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Genève, le 23 février 2009
Position de Pro Mente Sana sur l’avant-projet de loi sur l’interdiction de fumer
dans les lieux publics
Pro Mente Sana souhaite s’exprimer sur projet de loi sur l’interdiction de fumer dans les lieux
publics dans la mesure où cette interdiction peut avoir une influence notable sur le bien être des
patients ainsi que sur le choix de la médication qui leur est proposée voire imposée.
Situation des patients internés en psychiatrie
Il faut d’abord rappeler que les premières 24 heures d’hospitalisation en psychiatrie peuvent
donner lieu à un enfermement pour observation, dit « cadre strict », durant lequel il n’est pas
possible de sortir fumer et qu’il est de toute façon impossible de sortir entre 19h15 et le matin.
Or le besoin de fumer, rendu impérieux par l’augmentation de la nervosité durant la crise
psychique, se manifeste également durant les premières 24 heures, ainsi que la nuit. Au
demeurant, si l’on se fonde sur l’impression des usagers de l’hôpital psychiatrique du canton, ce
dernier héberge une majorité de fumeurs dès lors que les non fumeurs se remettent, durant les
crises, à tirer sur la cigarette qu’ils avaient cru abandonner. Au demeurant, selon les
informations parues dans le journal du GRAAP plus de 70% des patients psychiatriques sont
fumeurs contre 30% dans l’ensemble de la population (Diagonales 61 – Juin 2008 p.10). Enfin il
faut savoir que les temps d’attente sont longs pour les patients se trouvant en hôpital
psychiatrique : attente de repas, des activités, des visites des psychiatres souvent retardées. La
cigarette permet de répondre à la nervosité générée par l’attente.
Durant longtemps l’interdiction stricte de fumer fondée sur le règlement sur l’interdiction de
fumer dans les locaux de l’administration cantonale, du 6 septembre 2006 (172.35) a fait l’objet
d’une certaine tolérance en psychiatrie : selon les patients, il y avait des fumoirs officieux et la
fumée était tolérée en chambre d’isolement, des cigarettes étant parfois données au patient par le
personnel.
Cette tolérance a été supprimée à Cery dès juin 2008 et il était question que les cigarettes soient
désormais confisquées et les contrevenant mis à l’amende. En contre partie, il leur était proposé
de porter un patch, de mastiquer des substituts nicotiniques ou de recevoir un inhalateur. Or ces
mesures ne tiennent malheureusement pas suffisamment compte de ce que représente le besoin
irrépressible de tirer sur une cigarette et de sentir la fumée dans ses poumons pour une personne
en crise psychique aigue. Certains patients craignaient que la frustration les mène à des actes de
violence qui seraient réprimés par des mises en chambre d’isolement ou contenus par
l’augmentation des doses de médicaments à des fins disciplinaires et non thérapeutiques.
La glementation proposée par lavant projet
L’article 3 de l’avant-projet interdit de fumer dans les hôpitaux et tous les autres lieux de soins.
Eu égard aux particularités de la crise psychique, il convient de se demander si l’exception de
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l’article 4 de l’avant projet permet de tenir suffisamment compte de la situation des patients
internées en psychiatrie. Or force est de reconnaître que tel n’est pas le cas.
En effet, les exceptions prévues par l’article 4 ne couvrent pas l’internement psychiatrique en
chambre fermée puisque, à teneur de l’exposé des motifs, sont visées les chambres ou cellules qui
peuvent être assimilées à des substituts de domicile. Or, un patient interné non volontairement
en psychiatrie ne saurait s’y constituer un domicile ou un substitut de domicile au sens que le
code civil donne à cette notion (lieu où le patient réside avec l’intention de s’y établir).
Risque d’augmentation des mesures de contrainte liées à linterdiction de fumer en
psychiatrie
Enfin, la crainte des patients quant au risque répressif lié à l’interdiction de fumer est fondée en
regard de la législation actuelle sur les mesures de contrainte. En effet, l’article 23d LSP du 29
mai 1985 (800.01) autorise la contrainte à l’égard du patient dont le comportement présente un
danger grave pour sa sécurité ou sa santé ou pour celle d’autres personnes. Une directive du
CHUV (VO »/07.03.05) précise les conditions d’application de l’article 23d LSP en indiquant
que « la contention chimique est l’administration de médicaments au patient dans le but de
restreindre sa liberté de mouvement et qui ne constitue pas un traitement standard dans la
situation en question. » (Directive p. 1/15). Enfin, la contention peut aussi consister en des mises
en chambre d’isolement, des attachements au lit et d’autres mesures de contention à visée
répressive.
Or, il ne fait pas de doute que le comportement d’une personne en crise psychique aigue
s’aggrave sous l’effet des frustrations et notamment de la privation de cigarette lors d’un
internement forcé. Cela peut avoir pour résultat indirect l’administration d’un traitement
chimique de contention qui n’est pas moins dommageable à court et à long terme qu’un paquet
de cigarettes.
Ainsi peut-on soutenir qu’une interdiction de fumer durant un internement psychiatrique n’est
pas proportionnée au but de santé public visé : en effet, pour préserver le patient et son
entourage d’un dommage éventuel à venir (par exemple un cancer) on lui inflige un dommage
tant immédiat et qu’à venir (traumatisme lié à la contention ; risque de dépendance aux
médicaments et autres effets secondaires possibles liés aux médicaments). Vous trouverez plus
d’informations sur les effets des médicaments dans la brochure jointe à cet envoi.
L’interdiction totale de fumer pose ainsi des problèmes d’ordre médical et éthique puisqu’elle
peut avoir une influence indirecte sur le choix et le dosage d’un traitement ainsi que sur la
décision de soumettre une personne à des mesures de contrainte. Il convient dès lors que la loi
sur l’interdiction de fumer prévoie clairement des exceptions en faveur des personnes internées
en psychiatrie qui, pour des raisons médicales, ne peuvent pas sortir du bâtiment pour fumer
une cigarette.
Pour Pro Mente Sana :
Shirin Hatam
Juriste, LL.M titulaire du brevet d’avocat
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