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372 Ann. Kinésithér., 1985, t. 12, n° 7-8
il est soumis à des déséquilibres de tout le corps,
son attention a été attirée sur la position relative
des articulations du membre inférieur qui
travaille, il ressent la charge sur la cheville, le
genou et la hanche, il a réglé préalablement la
tension de ses muscles et répond à chaque
sollicitation par une contraction musculaire
intense. Qu'y a-t-il de plus démonstratif?
Contribution des récepteurs périphériques
à la connaissance du corps
Afin de faire percevoir concrètement les
phénomènes pathologiques dus à une relative
absence d'activité des récepteurs de la kinesthé-
sie, nous prendrons un exemple courant : le
rééducateur vient d'enlever un plâtre à son
patient - un plâtre qui immobilisait le coude,
par exemple -. Il observe aussitût le comporte-
ment suivant :
a) le sujet se frotte vigoureusement la peau; il
explique que la perception de cette peau est
diminuée, qu'il a l'impression d'un épaississe-
ment, ou d'un engourdissement, ou d'avoir du
carton sous la peau - en fait, la concentration
des mécanorécepteurs contenus dans la peau, le
tissu sous-cutané et le muscle a diminué du fait
de l'immobilisation;
b) le sujet exécute de manière répétée des
flexions-extensions de l'articulation (dans une
amplitude réduite s'il existe une gêne ou une
douleur); il explique qu'il ne perçoit pas de
manière précise la position articulaire - en fait,
la concentration des mécanorécepteurs dans la
capsule et les ligaments a diminué du fait de
l'immobilisation.
Toutes ces impulsions afférentes nous permet-
tent d'initier, de contrôler et de corriger l'activité
motrice (24) ; une anesthésie même partielle de
l'un de ces groupes de récepteurs perturbe
considérablement le mouvement, comme le
savent ceux d'entre nous qui ont parfois « des
fourmis dans les jambes », c'est-à-dire reçoivent
de la part des membres inférieurs des signaux
afférents aberrants. La gêne résultant d'une
imprécision des sensations émanant de la région
articulaire considérée est plus importante s'il y
a eu dégats des tissus mous, ou inflammation
chronique (43), (26).
Cette influence des récepteurs cutanés sur le
sens de la position et la perception du mouve-
ment est bien connue (35), (7). Quant à l'in-
fluence des mécanorécepteurs articulaires, elle
est de plus en plus mise en évidence (34), (14),
(11). Les messages afférents les plus influents au
regard de la régulation de tension intramus-
culaire sont sans doute les récepteurs d'origine
cutanée et articulaire, car il semblerait que les
afférences musculaires aient pour but de nous
renseigner sur le « sens de l'effort » et non sur
la position du segment dans l'espace.
L'importance des messages d'origine arti-
culaire est soulignée par le fait qu'une compres-
sion de la capsule a pour résultat immédiat une
décharge d'activité dans les muscles qui protè-
gent l'articulation: un serrage soudain déclenche
une réaction brève, une compression progressive
a pour corollaire une augmentation progressive
de la tension musculaire (12). Ceci nous explique
la « sensation sécurisante » ressentie par l'ath-
lète qui s'est bandé une articulation légèrement
instable (par exemple une cheville après entorse,
lors de la reprise d'activité) : la compression
permanente de la capsule maintient les afférents
en activité, et de cette manière la tension
musculaire autour de l'articulation reste élevée,
ce qui en retour fournit une sensation de mise
en garde préalable.
Les afférences articulaires et cutanées sont
intégrées par le système gamma afférent (1),
(38), et si l'intensité du flux afférent baisse,
l'imprécision de la connaissance kinesthésique
gêne considérablement le mouvement. Bien
entendu, comme pour tous les afférents, le
contrôle exercé par les projections descendantes
de la réticulée permet d'ajuster l'importance - ou
« biais » - attachée aux afférences d'un mem-
bre, le privilégiant (19) par rapport aux autres.
Ainsi le tireur d'élite qui place avec précision
le canon du fusil dans l'alignement de la cible
« oublie» temporairement les messages affé-
rents des -membres inférieurs. A l'inverse, le
sauteur en longueur ouvre un «biais» en
faveur des récepteurs articulaires du membre
inférieur. Le sauteur à la perche, qui ne peut
négliger ni les uns ni les autres, est un homme