explication-Descartes

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Devoir n° 2 : Explication de texte , Descartes, Règles pour la direction de l’esprit, règle IV,
de les mortels …à capable de connaître.
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Le texte que nous allons expliquer est extrait de la règle IV des Règles pour la direction de l’esprit de Descartes. Le thème en est la
recherche de la vérité. Comment, se demande Descartes est-il possible d’atteindre la vérité, non pas de façon épisodique ou aléatoire,
mais chaque fois que nous la cherchons ? La réponse — et c’est là la thèse de Descartes — c’est que l’authentique recherche de la
vérité se doit d’obéir à une méthode. Cette méthode ne se confond pas avec le but, elle est la route qui conduit à ce but, le mode
d’emploi des instruments de la connaissance. Or va montrer Descartes la vérité peut être atteinte sans méthode de manière purement
empirique (c’est le sens de la première partie du texte qui va de « les mortels… » à (...) plus heureux ». Aussi, se pose le problème
de la nécessité de cette méthode. L’opposition entre la méthode et la démarche aveugle et empirique (objet de la seconde part ie qui
va de « or, il vaut jusqu’à la fin du texte ») ne suppose-t-elle pas que l’on espère un certain type de connaissance beaucoup plus
exigeante que la connaissance commune ? La méthode n’est-elle pas indispensable parce que notre exigence de savoir nous porte audelà de la simple nécessité quotidienne ?
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Dans une première partie du texte, Descartes décrit les procédés de recherche purement empirique. Tout d’abord il va se livrer à une
description méticuleuse de cette démarche (de « les mortels […] à [...] philosophe) puis en montrer la criante insuffisance (de certes
[…] à [...] heureux.). Cette seconde sous-partie forme une transition vers la deuxième partie du texte. À travers les critiques se
dessinent comme en creux les vertus de la méthode.
Dès le début du texte, Descartes place les hommes dans une situation paradoxale. Ce sont des mortels. Ce destin universel ne
marque-t-il pas notre finitude. Contrairement à Dieu l’homme est limité par sa courte existence. L’intérêt de Descartes pour la
médecine était aussi déterminé par l’espoir qu’il y plaçait quant à l’allongement de la durée de la vie. Le temps est un ennemi lorsque
la tâche consiste à reconstruire l’édifice du savoir dès les fondements (c’est bien là le projet cartésien tel qu’il est annoncé au début
des Méditations métaphysiques. Mais plus essentiellement contrairement à Dieu qui possède la vérité (qui est la vérité pourrait-on
dire), l’homme n’y accède que de façon médiate au terme d’un processus qui lui coûte de nombreux efforts.
Or cette finitude de l’homme, qui semble compromettre l’accès à la vérité va de pair, et c’est bien là le paradoxe avec un irrépressible
besoin de savoir. Ces mortels sont possédés d’une curiosité si aveugle nous dit Descartes. IL faut noter la forme passive. Les êtres
humains sont dominés, ils subissent cette curiosité. Ce désir de connaître peut nous évoquer la première phrase de la Métaphysique
d’Aristote (tous les hommes ont par nature le désir de connaître), mais ici Descartes semble insister sur l’aspect négatif de cette
situation. L’aveugle curiosité décrit un état contradictoire. Il y a en effet une forte tension entre les deux termes. La curiosité n’estelle pas cette tendance qui nous porte à comprendre à expliquer ce que nous ne connaissons pas ? En cela elle ne pourrait sembler que
positive. Pourtant elle est ici qualifiée d’aveugle. C’est à dire qu’elle va porter indifféremment sur tout ce qui nous entoure. On
pourrait prendre l’image d’un homme aveugle qui est saisi par un incontrôlable besoin de se mouvoir. Sa cécité va le conduire à se
heurter aux différents objets qui l’entourent, mais parfois aussi de façon tout à fait hasardeuse à trouver le bon chemin. De la même
manière, l’esprit humain mu par cette passion de connaître qu’est la curiosité va errer à l’aveuglette parmi les objets de la pensée.
Les hommes dirigent leur esprit et leur réflexion en des voies inconnues et parfois périlleuses. Ils sont privés de tout espoir
raisonnable, c’est à dire que leur quête ne répond à aucune attente légitime conforme à la raison. Atteindre la vérité n’est au fond
que très peu probable (c’est en ce sens qu’il faut entendre le mot risque). Leur recherche est livrée au hasard et à la bonne fortune.
Descartes nous décrit donc une situation paradoxale et quelque peu pitoyable. Situation qu’il illustre par l’analogie de l’homme à la
recherche d’un trésor. L’image du trésor illustre la valeur de la vérité, elle est ce que l’on peut concevoir de plus précieux. Il pourrait
donc sembler légitime de chercher ce trésor. Pourtant Descartes qualifie un tel désir de stupide. La stupidité, l’absurdité ne tient pas
tant à la valeur de ce que l’on cherche qu’à la manière dont on s’y prend. La situation ne peut-être plus irrationnelle. L’homme à la
recherche du trésor ne se contente pas de chercher au hasard, mais il place tous ces espoirs, de façon parfaitement illusoire, dans
l’idée qu’un voyageur aurait perdu un trésor. Cet hypothétique trésor abandonné sur la place publique nous annonce peut-être la
critique de l’érudition que va mettre en place Descartes dans la seconde partie. Ne serait-ce pas là l’image d’une vérité que l’on
pourrait trouver dans les livres, vérité en quelque sorte de seconde main, vérité surtout, sujette à caution peu fiable et dont on ne peut
se contenter. Le hasard, il faut le noter intervient trois fois, ce qui renforce l’idée d’absurdité d’une telle recherche. Il faut d’abord
que quelqu’un d’autre ait trouvé le trésor, puis qu’il l’ait perdu, enfin que celui qui cherche le trouve. La curiosité aveugle nous
conduit à nous en remettre à un improbable concours de circonstances, et rend bien problématiques nos chances de succès.
Et c’est bien ainsi que procèdent les chimistes la plupart des géomètres et un grand nombre de philosophes. Descartes a
construit toute sa philosophie en grande partie contre la philosophie que l’on enseignait à son époque : la philosophie scolastique. Il
lui reproche son manque de rigueur et de méthode. Il en va de même de la chimie, jusqu’à Lavoisier au 18e siècle, celle-ci avait peu à
voir avec la rigueur d’une science. Plus étonnante pourrait apparaître la critique de la géométrie. La géométrie et les mathématiques
en général ont toujours été pour Descartes un modèle de précision et de rigueur. Mais on peut penser que Descartes critique i ci une
certaine géométrie (celle des Grecs par exemple) qui est principalement fondée sur la représentation empirique et donc sur
l’imagination.
La seconde sous-partie (de « Certes à heureux ») constitue ainsi que nous l’avons dit une transition vers la seconde partie qui va
montrer la nécessité de la méthode. Descartes répond à une objection que l’on pourrait lui faire (je ne nie pas). On ne peut en effet
affirmer sans contradiction qu’une telle recherche livrée au hasard et à la chance est vouée à l’échec. De même que l’homme à la
recherche du trésor a malgré tout la possibilité (en droit) de le trouver. Les géomètres chimistes et philosophes ne se sont pas toujours
trompés. Parmi toutes les mauvaises routes certaines ont quand même conduit à la vérité. Mais au fond il ne s’agit là pour Descartes
que de chance (et c’est en sens qu’il faut comprendre le mot heureux ici synonyme de chanceux). Or s’en remettre à la chance pose
un problème fondamental. Car c’est abandonner la connaissance à la seule probabilité. La conséquence essentielle de cette attitude
est que, plus ce que nous chercherons posera de difficulté, moins grande sera la probabilité de découvrir quelque chose à son sujet (de
la même façon que nous, le chercheur de trésor sera confronté à encore plus de difficultés si le trésor est plus petit, moins visible). Or
les objets les plus subtils et complexes ne sont-ils pas ce qui, d’une part excitent le plus notre curiosité et d’autre part ceux qui ont la
plus grande valeur ? S’en remettre à la chance c’est finalement s’interdire la connaissance de ce qui mérite le plus d’être connu. Il
faut d’autre part noter (et c’est ce qui nous autorise à voir dans cette sous-partie une transition vers la seconde partie) que si la chance
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de les mortels …à capable de connaître.
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était le seul chemin possible il n’y aurait rien là de condamnable. Mais Descartes lui oppose l’habileté c’est à dire l’adresse
l’intelligence et la compétence. Au fond le fait même qu’il y ait des savants (des géomètres des chimistes et de philosophes) montre
qu’un certain savoir est nécessaire à l’acquisition de certaines vérités. Si ce n’était pas le cas, quiconque cherchant au hasard pourrait
prétendre au titre de savant. Même si ces savants semblent procéder aussi aveuglément que les autres ils revendiquent (par leur
existence même) une compétence spécifique (que sans doute ils n’ont pas réellement ou complètement). Aussi à la fin de cette partie,
semble se dessiner une autre voie qui va permettre une authentique recherche de la vérité.
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Après avoir montré les insuffisances voire l’absurdité d’une démarche aléatoire, Descartes va maintenant, en deux temps, lui opposer
explicitement l’idée de méthode.
Tout d’abord à travers une critique de l’érudition pure, Descartes va affirmer la nécessité absolue d’une méthode dans la recherche de
la vérité. En effet il affirme qu’il vaut mieux ne jamais penser à chercher la vérité d’aucune chose plutôt que de le faire sans
méthode. La vérité concerne ici évidemment ce qui est réel et certain. Mieux vaut abandonner toute idée de cette recherche que de le
faire sans méthode. La question se pose de savoir quel risque on encourt, car, pourrait-on se demander, ne vaut-il pas quand même la
peine de tenter sa chance même si l’espoir d’un succès est faible. La réponse de Descartes est négative. Les études de cette sorte sont
l’objet de tous les reproches de Descartes. De quoi s’agit-il ? Répondre à cette question nous permettra de commencer à résoudre le
problème posé en introduction. On voit bien en effet que Descartes ne vise pas tant notre façon d’aborder ou même de comprendre
quotidiennement notre monde. Il s’agit ici d’études, c’est à dire d’une activité tout entière subordonnée à une exigence de savoir.
Quels sont les caractéristiques des études de ce genre ? Elles sont faites sans ordre, c’est à dire qu’elles ne procèdent pas du plus
simple au plus complexe. On peut deviner, même si Descartes ne le dit pas explicitement dans ce texte qu’un des fondements de la
méthode sera cet ordre qui conditionne tout exercice rationnel de la pensée. Ce sont d’autre part des méditations confuses, confusion
qui s’oppose à la distinction. L’idée de confusion s’applique en effet à des idées dont les éléments sont mêlés et que par suite on ne
peut connaître adéquatement. Or ces études alors qu’elle visent à la connaissance produisent l’effet inverse. Elles obscurcissent la
lumière naturelle. La lumière naturelle désigne notre faculté de comprendre notre intelligence, en un mot notre raison. Cette raison,
ce bon sens comme le dit Descartes au début du Discours de la méthode est égale en tout homme. Or la raison est bien la faculté de
saisir le vrai. Pourquoi si la raison est également répartie entre les hommes n’ont-ils pas tous le même accès à la vérité ? Notre texte
semble nous indiquer la réponse, la différence ne tient pas à la raison, mais à l’usage que nous faisons de notre raison, en d’autres
termes, à notre méthode. Or les études dont parle ici Descartes font évidemment appel à la raison, mais cela, sans véritable méthode.
Dès lors, elles ont pour conséquence d’obscurcir la lumière naturelle et d’aveugler les esprits. En cherchant à savoir sans méthode,
l’esprit perd la vue et devient incapable d’user de sa raison. L’image particulièrement évocatrice de celui qui, accoutumé à l’obscurité
ne peut plus supporter la lumière ne peut que nous évoquer les prisonniers de la caverne que met en scène Platon dans La
République.
A l’appui de cette idée (mieux vaut ne pas chercher la vérité que de le faire sans méthode) Descartes va donner un argument tiré de
l’expérience, il prend l’exemple de l’honnête homme qui juge bien de tout ce qui lui est utile sans s’être encombré d’un inutile et
préjudiciable savoir confus. Nous pouvons commencer à comprendre que ce que vise Descartes c’est la mauvaise érudition. C’est en
ce sens que l’exemple de l’honnête homme s’oppose à ceux qui ont toujours fréquenté les écoles. Les écoles ce sont ici les
établissements d’enseignement scolastiques qui formaient l’élite intellectuelle et scientifique à l’époque de Descartes (établissement
qu’il a lui-même fréquenté). Or l’honnête homme pense bien mieux que le savant (ou plus précisément que le faux savant) qui a
accumulé des connaissances dans le désordre et la confusion. C’est donc dans cette partie à une critique de l’érudition comme critère
du savoir que se livre Descartes. Connaître ce n’est pas connaître beaucoup de choses, mais les connaître parfaitement et bien.
Dès lors, de quant à la méthode jusqu’à la fin du texte Descartes va expliciter le cœur de sa pensée. Ce cœur c’est la méthode. Cette
méthode n’est autre que le bon usage de notre raison. Elle va consister en un ensemble de Règles pour la direction de l’esprit (titre
de l’ouvrage dont est tiré cet extrait) et posera un certain nombre de principes théoriques indiquant la démarche qui aboutir a à un
résultat positif. Plus précisément la méthode consiste en un ensemble de procédés rationnels en vue de l’établissement et de la
démonstration de la vérité. Les règles sont certaines, c’est à dire vraies et fondées comme telles. Elles sont aussi faciles et par là
s’adressent à quiconque. On voit bien ici que de même que la raison est égale en tout homme l’usage de la méthode est possible pour
tout homme. Elle permet avant tout de ne prendre jamais rien de faux pour vrai c’est à dire d’éviter la confusion et finalement de
ne pas se tromper. L’application de la méthode permet en outre d’économiser notre effort, et par là un usage plus efficace de notre
intelligence. C’est dire que celui qui use de la méthode pourra consacrer son effort à la seule découverte de vérité sans avoir à
réfléchir sans cesse à la façon d’y parvenir. On peut voir là, la condition d’une recherche vraiment efficace. La méthode apparaît
donc comme la condition d’une extension du savoir que seule viendra limiter notre condition d’homme (la véritable connaissance
de tout ce qu’il sera capable de connaître). Ce tout marque bien la volonté d’un savoir systématique. Il nous indique le lieu ou la
pensée ne peut se passer de méthode. C’est en effet de la science que la méthode semble être la condition. Sans méthode le sa voir se
résume à une érudition hasardeuse, porteuse d’erreurs et limitée. Seule la méthode permet de répondre à l’exigence d’un savoir
systématique susceptible d’un progrès constant (accroissement graduel et continu) dans les limites des pouvoirs de la raison
humaine.
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Nous sommes donc maintenant en mesure de répondre à la question que nous posions en introduction. Ce qui rend nécessaire l’usage
d’une méthode c’est avant tout l’exigence d’un savoir systématique et efficace. Si la cible privilégiée de Descartes dans ce texte est le
faux savant, l’érudit qui a beaucoup appris de façon confuse et désordonnée dans les écoles, c’est bien parce que se dessine le projet
d’un savoir qui procède d’un usage méthodique de la raison. Savoir qui ne repose pas sur la transmission, mais sur la découverte
issue du seul usage de sa raison. C’est en ce sens que la méthode est au fondement de la vérité dans les sciences.
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