Santé.LeFigaro.fr 18 juin 2015 Détecter le cancer en cherchant la

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18 juin 2015
Détecter le cancer en cherchant la trisomie 21
Prélèvement sanguin sur une femme enceinte. / BURGER / PHANIE
En voulant améliorer le dépistage d'anomalies chromosomiques fœtales à partir d'une simple
prise de sang maternel, des chercheurs ont pu déceler à un stade précoce des tumeurs chez de
futures mères.
Le test de dépistage sanguin de la trisomie 21 permettrait-il en plus de détecter des cancers chez les
femmes enceintes? Oui, à en croire les résultats étonnants d'une étude belge récemment parue dans
Jama oncology. Une équipe de l'hôpital de Louvain montre en effet qu'analyser l'ADN fœtal circulant
dans le sang maternel à la recherche de trisomies permet également d'analyser l'ADN de la mère et d'y
découvrir d'éventuelles duplications de chromosomes associées aux cancers. Avec peut-être, à terme,
une application allant bien au-delà de cette population.
Cette technique, appelée «dépistage prénatal avancé non invasif» ou DPANI, est disponible en France
pour les femmes à risque de porter un enfant atteint de trisomie. Elle consiste à séquencer l'ADN libre
circulant dans le sang de la mère à partir d'une simple prise de sang, pour évaluer le nombre de copies
des chromosomes recherchés. L'ADN fœtal représente en effet 10 % de cet ADN libre ; le reste provient
de la mère et peut être également analysé.
«Les symptômes de la grossesse masquaient probablement ceux du cancer»
C'est ce que les chercheurs belges ont fait chez 4000 femmes enceintes en développant leur propre
système d'analyse bio-informatique. «Nous avons étudié tout l'ADN disponible à la recherche d'autres
anomalies chromosomiques que les trisomies 13, 18 et 21 habituellement recherchées. Nous en avons
finalement trouvé plusieurs, dont trois cas de nombre aberrant de chromosomes évoquant la possibilité
d'un cancer chez la mère», explique le Pr Joris Vermeesch, responsable de l'étude au centre de
génétique humaine de Louvain.
En effet, en cas de cancer, des cellules tumorales meurent spontanément ou sont détruites et libèrent
leur ADN, qui se retrouve dans la circulation sanguine. Plus le cancer est évolué, plus cet ADN tumoral
libre est abondant. Or ce dernier présente le plus souvent de nombreuses aberrations, dont bien
souvent un nombre anarchique de chromosomes ou morceaux de chromosomes, ce qui explique
l'hypothèse des chercheurs.
Les scientifiques ont alors recommandé une IRM sur le corps entier des trois femmes concernées qui se
pensaient en bonne santé. Et cet examen a révélé une tumeur à un stade plus ou moins avancé chez
chacune d'elles: un cancer de l'ovaire, un lymphome folliculaire et un lymphome de Hodgkin. «Les
symptômes de la grossesse masquaient probablement ceux du cancer», estime François Eisinger,
oncogénéticien à l'institut Paoli-Calmettes à Marseille. Et en effet, les saignements, les douleurs
abdominales et la fatigue ont pu ne pas alerter ces femmes, compte tenu de leur état. L'une d'elles, qui
nécessitait une prise en charge rapide, a pu démarrer une chimiothérapie au cours de sa grossesse.
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Un intérêt à confirmer
Les chercheurs sont enthousiasmés par cette découverte qui suggère l'arrivée possible d'un test de
dépistage du cancer avant l'apparition des symptômes par une simple prise de sang. En outre, «avec
trois cancers diagnostiqués sur 4000 échantillons, nous sommes à peu près dans les proportions
retrouvées pour ce type de cancer chez les femmes de 20 à 40 ans. Ce qui suggère une bonne
sensibilité de cette technique», estime Joris Vermeesch.
Sauf que… «La majori des cancers entraînent l'apparition d'un nombre anormal de chromosomes,
mais pas tous. Le test ne peut donc pas prétendre à l'universalité, clarifie François Eisinger. En outre, la
détection de cet ADN tumoral ne permet pas de savoir et depuis quand le cancer s'est formé et la
tumeur pourrait ne pas être localisée à l'imagerie», estime-t-il. Autant dire que le résultat positif ferait
alors peser une véritable épée de Damoclès sur les épaules du patient.
«Le concept est intéressant, reconnaît le Pr Pierre Laurent-Puig, spécialiste en oncologie biologique à
l'hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, mais il n'est pas dit qu'il améliore la détection des
cancers et en particulier sa précocipar rapport à ce qui se fait aujourd'hui. De nombreux laboratoires
travaillent sur l'ADN circulant et personne n'a pu développer de test sanguin», prévient-il.
Les auteurs entendent bien répondre à toutes ces interrogations en lançant bientôt une nouvelle étude
chez des individus à risque de cancer, afin de tester la sensibilité de leur test et d'évaluer la précocité du
diagnostic.
Aude Rambaud
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