
Les enjeux commerciaux de cette croissance ont incité certaines entreprises à faire des questions
environnementales un moyen pour se différencier de la concurrence. Ainsi, pour Porter, la protection
de l'environnement ne doit pas être considérée comme une contrainte économique mais au contraire
comme une arme concurrentielle qui stimule l’innovation et la compétitivité, tant au niveau des
entreprises que des pays en avance dans ce domaine (Porter et Van Der Linde, 1995). Selon Karrh,
vice-président santé, sécurité et environnement de la société Du Pont de Neumours:«l’ultime
avantage compétitif est de rester dans les affaires quand les concurrents disparaissent. Dans la
prochaine décennie, beaucoup d’entreprises qui n’auront pas répondu à l’impératif
environnemental n’auront plus le privilège d’exister» (Karrh, 1990). Outre ces avantages
commerciaux et concurrentiels, les actions environnementales peuvent déboucher sur une
amélioration de la productivité des entreprises : réduction du volume des déchets à traiter, diminution
des pertes de matières et du gaspillage, économies d’énergies... À l’aluminerie québécoise de
Laterrière par exemple, la mise en oeuvre d’un programme de réduction des rebuts provenant du
secteur d’électrolyse et de coulée a permis de réaliser des économies de plus de deux millions de
dollars. Ce programme a principalement reposé sur l’implication des travailleurs de l’usine et n’a pas
exigé d’investissements ou de changements techniques majeurs.
La société électronique américaine Martin Marieta de réaliser en quatre ans, dans ses trois usines de
Floride, des économies plus de 30 millions de dollars grâce à des mesures centrées sur la recherche
du «zéro-déchet» et sur une démarche «d’amélioration continue» inspirées des approches de qualité
(Sammett, 1990).
QUALITÉ ET ENVIRONNEMENT: VERS UNE APPROCHE GLOBALE ET INTÉGRÉE
La plupart du temps, les économies consécutives aux actions environnementales résultent de la mise
en oeuvre de démarches préventives qui reposent sur des principes similaires à ceux utilisés en
gestion de la qualité: élimination des problèmes à la source, intégration des préoccupations
environnementales dans les opérations de production, responsabilisation de l’ensemble du personnel,
implication de la haute direction... Cette symétrie a conduit certaines entreprises à transférer, dans
la gestion environnementale, des approches ayant déjà fait leur preuve dans le domaine de la qualité.
Ainsi, pour réduire les émissions fugitives de composés organiques volatils (COV), qui contribuent
en particulier à la formation de l’ozone au sol, une usine de la division plastique de la société Union
Carbide a développé un programme de prévention basé sur le modèle de gestion de la qualité totale
conçu par le département de la défense américain (Bemowski, 1991). La mise en oeuvre de ce
modèle, qui repose sur une démarche «d’amélioration continue», a permis, dans certaines unités de
cette usine, de réduire les COV par cinq.
Pour comprendre la solidarité entre la gestion de la qualité et la gestion environnementale, il convient
de préciser les grandes étapes de leur développement. La plupart des spécialistes de la qualité
s’accordent en effet pour définir l’évolution des pratiques dans ce domaine comme un processus de
plus en plus global et intégré, dans lequel la participation des employés et la prévention sont
appelées à jouer un rôle prédominant (Kélada, 1991; Stora et Montaigne, 1986; Jouslin de Rosnay,
1989; Teboul, 1990; Hermel, 1989). Autrefois perçue comme une fonction technique, dont la
responsabilité était confiée à des spécialistes, la qualité s’affirme aujourd’hui comme une
préoccupation globale, qui nécessite l’implication de tous et de chacun pour prévenir les non-
conformités à la source, le plus en amont possible des procédés. De façon symétrique, plusieurs