Nature
le courrier de la
Bimestriel édité par la Société nationale de protection de la nature Mai-Juin 2011 - ISSN 0011-0477
261
Courrier des lecteurs
Mortalité des
abeilles: un
phénomène
complexe aux causes
multiples
Le Courrier de la
Nature n° 259 se fait
l’écho d’une réunion du
réseau Biodiversité pour
les Abeilles qui s’est tenue
à l’ONU, au cours de
laquelle il a été affirmé
par les experts (présents)
que«la mortalité des
abeilles reste largement
inexpliquée». Les pesticides
systémiques ne seraient
tout au plus responsables
que «d’intoxications
accidentelles». Pour preuve,
dix ans après l’introduction
du Fipronil et de
l’imidaclopride, la situation
continue de s’aggraver.
Quant aux scientifiques
français du CNRS et de
l’INRA, ils se seraient donc
«focalisés» à tort sur ces
toxiques. Il suffirait donc
de réaliser des jachères
apicoles pour rétablir la
situation.
Cette perception ne me
surprend pas mais me
choque. Quels experts
a-t-on entendus? Depuis
l’introduction des deux
premiers produits
systémiques: d’autres
molécules systémiques
ont-elles, oui ou non, é
régulièrement mises sur
le marché ? Lusage de ces
systémiques s’est-il réduit ou
s’est-il accru dans le monde
entier ? Les semences
vendues, ou celles utilisées
pour produire des plants
vendus en jardinerie, sont-
elles, oui ou non, enrobées?
Utilise-t-on, oui ou non,
ces semences enrobées
dans le milieu forestier?
Les populations des 1000
espèces dabeilles sauvages,
autant que de nombreux
autres invertébrés, sont-elles
elles aussi en chute libre?
A la première question, les
experts réunis au colloque
Apimondia, qui s’est tenu
à Montpellier en 2009,
ont conclu dans un sens
diamétralement opposé.
Pour toutes les autres
questions, la réponse est
systématiquement «oui».
A lire ces lignes, le constat
est simple. Les experts
scientifiques français,
italiens, américains,
hollandais, et dailleurs,
pourront continuer à
démontrer combien
la contamination à
très faible dose par les
neurosystémiques fragilise
les abeilles en particulier,
et les insectes en général,
Que va-t-on faire
d’un terrain où
vivent en liberté,
depuis des années,
des hérissons?
Oui, de façon inattendue,
des hérissons ont gagné la
capitale, probablement en
suivant les talus de voies
ferroviaires désaffectées
(par exemple la petite
ceinture) et ils ont trouvé çà
et là des endroits favorables
pour s’établir… Un de ces
endroits se trouve en plein
Paris, sur précisément un
de ces talus surmontant
des voies sans activité. Long
d’environ 1 km, situé entre
une esplanade limitée par
une clôture barbelée et, en
bas, par une route ouverte à
tous mais décourageant les
éventuels explorateurs par
une végétation dense (en
particulier des ronces),
que c’est cette fragilisation,
notamment du système
immunitaire, qui favorise le
développement de maladies
aussi diverses que variées,
que ce travail restera lettre
morte tant que les intérêts
des firmes seront supérieurs
aux intérêts de la nature.
Au moins, dans les années
1970 le DDT a été interdit
avec bien moins de preuves
scientifiques que nous n’en
disposons aujourd’hui pour
les neurosystémiques dont
la toxicité est de 10000 à
33000 fois plus élevée pour
les insectes que pour les
vertébrés. La méthode Coué
n’y changera rien. Quelle
régression depuis cinquante
ans!
Conflits d’intérêts: aucun.
Christian Pacteau
Référent Pesticides LPO
Auteur d’Un Pacte Toxique
Un jeune hérisson, issu d’une
mise bas tardive, sollicite sa mère
pour la téter (novembre 2010).
Photo Geneviève Renson
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
EDITORIAL
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édité par la Société nationale
de protection de la nature
et dacclimatation de France
association à but non lucratif
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Edition : Octobre 2011
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pôt légal : 4e trimestre 2011
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damender ou de refuser les manuscrits qui lui sont pro-
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Nature
le courrier de la
om
Dix ans…
Dix ans ont passé depuis que vous nous avez quittés*, Chère
Mademoiselle Lapicque, et vous nous manquez plus que jamais.
Dix années qui se sont écoulées comme un torrent de montagne.
Cétait hier que le soir, après le travail, nous refaisions le monde.
Comment va-t-il aujourdhui, le monde ? Ca grouille, ça chauffe,
ça pullule et ça pollue toujours plus! Mais rassurez-vous, le soleil
se lève encore, courageusement, chaque matin.
Sachez que vos affaires ont été réglées sans problème, mais il au-
ra tout de même fallu sept ans pour y parvenir. La SNPN occupe
jusquau dernier mètre carles locaux de la rue Cels que vous lui
avez donnés. Les réunions du conseil dadministration se tiennent
encore dans votre pavillonet les débats sont toujours aussi enflam-
més lorsque lon traite des grands sujets de la conservation de la
nature. Ils sont plus posés lorsque lon aborde les questions finan-
cières. Heureusement, votre générosité a grandement contribué
à assurer la rennité de la SNPN. Sans vous, notre association
naurait pas vu la fin de cette décennie.
Quant à Bretagne vivante, elle gère vos terrains de la baie de
Launay au mieux des moyens que vous lui avez laissés. Et, puisque
nous sommes entre nous, sachez que votre riche voisine de Plou-
bazlanec, Mme Liliane Ba bien des soucis. Sa fille laccuse de
dilapider sa fortune, dautres davoir financé la campagne électo-
rale du président de la publique. Dommage que vous nayez pas
eu le temps de lui exposer nos derniers projets de conservation,
comme vous vouliez le faire avant votre part; son argent eut é
mieux employé.
Une dernière nouvelle: lheure de la retraite a sonné pour moi.
Cela me faisait rire, mais vous aviez en quelque sorte raison quand
vous disiez quil faudrait dix ans pour trouver et former celle ou
celui qui me remplacera. Je pars à la fin de ce mois doctobre et je
ne sais pas encore qui me succédera.
Je vais donc quitter votre maison de la rue Cels où vous resterez
présente comme vous le resterez dans le cœur de ceux qui vous
ont connu. Si vivre c’est agir comme si lon était éternel et aimer
comme si chaque jour était le dernier, alors, malgré les peines et
les souffrances, votre vie fut belle.
M.G.
*Mlle Paule Lapicque est décédée le 8 octobre 2001 à lâge de 91 ans. Voir Le Courrier
de la Nature n° 197 page 3.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
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Courrier des lecteurs
il a offert aux hérissons
ainsi qu’à dautres petits
mammifères, à des
gastéropodes, des oiseaux,
des insectes, un habitat
idéal pour se reposer, se
cacher, se nourrir et se
reproduire au sein dun
équilibre naturel. Cet
équilibre fut brutalement
détruit il y a quelques
années par un arrosage
de produits hautement
toxiques, à l’initiative de
la SNCF. Opération qui ne
s’est pas reproduite grâce
à quelques protestations
énergiques, ce qui a permis
le retour à cet équilibre
naturel.
Mais maintenant, voici des
plans pour une urbanisation
intense de quartiers voisins,
voici des proclamations
de «valorisation de
la nature» par des
animations diverses. Alors?
Outre les dangers actuels
auxquels s’exposent les
hérissons se risquant sur
l’esplanade la nuit lorsqu’ils
se trouvent en face de
visiteurs nocturnes parfois
accompagnés de chiens,
il serait bien étonnant, vu
que ces terrains du talus
sont très convoités, que
certains ne cherchent pas
à se les approprier ou à
s’entendre avec la SNCF
(propriétaire du terrain)
pour avoir l’autorisation d’y
faire des aménagements
selon leurs désirs. Avant que
la moindre modification
soit apportée à la nature
sauvage de ce terrain, il
est donc indispensable et
urgent: 1) que soit réalisé
par des scientifiques un
inventaire faunistique et
floristique; 2) qu’on trouve
une vraie association de
protection de la nature (de
préférence locale afin de
pouvoir suivre l’évolution
de la situation de près) qui
puisse, au même titre que
la SNCF et les demandeurs
éventuels, participer aux
rencontres et contrôler ce
qui se fait sur ce talus, se
référant à la loi qui punit
de lourdes amendes et
parfois même de peines
de prison les responsables
de la destruction despèces
protégées (ce qu’entraînerait
forcément la destruction
de leur habitat).
En plein Paris, un îlot
de biodiversité spontané,
c’est une richesse rare et
précieuse. Il serait navrant
de ne pas la préserver.
Christiane Ruffier-Reynie
Les personnes qui
désireraient avoir
des informations
complémentaires ou qui,
par miracle, auraient une
solution à proposer, peuvent
écrire au Courrier de la
Nature.
Dernière minute
On a tué Cannelle
pour la deuxième
fois!
La décision
gouvernementale de ne
pas lâcher une ourse, au
printemps 2011 en Béarn,
équivaut à signer larrêt
de mort de l’espèce dans
les Pyrénées occidentales,
où elle n’a jamais cessé de
cohabiter avec l’homme
depuis la nuit des temps.
Le refus de ce sauvetage
«in extremis» du noyau
occidental de lours brun est
un reniement de la parole
de l’Etat au niveau national
(signature du contrat de
charte en 2004, plan de
restauration de 2006,
annonce du renforcement
en Béarn par Mme
Jouanno en juillet 2010) et
international.
Ne pas apporter une
femelle en Béarn, c’est
accepter la disparition d’une
espèce protégée, en danger
d’extinction en France et
sur le point de s’éteindre en
Béarn, où ne subsistent que
deux mâles. C’est porter un
coup au patrimoine naturel
et culturel du Béarn, où
l’ours est le symbole dune
montagne pyrénéenne
qui attire tous les ans des
millions de visiteurs.
Le FIEP Groupe ours
Pyrénées qui milite
depuis plus de trente
ans «pour que l’ours
et le berger puissent
vivre ensemble dans les
Pyrénées» est abasourdi
face à une décision
aussi incompréhensible
qu’irrationnelle.
C’est dautant plus vrai que
le CNPN a donné un avis
favorable et que le ministère
de l’Ecologie était pour ce
renforcement en Béarn.
Ce serait un arbitrage au
niveau de la Présidence de
la République qui aurait
voulu «ménager» les
syndicats agricoles au
moment où une partie de la
France était touchée par un
printemps sec…
Mais le Béarn a rarement
connu une fin de printemps
et un été aussi humide et
avec autant d’herbe en
montagne…
A-t-on le droit de sacrifier
un monument écologique
vivant à des considérations
électoralistes, à très court
terme? A-t-on le droit de
sacrifier une espèce qui n’a
fait que sept victimes parmi
les ovins en Béarn en 2010,
alors que les chiens, les
maladies, les accidents, la
concurrence étrangère, le
manque de main d’œuvre,
les réglementations
draconiennes font de vrais
dégâts auprès des éleveurs.
Comment la France peut-
elle annoncer le 19 mai 2011
et communiquer sur une
Stratégie nationale de la
biodiversité (2011-2020) et
le 1er juin faire le contraire
sur le terrain là où sa
responsabilité est engagée
concrètement et à court
terme?
La Ministre de l’Ecologie
a eu beau annoncer le 6
juin, lors dun déplacement
dans les Pyrénées-
Atlantiques, que «Le
programme d’introduction
est gelé cette année,
pour plusieurs facteurs,
notamment conjoncturels
(sécheresse, tensions), il reste
complètement dactualité
pour 2012, compte tenu des
engagements pris dans ce
domaine par la France.»
Qui peut imaginer qu’en
2012, en pleine campagne
électorale, le gouvernement
lâchera une ourse en
Béarn?
Le FIEP et Cap ours ont
écrit au Président de la
République pour demander
le renforcement à l’automne
2011, compte tenu du fait
qu’il n’y a pas de sécheresse
dans les Pyrénées…
Source: Les Nouvelles
Ours n° 93, revue éditée par
le Fonds d’intervention Eco
Pastoral (FIEP), Groupe Ours
Pyrénées
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011 5
Société nationale de protection de la nature
et dacclimatation de France
Association régie par la loi de 1901,
fondée le 10 février 1854,
reconnue d’utilité publique le 26 février 1855
SNPN, siège,
9, rue Cels, 75014 Paris.
Tél. 01.43.20.15.39 - Fax. 01.43.20.15.71
E-mail : snpn@wanadoo.fr
Internet : http:\\www.snpn.com
SNPN, réserve nationale de Camargue,
La Capelière, 13200 Arles.
Tél. 04.90.97.00.97 - Fax. 04.90.97.01.44
SNPN, réserve de Grand-Lieu,
15, rue de la Châtaigneraie, 44830 Bouaye.
Tél. et fax. 02.40.32.62.81
Conseil dadministration
Année 2011
Président : Jean Untermaier.
Vice-présidents : Christian Jouanin,
François Ramade, Pierre Pfeffer.
Secrétaire général et trésorier : Michel Echaubard.
Secrétaire général adjoint : Marie-Hélène Baconnet.
Administrateurs :
Philippe Bruneau de Miré, Gérard Charollois,
Patrick Dierich, Lauriane d’Este, Jacques Fretey,
Charles Genet, Jean-Marie Gourreau,
omasHermans, Stéphanie Hudin, Patrick Janin,
Jean-Dominique Lebreton, Jacques Marinier,
François Moutou, Jean-Marc Pons,
AnnikSchnitzler, Gilbert Simon,
Gabrielleiébaut, Daniel Yon.
SOMMAIRE
261
Une agence photographique très nature partenaire
du Courrier de la Nature. Nouvelle adresse :
Gamma-Rapho
85, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris
Tél. 01.73.00.70.70
Ce numéro du Courrier de la Nature comporte entre les pages
26 et 27 un encart « Société nationale de protection de la na-
ture » de 4 pages nurotées de I à IV.
Mai-Juin 2011
Courrier des lecteurs 2
Editorial 3
Dernière minute 4
Echos-Actualité : 6
Manifeste pour la recherche en ingénierie écologique - Des cigognes
blanches abattues en Charente-Maritime - Les algues vertes ont tué
36 sangliers - Le grand tétras sur l’autel de la chasse - Les gorilles
de montagne menacés dans le parc des Virunga - Les haploops
de Bretagne - Les agrocarburants participent au réchauffement
climatique - Destructions illégales doiseaux en Europe - Découverte
dun supergène du mimétisme chez le papillon Heliconius numata
- Réintroductions d’aigles de Bonelli.
Vie de la SNPN 16
Des plantes tropicales qui forment des mares : 20
les broméliacées-citerne. Un écosystème aquatique
miniature capital pour la biodiversité
par J.-F. Carrias, C. Leroy, R. Céghino, A.-C. Lehours,
L. Pélozuelo, A. Dejean & B. Corbara
Les chiroptères et la forêt : de la connaissance 28
à laction ! Etat des lieux de leur prise en compte
dans la gestion
par Laurent Tillon & Audrey Tapiero
Réflexions sur les communautés hommes-singes 34
par Chris Herzfeld
Les mares de nos campagnes 44
Agenda 46
Les rendez-vous nature de la SNPN 47
Bibliographie 48
Couverture : Inflorescence dAechmea mertensii.
Photo Jean-François Carrias
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