ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE DOSSIER
Éducation du patient et douleur chronique :
une approche sociopsychoéducative comme complément
des stratégies multidisciplinaires de soins
Patient education and chronic pain: a social, psychological and educational approach
as a complement to multidisciplinary strategies of care
A. Deccache · D. Doumont · J. Berrewaerts · C. Deccache
Reçu le 16 novembre 2010 ; accepté le 17 décembre 2011
© Springer-Verlag France 2011
Résumé Introduction : À partir dune revue de littérature
relative aux stratégies de prise en charge multidisciplinaire
de la douleur chronique, cet article examine les aspects
éducatifs des interventions destinées aux patients.
Méthode : Revue de littérature (19932010) de programmes
de gestion de la douleur chronique et analyse détaillée des
composantes éducatives de 31 programmes éducatifs.
Résultats : La majorité des auteurs recommandent dintégrer
un volet éducatif dapprentissage dans les programmes, et la
majorité des programmes décrits incluent de tels volets.
Toutefois, il y a une réelle diversité dans la conception de
léducation du patient et dans ses applications pratiques.
Plusieurs programmes se fondent sur des visions mono-
disciplinaires, contrairement à lapproche multidisciplinaire
inhérente à léducation du patient. Cela conduit à des
malentendus, des limites, des zones dombre où tout le poten-
tiel de léducation des patients nest pas exploité.
Conclusion : Peu de programmes utilisent toutes les riches-
ses dune approche combinée, à la fois psychologique,
socioanthropologique et pédagogique, qui constitue léduca-
tion du patient. Des recommandations dobjectifs éducatifs,
de contenus et de méthodes sont proposées. Pour citer cette
revue : Douleur analg. □□ (□□□□).
Mots clés Douleur chronique · Programmes
multidisciplinaires · Gestion de la douleur · Éducation
du patient · Modèles théoriques
Abstract Introduction: Starting from a literature review of
strategies for multidisciplinary care in chronic pain manage-
ment programmes, the present paper studies the educational
aspects of interventions designed for patients.
Method: Literature review of chronic pain management
programmes (19932010), and detailed analysis of the
components of 31 patient education programmes.
Results: A number of authors recommend that educational
and learning interventions should be included in chronic
pain management programmes, and many programmes do
include such interventions. Yet, there is a real diversity of
theoretical views of education and in their practical imple-
mentation. Several programmes are founded on a mono-
disciplinary view of education, AQ: Please review the
copyeditors rewrite; is it okay? which is in opposition to
the multidisciplinary foundations of patient education. This
leads to misunderstandings, limitations and twilight zones
and to a misuse of the potentialities of patient education.
Conclusion: Few programmes use all the variety of combined
approaches, from psychology, socioanthropology and peda-
gogy, that make patient education. Recommendations are
made about objectives, contents and methods of such pro-
grammes. To cite this journal: Douleur analg. □□ (□□□□).
Keywords Chronic pain · Multidisciplinary programmes ·
Pain management · Patient education · Theoretical models
Introduction
La douleur chronique est, dans les pays industrialisés, la
cause la plus répandue de handicap à long terme. Près de
30 % des gens font lexpérience, à un moment donné de
leur vie, dune douleur chronique sévère [Brookoff,
2001 cité in 16]. Cependant, plusieurs études, rapports et
déclarations suggèrent que toute une série de douleurs,
dont les douleurs chroniques non cancéreuses, restent sous-
diagnostiquées et sous-traitées [16].
A. Deccache (*) · D. Doumont · J. Berrewaerts · C. Deccache
UCL-RESO, Patient and Health Education,
Health and Society Institute IRSS,
université catholique de Louvain, Belgique
Douleur analg.
DOI 10.1007/s11724-011-0230-3
Même si la « douleur » reste une des plaintes le plus
souvent rencontrées en pratique médicale, on rencontre
encore une connaissance professionnelle insuffisante de ses
manifestations et de sa prise en charge.
Dans de nombreux cas, on a pris en charge de manière
inadéquate et inefficace les patients douloureux chroniques.
Certains médecins acceptent leurs plaintes demblée, surpre-
scrivent des médicaments et réalisent des examens répétitifs
dans lespoir vain de trouver un simple problème anato-
mique à la base de la douleur. Les comorbidités sont souvent
ignorées. La situation opposée se présente également, et
certains médecins croient que toutes les plaintes de douleur
sont dorigine psychologique et donc les rejettent. On rencon-
tre encore des patients avec des problèmes manifestes, diag-
nosticables, provoquant des douleurs répétées, pour lesquels
des thérapies potentiellement efficaces existent, et qui ont été
catalogués comme « patients psychosomatiques » [19].
Aux Pays-Bas, 20 % des plaintes auxquelles le médecin
de famille est confronté se rapportent à des problèmes de
douleurs chroniques, notamment dorsales. En Belgique, la
situation est similaire : 35 % des patients interrogés dans
une étude [5] ont une expérience négative quant à la capacité
de leur médecin traitant à prendre en charge leur problème
douloureux de façon satisfaisante, que ce soit à travers une
impression de non-prise au sérieux ou un manque de temps
consacré, ou encore à travers une attitude empreinte de
fatalisme ou de manque de créativité, voire une impression
dincompétence.
Roth et al. [26] mettent en évidence que certains types de
patients sont plus insatisfaits que dautres. Bien que variable
en fonction du type de douleur, linsatisfaction des patients
concerne principalement la dimension « cognitive » de la
prise en charge, cest-à-dire les informations fournies durant
les rencontres médecinpatient (par exemple, « le médecin
ma dit tout ce que je voulais savoir sur ma maladie. Le
médecin ma dit le nom de ma maladie en des mots que je
pouvais comprendre »). Ils expriment davantage dinsatis-
faction que sur les efforts du médecin pour traiter leur
douleur. Ces résultats mettent laccent sur limportance de
léducation du patient comme composante des interventions
de douleur chronique.
Les douleurs chroniques, et particulièrement les cas résis-
tants, nécessitent une approche multidisciplinaire qui aborde
linteraction complexe des facteurs physiques, psycholo-
giques et sociaux qui contribuent à la douleur ou inter-
agissent avec elle. La création de « centres de la douleur »
a été une des réponses permettant une collaboration étroite
entre spécialistes, personnel infirmier, psychologues et
autres intervenants, avec le patient comme point central.
Selon le Livre blanc de la Belgian Pain Society [4], toute
douleur que le médecin généraliste (de première ligne) ou
le médecin spécialiste (de deuxième ligne) nest pas en
mesure de maîtriser, et qui est par conséquent adressée au
centre algologique, doit pouvoir être traitée par une équipe
spécialisée et multidisciplinaire.
Multi- ou interdisciplinarité et éducation du patient for-
ment une association indispensable en raison même de la
multifactorialité des comportements des patients auxquels
léducation tente dapporter une aide.
Il ressort de plusieurs publications que léducation du
patient est aujourdhui considérée comme un élément
dimportance dans les stratégies thérapeutiques dans la prise
en charge de la douleur chronique. Mais en même temps,
il semble quelle soit comprise et mise en œuvre de manières
diverses, voire contradictoires, et parfois inadéquates.
Quest-ce que léducation du patient dans les situations de
chronicité ? Quelle place peut-elle occuper dans la prise en
charge de la douleur ? Comment améliorer les programmes
thérapeutiques existants ?
Cest à ces questions que cet article tente de répondre, à
travers une analyse de la littérature scientifique des 16 der-
nières années, et des programmes éducatifs décrits dans les
traitements de la douleur chronique. Sensuit une confronta-
tion critique avec les expériences et enseignements issus de
léducation du patient chronique des 30 dernières années, et
de la manière dont lalgologie les implante et les applique.
Méthodologie
Cet article est fondé sur une double revue de littérature,
réalisée en collaboration avec lInstitut belge de la
douleurUPSA, le centre de lutte contre la douleur des clini-
ques UCL Saint-Luc (Pr L. Plaghki) et la société scientifique
de médecine générale (Dr M. Vanhalewyn) [5]. Cette base a
été complétée dun examen des publications pertinentes sur la
période 20042010.
Les articles retenus pour cette revue de littérature ont été
sélectionnés avec les mots clés patient education,chronic
pain,etmanagement program, à partir des bases de données
Medline, Current Contents, Francis, Doctes et Eric. Au total,
178 références pertinentes ont été obtenues. Quarante-sept
articles ont été retenus pour leur pertinence, intérêt et acces-
sibilité. Dans cet ensemble, seuls 31 articles décrivent
concrètement des programmes de gestion de la douleur chro-
nique en y incluant des aspects déducation du patient, et ont
été analysés en détail.
Objectifs, contenus, méthodes, intervenants et moyens
mis en œuvre sont rassemblés et décrits.
Prise en charge multidisciplinaire
de la douleur chronique : une place
imprécise pour les « stratégies » éducatives
En 1979, lInternational Association for the Study of Pain
(IASP) a introduit la définition la plus utilisée de la douleur :
2 Douleur analg.
« une expérience désagréable à la fois sensorielle et émotion-
nelle, résultant dune lésion tissulaire réelle ou poten-
tielle ou décrite en référence à une telle lésion ».
La douleur chronique est très souvent associée avec un
handicap physique, émotionnel et social. Une interaction
complexe entre ces facteurs contribue au maintien de la
douleur. De ce fait, le traitement devrait aborder les aspects
et/ou conséquences sociaux et psychologiques de la douleur
autant que ceux relatifs à une pathologie physique éventuelle.
Depuis plus de 20 ans, lutilisation dapproches thérapeu-
tiques multidisciplinaires de la douleur chronique est recom-
mandée [11,30].
Sur le plan de la prise en charge, il ressort que lapproche
médicale traditionnelle (analgésie pharmacologique, neuro-
chirurgie fonctionnelle, etc.) de la douleur chronique doit,
sauf exception, céder la place en faveur dinterventions de
nature psychologique (par exemple, thérapie cognitivo-
comportementale, TCC ou CBT) et sociale. Le maintien de
lapproche médicale traditionnelle, conçue et efficace pour
traiter la douleur aiguë, peut devenir contre-productive,
voire carrément néfaste dans le contexte de la douleur chro-
nique [23].
Le label « biocomportemental » a été attribué à ces moda-
lités de traitement. Il fait référence à des méthodes prouvées
et sûres, qui mettent laccent sur lautogestion et lacquisi-
tion dun autocontrôle, pas seulement sur les symptômes de
douleur mais aussi sur les attributions cognitives ou les
significations données aux symptômes. Ces méthodes ont
pour objectif de maintenir un niveau satisfaisant de fonction-
nement psychosocial, même si la douleur nest pas totale-
ment absente. De nombreuses modalités de traitement se
retrouvent sous le vocable de traitement biocomportemental,
les plus étudiées étant le biofeedback, la gestion du stress,
la modification comportementale, la TCC, la relaxation,
lhypnose et léducation [10]. Pour Katz [17] et Allaz [2],
très peu de patients ont besoin dune psychothérapie, et les
douleurs chroniques médicalement inexpliquées ne représen-
tent pas en soi une indication à une psychothérapie.
Léducation du patient (ou éducation thérapeutique du
patient) est ainsi mentionnée très tôt comme une composante
des approches thérapeutiques multidisciplinaires. Elle lest
comme une composante spécifique, alors que lexamen des
autres stratégies thérapeutiques, comme le présentent les
paragraphes suivants, montre que des aspects éducatifs
existent dans quasi toutes les approches.
Interventions psychologiques
Pour Katz [17], une gestion correcte de la douleur chronique
passe par la prise en compte des problèmes psychologiques
des patients. La dépression est fréquente (30 à 50 % des cas)
dans toutes les pathologies douloureuses persistantes non
cancéreuses examinées dans les centres de traitement de la
douleur [6].
Le traitement psychologique aborde les symptômes de
dépression et danxiété, et enseigne la gestion du stress. On
y aide les patients à apprendre des techniques cognitives et
comportementales pour améliorer leur perception et leurs
réactions face à leurs sensations et plaintes de douleur [22].
Pour certains même [17], un aspect essentiel de la gestion de
la douleur est darriver à « empouvoirer » les patients, cest-
à-dire les aider à apprendre quils peuvent aller mieux et que
leurs actions peuvent avoir un effet sur cette amélioration.
Or, lempowerment est un des processus clés de léducation
thérapeutique, conçue comme une aide à apprendre sa santé,
se lapproprier et maîtriser ce qui linfluence.
TCC
Les TCC sont centrées sur la modification des comporte-
ments (thérapies comportementales) ou la restructuration
des pensées dites « dysfonctionnelles » (thérapies cogniti-
ves), ou encore les deux.
Dans le modèle comportemental, le conditionnement
opérant est utilisé pour accomplir deux buts principaux :
diminuer la fréquence des « comportements de douleur »
et augmenter la fréquence des « bons comportements ».
Lobjectif principal des programmes comportementaux est
le reconditionnement du patient douloureux. Ici aussi le
conditionnement est une forme, souvent décriée, car parfois
manipulatrice (agissant sur le patient), déducation puis-
quelle vise à apprendre au patient à agir autrement. Entre
le conditionnement et lempowerment, on se retrouve aux
deux extrêmes du processus éducatif, lun percevant lédu-
cation comme « une action dapprentissage sur un patient »
et lautre comme « une action avec ».
Le modèle cognitivocomportemental de la douleur chro-
nique est également centré sur la façon dont les sentiments,
les attitudes et les croyances irrationnelles ou non influen-
cent la perception de la douleur. Ce modèle met laccent sur
lidentification (par les soignants et les patients) des systè-
mes de croyance irrationnels qui exacerbent ou maintiennent
la douleur, en visant à les remplacer par des attitudes et
croyances plus adaptatives. Ces techniques comprennent la
correction, la restructuration cognitive, la résolution de
problèmes, la refocalisation de lattention, lacquisition de
capacités interpersonnelles et la gestion du stress [24].
Elles font ainsi aussi référence à léducation mais intè-
grent la dimension psychosociale à lapproche de la douleur.
Les systèmes de croyances, les attitudes, sont par définition à
la croisée du psychique et du social, et sélaborent, tout
comme les représentations sociales sur lesquelles nous
reviendrons, par le traitement cognitif, le « filtrage person-
nel » dacquis sociaux (produits de léducation familiale et
culturelle). Ce faisant, on introduit le rôle et linfluence de
Douleur analg. 3
lappartenance sociale, de la pression sociale (à se comporter
de telle ou telle façon, en ce compris le ressenti et lexpres-
sion de la douleur), du soutien social (familial, social, et
soignant) dans lapprentissage de la réaction à et de la
gestion de la douleur, y compris la recherche daide et
de soins.
Restructuration cognitive
La composante cognitive précise la façon dont le patient se
représente la cause de sa douleur et son attitude vis-à-vis de
la douleur. Dans la restructuration cognitive, on examine les
effets du « style personnel dajustement », le coping, du sen-
timent defficacité personnelle (perception dune capacité
personnelle à réussir ses propres actions), du lieu de contrôle
(la perception que la santé et la maladie sont en partie du
moins en son propre pouvoir), des croyances et des émotions
sur le vécu et la prise en charge de la douleur, et on les intè-
gre dans les interventions thérapeutiques comme « objets de
soins et dattention » [20].
Lapproche cognitive souligne les effets du traitement
personnel dinformation sur lexpérience douloureuse. Elle
conceptualise la douleur comme un événement perceptif, qui
est le résultat de lintégration et de linterprétation à la fois de
stimuli sensoriels et psychologiques.
La thérapie cognitive donne un cadre aux patients pour
leur permettre dacquérir des capacités critiques afin de
gérer plus efficacement le stress et dêtre capables de gérer
et de défier les pensées négatives irrationnelles. Par cette
prise de conscience, le patient est capable de défier et de
changer sa perception, de diminuer son stress et sa réactivité,
daugmenter ses capacités dautogestion et damoindrir les
conséquences négatives et dangereuses du stress. Le pro-
cessus de restructuration cognitive influence positivement
la santé, la prévention de la maladie et la gestion de la
maladie [31].
Pour Wells-Federman et al. [31], les résultats dune thé-
rapie cognitive optimale permettent au patient, entre autres,
de prendre conscience de la relation qui existe entre cogni-
tions, émotions, comportements et physiologie, didentifier
les signaux dalarme physiques, émotionnels, et comporte-
mentaux du stress, de changer la façon dont il pense (ou voit
les situations) et dessayer des moyens alternatifs de parvenir
à une réduction dans lexcitation émotionnelle ou les symp-
tômes physiques et une augmentation dans sa confiance en
soi à gérer les situations stressantes.
Ces objets et effets attendus se situent en plein dans le
champ du processus éducatif, qui sétend ici à la prise de
conscience par le patient de ses perceptions, sentiments et
modes daction. La sensibilisation (éducation par le retour
sur soi, lexamen de son vécu) est le moyen éducatif géné-
ralement utilisé pour aider à la prise de conscience.
Biofeedback, relaxation, hypnose et imagerie
Techniques moins fréquentes que les précédentes, elles com-
portent aussi une part dapprentissage de la part du patient.
Le biofeedback utilise généralement un instrument de sur-
veillance afin de donner au patient des informations physio-
logiques dont il nest généralement pas conscient. Sur le plan
éducatif, il contribue à aider le patient à apprendre, non seu-
lement à faire, mais à comprendre.
La relaxation vise un contrôle du stress, aussi bien comme
facteur causal que comme facteur daggravation de la dou-
leur. Elle agit sur la tension musculaire, contribuant ainsi à
contrôler la douleur, le stress émotionnel, lestime person-
nelle, la tendance dépressive et le niveau dactivité, et sur
le sentiment de contrôle engendré par lapprentissage dun
moyen autonome de gestion de la douleur [21].
Méthodes de réhabilitation physique
Les traitements utilisés dans la réhabilitation physique com-
prennent le stretching, les exercices et la remise en forme
(pour améliorer la force, lendurance et la souplesse),
lentraînement de la démarche et du maintien postural, et
lergonomie et les mécanismes corporels [16]. Lexercice
est un composant important de la gestion de toutes les
conditions chroniques, et il inclut doffice une part dappren-
tissage, tant de techniques que dorganisation ou de motiva-
tion, etc. et donc déducation du patient.
Les modalités physiques comprennent également dautres
techniques, qui font moins appel à la participation du patient,
ou à ses actions personnelles propres (la simple application
de froid ou chaud, les ultrasons, la diathermie, la stimulation
électrique, la neurostimulation transcutanée (TENS),
lacupuncture, lauriculothérapie, etc.)
Approches multidisciplinaires
Lutilisation de plusieurs stratégies thérapeutiques, simulta-
nément, est le résultat des essais dapproches multidiscipli-
naires, chaque stratégie ayant ses origines dans une
discipline clinique et un mode dexplication des actions et
réactions des patients. La création de « centres de la douleur »
ainsi que des programmes multidisciplinaires de gestion de
la douleur a accéléré le développement dapproches combi-
nées multistratégies.
En Europe, les premiers « centres de la douleur » se sont
ouverts dès 1963 en Italie et dix ans plus tard en Belgique,
mais lapproche multidisciplinaire ny est intervenue respec-
tivement quen 1979 pour lItalie et en 1974 en Belgique.
Pour la « Joint Commission » [16], un programme type de
gestion de la douleur chronique comprend un diagnostic
médical, une évaluation du fonctionnement physique, une
évaluation psychosociale, une thérapie pharmacologique,
4 Douleur analg.
une réhabilitation physique, de léducation du patient, et des
approches psychologiques appropriées (par exemple, relaxa-
tion, biofeedback, entraînement des capacités à faire face,
psychothérapie).
Lombalgies chroniques et Écoles du dos :
archétype de lapproche multidisciplinaire
et multiprofessionnelle et des malentendus
conceptuels
Alors que les causes et les facteurs dinfluence multiples
(contextuels, cognitifs, comportementaux, sociaux, profes-
sionnels, psychologiques) des lombalgies chroniques
sont bien connues depuis longtemps, on constate une forte
disparité dans les conceptions quont les Écoles du dos de
léducation du patient. Plusieurs se limitent à des apprentis-
sages ergonomiques « déconomie du dos », de savoir ana-
tomophysiologique, dacquisitions de savoir-faire et de trucs
favorisant un maintien adéquatsans agir sur les conditions
cognitives multiples, sur les facteurs psychosociaux, ou
encore sur le contexte (surtout dans les lombalgies dorigine
professionnelle). Des échecs (ou réussites limitées) décou-
lent des programmes de ce type, y compris en milieu hospi-
talier et de soins, avec comme publics des professionnels de
santé qui ne font pas mieux que les patients habituels.
Henrotin et al. [15] relèvent que les contenus abordés
dans les Écoles du dos, en Belgique, sont : lanatomie, la
biomécanique vertébrale, les causes et traitements du mal
de dos et les principes déconomie rachidienne. Laspect
psychologique et lergonomie ne sont abordés de façon
spécifique que dans 35 % des cas, alors quun programme
dexercices pour le dos est inclus dans 80 % des programmes.
En outre, ces « Écoles » sont souvent standardisées, cest-
à-dire proposées à tous les patients concernés, de la même
manière, et sans adaptation personnelle.
Pourtant, plusieurs éléments complémentaires de contenu
sont particulièrement recommandés par certains auteurs.
Développer un programme quotidien dactivités dauto-
gestion et dexercice physique, les processus de coping,
lefficacité personnelle et la résolution de problèmes [29] ;
mettre laccent sur lapprentissage de stratégies de coping,
afin dévaluer la façon dont les patients les mettent en
application et avec quel degré de confiance ils le font,
détendre le répertoire des choix de coping des individus
en étendant les options de gestion de la douleur (exercice,
autodéclaration cognitive, modification dactivités et
dhoraire, relaxation), de diminuer les cognitions négati-
ves de coping (comme la catastrophisation), daugmenter
la confiance dans le contrôle sur les exacerbations de la
douleur [20] ;
inclure une éducation à propos du coping et des stratégies
efficaces de la douleur et des mécanismes de douleur, dont
on a déjà montré quelle permettait daugmenter efficace-
ment les capacités des patients, une éducation sur la signi-
fication et les différences entre les composantes affectives
et sensorielles de la douleur, des informations à propos de
la relation entre les stratégies de coping et les médica-
ments pour la douleur, ainsi que sur la façon dont on
peut utiliser des mécanismes de coping positifs plutôt
que négatifs [14] ;
intégrer des contenus de métaconnaissance et de savoir-
faire : se connaître et connaître les différentes composantes
du phénomène douloureux telles quelles se manifestent
individuellement (comprenant les dimensions physiques,
psychologiques et sociales), connaître et savoir appliquer
différents moyens de soulager la douleur, à adapter en fonc-
tion du type de douleur, savoir appliquer et adapter son
traitement en partenariat avec son médecin, savoir quand
faire appel au médecin (par exemple, quand une douleur
inconnue dure, quand un traitement nest pas ou plus effi-
cace) et établir une relation de confiance et un partenariat
avec lui, connaître le bon usage des médicaments prescrits
et non prescrits et comprendre leur bien-fondé et leurs
limites [7].
De telles recommandations élargissent le champ des
contenus éducatifs à aborder dans les Écoles du dos. Elles
intègrent les enseignements de la prise en charge dautres
problèmes de santé chroniques à la gestion de la douleur
chronique, en prévoyant dagir sur les facteurs cognitifs,
psychologiques, mais aussi psychosociaux et contextuels.
Éducation thérapeutique du patient
dans la douleur chronique
On le voit, les approches de type psychologique, comporte-
mental, ou même médical (pharmacologique) comprennent
presque toutes un ou des volets impliquant « une part
dapprentissage de la part du patient », ce qui correspond à
la définition reconnue de léducation du patient. La question
est de comprendre de quelle part il sagit, et quelle vision de
léducation sous-tend ces approches.
Cest dautant plus important que bon nombre de ces
aspects dapprentissage (ou déducation) ne semblent pas
reconnus par les professionnels comme « éducatifs », la
meilleure preuve étant que léducation des patients est consi-
dérée comme une des stratégies thérapeutiques de la douleur
chronique, placée aux côtés de celles citées ci-dessus.
Comme telle, elle est définie avec une certaine précision, et
ses contenus et méthodes décrits. En même temps, des
activités dapprentissage sont mentionnées dans les autres
stratégies thérapeutiques, montrant une confusion dans ce
qui est considéré comme éducatif ou non.
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