Le graphisme : un métier qui fait encore rêver ? Jean-François Grobety Le graphisme dans la publicité Chaque année de très nombreux adolescents sont à la recherche d’une place de formation pour devenir graphiste. Beaucoup d’élèves passant plus de temps à dessiner dans les marges de leur cahier qu’à suivre les cours voient dans ce métier la possibilité La publicité est évidemment le principal champ d’activité du gra- d’employer leur talent. Ce goût pour le dessin est un bon préala- phiste. Il s’agit alors souvent d’un travail d’équipe entre les spécia- ble, mais c’est loin d’être suffisant. La profession demande en plus listes du visuel et des concepteurs-rédacteurs ou agents du marketing. une bonne culture générale, une grande curiosité, beaucoup de créativité, une bonne faculté de communication et une grande L’environnement visuel semble aujourd’hui totalement saturé, rigueur de travail. offrant trop d’images, trop d’informations, trop de communication, le tout sur un rythme qui va en s’accélérant. Comment faire pour La naissance du graphisme est difficile à déterminer de façon pré- qu’un produit se distingue des autres ? C’est le problème auquel cise. On peut considérer que les premiers affichistes, Jules Chéret, tout graphiste est quotidiennement confronté dans la recherche de Toulouse-Lautrec, Eugène Grasset, Alphonse Mucha, entre autres, l’identité visuelle d’une entreprise ou d’un produit.. sont les illustres pionniers de la profession. Leur travail est rendu possible grâce à la mise au point, au 19e siècle, de l’impression L’écoute du client est une première étape fondamentale. Il faut lithographique en couleur et en grand format. L’Allemagne au début comprendre ses demandes, l’aider à préciser ses besoins, penser du XXe siècle réunit dans une même association, le Werkbund, des au public cible et tenir compte du budget à disposition. Tous ces industriels et des artistes pour étudier ensemble les problèmes de éléments sont résumés dans un cahier des charges, point de départ la production et le rapport au consommateur. Aux Etats-Unis, le du travail. Le souhait de tout graphiste est de faire passer ses terme de graphic designer apparaît pour la première fois en 1922. Ce n’est toutefois qu’après la seconde guerre mondiale que son idées, ses conceptions, surtout si elles sont, de son point de vue, usage se généralisera. En Suisse, le premier règlement de forma- originales ou novatrices. Le client est souvent plus craintif, préoc- tion des graphistes date de 1947. Depuis, la profession a évolué et cupé qu’il est par le succès de son produit. Si les premières propo- couvre un champ d’action extrêmement varié. sitions suscitent l’enthousiasme, il n’y a pas de problèmes, mais c’est très rare. Généralement, le graphiste doit argumenter, justi- Dans le dictionnaire du Graphisme (éditions Thames et Hudson), fier et séduire le client avant de séduire le public. Il est fréquent l’auteur définit le terme de la manière suivante: terme générique que les projets doivent être repris à zéro et les prétentions «artis- désignant l’activité qui associe la typographie, l’illustration, la tiques» revues à la baisse. photographie, la mise en page et l’impression dans le but de promouvoir, informer ou instruire… La première étape d’une identité visuelle est souvent la création d’un logotype. Un signe simple, immédiatement reconnaissable, Cette définition a le mérite de souligner la diversité des domaines permettant au spectateur de faire immédiatement le lien avec un et donc des connaissances nécessaires à la pratique de la profes- produit ou à une entreprise. Un signe qui peut être constitué uni- sion. La formation tend à donner des connaissances générales suf- quement de lettres ou y associer une image sobre. Le logo doit fisantes dans tous ces domaines. La pratique professionnelle peut pouvoir se décliner et garder son efficacité aussi bien sur des car- amener ensuite le graphiste à se spécialiser ; la formation conti- tes de visite, entêtes de lettre, plaquettes, dépliants que sur une nue, dans de nombreux domaines, techniques, artistiques ou com- affiche. merciaux, est indispensable. 11 Pour le visuel, ou l’image, le graphiste est amené à créer des des- La création de couvertures de livre ou d’illustrations est également sins ou peintures avec les crayons de couleurs, l’aquarelle, les feu- un champ d’activité très créatif. tres, la gouache, l’acrylique, etc… L’utilisation de la photographie L’outil informatique est également très fréquente. Le graphiste travaillera alors en collaboration avec un professionnel de la branche ou puisera dans les banques d’images le document souhaité. Dans tous les cas, le sens Pour tous ces domaines, l’outil informatique a considérablement du cadrage, de la couleur, de la matière doit permettre de produi- modifié le travail quotidien du graphiste. Apparu, dans ce domaine, re une image «efficace», qui serve le message souhaité. au milieu des années quatre-vingt, l’ordinateur est aujourd’hui l’outil principal de la quasi totalité des professionnels. Il permet sur- La typographie est un domaine d’une grande complexité et souvent tout de finaliser les projets plus rapidement et de présenter au méconnu du grand public. Connaître les familles de caractères, client des documents très proches du rendu final. Il simplifie aussi choisir celui qui s’adapte le mieux et réaliser une mise en page qui grandement la transmission des données avec les différents colla- privilégie la lisibilité est un long apprentissage. Le graphiste peut borateurs et avec l’imprimeur. également être amené à créer entièrement une police de caractèMalgré des possibilités quasi illimitées, le langage visuel résultant re pour un produit spécifique. des techniques informatiques est trop souvent superficiel et stéréoTous ces éléments se travaillent généralement dans la surface, typé, mais il a aussi permis à quelques créateur de développer une mais peuvent également se développer dans l’espace avec la esthétique propre aux pixels. conception de l’emballage d’un produit, le packaging. Le dévelop- Evidemment, aucun outil, même informatique, ne remplace le pement de la vente en libre service fait que le produit doit se ven- talent, l’imagination et l’expérience. Les techniques traditionnelles dre tout seul alors même que le client ne dispose que de peu de et informatiques sont appelées à coexister, toutes deux restant temps pour faire son choix parmi des alignements considérables. indispensables selon les étapes du travail, et les préférences du Pour les spécialistes du marketing, le packaging est considéré créateur. comme le premier média du produit. +Placer sur les différentes faces de l’emballage toutes les informations nécessaires, tout en L’informatique a également apporté un nouveau champ d’applica- gardant un aspect visuel attirant n’est pas toujours évident. Sur un tion pour le graphiste avec le développement du réseau internet. produit alimentaire, par exemple, la loi oblige à inscrire le poids La conception et la mise en page des sites web a connu une forte brut, le poids net, la composition, la date limite d’utilisation et bien demande aujourd’hui en baisse. Néanmoins l’intervention d’un gra- d’autres données encore. On retrouve là une constante du travail du phiste, en collaboration avec des développeurs et autres profes- graphiste ; créer bien sûr mais avec de très nombreuses contraintes. sionnels de l’informatique garantit, là aussi, une bonne lisibilité et l’attractivité d’un site. L’édition offre également des places de travail. La mise en page d’un journal, d’une revue doit attirer le regard et en faciliter la lec- En bref, on peut s’attendre encore à de nouveaux développements ture. Organiser la surface, calibrer le texte, choisir le corps des pour cette profession, même si les qualités requises au départ res- caractères, régler l’interlignage, placer et cadrer les photos, toutes tent toujours les mêmes. La formation et la formation continue ces interventions demandent un grand professionnalisme. sont donc des éléments essentiels. 12 Le programme de l’école de Genève comprend les branches suivan- Graphiste à Genève tes : images de synthèse, infographie, multimédia, photographie A Genève, pour devenir graphiste, plusieurs voies s’offrent aux argentique et numérique, vidéo, cinéma d’animation, logique et candidats. A la fin de la scolarité obligatoire, une classe préparatoi- argumentation, communication marchande, sémiologie, histoire de re d’un an constitue un passage quasi obligé ; il permet de tester l’art, connaissance du cinéma, histoire de la presse, dessin de ses capacités et d’acquérir des bases indispensables à toutes pro- recherche, dessin de figure, expression couleur, illustration gra- fessions artistiques. L’apprentissage en entreprise permet d’obtenir phisme, perspectives, volume, langues, droit… un CFC et une maturité professionnelle, malheureusement, les places sont extrêmement rares et les personnes intéressées très nom- Quel que soit la formation, différents cadres de travail se proposent breuses. au graphiste. Tout d’abord, il peut être salarié dans une agence de création, de publicité, ou dans le département communication Ces mêmes diplômes peuvent être préparés en trois ans (après la d’une grande entreprise. Les journaux, maisons d’édition, ainsi que classe préparatoire) à l’école des Arts Décoratifs. La sélection des de grandes imprimeries emploient également des professionnels de candidats est très forte et laisse beaucoup de prétendants devant la branche. Très souvent, le graphiste s’installe à son compte et la porte. Pour se faire une petite idée du contenu de cette forma- travaille en free lance. La recherche de mandats, le démarchage tion, citons parmi les connaissances générales et théoriques : auprès des clients potentiels devient alors essentiel. C’est le prix de typographie, photographie, sérigraphie, infographie, dessin, cro- l’indépendance. quis, volume-géométrie, perspective, couleur, écriture, connaissance du cinéma, de la presse, de la radio, de la TV, marketing. Pour Si trouver une formation ressemble parfois à un parcours du com- la pratique, on distingue les ateliers surface: marques, papiers battant, se maintenir dans la profession n’est pas simple non plus. commerciaux, étiquettes, emballages, prospectus, affiches, illus- Il faut déployer, en plus du talent et de la rigueur, une énergie sans trations et les ateliers volume : sujets d’exposition en trois dimen- faille, une grande résistance au stress et ne pas craindre les heu- sions, vitrines, stands, packaging, … res supplémentaires, car les délais sont toujours trop courts. A Genève toujours, une école privée prépare ses élèves aux diplô- Quelques «vedettes», souvent citées en exemple, peuvent se per- mes français, le CAP et le Baccalauréat Professionnel en communi- mettre de choisir leurs travaux et leurs clients. Ils privilégient la cation graphique. réalisation d’affiches culturelles, de catalogues d’exposition ou de publications prestigieuses et participent à des concours très fer- Pour les plus âgés, ayant obtenus une maturité fédérale, les més, pour la réalisation de billets de banque, de timbres, ou d’illus- écoles supérieures proposent une formation en communication trations. Mais la plupart des professionnels font un travail beaucoup visuelle. La Haute Ecole d’Arts Appliqués à Genève et l’Ecole plus anonyme, comprenant aussi bien des mandats créatifs que Cantonale d’Arts de Lausanne sont les deux lieux d’enseigne- des réalisations destinées à assurer les fins de mois. ment en Suisse Romande. Après une classe propédeutique d’un an, trois années d’études sont nécessaires pour décrocher un Entre rêve et réalité, entre art et marketing, entre création et titre de niveau HES. contrainte, chacun cherche son chemin… 13 ...graphistes à Genève Le futur des graphistes à Genève: C’est un métier à la mode depuis quelques années. Avec l’arrivée de l’informatique, tous sont devenus graphistes mais l’informatique, ce sont des outils alors que le crayon par contre, c’est un style. Il faut savoir dessiner. Luc Portianucha Qu’est-ce qui fait un bon graphiste? C’est la créativité et l’originalité. Tous les graphistes essayent de se démarquer des autres et de ne surtout pas faire quelque chose de ressemblant. Un travail en équipe avec le client est primordial. Il faut mélanger les connaissances. Nous connaissons nos outils mais le client connait son produit. 31 ans. Formation: Apprentissage. Travail comme: Graphiste indépendant dans sa propre entreprise, Atelier Factory. Le futur des graphistes à Genève: Noir. Il y a beaucoup d’offre et très peu de demandes. Je le vois séparé en deux élites, le créatif et le réalisateur. Evidemment, ce seront les meilleurs qui resteront sur le marché. Pierre Widmer 52 ans. Formation: Ecole d’ingenieurs aux Arts Graphiques. Travail comme: Enseignant de futures graphistes dans son école, Graphisme Assistance. Qu’est-ce qui fait un bon graphiste?: L’imagination et la créativité. Par contre tout le monde peut devenir infographiste. La vente est aussi très importante car il y a de mauvais graphistes qui savent très bien vendre leur travail, et de très bons graphistes qui n’arrivent pas à trouver des mandats car ils n’ont pas le sens commercial. Le futur des graphistes à Genève: Nous sommes en manque de places de travail et ça n’a pas l’air de s’améliorer. Il y a beaucoup de graphistes qui essayent de se débrouiller avec des petits mandats par ci et par là. Sophie Palma 39 ans. Formation: Arts Déco et apprentissage. Travail comme: Free lance. Qu’est-ce qui fait un bon graphiste? La créativité. Le futur des graphistes à Genève: Les gens investissent beaucoup en publicité et ils sont très ouverts en ce qui concerne l’innovation. Par contre le marché est fermé. Jaime Ibaceta 29 ans. Formation: Université Dessin Graphique et autodidacte. Travail comme: Pour l’instant au chômage. Qu’est-ce qui fait un bon graphiste? La culture de la personne. Plus tu as de connaissances, plus tu peux avoir des idées. 14 Ecoles IMAGINER Software Propose des formations sur mesure sur des logiciels de traitement d'images (Photoshop, Paint Shop Pro par exemple) ainsi que sur des logiciels de PAO (Pagemaker, InDesign, par exemple). Le contenu de formations sont à définir avec le client. Le tarif horaire pour des formations privées (1 à 5 personnes) est de CHF 200.- / heure. Tél. 022 321 31 20 DIGICOMP Academy Uniquement un cours privé sur le graphisme: PDF pour graphistes et mise en page pré-presse AAP 1 jour CHF 1'687.- / la journée (cours utilisateur) date: à convenir en accord avec client et le formateur lieu: dans les locaux du client ou chez DIGICOMP - Lausanne Tél. 021 321 65 00 D&FI SA Spécialisés dans la formation pour entreprises. Ils organisent des cours de graphisme et PAO sur mesure. Il faut en effet compter environ 150.- de l'heure si c’est moins de 2 ou 3 personnes. Toutes ses formations "publiques" sont sur site à l'adresse http://www.d-fi.ch/cours.php. Tél. 022 343 42 42 IFAGE 19, place des Augustins 1205 Genève IFAGE 14, rue de Malatrex 1201 Genève Tél. 022 807 30 92 ou 89 www.ifage.ch E-mail: [email protected]