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Il est diffi cile de comprendre comment ces principes – ou une partie
d’entre eux au moins⁶ – peuvent être pensés à la fois comme condition de
la compréhension des textes anciens et comme justifi cation de la méthode
(ce qui en ferait une méthode naturelle). C’est parce que la pensée médié-
vale n’est pas sans commune mesure avec la nôtre que nous la comprenons ;
c’est aussi la raison pour laquelle nous pouvons la reformuler et la discuter.
Attachons-nous de plus près au principe de traductibilité, point central dans
le débat entre relativisme et absolutisme⁷, repris ici par Panaccio et appliqué
au champ de l’histoire.
Dans un article célèbre sur lequel Panaccio et Engel s’appuient, Donald
Davidson () s’attaque vigoureusement au relativisme conceptuel,
incarné notamment par omas Kuhn et Paul Feyerabend. Ce relativisme
conceptuel affi rme l’existence de schèmes conceptuels incommensurables
et intraduisibles entre eux (comme la physique newtonienne et la phy sique
relativiste). Ce relativisme des schèmes inquiète, car il pourrait impliquer
un relativisme de la vérité. Le vrai lui-même serait relatif à un système
conceptuel, à une culture ou à une langue, comme ont essayé de le montrer
Edward Sapir et Benjamin L. Whorf, par exemple. Contre cela, Davidson
oppose une série d’arguments dont le cœur est l’affi rmation de la nécessaire
unité de la raison et des croyances. Lorsque j’interprète un texte ancien ou
une parole d’un habitant de Nouvelle-Guinée, je ne peux faire autrement
que de lui attribuer certaines croyances et certains principes minimaux de
rationalité identiques aux miens, en suivant un principe de charité. C’est
une condition sine qua non de la compréhension et de l’interprétation. L’an-
thropologue serait dans cette situation face à une population indigène⁸,
comme l’historien de la philosophie médiévale face à un texte d’Ockham⁹.
L’idée est la suivante : si je veux comprendre un texte ou une pensée
étrangère, je dois comprendre son langage et être capable de le traduire
dans mon propre idiolecte. S’il existait des schèmes conceptuels entière-
ment diff érents, on ne pourrait ni les comprendre, ni les traduire. Or, selon
Davidson, une telle traduction est toujours possible. On ne peut pas même
imaginer une intraduisibilité partielle entre deux modes de pensée, car cela
demanderait de renoncer à comprendre l’interprétation comme l’attribution
Panaccio ne retient pas le principe de référentialité.
Sur ces étiquettes, voir Nef, .
Sperber, , p. : « [l’anthropologue] essaie d’accorder ce qu’il pense que les gens pensent
avec ce qu’il pense que lui-même penserait s’il était vraiment l’un d’eux ».
Engel, b, p. - : « La reconstruction rationnelle […] s’appuie sur l’idée que l’auteur
étudié suit certains principes minimaux de rationalité que nous partageons avec lui. »
RELATIVISMES ET JURISPRUDENCE