164 Économie et Solidarités, volume 33, numéro 1, 2002
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Tiré de :
Économie et Solidarités
, vol. 33, no 1, Benoît Lévesque, Omer Chouinard et Brett Fairbairn,
responsables
S’agissant de décrire les conditions économiques et politiques dans
lesquelles (ré)apparaît ce nouveau champ disciplinaire, les auteurs parlent
(p. 23) d’un contexte «de lente et difficile gestation d’une Grande Transformation»
(Polanyi est souvent évoqué dans ce livre comme héros tutélaire), qui relancerait
la nécessité d’une approche rendant compte de l’économie comme totalité
sociale. Parallèlement, sur le plan épistomologique, ils inscrivent très explici-
tement la « nouvelle sociologie économique », en opposition tant à l’économie
néoclassique qu’à «l’ancien paradigme structuraliste », dans un mouvement
plus général de «basculement paradigmatique», qui se serait « opéré dans l’en-
semble des sciences sociales» (p. 186), basculement marqué par une «douce
revanche des acteurs sur les structures» (p. 23). Ils désignent par là le tournant
interprétatif et historiciste pris par certains secteurs des sciences sociales en
France dans les années 1980. S’agissant des possibilités d’une convergence, les
auteurs, dans leur conclusion, militent pour l’intégration de trois niveaux d’ana-
lyse inspirés chacun par une des grandes traditions sociologiques : la tradition
marxiste, renouvelée, pour l’analyse de la dynamique des rapports sociaux, la
tradition wébérienne pour l’analyse des formes institutionnelles assurant la
distribution des pouvoirs et les mécanismes de résolution des conflits, la tra-
dition de l’École française de sociologie pour l’analyse de l’organisation et des
questions de coordination, d’apprentissages collectifs, de routines… Reprenant
à leur compte la critique de ce qu’ils appellent le «paradigme critique» en socio-
logie, les auteurs plaident pour une sociologie économique qui ne soit pas une
simple analyse, une simple déconstruction, mais également un outil pour l’action,
un des enjeux, écrivent-ils, étant d’«offrir aux décideurs une vision plurielle, mais
cohérente des enjeux actuels» (p. 207).
Nous sommes donc en présence d’un ouvrage qui n’est ni un simple bilan,
ni une histoire sociale de l’émergence et du développement d’un sous-champ
des sciences sociales, mais qui, à partir d’une recension d’un certain nombre
de travaux et d’écoles, propose une certaine définition et certains objectifs à la
sociologie économique. C’est un peu, à mes yeux, l’ambiguïté de l’ouvrage. Il
se présente comme un inventaire, mais il milite aussi pour une conception,
parmi d’autres possibles, de la sociologie économique. Du coup, on pourrait
reprocher à l’inventaire de ne pas toujours refléter fidèlement la réalité et
l’importance effective des recherches.
Pour le domaine anglo-saxon, on pourrait reprocher à cette présentation
de ne pas avoir réservé la place qu’elle mérite à la New Economic Sociology
étatsunienne qui reste, à l’échelle mondiale, le principal foyer de la nouvelle
sociologie économique. Elle a pris naissance dans de tout autres circonstances
économiques et universitaires que celles que décrivent les auteurs lorsqu’ils
parlent de «basculement paradigmatique». Les différentes écoles qui la
constituent ont pris naissance dans les années 1970, pour certaines en écho
aux mouvements néomarxistes, féministes ou tiersmondistes, pour d’autres en
réaction à la crise de la sociologie parsonnienne, pour d’autres encore dans un