu’évolué au cours du temps. Certains diront
même qu’il s’est «profondément humanisé», surtout depuis la crise internationale de 2008.
Cependant la stratégie et l’approche de la mise en œuvre de ces politiques sont demeurées
5
6
plus au moins les mêmes, en tous les cas pour les pays du Tiers Monde. En effet, le rôle
du FMI dans l'avancement du programme néolibéral est une ironie tragique en vue des
origines de l'institution il y a 65 ans. Pendant environ une trentaine d’années, le FMI a, et
conformément aux accords de sa création il y a 65 années environ, plus au moins fait ce
qu’il était officiellement supposé faire. Mais tout cela a changé dans les années 1980,
durant la période du Thatchérisme et du Reaganisme, quand le keynésianisme a été
remplacé par le «Consensus de Washington» au sein du FMI. Il est vrai que les prêts de
celui-ci ont toujours été accordés sous conditions. Cependant, depuis les années 1980, le
docteur FMI a commencé à fixer des micros conditionnalités draconiennes et des
programmes d'austérité tout aussi draconiens, c’est-à-dire de mauvaises ordonnances aux
pays financièrement malades.
Ces pays-là ont été contraints de déréglementer leurs marchés, de privatiser leurs
entreprises publiques, et ouvrir leurs économies aux biens et services des multinationales
en particulier, de réduire les dépenses gouvernementales, notamment les dépenses sociales
et parmi celles-ci les dépenses de santé et de l’éducation ont toujours été les cibles
préférées du FMI… Or l’investissement dans l’éducation est très important et primordial si
(!) l’objectif réel est la croissance, et l’investissement dans la santé est également essentiel
à la croissance et au bien-être des populations des pays pauvres, en plus. Quelles que
soient les avis des uns et des autres, il n’en demeure pas moins donc, que le soi-disant
consensus est une véritable camisole de force pour les pays du Tiers Monde en
particulier, qui se trouvent obligés de mettre en œuvre les réformes qu’il impose.
En effet depuis que les fondamentalistes du marché ont pris le dessus au sein du FMI,
celui-ci a inversé sa politique de prêt. Au lieu de financer le déficit budgétaire et stimuler
ainsi la reprise économique, les prêts du FMI sont conditionnés à l’adoption par le pays en
difficulté, de mesures d'austérité et d’un plan draconien d’ajustement structurel, bien que
de plus en plus d’économistes admettent que la compétitivité des entreprises et les
réformes structurelles ne créent pas de croissance car elles ne sont que des conditions
nécessaires mais non suffisantes pour cette dernière. Par exemple la crise économique
asiatique de 1997-98 était exactement le genre de situation que le FMI avait été mis en
place pour traiter et lui trouver une solution satisfaisante, pourtant, selon Stiglitz7, le FMI a
pris un ralentissement économique qui était pourtant gérable, et l’a transformé en un grand
désastre. Enfin tout le monde sait que les institutions financières internationales ont
souvent prêté des milliards à des dictateurs qui ont dilapidé ces prêts, et que les réformes
économiques qu’elles recommandent/exigent sont dans les faits biaisées au profit des
riches des pays concernés.
Presque partout où ils ont été mis en œuvre, ces programmes ont empiré la situation
économique et sociale des masses populaires pauvres. Il y a bien eu, çà et là, des
résistances, par exemple, à la politique budgétaire imposée aux pays pauvres par les toutpuissants, des institutions non élues basés à Washington, New York et Genève (OMC), à
travers notamment ce qu’il est devenu courant d’appeler, des manifestations de la faim
(‘bread riots’, souvent très violentes), par les victimes de ces mesures. Le meilleur
exemple est celui de l’Argentine qui dans les années quatre-vingt-dix avait mis en œuvre
toutes les politiques économiques que le FMI a exigé de lui. Le pays a pourtant connu une
des crises les plus désastreuses et des plus violentes de son histoire: la population est
descendue en force dans les rues pendant plusieurs semaines pendant lesquelles le pays a
vu pas moins de trois présidents se succéder en ce temps très court.
6
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On a dit que l’Argentine a souffert de l’instabilité parce qu’elle poursuivait la stabilité
(macroéconomique) à la FMI qui privilégie la croissance du revenu national au détriment
d’une distribution raisonnablement équitable de ce dernier. Par contre les pays qui ont
rejeté les politiques économiques du FMI et mis en œuvre d’autres politiques alternatives,
tels par exemple la Pologne, la Hongrie, l’Inde, la Malaisie, la Chine8 ont connu des
succès sans trop de perturbations sociales et de souffrances de leur population.
1.2. Les objectifs réels, non avouées du FMI
Les objectifs du FMI n’ont rien à voir avec le sauvetage des pays en crise ou le bien-être
des populations des pays soit disant aidés, et c’est ce que dit clairement l’un des
promoteurs les plus ardents du Consensus, à savoir J. Williamson9 qui encore une fois dit
clairement que les politiciens de Washington sont aussi, bien sûr, préoccupé par les
intérêts stratégiques et commerciaux des Etats-Unis ... l'intérêt national américain pour
recevoir de façon continue le service de la dette de l'Amérique latine. Certains pensent
même que cette considération a été importante dans la motivation des USA d’imposer les
politiques d'austérité en Amérique latine durant les années 1980. Car les objectifs
inavoués de ces politiques, et comme l’explique si bien Stiglitz dans son fameux
ouvrage10 sont, outre la solvabilité du pays envers ses créanciers de la communauté
internationale ! (les USA, L’UE, L’Australie, la nouvelle Zélande notamment) la
sauvegarde des intérêts financiers et commerciaux des USA en particulier, et
certainement pas le bien-être des pays en crise. Ainsi donc la solvabilité du pays envers
ses créanciers de la communauté internationale est le premier et le vrai objectif du FMI,
ensuite l’ouverture du pays aux multinationales et puis loin derrière vient l’amélioration
de la croissance économique…du pays concerné. On voit dès lors, l'hypocrisie des
gouvernements occidentaux qui imposent la libéralisation aux pays en développement
tout en maintenant des restrictions commerciales sur les produits spécifiques que ces pays
peuvent exporter vers eux. Stiglitz11, a même accusé le FMI d’être le porte-parole, le
serviteur, le valet idéologique du libéralisme économique et un missionnaire de
l’idéologie du ‘free market’. Il accuse les IFI d’être dominées non seulement par les
riches pays industrialisés, mais également par les groupes d’intérêts économiques et
financiers de ces pays. Dès lors, avance-t-il, les politiques économiques que ces
institutions recommandent/exigent, reflètent en fait le souci de la protection et de la
défense des intérêts de ces pays et de ces groupes et non pas des pays en crise.
1.3.Les objectifs de l’Algérie
Quels sont ou quelles doivent être alors dans ces conditions les objectifs de l’Algérie?
Parmi les objectifs que l’Algérie doit poursuivre, notons tout d’abord un taux de
croissance économique élevé. Cependant le but de toute croissance économique doit être
avant tout une véritable amélioration du niveau de vie de la population à travers tout un
ensemble d’objectifs tels que: la baisse du chômage, la réduction des factures
d’importation, des produits agricoles et pharmaceutiques en particulier, l’amélioration de
l’accès: à des soins de qualité, au logement de qualité, et à une éducation réelle et de
qualité, ainsi que la réduction des inégalités, la réduction de la pauvreté, la réduction de
7
8
la criminalité, la réduction de l’analphabétisme…, donc une croissance qui promeut un
véritable développement économique et social. Pour cela l’Algérie doit mettre en œuvre
des politiques économiques de transition vers, non pas une économie de marché à la FMI,
mais vers une économie de marché administré (patriotiquement) et qui contrairement aux
préceptes du FMI prend en compte l’aspect social aussi bien que l’aspect économique
dans ses politiques économiques. En effet et contrairement aux FMI et à ses experts, de
plus en plus un grand nombre d’économistes ajoutent l’objectif d’équité sociale dont
l’aboutissement est très important pour la cohésion et la stabilité sociales et donc créant
un environnement sociale très favorable à la conduite des politiques économiques en
général et des politiques macroéconomiques en particulier et c’est pourquoi la politique
d’intervention économique est parfois liée à une politique sociale de réduction des
inégalités. Cela pourrait être réalisé à travers une libéralisation, administrée des marchés
et en particulier une ouverture administrée de notre économie, une privatisation
patriotique de l’économie… Enfin il y a un rôle légitime que le gouvernement doit jouer
dans la gestion de l'économie et pour compenser les imperfections et les échecs du
marché. Lorsque les marchés ne parviennent pas à faire leur travail, le gouvernement doit
intervenir pour remettre l'économie sur la bonne voie.
2. Des politiques à deux vitesses
C’étaient donc jusqu’à la crise économique et financière mondiale de 2008-20 ??, des
politiques de confection et non pas des politiques sur mesure, ad hoc, pertinentes et
spécifiques pour chaque différent pays, comme cela a été le cas des mesures
économiques à prendre que le FMI s’est mis à recommander aux pays européens et
même aux USA, après la crise financière et économique de 2008. En effet depuis lors le
FMI s’est subitement réveillé pour admettre finalement qu’il ne doit pas y avoir de
politiques économiques standards, c’est à dire des politiques telles que « one size fits
all ».
On voit ainsi ici les comportements de deux poids et deux mesures du FMI : en effet et
tant que les pays concernés, comme l’Algérie, étaient des pays du Tiers Monde, les
politiques économiques exigées par le FMI, ou fortement recommandées par lui, étaient
des politiques standard, de confection ; mais dès que les pays européens, américains et
autres pays de la communauté internationale !, le FMI se réveille subitement et admet
qu’il ne doit pas y avoir de politiques économiques standards, c’est à dire des politiques
telles que « one size fits all » et que ces politiques doivent tenir compte des
caractéristiques spécifiques de chaque pays : le niveau de développement du pays, les
contraintes de crédit auxquels est confronté le pays et sa capacité d'absorption et sa
capacité institutionnel12… De plus la directrice du FMI a déclaré en 2011 que « one size
does not fit all [la taille unique ne convient pas à tous]… et que compte tenu des objectifs
différents et des stades de développement différents… il n’existe aucune structure
évidente qui soit la mieux adaptée dans tous les cas… et [récemment elle a précisé] qu'il
n'y avait pas un "one-size fits all solution" dans la crise actuelle. Les efforts visant à
réduire les déficits budgétaires et la dette doivent être adaptés à la situation dans chaque
pays, une consolidation budgétaire trop rapide …sans différenciation et sans traitement
spécifique adapté aux spécificités du pays," pourrait étrangler la croissance13. Comme
politiques économiques à géométrie variable, on ne peut trouver mieux.
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9
Nonobstant tout cela, il reste que dans de nombreux pays, les toutes puissantes
institutions internationales non élues, basées à Washington (le FMI), New York (la
Banque mondiale) et Genève (l’OMC), sont considérés comme les trois mousquetaires
au service du diable, à savoir, les pays occidentaux (les pays de la communauté
internationale !!!). Elles sont notamment accusées par les pays du Tiers Monde et
d’ailleurs, d’être responsable de la propagation d'un évangile cruelle et inefficace de la
privatisation, des compressions budgétaires, (en particulier des dépenses sociales des
gouvernements des pays pauvres notamment), des dévaluations de leurs monnaies
nationales, de l'élimination des contrôles des prix…
Les «one size fits all» politiques formulées par les architectes de l'économie mondiale
sont destinées à être des catalyseurs pour la croissance et des lubrifiants pour
l'investissement étranger. Cependant la pratique a montré bien évidemment qu’elles ne le
sont pas. Les programmes du FMI ont souvent nui à la croissance économique et ont
profité plus aux riches qu’aux classes moyennes et pauvres. Un rapport par la Banque
mondiale elle-même a même montré, par exemple, que les investissements extérieurs
dans l'infrastructure dans les pays en développement se sont effondrés de 4,5 milliards de
dollars en 1993 à 2,5 milliards de dollars en 2000. Ce sont en tout cas des pays qui
comme l'Inde, la Malaisie…, ont ignoré les «conseils» du FMI, qui continuent à réaliser
des taux de croissance très satisfaisants et soutenable sur le moyen et le long terme. Par
contre, la plupart des pays qui ont suivi l'orthodoxie du FMI à la lettre, telle que
l’Indonésie: taux d'intérêt élevés, une faible inflation, libéralisation, réduction des
déficits budgétaires… ont connu des taux de chômage élevés, et une augmentation des
inégalités et de la pauvreté. Depuis peu et suite à toutes les critiques dont ils ont fait
l’objet, le FMI et la Banque mondiale, ont affirmé que la réduction de la pauvreté est
désormais au cœur de leurs stratégies. Mais en fait ces déclarations sont purement
cosmétiques. Seul le langage a changé. En effet, les politiques qu'ils exigent ont toujours
laissé les pays forcés à les appliquer, et en particulier les couches sociales les plus
défavorisées, dans un état beaucoup plus mauvais, qu’avant leur intervention, c’est-à-dire
avant leur supposée aide, comme l’a si bien décrit Edouardo Galeano dans un ouvrage
célèbre14 et où il montre en particulier comment le FMI est utilisé par les pays
occidentaux et les multinationales en particulier pour piller les ressources des pays
pauvres, rendant ces pays encore plus pauvres15.
En fait, les politiques économiques et les conditions de soutien du FMI renforcent les
fluctuations durant les cycles économiques. «Elles poussent les pays dans des récessions
en les forçant à augmenter les taux d'intérêt et à diminuer leurs dépenses publiques exactement le contraire de ce que font les États-Unis dans des circonstances
similaires16». Il semble il est évident qu'il y a une règle pour les riches et une autre pour
les pauvres, comme d’ailleurs Williamson l’a expressément noté en reconnaissant que
Washington ne pratique, bien sûr, pas toujours ce qu'elle prêche aux étrangers 17. Suite
aux crises économiques en Asie de l’Est de 1997, en Argentine et au-delà, par le tournant
du siècle, l’institution financière internationale a perdu le peu de crédibilité qui lui
restait. De nombreux pays, tel que l’Algérie, et pour ne plus avoir à recourir à
l’assistance financière du FMI, ont commencé à s'auto-assurer en accumulant des
réserves de change pour ne pas avoir à lui tendre la main et subir ses politiques
économiques dévastatrices. Autre exemple de la nature discriminante de ces politiques à
deux vitesses, est que le FMI a également desserré sa position sur le ciblage de l'inflation
à travers la manipulation des taux d'intérêt.
C’est ainsi qu’après la crise économique internationale créée par la crise financière de
9
10
2008, des experts du FMI à la suite de son Chief Economist, l’économiste Olivier
Blanchard18, ont proposé de passer à une cible pour le taux d’inflation acceptable de 4%
au lieu du taux de 2% que le FMI a jusqu'à alors recommandé/exigé (aux pays sousdéveloppés en particulier). Ils ont admis que les économistes, et donc le FMI aussi, se
sont trompés dans le passé et que la cible de 2% pour le taux d’inflation limite le champ
d’application de la politique monétaire, d’où la proposition d’un taux de 4%. Notons tout
de suite que ce revirement a été fait pour entre autres, permettre aux banques centrales de
poursuivre une politique monétaire expansionniste pour sortir de la grande récession,
sans avoir à trop se soucier de l’inflation et c’est ce que fait si bien du reste la banque
centrale américaine. Mieux et depuis la crise, les Banques centrales européennes mais
surtout américaine, mettent en œuvre de plus en plus, depuis la crise internationale de
2008, des politiques non conventionnelles tel que l'assouplissement quantitatif
(‘Quantitative easing’), politique qu’on interdit aux pays du tiers monde tel que
l’Algérie. C’est là en effet qu’on peut aussi voir le double langage que tient le FMI, les
contradictions des politiques notamment économiques, qu’il recommande et son
comportement de deux poids et deux mesures à l’égard des pays du Tiers Monde d’une
part et les pays de la communauté internationale (sic et resic), d’autre part.
3. La mise en œuvre en Algérie
Nous commencerons par voir d’abord les politiques de stabilisation que l’Algérie a
menées depuis son voyage vers l’économie de marché. Ces politiques, en particulier la
politique monétaire et la politique budgétaire, ont une fonction de régulation et de
stabilisation de l’économie, et en particulier la stabilisation des fluctuations
économiques, par la réduction de la durée et de l’amplitude de chacune de ces dernières,
c’est-à-dire en les rendant moins prononcées et moins sévères afin d’éviter ou de réduire
leurs coûts économiques et sociaux19. Ces deux politiques sont la responsabilité de deux
institutions hors-marché, à savoir l’autorité monétaire et l’autorité budgétaire (le
ministère des finances). Il est dès lors curieux et paradoxal que ces politiques publiques
d’intervention économique soient imposées, exigées par des ultras libéraux, à travers le
FMI. Mais si on se rappelle que l’objectif premier de ce dernier est d’abord et avant tout,
d’assurer, à travers une discipline monétaire et budgétaire stricte, la solvabilité du pays
concerné, envers ces créanciers, ces derniers étant d’une manière générale, presque
toujours des pays de la communauté internationale !, le paradoxe s’évanouit.
Commençons par noter que l’inflation, officielle tout au moins, a été assez bien
maitrisée pendant un certain temps. Alors qu’elle qui avait atteint jusqu’à 32% en 1992 a
été réduite à 19% en 1996, 6% en 1997 et même à 0,3% durant l’année 2000. N’oublions
tout de même pas que suite aux politiques imposées par le FMI, l'inflation a bondi de
5,9% en 1988, c’est-à-dire avant l’arrivée de cette institution dans le pays, à 26% en
1991 et à 32% après son arrivée. Mais cette maitrise semble de plus en plus s’affaiblir.
En effet les prix des produits de consommation courante connaissent une flambée quasi
continue depuis 2006, l’année de son accélération. Ainsi on s’attend à un taux d’inflation
autour de 6% pour l’année 2012. C’est là un taux très préoccupant. Toujours est-il que
l’orthodoxie monétaire a été abandonnée, d’une manière pas du tout élégante ni
responsable, par l’Algérie dès le 20 Avril 200 1 par une ordonnance qui a modifié la loi
de la Monnaie et du Crédit de 1990, cette dernière étant la pierre angulaire de la
transition de l’Algérie vers un système d’économie de marché. La loi prévoyait et a mis
en place, une certaine autonomie de la banque centrale algérienne dans sa conduite de la
politique monétaire et en particulier dans sa lutte contre l’inflation. En effet, un facteur
10
11
très important dans la conduite de la politique monétaire efficace (relativement aux
objectifs déjà signalés) est l’importance cruciale de l’indépendance (au moins relative) de
l’autorité monétaire chargée de la mise en œuvre de cette politique. L’autorité monétaire
doit en effet absolument être indépendante du gouvernement ou plus exactement de
l’autorité budgétaire (le ministère des finances en Algérie)). Autrement, les missions de
ces deux organes peuvent entrer en conflit si les deux institutions ont à un moment
quelconque des objectifs, et mène des politiques, contradictoires20. Sans un minimum
d’indépendance de l’autorité monétaire, le conflit sera en général résolu au profit de
l’exécutif, dont l’action est généralement déstabilisatrice, surtout en période d’élections.
En tout cas, et en ce qui concerne l’Algérie, cela a été le cas en 2001, car alors que le
ministre des finances voulaient une politique de relance de l’économie de notre pays qui
en avait bien besoin, le gouverneur de la Banque d’Algérie s’acharnait à vouloir
absolument poursuivre une politique monétaire de rigueur avec le résultat suivant: le
gouverneur de la banque centrale a été licencié et la banque a perdu l’indépendance
relative dont elle jouissait21 à travers l’ordonnance citée plus haut. Il faut bien dire, en
effet que si la maîtrise de l’inflation est un objectif prioritaire des pays développés, pour
les pays en voie de développement comme l’Algérie, la croissance, la création d’emplois
et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, doivent recevoir plus d’attention, ou
doivent en tout cas figurer parmi les priorités, même au prix d’un niveau d’inflation plus
élevé mais non déstabilisateur. Nos pays ont avant tout besoin de croissance
économique, celle-ci devant être la priorité des priorités, sans négliger bien sûre, la
vigilance concernant l’inflation.
Quant à la discipline budgétaire que l’Etat algérien s’est imposée, le FMI peut dire
qu’elle a porté ses fruits puisque pendant toute la période 2000-2004, le budget de l’Etat
a connu des surplus assez élevés sauf pour l’année 2002 qui a connu un surplus de 0,2%
seulement. Cependant cette orthodoxie budgétaire a également été abandonnée par le
pays, une première fois avec le lancement depuis l’année 2000 de trois plans de relance
économique, à travers une politique budgétaire très expansionniste, finançant surtout des
travaux d’infrastructure (autoroute, barrages, logements…), puis une deuxième fois à la
suite de ce qu’on appelle le printemps arabe, avec les augmentations subites et
irraisonnables des salaires, causant ainsi un trop grand choc à l’économie nationale qui
n’est pas équipée pour faire face à de telles secousses, (des augmentations raisonnables et
graduelles auraient été beaucoup plus sage).
Cependant même à court terme, des déficits budgétaires importants, dans une économie
ouverte comme celle de l’Algérie (avec une offre globale très réduite à cause de la
capacité très limitée de l’appareil de production nationale à satisfaire l’augmentation de
la demande globale, augmentation due aux plans de relance), peuvent ne pas avoir l’effet
attendu: booster l’appareil productif national pour une croissance soutenable dans le
temps. En effet le multiplicateur (en économie ouverte) des dépenses supplémentaires,
dues aux différents plans de la relance économique mis en œuvre depuis l’année 2000
dans notre pays, ne peut avoir un effet positif important et surtout soutenable, sur le PIB
et donc sur l’emploi, la pauvreté et le niveau de vie, que si cette demande est satisfaite,
au moins en grande partie, par l’appareil productif national, c'est-à-dire par une « supply
response » nationale, conséquente et suffisamment rapide: d’où la nécessité, entre autres,
d’encourager et de promouvoir l’investissement national privée et public en général et la
création et le développement des entreprises petites et moyennes en particulier, car très
grand pourvoyeur d’emplois.
Autrement dit, à moins que des entreprises (résidentes) du pays ne soient capables
11
12
d’absorber, au moins en grande partie, les dépenses supplémentaires induites par les
plans de relance, l’effet multiplicateur jouera plus pour les pays étrangers fournisseurs de
l’Algérie, que pour ce dernier22. En d’autres termes, pour réussir à avoir une croissance
satisfaisante, soutenable et structurelle, il faut non seulement agir sur la demande mais
également et surtout sur l’aspect offre de l’économie nationale, notamment en
encourageant et promouvant la production nationale, et éventuellement en créant des
champions nationaux, dans la production des biens et services, comme cela se fait de nos
jours dans pratiquement tous les pays, y compris et surtout dans les pays développées
(USA, France, Allemagne, Italie…), et ce grâce aux aides que les Etats respectifs leur
apportent, alors même que le FMI et ses idéologues prônent/exigent l’effacement de
l’Etat de la sphère économique, surtout dans des pays comme le nôtre, c’est en quelque
sorte la devise : faites ce qu’on vous dit mais ne faites pas ce que nous faisons!
Parmi les autres politiques économiques du FMI, la libéralisation prématurée, sauvage
et tout azimut du commerce extérieur n’a rien apporté de bon quant au développement
du pays. En tous les cas on est loin des résultats attendus et annoncés par le FMI. Bien
au contraire, cette libéralisation prématurée a alourdi très dangereusement la facture
d’importation du pays qui en 2011 s’est élevée à 53,9 milliards de dollars U.S.23, montant
insoutenable dans le long terme à moins qu’un véritable patriotisme économique ne soit
adopté le plus tôt possible. De plus on s’attend à ce que les importations se chiffrent à
57,4 milliards de dollars en 2012 et à 58,1 milliards de dollars en 2013. En même temps
le montant et la diversification des exportations n’ont pas été boostés comme prévu. Il
faut alors adopter une règle très simple qui est de n’importer que ce qu’on peut payer par
des exportations, sauf en ce qui concerne les produits agricoles et pharmaceutiques
indispensables et non produits localement ; cela mis à part, les revenus en devises
étrangères ne doivent être utilisés que pour les investissements productifs. Cette
ouverture du commerce extérieur n’a aucun sens du point de vue économique étant
donne l’état actuel de notre économie et aussi de nos institutions.
En effet, l’Algérie n’ayant pas grand-chose à échanger, il est dès lors ridicule et non
patriotique d’entrer dans des zones de libre-échange, car pour cela il faut avoir quelque
chose à échanger, ce qui n’est pas le cas de notre pays. Non seulement on n’a
pratiquement pas grand-chose à gagner mais tout à perdre. En tous les cas et jusqu’à
présent non seulement nous n’avons pas gagné grand-chose de cette libéralisation, mais
nous avons beaucoup perdu avec l’UE et la ZALE. Toujours dans ce cadre une autre
conséquence néfaste, et qui a effectivement été très dommageable aux EPE et donc au
budget de l’Etat, des conditionnalités du FMI est l’interdiction de l’activité d’importation
aux EPEs en même temps que la dissolution des entreprises publiques importatrices,
remplaçant ainsi des monopoles publics par des monopoles privés (!) : nombreux parmi
les importateurs ne payent pas d’impôts, la qualité des produits importés par le privé
n’est pas, faute de moyens, toujours contrôlée, l’Algérie est devenue la poubelle de la
mondialisation, à travers les importateurs privés… : où est alors le supposé gain
d’efficience que le FMI et autres experts ultra-libéraux continuent de promettre. Par
contre si on avait permis aux EPEs de s’adonner à l’activité d’importation (ciblée)
parallèlement à leur activité de production, cela aurait soulagé le budget de l’Etat du
fardeau des sempiternelles assainissements financiers de ces entreprises, aurait donné
l’opportunité à ces dernières de forger de solides liens avec les fournisseurs pour
d’éventuels partenariats de production et/ou d’investissement, et enfin cela aurait donné
la possibilité aux autorités publiques de faire face à la mafia des importateurs (supposons
que la volonté politique existe), de réguler les marchés et éviter les ruptures de stock
organisées, notamment celles par la mafia des importateurs des médicaments comme cela
12
13
a été récemment le cas dans le pays.
Quant à la politique de l’emploi, celle-ci est pratiquement inexistante. Il y a bien eu une
diminution assez significative du chômage24 mais cela est du non pas à la politique de
libéralisation, somme toute relative, du marché du travail, ni à une politique structurelle
de l’emploi, mais plutôt à une gestion conjoncturelle et au coup par coup du chômage.
Par ailleurs, le chômage est resté pendant longtemps, à un niveau très (trop) élevé. Plus
encore, on peut dire que le taux de chômage a même augmenté d’une moyenne de 20%
environ de 1987-1992 à une moyenne de 30% environ après la mise en œuvre des
politiques de stabilisation !!! Le taux du chômage qui était de 19,8% en 1990 est passé à
29,9% en 2000. Ainsi, une croissance économique insuffisante et une croissance
démographique trop rapide ont entraîné une aggravation accentuée du chômage. Le
problème cependant est que cette réduction du chômage risque de ne pas être soutenable.
En effet, la croissance que connaît l’économie algérienne à l’heure actuelle, n’est pas à
notre avis une croissance soutenable dans le temps, car elle est supportée essentiellement
par une demande globale de plus en plus importante, surtout depuis le lancement des
trois plans de relance.
En effet et comme on l’a signalée plus haut, le multiplicateur (en économie ouverte) des
dépenses (supplémentaires dues au plan de la relance), ne peut avoir un effet positif
important et surtout durable, sur le PIB… que si cette demande est satisfaite, au moins en
grande partie, par l’appareil productif national.
Ceci n’a malheureusement pas été le cas pour notre pays, puisque non seulement les
importations ont énormément augmenté, mais en plus beaucoup de projets ont été cédés à
des sociétés étrangères non résidentes et qui ont tendance à importer même leur main
d’œuvre. C’est ainsi qu’une très grande proportion des logements qui devaient être
construit sous les plans de la relance, l’a été par des sociétés chinoises et on sait que ces
sociétés importent leur main d’œuvre (même les manœuvres) et il est claire que ces
ouvriers ne vont pas dépenser la totalité de leur salaires dans le pays et même si c’était le
cas, une grande partie de leur demande aurait été satisfaite par les importations.
De plus ce sont des occasions manquées pour les entreprises algériennes pour acquérir
plus d’expertise et donc des occasions perdues pour créer des entreprises algériennes très
compétitives même au niveau mondial, c'est-à-dire créer des champions nationaux
comme tous les pays développés et émergents le font par patriotisme économique. Dès
lors l’accélération, somme très relative, de la croissance économique que connaît
l’Algérie à l’heure actuelle, ne peut être une croissance soutenable puisque portée non
pas par les entreprises algériennes, résidentes, mais par des dépenses publiques, tant que
la manne pétrolière le permet.
En
conclusion
nous
pouvons
dire
que
les
politiques
de
stabilisation/libéralisation/privatisation qui étaient supposées être un programme de
croissance, être les pré-conditions d’une croissance économique satisfaisante, n’ont pas
eu les résultats escomptés, puisqu’elles ont très souvent abouti à un déclin de la
croissance tel par exemple en Russie dans les années quatre-vingt-dix, et telle qu’en
Algérie où, au mieux, elle n’ont abouti qu’à une stagnation de la croissance autour de
3%, croissance tirée, en réalité par le secteur des hydrocarbures et en tout cas inferieure à
celles de nos voisins immédiats : le Maroc et la Tunisie, qui eux n’ont pas les ressources
dont nous disposons. Ces taux de croissance sont bien inferieur à ceux réalisés par le
pays durant la période socialiste que les programmes du FMI étaient supposés remplacer
afin d’obtenir des taux de croissance plus enlevés et capables au moins de résorber le
13
14
chômage. Il est vraie qu’après une décennie de décroissance du revenu national par tête,
il y a eu trois années consécutives de croissance de ce dernier (certes modeste mais
positive quand même), après le début de l’application du PAS imposé par le FMI : 1995,
1996, 1997. Cependant les taux de croissance économique de la période 2000-2004, et
jusqu'à nos jours, et bien que positifs, sont loin d’avoir répondu aux attentes et
espérances, considérant les efforts et les sacrifices consentis25, car la croissance
économique qui était déjà à un niveau modeste est passée maintenant à un niveau très
modeste pour ne pas dire médiocre c’est ainsi par exemple, que d’après le gouverneur de
la banque centrale «La croissance économique enregistrée en 2009 s'est poursuivie au
même rythme qu'en 2008 (...) avec une croissance de 2,4% du PIB26».
Finalement et quant aux réformes institutionnelles, qui comme nous le signalerons
jamais assez, sont la condition sine qua non pour la réussite de la transition vers une
économie de marché, non seulement le FMI ne leur a pas accordé l’importance et la
priorité indispensables, mais il a en outre détruit certaines des plus importantes qui
existaient déjà dans le pays. Il en est ainsi de la suppression du ministère de la
planification, c’est-à-dire les yeux du pays du point de vue du développement
économique et social. Depuis cette suppression, le pays naviguait à vue (une très mal
vue) jusqu’à la création très récente du commissariat à la planification. Or tous les pays
(y compris les USA, temple du libéralisme) ont, d’une manière ou d’une autre, et sous un
nom ou un autre (planification indicative, administration de programmation, centre de
recherche prospective…) une structure qui s’occupe de la planification, ou de la
programmation ou de la prévision… dans la sphère économique et sociale. Alors
pourquoi est-ce que le FMI a obligé l’Algérie à se défaire de ce ministère? Parce que tout
simplement et comme nous l’avons déjà signalé, son objectif n’a jamais été et ne sera
jamais le développement de notre pays.
Conclusion
L’examen des quelques politiques économiques que nous avons passées en revue
jusqu’à présent, nous permet de faire les quelques remarques suivantes:
 Les limites de l’orthodoxie du consensus de Washington apparurent très vite
quant à leur objectif primordial et officiel, c'est-à-dire une croissance
économique satisfaisante.
 Quelle soit microéconomique ou macroéconomique, conjoncturelle ou
structurelle, expansive (de relance) ou restrictive (de rigueur, d’austérité), toute
politique économique, nécessite et appelle la présence et l’intervention de l’Etat
dans la sphère économique pour palier à l’incapacité de la main invisible du
marché à régler certains problèmes économiques et sociaux (chômage cyclique,
inflation, inégalités sociales…). Cela nécessite alors un Etat fort: fort par les
moyens importants qu’il met en œuvre (le budget notamment), fort par ses
institutions, fort par sa crédibilité, fort par sa compétence, fort par une bonne
gouvernance du pays… Ceci donc contrairement aux économistes intégristes qui
prônent un Etat ‘small’ et son désengagement de l’économie (et même dans
d’autres activités, telle que la sécurité, l’éducation…).
Cependant ces libéraux, n’hésitent pas, dès qu’il y a une crise, à réclamer, exiger
l’aide et donc l’intervention de l’Etat comme dans la dernière crise financière
internationale de 2007-2008 et qui a vu pratiquement tous les Etats des pays
14
15
concernés se porter au secours de leur banques, de leurs entreprises (en Europe,
aux USA :General Motors, Chrysler, AIG, les banques…) et de leurs économies
respectives grâce notamment à des politiques budgétaires et monétaires
expansives. Tous les pays ont, souvent avec réticence lancé des programmes de
re-régulation des marchés financiers. Dès lors, Toutes les théories sur la
nécessite du retrait de l’Etat de la sphère économique et la dérégulation sont
totalement et désormais obsolètes, inopportunes et même catastrophiques.
 Le succès de toute politique économique, et ce quelle que soit sa force ou sa
qualité, dépend de deux choses en particulier: d’abord de la volonté, réelle ou
apparente, forte ou faible, honnête ou démagogique…, de l’Etat à exécuter la
politique économique choisie et ensuite et surtout de l’existence, de la qualité, de
la compétence et de la crédibilité des institutions nécessaires : institutions
adéquates pour le diagnostic de la situation économique, institutions adéquates
pour la conception et la préparation de la politique économique, institutions
adéquates pour l’exécution de la politique choisie, institutions adéquates pour le
control et le suivi de la mise en œuvre, et enfin institutions adéquates et surtout
indépendantes, pour l’évaluation des résultats obtenus.
Mais c’est malheureusement ce qui manque à l’Algérie: des institutions
adéquates, compétentes, crédibles, indépendantes, transparentes, performantes,
honnêtes et surtout des institutions stables. Le déficit institutionnel en Algérie est
énorme et très handicapant pour le développement économique, social, culturel
et politique du pays. La stabilisation macroéconomique, et les autres réformes
telles que la libéralisation et la privatisation de l’économie, à elles seules ne sont
pas suffisantes pour obtenir une croissance soutenable et satisfaisante. Il faut en
plus créer de nouvelles institutions, ou changer celles qui existent, afin de créer
un cadre favorable à un fonctionnement efficient d’une économie de marché,
c'est-à-dire un cadre qui soit ‘business friendly’: des organes permanents de
régulation et de promotion de la concurrence, structures du contrôle de qualité
des biens et services produits dans le pays, mais également et surtout les produits
importés, des organes d’information, un système éducatif efficace, une justice
indépendante et crédible où prévalent la transparence, l’honnêteté et l’efficacité,
la primauté du droit, des organes permanents et dotés des pouvoirs nécessaire à
une lutte continue contre la corruption, une administration beaucoup moins
bureaucratique, plus efficace et plus respectueuse, et à l’écoute, des citoyens…
De nos jours l’importance des institutions pour la croissance économique, en fait
pour tout développement économique, social, politique… n’est plus à démontrer.
Il existe en effet un lien très fort entre des institutions performant efficacement et
la croissance27. Malgré le débat sur la primauté des politiques économiques ou
des institutions, dans la promotion de la croissance économique, il n’en demeure
pas moins que la plupart des économistes estiment que des institutions adéquates
et efficientes jouent un rôle clé dans la croissance économique, car elles sont
indispensables pour la mise en œuvre, le suivi, et l’évaluation des réformes
mêmes. Le degré de capacité institutionnelle a un impact potentiel et direct sur
les investissements et donc sur la croissance, et une forte corrélation entre la
qualité institutionnelle et la croissance a été observé28. Il a été également
observé que des réformes et politiques économiques accompagnées par des
réformes institutionnelles réussies, conduisent à une croissance du revenu par
tête plus rapide que des réformes économiques seules on accompagnées par des
institutions dont la qualité est médiocre. Des institutions efficaces sont donc
15
16
indispensables au bon fonctionnement d’une économie de marché et en vue d’un
bon développement économique et social.
 La stabilité macroéconomique est un facteur clé du processus de transition vers
une économie de marché, et c’est l’une des rares politiques qui ait été appliquée
avec un succès relatif par notre pays, pendant un certain temps tout au moins,
après le début des réformes de transition. Cependant la stabilité
macroéconomique ne doit pas être une fin en soi, mais bien plutôt un instrument
au service de la croissance et de la stabilisation de la cherté de la vie, pour les
couches sociales moyennes et pauvres en particulier, ce qui n’est pas le cas chez
nous, pour le moment. Dans le cas particulier de l’Algérie qui s’est engagé
depuis 1994 (depuis l’arrivée en force du FMI dans le pays), ce qui compte et ce
qui est important, c’est ce à quoi elle sert, et c’est, si, pourquoi et comment, le
gouvernement s’en sert pour promouvoir la croissance économique en assurant
le succès des autres réformes complémentaires. Autrement, les sacrifices que le
pays doit faire pour cette stabilisation seraient vains, d’autant plus que tous les
secteurs de l’économie en sentiront les effets, souvent très douloureux : cherté de
la vie, blocage des salaires et donc diminution des salaires réels et du pouvoir
d’achat, des taux d’intérêt très élevés et donc très contraignants et même
handicapants pour les entreprises publiques et privées à la fois… Il ne sert dès
lors à rien, de maintenir la stabilité macroéconomique à tout prix, comme l’a fait
l’Algérie depuis 1994 jusqu’à récemment, si en même temps une politique
sérieuse cohérente et adéquate de croissance et de développement économique et
sociale n’est pas mise en œuvre, l’objectif ultime devant être le bien être de la
population à travers une croissance satisfaisante.
 En effet, force est de constater que plus de deux décennies et plus d’une
douzaine de gouvernements, après le début du processus, la transition vers une
économie de marché qui était un des objectifs des réformes et politiques
économiques engagées par l’Algérie (y compris les réformes de stabilisation
macroéconomiques), est loin d’être achevée, et une augmentation significative
de la croissance cela, l'Algérie souffre toujours d’un grand taux de chômage et
connaît une aggravation de la pauvreté. Aucun des gouvernements qui se sont
succédés (excepté le gouvernement de Mr. Mouloud Hamrouche), depuis le
début de la transition, n’a eu un programme économique tant attendue et
espérée, ne s’est pas matérialisée. Au lieu de d’ensemble cohérent et claire, ni
adopter un calendrier clair pour la transition, ni renforcer cette dernière à l’aide
d’une législation claire et sans ambiguïtés. Plus grave encore est le fait que les
autorités ne parviennent pas à persévérer dans la mise en œuvre des réformes de
transition à un moment où ils commencent à perdre les bénéfices de la macro
stabilisation de l’environnement économique et perdre en particulier le contrôle
de l’inflation. Mais malgré ce mauvais constat ou ces faits économiques du pays,
le FMI n’arrête pas de donner des satisfecit à l’Algérie en matière économique,
pratiquement annuellement, surtout depuis les années 2000. Très récemment
(octobre 2010) lors d’une mission du FMI, conduite par son directeur général, ce
dernier a déclaré que « la performance économique» de l'Algérie était bonne, que
«Les performances macroéconomiques restent solides en 2010», et qu’enfin
l'Algérie est un «pays où l'économie fonctionne29…». En outre « le FMI soutient
que les politiques macroéconomiques prudentes suivies par le passé ont permis à
l'Algérie de constituer une position financière confortable avec des niveaux
16
17
d'endettement très faibles.» Le même jour où ces déclarations sont faites, le
Doing Business 2011 [la facilité ou non avec laquelle on peut faire des affaires :
le climat des affaires], confectionné par la Banque mondiale et la Société
financière internationale (SFI), accordait à l'Algérie une tristounette 136ème
place, très loin derrière la Tunisie, première du Maghreb, qui se classe à la
55ème place30 ».
 Il est très important de noter que les politiques économiques telles que
recommandées/exigées par les institutions commerciales et financières
internationales (OMC, FMI, Banque Mondiale…), sont certainement précieuses
et appréciables, elles méritent d’être sérieusement considérées, mais ne doivent
être considérées que comme des solutions parmi d’autres solutions possibles, et
qu’en tant que telles, elles ne doivent en aucun cas être appliquées aveuglement,
et surtout pas à la lettre. Toute réforme mise en œuvre selon les recettes des
ultralibéraux de ces institutions (qui préconisent une dérégulation totale des
marchés), peut avoir des conséquences non seulement économiques mais
sociales et politiques désastreuses. En effet, de nombreux économistes, et parmi
eux, l’Américain Joseph Stiglitz, ancien Chief Economist et Vice-président de la
Banque Mondiale, ont sévèrement critiqué les politiques économiques des du
FMI et doutent fortement que celui-ci puisse être une source de recommandation
de bonnes politiques économiques. C’est ainsi qu’ils estiment que les
recommandations/exigences contenues dans le programme standard des réformes
du Fond (le fameux ‘Washington Consensus’), et en particulier la
recommandation de l’ouverture, trop prématurée, du compte capital de la balance
de paiements (c’est à dire la convertibilité totale de la monnaie nationale), d’être,
au moins en partie, à l’origine de la série de crises (désastres financiers) qui ont
traversé les pays émergents tels que le Mexique durant les années 1994-1995
(touchant sa monnaie nationale), les pays du Sud Est Asiatique : 1997-98 (crise
financière), la Russie en 1998 (cessation de payement de sa dette extérieure),
l’Argentine en 2002 (qui a connu une dépression sans précèdent depuis 1930,
due notamment à la cessation de paiement de la dette extérieure du pays), le
Brésil (qui a été sauvé d’une catastrophe financière, vers le milieu des années
1990, grâce un prêt du FMI justement, de 30 milliards de dollars, le plus grand
prêt, de l’histoire du Fond, qui ait été jamais fait), et enfin certains autres pays de
l’Amérique Latine tels que : Uruguay, Paraguay, Colombie31… Elles doivent
être, dès lors, et dans tous les cas, soigneusement étudiées et analysées, être
notamment, filtrées à travers la réalité et la spécificité algérienne, afin de les
adopter au contexte (économique, sociale, politique et historique…) algérien, en
ce qui concerne, leur forme, leur contenu, leur rythme, leur séquence… en tenant
impérativement compte, des expériences (avec leurs succès et leurs échecs) des
autres pays dans le domaine. Enfin elles doivent être appliquées avec intelligence
et circonspection. Pour cela un peu de patriotisme économique est non seulement
de rigueur, mais il est indispensable dans toute politique économique de notre
pays. En effet une théorie économique en adéquation avec les réalités locales
contribue au bien-être des populations beaucoup plus qu’une théorie importée
‘clés en mains’. Cependant et bien que les réformes prescrites par le FMI ne sont
que des conditions nécessaires et pas du tout suffisantes pour atteindre des taux
de croissance satisfaisant, le pays ayant opté pour une économie de marché et
ayant commencé la mise en œuvre de ces réformes, ne peut s’arrêter à michemin et a tout intérêt à continuer à approfondir et à compléter ces réformes,
17
18
mais comme on l’a dit plus haut, dans un esprit de patriotisme économique. Dans
ce cadre l’Algérie a besoin non pas d’un Consensus de Washington mais d’un
Consensus d’Alger, un minimum de consensus sur l’allocation de nos
ressources, sur les réformes économiques, sociales et surtout politiques à travers
notamment des réformes institutionnelles adéquates… et au diable l’OMC et
consorts (Arabes ou pas)… pour le moment, car la mondialisation veut dire,
surtout si le pays n’est pas prêt pour cela, que nous donnons notre accord, par
traité international, qu’on vienne piller nos ressources et exploiter notre peuple.
Les pilleurs et exploiteurs n’auront dès lors, plus besoin de le faire par la
colonisation physique ou autres formes d’intervention militaire…
Toutes ces mesures, pour pouvoir réussir à atteindre leurs objectifs, et s’inscrire dans
la continuité et être ainsi soutenable dans le long terme, auront besoin d’un soutien
populaire très significatif, surtout pour vaincre toutes les oppositions qui voient le jour
de la part de différents groupes d’intérêts qui vont tout faire pour défendre le statu quo et
préserver leurs privilèges et leurs intérêts qui seront menacés par les réformes. Pour
convaincre le peuple et rompre la méfiance totale de ce dernier a vis-à-vis du pouvoir, il
est indispensable que les Algériens, tous les Algériens reçoivent une juste part de la
croissance économique et qu’ils ne sont pas là uniquement pour payer les pots cassés en
cas de crise ou de catastrophe économique. Le soutien populaire pourra alors être obtenu
sans grande difficulté, si les réformes sont conduites, dans l’intérêt de tous les citoyens
et avec une grande transparence, si les conséquences positives et/ou négatives de ces
réformes sont distribuées avec une grande justice à travers toutes les couches sociales de
la population, si l’Etat s’engage sans équivoque dans une lutte sans merci contre le
cancer de la corruption et si enfin une véritable réforme de la justice est engagée dans le
sens de plus d’indépendance, de plus de compétence, de plus de diligence, plus de
transparence, plus d’honnêteté et d’efficacité et avec plus de… justice. La grande
question finalement est de savoir si le pouvoir a la volonté et est encore capable de
mettre en œuvre des politiques économiques et sociales as hoc pour faire face aux
frustrations et au mécontentement de la population. Autrement, les frustrations du
peuple, y compris de sa nouvelle classe moyenne, vont croître à ses risques et périls.
Pour éviter cela l’Etat doit absolument entreprendre des réformes politiques nécessaires
à une véritable ouverture démocratique débouchant sur un véritable Etat de droit.
18
19
Bibliographie
Stiglitz Joseph, 2002. Globalization and its Discontents. New York, W.W.Norton & Company, p.74.
Naím Moisés, 2000. "Washington Consensus or Confusion?” Foreign Policy, no. 118: 86-103.
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