LE BULLETIN DES AGRICULTEURS MAI 2015 45
Plusieurs recherches plus tard, le phénomène est mieux
compris. D’un côté, il y a une sélection naturelle effectuée durant
l’enfance et l’adolescence. Les gens qui grandissent en milieu
agricole et qui éprouvent de l’inconfort s’orientent vers un autre
domaine de travail. « Parce qu’il y a trop d’inconvénients », dit
la chercheuse. L’autre explication est l’adaptation au milieu.
L’équipe de recherche a demandé à des travailleurs de porter un
masque de protection pendant une semaine. Lorsqu’on leur a
demandé de le retirer, ils démontraient une réaction beaucoup
plus grande à la poussière présente dans leur environnement.
Les travailleurs constamment en contact avec la poussière de
porcherie s’adaptent. S’ils ont une inflammation, elle est chro-
nique, car les travailleurs n’ont pas de symptômes apparents.
Au total, les bioaérosols dans les porcheries ont
accaparé une quinzaine de projets de recherche.
Les chercheurs étudient notamment le transport
des virus comme celui de la diarrhée épidémique
porcine (DEP) ou encore du syndrome reproduc-
teur et respiratoire porcin (SRRP), deux maladies
d’importance économique dans cette production.
Travailler sur la qualité de l’air pour les animaux
améliore aussi la qualité de l’air pour les travail-
leurs. Ce dernier aspect intéresse la Commission
de la santé et de la sécurité du travail (CSST).
Financement de la recherche
La CSST est d’ailleurs une des sources importantes
de financement des recherches du laboratoire sur
les bioaérosols de l’Institut. Caroline Duchaine a
de plus la chance d’avoir accès à tout un éventail
de fonds de recherche : Conseil de recherches
en sciences naturelles et en génie du Canada
(CRSNG), Fonds de recherche du Québec – Nature
et technologies (FRQNT), Fonds de recherche
Santé du Québec (FRSQ), Agriculture et Agroali-
mentaire Canada, Défense nationale canadienne,
Institut national de santé publique du Québec, et
d’autres. Certaines sources de financement sont
de nature privée, mais la majorité provient du sec-
teur public.
Parfois même, c’est une autre équipe de
recherche qui obtient le financement. C’est le
cas notamment de la collaboration régulière avec
l’Institut de recherche et de développement en
agroenvironnement (IRDA). Les deux équipes
collaborent depuis une quinzaine d’années sur
différents projets. « Parfois, c’est nous qui avons
le financement, parfois c’est Caroline Duchaine »,
raconte le chercheur sur la qualité de l’air à
l’IRDA, Matthieu Girard. L’IRDA et l’équipe de
Caroline Duchaine ont travaillé l’été dernier sur
une unité de filtration de l’air sortant des por-
cheries. « Nous sommes très complémentaires »,
explique Matthieu Girard. L’IRDA apporte la
connaissance du milieu agricole et les solutions
techniques à l’amélioration de la qualité de l’air. L’équipe de
Caroline Duchaine apporte son expertise dans le domaine des
bioaérosols et effectue les échantillonnages et les analyses de la
composition en bioaérosols de l’air.
Dans le projet terminé en 2014, il a été démontré que l’unité
de traitement diminuait jusqu’à 95 % la quantité de bactéries sor-
tant de la porcherie. Pour les virus, les résultats sont moins inté-
ressants. L’équipe de recherche n’a observé qu’une diminution de
35 %. « Nous avons travaillé avec des modèles de virus, explique
Matthieu Girard. Il nous reste à vérifier avec de vrais virus. »
C’est le prochain projet à l’agenda. « La diminution des virus,
c’est ce qui intéresse les producteurs, continue Matthieu Girard.
Nous visons là-dessus pour commercialiser le système. »
En haut : Une professionnelle de recherche de l’équipe du laboratoire de Caroline Duchaine,
Valérie Létourneau, prélève un échantillon de bioaérosol provenant de l’unité de traitement
de l’air de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA).
Ci-dessus : Voici, à l’échelle laboratoire, l’unité de traitement de l’air développée par l’IRDA.