Terminale Scientifique Enseignement obligatoire SVT Sujet type I : Les lambeaux de lithosphères océaniques Alpines Dans plusieurs endroits de la chaîne Alpine, on trouve des lambeaux de lithosphères océaniques au sein d’une croûte essentiellement continentale. A l’aide d’arguments minéralogiques et sédimentaires, montrer que ces lambeaux sont les témoins de deux destinées différentes du plancher de l’ancien océan Alpin, puis, à l’aide d’arguments tectoniques, évoquer les mécanismes par lesquels ils se trouvent actuellement éparpillés au sein d’une lithosphère en grande majorité continentale ; tous ces phénomènes seront datés. Les mécanismes précoces de « rifting » ou les mécanismes tardifs de « genèse des diapirs granitiques » ne seront pas traités. Une organisation de la composition (avec introduction et conclusion) est attendue et deux schémas soigneusement réalisés sont exigés : l’un montrant les 2 devenirs des lithosphère océaniques de l’ancien océan Alpin et l’autre montrant les reliques de ces lithosphères océaniques dans un schéma des Alpes correspondant à la période actuelle. Introduction On trouve dans de multiples endroits des Alpes, souvent dans sommets alpins (Chenaillet, Queyras, Mt Viso) des roches qui par leurs associations minérales sont incontestablement des roches de lithosphères océaniques. L’étude des associations minérales de ces roches permet de qualifier le métamorphisme qu’elles ont subi. On peut alors déduire les pressions et températures auxquelles elles ont été soumises. Quelles sont alors ces destinées dont témoignent ces conditions de pression et de température ? Comment enfin expliquer leur morcellement actuel au sein d’un matériel fondamentalement différent (croûte continentale). L’étude des déformations en surface ou en profondeur grâce à la sismique réflexion (= marqueurs tectoniques) permet-elle d’expliquer la localisation actuelle (en altitude) de ces fragments ? I. Les lambeaux Alpins trouvés au Chenaillet (Briançonnais) 1/2 contT422 1) les ophiolites : les témoins d’une lithosphère océanique [ Dans les Alpes franco-italiennes (Briançonnais) affleurent un cortège de roches nommées ophiolites (de ophis, serpent). Bien visibles au Chenaillet (près de Briançon), cet ensemble ophiolotique est constitué de haut en bas : + de basaltes en coussins (= pillow-lavas) associés un peu plus bas à des basaltes filoniens, + de gabbros + de péridotites serpentinisées Cette série de roches correspond à une lithosphère océanique : croûte océanique (basalte + gabbros) + manteau supérieur (péridotites) ; les ophiolites sont donc les vestiges de l’ancienne lithosphère océanique. 2) une couverture sédimentaire siliceuse : les radiolarites Toujours au Chenaillet, on peut récolter une roche siliceuse rouge constituée de test (= coquilles) d’organismes microscopiques : les radiolaires. Or on sait que dans les océans, en dessous de -4 000 m , le calcaire ne peut pas se former (= seuil de compensation des carbonates). Ces sédiments de nature siliceuse attestent donc de profondeurs importantes. 3) le métamorphisme des lambeaux du Chenaillet : basse pression et de basse température [ Les gabbros du Briançonnais sont toujours métamorphisés : ce sont donc en fait des métagabbros. Certains contiennent une amphibole brune, la hornblende (minéral formé à partir des pyroxènes et des feldspaths plagioclases) et d’autres de couleur verte contiennent une amphibole verte (l’actinote) et de la chlorite : ce sont des métagabbros du faciès des schistes verts. Ces transformations se sont faites à l’état solide (= métamorphisme) lors du vieillissement de la croûte lithosphérique sous l’effet conjugué de l’hydrothermalisme (circulation de l’eau de mer dans la croûte) et de la diminution de la température. Ces minéraux (actinote, chlorite) témoignent d’une hydratation intense de la lithosphère océanique au cours de son vieillissement. [ Il en est de même Figure 1 : fermeture de l’océan alpin : subduction et obduction pour les péridotites Lithosphère océanique obduite serpentinisées : dans Ophiolites du faciès des « schistes ces roches, les pyroxè- verts » à chlorite et actinote Lithosphère océanique subduite nes et les olivines ont été soumis à une intense altération hydrothermale et sont entourés d’un minéral vert hydraté : la serpentine Métagabbros du faciès des (d’où le nom de la « schistes bleus » à glaucophane roche, serpentinite). Eclogites à jadéite et à grenat [ Rapportées dans un diagramme Pression température, ces associations minérales témoignent de températures faibles (refroidissement de la lithosphère océanique) et de pression faible. Cette lithosphère n’a donc jamais « plongé » dans l’asthénosphère. On date de - 180 Ma à - 100 Ma la formation de cette lithosphère (expansion océanique). 4) interprétation de ce métamorphisme [ Ces fragments retrouvés aujourd’hui en altitude résultent du charriage sur la marge européenne de la lithosphère continentale d’un fragment de la lithosphère océanique : on nomme obduction ce mécanisme. La première destinée de la lithosphère océanique est donc l’implication dans un mécanisme d’obduction (cf. figure 1). Terminale Scientifique Enseignement obligatoire SVT II. Les lambeaux Alpins trouvés dans le Queyras et le Mt Viso 1) les associations minérales des roches du Queyras et du Mt Viso [ Dans le Queyras, on trouve des métagabbros du faciès des schistes bleus (ou schistes bleus). La couleur de ces roches est due à une amphibole : la glaucophane qui s’est formée par réaction entre les pyroxènes et les plagioclases (et aussi chlorites et actinote). Ce type de réaction se traduit par une déshydratation. [ Dans le Mont Viso en Italie, on trouve des éclogites ; dans ces roches apparaissent des pyroxènes verts (= jadéite ) et des grenats. Ces réactions s’accompagnent encore d’une perte d’eau (déshydratation). 2) recherche des conditions P T relatives à ces associations minérales du Queyras et du Mt Viso [ Des expériences de laboratoire ont montré que la glaucophane des « schistes bleus » se formait dans des conditions de haute pression, basse température correspondant à des profondeurs de 30 à 50 Km. [ Des expériences identiques ont montré que l’association minérale caractéristique des éclogites indique des conditions de Pression encore plus intenses correspondant à des profondeurs de 50 à 90 Km. 3) interprétation des conditions PT (Pression, Température) révélées par ces roches [ Les associations minérales sont caractéristiques, nous l’avons dit d’un métamorphisme de haute pression et de basse température. Ces conditions témoignent de la disparition de la lithosphère de l’océan alpin dans une zone de subduction. On date cette subduction dans les Alpes au début du Tertiaire (-70 à -50 Ma). Par ailleurs le métamorphisme de haute pression a une répartition géographique remarquable dans les Alpes: schistes verts à l’Ouest, puis en allant vers l’Est : schistes bleus et éclogites. Cette intensité du métamorphisme d’Ouest en Est (donc de l’enfouissement) laisse penser les géologues que c’est la plaque Européenne qui a plongé sous la plaque Adriatique. La deuxième destinée de la lithosphère océanique est donc l’implication dans un mécanisme de subduction (cf. figure 1). ==> Obduction et subduction sont deux mécanismes qui participent à la fermeture de l’océan. III. Des lambeaux remaniés par la collision Alpine 1) les marqueurs tectoniques de la collision [ A l’affleurement, on observe des déformations (de surface) : + des plis quand la nature des roches et leur température a permis aux déformations d’être souples, + des failles inverses quand les déformations ont induit la fracturation des roches, + des chevauchements quand les forces très importantes transportent un ensemble de roches sur un autre, + des charriages quand ces déplacements ont été de très grande ampleur en volume et en distance (plusieurs dizaines de kilomètres). [ Par ailleurs, ces déformations peuvent être Figure 2 : collision : des lithosphères réduites en lambeaux mises en évidence, en profondeur grâce à l’élambeau obduit écailles tectoniques chographie sismique (sismique réflexion). lambeau subduit Cette technique montre également un épaississement important de la croûte (=épaississement crustal) ; il peut atteindre 50 à 70 Km de profondeur à l’aplomb des grands massifs ; il se manifeste en surface par des reliefs élevés (du moins pour les chaînes récentes) et dans sa partie basse par la racine crustale. Cet épaississement résulte de l’empilement en profondeur de portions de lithosphères appelées écailles tectoniques (cf. figure 2) ; cet empilement de nappes de roches porte le nom de prisme de collision. La conséquence de cet épaississement de la croûte continentale par écaillage est la plongée du Moho (= discontinuité chimique entre croûte et manteau) de l’extérieur vers l’intérieur de la chaîne jusqu’à une profondeur de 60 Km. 2) des déformations à la formation des lambeaux de lithosphère océanique [ Cet épaississement de la croûte continentale et les déformations de surface qui lui sont associées est la conséquence de son raccourcissement sous l’action des forces de compression liées à la collision. [ On a vu qu’une lithosphère océanique subissait une subduction, la lithosphère continentale qui la prolonge, de densité moins élevée que celle de la péridotite du manteau ne peut être entraînée dans une subduction. La subduction étant bloquée, la lithosphère continentale se rompt et se découpe en écailles tectoniques. Des minéraux trouvés dans une lithosphère continentale du massif de Dora Maira en Italie (coésite associée à de petits diamants) témoignent des Ultra Hautes Pressions qui se produisirent lors de cet écaillage, UHP interprétée comme suture des blocs continentaux qui s’affrontent. C’est lors de ces mouvements que les lithosphères subduite et obduite sont laminées et réduites en lambeaux (figure 2). [ Les roches métamorphiques de la lithosphère subduite vues précédemment (chapitre II) ont dû être rapidement remontées à la surface pour que les traces de leur métamorphisme haute pression / basse température aient été conservées. En effet quand les forces compressives cessent et sous l’effet de l’érosion, la chaîne est allégée et on assiste à une remontée de la racine par compensation de masse (= isostasie). [ C’est grâce à l’érosion que les échantillons des lambeaux de lithosphère océanique peuvent être observés en surface. [ Le début de cette collision est daté à -40 Ma. Conclusion 2/2 contT422 Lors de la formation des Alpes, les lithosphères océaniques de l’océan alpin ont deux destinées différentes : l’une est charriée sur la lithosphère continentale (obduction), l’autre s’enfonce sous la lithosphère continentale (subduction). La phase de compression (= subduction continentale) permet la remontée en surface de ces formations profondes et lamine en lambeaux la lithosphère océanique. Il reste à savoir par quels mécanismes, un matériel très profond et dense (lithosphère océanique subduite) peut parvenir à atteindre la surface topographique et se retrouver au-dessus d’écailles continentales beaucoup plus légères.