le courrier de la

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le courrier de la
Nature
261
Bimestriel édité par la Société nationale de protection de la nature
Mai-Juin 2011 - ISSN 0011-0477
Courrier des lecteurs
Mortalité des
abeilles : un
phénomène
complexe aux causes
multiples
Le Courrier de la
Nature n° 259 se fait
l’écho d’une réunion du
réseau Biodiversité pour
les Abeilles qui s’est tenue
à l’ONU, au cours de
laquelle il a été affirmé
par les experts (présents)
que « la mortalité des
abeilles reste largement
inexpliquée ». Les pesticides
systémiques ne seraient
tout au plus responsables
que « d’intoxications
accidentelles ». Pour preuve,
dix ans après l’introduction
du Fipronil et de
l’imidaclopride, la situation
continue de s’aggraver.
Quant aux scientifiques
français du CNRS et de
l’INRA, ils se seraient donc
« focalisés » à tort sur ces
toxiques. Il suffirait donc
de réaliser des jachères
apicoles pour rétablir la
situation.
Cette perception ne me
surprend pas mais me
choque. Quels experts
a-t-on entendus ? Depuis
l’introduction des deux
premiers produits
systémiques : d’autres
molécules systémiques
ont-elles, oui ou non, été
régulièrement mises sur
le marché ? L’usage de ces
systémiques s’est-il réduit ou
s’est-il accru dans le monde
entier ? Les semences
vendues, ou celles utilisées
pour produire des plants
vendus en jardinerie, sontelles, oui ou non, enrobées ?
Un jeune hérisson, issu d’une
mise bas tardive, sollicite sa mère
pour la téter (novembre 2010).
Utilise-t-on, oui ou non,
ces semences enrobées
dans le milieu forestier ?
Les populations des 1 000
espèces d’abeilles sauvages,
autant que de nombreux
autres invertébrés, sont-elles
elles aussi en chute libre ?
A la première question, les
experts réunis au colloque
Apimondia, qui s’est tenu
à Montpellier en 2009,
ont conclu dans un sens
diamétralement opposé.
Pour toutes les autres
questions, la réponse est
systématiquement « oui ».
A lire ces lignes, le constat
est simple. Les experts
scientifiques français,
italiens, américains,
hollandais, et d’ailleurs,
pourront continuer à
démontrer combien
la contamination à
très faible dose par les
neurosystémiques fragilise
les abeilles en particulier,
et les insectes en général,
que c’est cette fragilisation,
notamment du système
immunitaire, qui favorise le
développement de maladies
aussi diverses que variées,
que ce travail restera lettre
morte tant que les intérêts
des firmes seront supérieurs
aux intérêts de la nature.
Au moins, dans les années
1970 le DDT a été interdit
avec bien moins de preuves
scientifiques que nous n’en
disposons aujourd’hui pour
les neurosystémiques dont
la toxicité est de 10 000 à
33 000 fois plus élevée pour
les insectes que pour les
vertébrés. La méthode Coué
n’y changera rien. Quelle
régression depuis cinquante
ans !
Conflits d’intérêts : aucun.
Christian Pacteau
Référent Pesticides LPO
Auteur d’Un Pacte Toxique
Que va-t-on faire
d’un terrain où
vivent en liberté,
depuis des années,
des hérissons ?
Oui, de façon inattendue,
des hérissons ont gagné la
capitale, probablement en
suivant les talus de voies
ferroviaires désaffectées
(par exemple la petite
ceinture) et ils ont trouvé çà
et là des endroits favorables
pour s’établir… Un de ces
endroits se trouve en plein
Paris, sur précisément un
de ces talus surmontant
des voies sans activité. Long
d’environ 1 km, situé entre
une esplanade limitée par
une clôture barbelée et, en
bas, par une route ouverte à
tous mais décourageant les
éventuels explorateurs par
une végétation dense (en
particulier des ronces),
Photo Geneviève Renson
EDITORIAL
le courrier de la
Nature
édité par la Société nationale
de protection de la nature
et d’acclimatation de France
Dix ans…
association à but non lucratif
fondée le 10 février 1854
reconnue d’utilité publique
le 26 février 1855
Dix ans ont passé depuis que vous nous avez quittés*, Chère
Mademoiselle Lapicque, et vous nous manquez plus que jamais.
Dix années qui se sont écoulées comme un torrent de montagne.
C’était hier que le soir, après le travail, nous refaisions le monde.
Comment va-t-il aujourd’hui, le monde ? Ca grouille, ça chauffe,
ça pullule et ça pollue toujours plus ! Mais rassurez-vous, le soleil
se lève encore, courageusement, chaque matin.
Sachez que vos affaires ont été réglées sans problème, mais il aura tout de même fallu sept ans pour y parvenir. La SNPN occupe
jusqu’au dernier mètre carré les locaux de la rue Cels que vous lui
avez donnés. Les réunions du conseil d’administration se tiennent
encore dans votre pavillon et les débats sont toujours aussi enflammés lorsque l’on traite des grands sujets de la conservation de la
nature. Ils sont plus posés lorsque l’on aborde les questions financières. Heureusement, votre générosité a grandement contribué
à assurer la pérennité de la SNPN. Sans vous, notre association
n’aurait pas vu la fin de cette décennie.
Quant à Bretagne vivante, elle gère vos terrains de la baie de
Launay au mieux des moyens que vous lui avez laissés. Et, puisque
nous sommes entre nous, sachez que votre riche voisine de Ploubazlanec, Mme Liliane B… a bien des soucis. Sa fille l’accuse de
dilapider sa fortune, d’autres d’avoir financé la campagne électorale du président de la République. Dommage que vous n’ayez pas
eu le temps de lui exposer nos derniers projets de conservation,
comme vous vouliez le faire avant votre départ ; son argent eut été
mieux employé.
Une dernière nouvelle : l’heure de la retraite a sonné pour moi.
Cela me faisait rire, mais vous aviez en quelque sorte raison quand
vous disiez qu’il faudrait dix ans pour trouver et former celle ou
celui qui me remplacera. Je pars à la fin de ce mois d’octobre et je
ne sais pas encore qui me succédera.
Je vais donc quitter votre maison de la rue Cels où vous resterez
présente comme vous le resterez dans le cœur de ceux qui vous
ont connu. Si vivre c’est agir comme si l’on était éternel et aimer
comme si chaque jour était le dernier, alors, malgré les peines et
les souffrances, votre vie fut belle.
9, rue Cels, 75014 Paris
Tél. 01.43.20.15.39
Fax. 01.43.20.15.71
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Directeur de la publication :
Jean Untermaier
Rédacteurs :
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Revue bimestrielle
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pour les membres de la
Société nationale de
protection de la nature
ayant acquitté leur cotisation annuelle.
Cotisation 2011 : 25 €
Edition : Octobre 2011
Commission paritaire n° 0912 G 82094
Dépôt légal : 4e trimestre 2011
© Copyright 2011 Société nationale de
protection de la nature
Les opinions émises dans Le Courrier de la Nature sont
celles des auteurs ou de la rédaction. Elles n’expriment pas
nécessairement le point de vue de la Société nationale de
protection de la nature. La rédaction reste libre d’accepter,
d’amender ou de refuser les manuscrits qui lui sont proposés. Les auteurs conservent la responsabilité entière des
opinions émises sous leur signature.
Imprimé sur papier écologique
blanchi sans chlore
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
M. G.
*Mlle Paule Lapicque est décédée le 8 octobre 2001 à l’âge de 91 ans. Voir Le Courrier
de la Nature n° 197 page 3.
3
Courrier des lecteurs
il a offert aux hérissons
ainsi qu’à d’autres petits
mammifères, à des
gastéropodes, des oiseaux,
des insectes, un habitat
idéal pour se reposer, se
cacher, se nourrir et se
reproduire au sein d’un
équilibre naturel. Cet
équilibre fut brutalement
détruit il y a quelques
années par un arrosage
de produits hautement
toxiques, à l’initiative de
la SNCF. Opération qui ne
s’est pas reproduite grâce
à quelques protestations
énergiques, ce qui a permis
le retour à cet équilibre
naturel.
Mais maintenant, voici des
plans pour une urbanisation
intense de quartiers voisins,
voici des proclamations
de « valorisation de
la nature » par des
animations diverses. Alors ?
Outre les dangers actuels
auxquels s’exposent les
hérissons se risquant sur
l’esplanade la nuit lorsqu’ils
se trouvent en face de
visiteurs nocturnes parfois
accompagnés de chiens,
il serait bien étonnant, vu
que ces terrains du talus
sont très convoités, que
certains ne cherchent pas
à se les approprier ou à
s’entendre avec la SNCF
(propriétaire du terrain)
pour avoir l’autorisation d’y
faire des aménagements
selon leurs désirs. Avant que
la moindre modification
soit apportée à la nature
sauvage de ce terrain, il
est donc indispensable et
urgent : 1) que soit réalisé
par des scientifiques un
inventaire faunistique et
floristique ; 2) qu’on trouve
une vraie association de
protection de la nature (de
préférence locale afin de
pouvoir suivre l’évolution
de la situation de près) qui
puisse, au même titre que
la SNCF et les demandeurs
éventuels, participer aux
rencontres et contrôler ce
qui se fait sur ce talus, se
référant à la loi qui punit
de lourdes amendes et
parfois même de peines
de prison les responsables
de la destruction d’espèces
protégées (ce qu’entraînerait
forcément la destruction
de leur habitat).
En plein Paris, un îlot
de biodiversité spontané,
c’est une richesse rare et
précieuse. Il serait navrant
de ne pas la préserver.
Christiane Ruffier-Reynie
Les personnes qui
désireraient avoir
des informations
complémentaires ou qui,
par miracle, auraient une
solution à proposer, peuvent
écrire au Courrier de la
Nature.
Dernière minute
On a tué Cannelle
pour la deuxième
fois !
La décision
gouvernementale de ne
4
pas lâcher une ourse, au
printemps 2011 en Béarn,
équivaut à signer l’arrêt
de mort de l’espèce dans
les Pyrénées occidentales,
où elle n’a jamais cessé de
cohabiter avec l’homme
depuis la nuit des temps.
Le refus de ce sauvetage
« in extremis » du noyau
occidental de l’ours brun est
un reniement de la parole
de l’Etat au niveau national
(signature du contrat de
charte en 2004, plan de
restauration de 2006,
annonce du renforcement
en Béarn par Mme
Jouanno en juillet 2010) et
international.
Ne pas apporter une
femelle en Béarn, c’est
accepter la disparition d’une
espèce protégée, en danger
d’extinction en France et
sur le point de s’éteindre en
Béarn, où ne subsistent que
deux mâles. C’est porter un
coup au patrimoine naturel
et culturel du Béarn, où
l’ours est le symbole d’une
montagne pyrénéenne
qui attire tous les ans des
millions de visiteurs.
Le FIEP Groupe ours
Pyrénées qui milite
depuis plus de trente
ans « pour que l’ours
et le berger puissent
vivre ensemble dans les
Pyrénées » est abasourdi
face à une décision
aussi incompréhensible
qu’irrationnelle.
C’est d’autant plus vrai que
le CNPN a donné un avis
favorable et que le ministère
de l’Ecologie était pour ce
renforcement en Béarn.
Ce serait un arbitrage au
niveau de la Présidence de
la République qui aurait
voulu « ménager » les
syndicats agricoles au
moment où une partie de la
France était touchée par un
printemps sec…
Mais le Béarn a rarement
connu une fin de printemps
et un été aussi humide et
avec autant d’herbe en
montagne…
A-t-on le droit de sacrifier
un monument écologique
vivant à des considérations
électoralistes, à très court
terme ? A-t-on le droit de
sacrifier une espèce qui n’a
fait que sept victimes parmi
les ovins en Béarn en 2010,
alors que les chiens, les
maladies, les accidents, la
concurrence étrangère, le
manque de main d’œuvre,
les réglementations
draconiennes font de vrais
dégâts auprès des éleveurs.
Comment la France peutelle annoncer le 19 mai 2011
et communiquer sur une
Stratégie nationale de la
biodiversité (2011-2020) et
le 1er juin faire le contraire
sur le terrain là où sa
responsabilité est engagée
concrètement et à court
terme ?
La Ministre de l’Ecologie
a eu beau annoncer le 6
juin, lors d’un déplacement
dans les PyrénéesAtlantiques, que « Le
programme d’introduction
est gelé cette année,
pour plusieurs facteurs,
notamment conjoncturels
(sécheresse, tensions), il reste
complètement d’actualité
pour 2012, compte tenu des
engagements pris dans ce
domaine par la France. »
Qui peut imaginer qu’en
2012, en pleine campagne
électorale, le gouvernement
lâchera une ourse en
Béarn ?
Le FIEP et Cap ours ont
écrit au Président de la
République pour demander
le renforcement à l’automne
2011, compte tenu du fait
qu’il n’y a pas de sécheresse
dans les Pyrénées…
Source : Les Nouvelles
Ours n° 93, revue éditée par
le Fonds d’intervention Eco
Pastoral (FIEP), Groupe Ours
Pyrénées
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
261
SOMMAIRE
Mai-Juin 2011
Courrier des lecteurs
2
Editorial
3
Dernière minute
4
Echos-Actualité :
6
Manifeste pour la recherche en ingénierie écologique - Des cigognes
blanches abattues en Charente-Maritime - Les algues vertes ont tué
36 sangliers - Le grand tétras sur l’autel de la chasse - Les gorilles
de montagne menacés dans le parc des Virunga - Les haploops
de Bretagne - Les agrocarburants participent au réchauffement
climatique - Destructions illégales d’oiseaux en Europe - Découverte
d’un supergène du mimétisme chez le papillon Heliconius numata
- Réintroductions d’aigles de Bonelli.
Vie de la SNPN
16
Des plantes tropicales qui forment des mares :
20
les broméliacées-citerne. Un écosystème aquatique
miniature capital pour la biodiversité
par J.-F. Carrias, C. Leroy, R. Céréghino, A.-C. Lehours,
L. Pélozuelo, A. Dejean & B. Corbara
Les chiroptères et la forêt : de la connaissance
à l’action ! Etat des lieux de leur prise en compte
dans la gestion
par Laurent Tillon & Audrey Tapiero
28
Réflexions sur les communautés hommes-singes
par Chris Herzfeld
34
Les mares de nos campagnes
44
Agenda
46
Les rendez-vous nature de la SNPN
47
Bibliographie
48
Couverture : Inflorescence d’Aechmea mertensii.
Photo Jean-François Carrias
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Société nationale de protection de la nature
et d’acclimatation de France
Association régie par la loi de 1901,
fondée le 10 février 1854,
reconnue d’utilité publique le 26 février 1855
SNPN, siège,
9, rue Cels, 75014 Paris.
Tél. 01.43.20.15.39 - Fax. 01.43.20.15.71
E-mail : [email protected]
Internet : http:\\www.snpn.com
SNPN, réserve nationale de Camargue,
La Capelière, 13200 Arles.
Tél. 04.90.97.00.97 - Fax. 04.90.97.01.44
SNPN, réserve de Grand-Lieu,
15, rue de la Châtaigneraie, 44830 Bouaye.
Tél. et fax. 02.40.32.62.81
Conseil d’administration
Année 2011
Président : Jean Untermaier.
Vice-présidents : Christian Jouanin,
François Ramade, Pierre Pfeffer.
Secrétaire général et trésorier : Michel Echaubard.
Secrétaire général adjoint : Marie-Hélène Baconnet.
Administrateurs :
Philippe Bruneau de Miré, Gérard Charollois,
Patrick Dierich, Lauriane d’Este, Jacques Fretey,
Charles Genet, Jean-Marie Gourreau,
Thomas Hermans, Stéphanie Hudin, Patrick Janin,
Jean-Dominique Lebreton, Jacques Marinier,
François Moutou, Jean-Marc Pons,
Annik Schnitzler, Gilbert Simon,
Gabrielle Thiébaut, Daniel Yon.
Ce numéro du Courrier de la Nature comporte entre les pages
26 et 27 un encart « Société nationale de protection de la nature » de 4 pages numérotées de I à IV.
Une agence photographique très nature partenaire
du Courrier de la Nature. Nouvelle adresse :
Gamma-Rapho
85, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris
Tél. 01.73.00.70.70
5
ECHOS ACTUALITE
Espèces invasives
Création d’un
Observatoire de
l’ambroisie
C’est ce qui a été décidé en
juillet dernier par le ministère
en charge de la Santé, dans
le cadre du Plan national
santé environnement 2, en
coopération avec les ministères
de l’Agriculture et de l’Ecologie.
Cet observatoire a pour mission
de favoriser la coordination
des actions de lutte menées
contre cette plante hautement
allergisante (cf. aussi Le Courrier
de la Nature n° 259, p. 8) aux
niveaux national, européen
et international. Hébergé par
l’INRA (Institut national de la
recherche agronomique),
il répertoriera :
les connaissances sur
l’ambroisie et ses effets sur la
santé et les milieux ;
les actions de prévention, de
lutte durable, de formation et
d’information ;
les données scientifiques et
travaux de recherche.
Observatoire de l’ambroisie,
Agro Sup Dijon,
Bâtiment Combe Berthaux,
26, bd du Docteur-Petitjean,
BP 87999, 21079 Dijon.
Pollution
Halte aux insecticides,
place au piégeage !
C’est l’objectif du programme
ALTERPRO, mis en place par
l’INRA et le centre national
Plante & Cité dans le cadre
du Plan Ecophyto 2018*. Ce
programme vise à identifier les
modalités optimales de contrôle
de la chenille processionnaire
du pin en milieu urbain par
le piégeage. Cette technique,
parmi les plus respectueuses
de l’environnement, a déjà fait
ses preuves en milieu forestier
pour le piégeage en masse des
papillons mâles et des chenilles.
Les expérimentations en cours
devraient aboutir en 2013 à un
ensemble de préconisations.
Source : INRA d’Avignon, Unité
expérimentale Entomologie et
Forêt méditerranéenne.
www.paca.inra.fr/entomologie_
foret_med.
* Le plan Ecophyto,
adopté suite au Grenelle de
l’environnement, vise à réduire
de 50 % l’usage des produits
phytosanitaires d’ici à 2018.
6
Manifeste
Une ambition pour la recherche
en ingénierie écologique
Photo Sébastien de Danieli
Le monde connaît aujourd’hui
des bouleversements qui questionnent l’intelligibilité de l’ensemble du système Terre. Nous
sommes entrés dans une nouvelle ère, l’Anthropocène, dans
laquelle l’influence grandissante
de l’homme semble conduire
vers des crises inéluctables :
perte rapide de biodiversité,
épuisement des ressources,
changements climatiques, maladies émergentes… Les phénomènes auxquels nous sommes
confrontés comme les conséquences qu’ils engendrent
s’expriment bien au-delà des
échelles de décision classiques et
leur appréhension échappe aux
cloisonnements disciplinaires
de la science. Si la question
de l’environnement a pu être
reléguée au second plan, à une
période où la population était
moins nombreuse, les perspectives démographiques actuelles
et la globalisation socio-économique ont mis en évidence
la finitude du monde et de ses
ressources. Nous entrons dans
une période de transition entre
deux civilisations où l’un des
enjeux majeurs est le pilotage
de dynamiques environnemen-
tales selon des trajectoires et
vers des horizons choisis. Cela
implique nécessairement une
certaine maîtrise des processus
du vivant à des niveaux d’intégration inhabituels (populations,
communautés,
écosystèmes,
paysages). S’engager dans cette
voie ne peut s’envisager sans un
réarrangement des savoirs et
des pratiques qui ne va pas de
soi, mais qui ouvre des perspectives stimulantes faisant appel
à de nouvelles dimensions de
notre sens des responsabilités et
à notre capacité à imaginer de
nouvelles approches du monde.
Dans le champ du vivant,
trois éléments de contexte sont
plus particulièrement à considérer. D’abord, la dégradation de
la qualité de l’environnement
qui implique pour les sociétés
une adaptation permanente
et multiple. Ensuite, la pression
croissante sur les ressources qui
contraint à en revoir les modes
d’exploitation et à s’engager
dans des politiques d’optimisation de leur gestion. Enfin,
la dynamique des réglementations nationales et des accords
internationaux (loi de 1976 sur la
Ouvrage de protection de berge
par technique de génie végétal
sur un torrent de montagne.
protection de la nature, Convention sur la diversité biologique,
Directive cadre européenne sur
l’eau, Directive « Habitat », lois
Grenelle, obligation de compensation écologique, Plateforme
internationale sur la biodiversité
et les services écosystémiques…)
qui impose la mise en œuvre de
réponses opérationnelles de restauration et de compensation
écologiques. L’urgence sociale
des questions environnementales et l’intensité des pressions
juridiques conduisent à engager
des actions aujourd’hui malgré
le déficit de savoirs génériques
et prédictifs et d’un corpus de
pratiques éprouvées.
Ces savoirs et pratiques se
rassemblent dans une discipline
en émergence, l’ingénierie écologique, qui vise le passage d’une
artificialisation incontrôlée de
systèmes vivants à leur transformation explicite, maîtrisée et
adaptative. L’ingénierie écologique désigne les savoirs scientifiques et les pratiques, y compris
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
empiriques, mobilisables pour
la gestion de milieux et de ressources, la conception, la réalisation et le suivi d’aménagements
ou d’équipements inspirés de,
ou basés sur, les mécanismes qui
gouvernent les systèmes écologiques. Elle fait appel à la manipulation, le plus souvent in situ,
parfois en conditions contrôlées,
de populations, de communautés ou d’écosystèmes, au pilotage de dynamiques naturelles
et à l’évaluation de leurs effets
désirables ou indésirables. C’est
une ingénierie centrée sur le vivant envisagé comme moyen ou
comme objectif de l’action.
L’ingénierie écologique se déploie dans un champ scientifique
et technique selon trois objectifs
essentiels du développement
durable : l’optimisation de la gestion des ressources naturelles,
la restauration des milieux
naturels dégradés, le pilotage
de fonctions et de services écosystémiques. Elle fait appel aux
sciences et techniques de l’ingénieur mobilisables pour l’évaluation des ressources, la prévention des catastrophes naturelles
ou technologiques et l’atténuation de leurs effets. Elle intègre
les modalités d’aménagement
des territoires et d’organisation
des activités économiques qui
minimisent les impacts anthropiques sur l’environnement. Elle
renvoie à la réhabilitation d’écosystèmes dégradés, à la réintroduction d’espèces, à la création de nouveaux écosystèmes
durables ayant une valeur pour
l’homme et pour la biosphère.
Elle a également recours à la
manipulation in situ de systèmes
écologiques et à la mise au point
d’outils biologiques pour optimiser la fourniture de services
écosystémiques ou résoudre
des problèmes de pollution. Elle
implique enfin une analyse critique des finalités, des modalités
et des conséquences de l’utilisation du vivant par les sociétés. En intégrant les dimensions
éthiques, réglementaires, sociales, économiques, biologiques
ou biogéochimiques de l’action
sur l’environnement, l’ingénierie
écologique pose une problématique qui abolit les frontières
traditionnelles entre les sciences
et qui fusionne recherche fondamentale et recherche appliquée.
L’ingénierie écologique, apparue aux Etats-Unis il y a une
quarantaine d’années, mais qui
a des racines plus anciennes, par
exemple dans les sciences forestières, a progressé lentement
en France. Deux initiatives ont
cependant permis de faire émerger une communauté scientifique concernée : le programme
« Recréer la nature » lancé par le
ministère chargé de l’Environnement (1995-2001) et plus récemment le programme interdisciplinaire de recherche IngecoIngecotech cofinancé par le
CNRS et le Cemagref depuis
2007. Si ces investissements
restent en deçà des enjeux, ils
ont néanmoins permis d’acquérir une maturité conceptuelle
sur un certain nombre de problématiques, de produire des
Implantation de reines
fondatrices de fourmis
moissonneuses utilisées pour
la restauration de la steppe de
Crau.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
amorces de savoirs génériques
pour le cadrage de l’action,
d’identifier une communauté
scientifique composée de chercheurs appartenant à plusieurs
domaines et prêts à s’investir
dans ce nouveau champ et,
enfin, de structurer des réseaux
associant scientifiques, praticiens et autres acteurs de la
filière. Cette dynamique a été
permise par l’excellence de la
recherche française en écologie
et disciplines associées, reconnue par la Stratégie nationale
de la recherche et de l’innovation. Elle procède également
d’une forte demande émanant
principalement des collectivités
publiques, relayée par un secteur
professionnel en pleine expansion partout en Europe. Ce secteur, où les Petites et moyennes
entreprises occupent une place
dominante, est confronté à des
systèmes vivants complexes et à
un champ de contraintes changeant. Il est freiné dans son action quotidienne par la faiblesse
des savoirs opérationnels disponibles et l’absence d’une formalisation des pratiques. Il exprime
un fort besoin d’innovation qui
Photo Renaud Jaunatre
BONS ET MAUVAIS JOURS
9 juin 2011 :
La Cour de justice de l’Union
européenne condamne la
France pour sa mauvaise
gestion des populations de
grand hamster d’Alsace.
20 juin 2011 :
Le président kenyan, Mwai
Kibaki, brûle 200 défenses
d’éléphants – représentant
5 tonnes d’ivoire – saisies à
Singapour en 2002 et dont les
analyses ADN ont révélé que
la majeure partie provenait
d’éléphants braconnés en
Zambie.
21 juin 2011 :
Le Conseil des ministres
de l’Environnement de la
Commission européenne
adopte ses conclusions sur
la Stratégie Biodiversité
2020. Les Etats membres
se sont entendus pour
adopter les six objectifs de
la Communication, mais
ils n’ont pas su se mettre
d’accord sur les 20 actions
prioritaires et le financement
nécessaire pour répondre
à l’enjeu de la perte de
biodiversité.
21 juin 2011 :
A Toulouse, les associations
refusent de participer à
la réunion de la Stratégie
pyrénéenne de valorisation
de la biodiversité, en réaction
à l’abandon par l’Etat du
projet de lâcher d’une ourse
dans le Béarn. C’était en effet
lors de la présentation de
cette stratégie en juillet 2010
que le Gouvernement avait
annoncé la réintroduction
d’une ourse en remplacement
de Franska, morte suite à une
collision routière.
30 juin 2011 :
En Espagne, le directeur
du Centre de récupération
d’espèces menacées (CREA)
et deux employés sont mis en
examen pour délits contre la
faune et la flore, falsification
de documents publics et
fraude aux subventions.
La rubrique
«Echos-Actualité»
est réalisée
avec la collaboration de
Mme Jane Sabrier
7
ECHOS ACTUALITE
Infrastructures routières
Menaces sur la
dernière forêt primaire
européenne
Le gouvernement roumain
vient de donner son accord pour
la construction d’une route
nationale traversant deux aires
protégées dans les montagnes
des Carpates, alors que l’étude
d’impact de ce projet sur le
dernier pan intact de forêt en
Europe tempérée (100 000 ha)
n’aura duré que cinq jours !
Ce seraient 2 552 ha de cette
forêt qui seraient compromis.
Plusieurs organisations non
gouvernementales ont donc
décidé de porter plainte devant
la Commission européenne.
Source : WWF DanubeCarpathian Programme,
Ottakringer Strasse 114-116,
1160 Vienne, Autriche.
www.panda.org/dcpo.
Zones humides
Un guide juridique
« Protection et gestion
des espaces humides et
aquatiques – Guide juridique
d’accompagnement des bassins
de Rhône-Méditerranée et de
Corse » : tel est le titre intégral
de ce guide paru en 2010 et
aujourd’hui disponible en
version numérique.
Issu d’un partenariat entre
Olivier Cizel, juriste membre
du Groupe d’histoire des zones
humides, le Pôle relais lagunes
méditerranéennes et l’Agence
de l’eau Rhône-Méditerranée
et Corse, ce document complet
et pédagogique aborde les
différentes facettes des zones
humides : délimitation,
administration, types de
protection, impacts…
Près de 500 textes législatifs
et réglementaires y sont ainsi
commentés et complétés de
différents éléments.
Il est téléchargeable sur
www.pole-lagunes.org.
Source : La lettre du réseau
Natura 2000, juin 2011.
Cigogne blanche.
8
passe par la recherche mais aussi
par l’ouverture de cycles de formation initiale, déjà engagé dans
certains établissements, et par
un accompagnement des professionnels en exercice (formation continue, organisation de
l’expertise, diffusion des connaissances…).
Une meilleure maîtrise de la
complexité, nécessitée par la
multiplicité des mécanismes
qui sont à l’origine de la dynamique des systèmes écologiques
et sociaux, est un point clé du
développement de l’ingénierie
écologique. La recherche se doit
de contribuer à l’émergence, au
renouvellement et à la validation
des pratiques d’ingénierie écologique, elle seule peut permettre
d’avancer vers un pilotage minimal de la complexité écologique
et environnementale. L’essor
actuel de l’ingénierie écologique
constitue une occasion historique de valoriser les acquis français en écologie et sciences de
l’environnement et de légitimer
socialement un secteur scientifique qui invite à penser différemment le vivant et la place
de l’humanité dans la biosphère.
La recherche en ingénierie écologique est à même de fournir
les connaissances nouvelles
requises, de mobiliser et d’assembler les savoirs émanant de
champs disciplinaires variés, de
traduire les savoirs académiques
en guides et en boîtes à outils
pour l’action, d’énoncer des
principes généraux à partir des
retours d’expériences, de mettre
en synergie savoirs et pratiques.
Les communautés scientifiques
des organismes de recherche
et des universités ne pourront
pas s’engager si elles ne sont pas
soutenues au-delà des initiatives
existantes qui ont clairement
atteint leurs limites. L’ingénierie écologique se développera
avec ou sans les communautés
scientifiques françaises. Nous
demandons donc instamment
aux décideurs de la politique
scientifique de mettre en place
au plus tôt les structures et les
mécanismes de financement qui
permettront à la recherche en
ingénierie écologique de contribuer à la révolution environnementale en cours.
Ce document a été rédigé dans
le cadre du Programme Interdisciplinaire de Recherche CNRS/
Cemagref Ingecotech-Ingeco par
les participants au séminaire de
Royaumont réunissant, du 14 au
16 décembre 2010, les responsables
du programme, le Conseil scientifique d’Ingecotech, les responsables des réseaux AGEBIO, GAIE
et REVER.
Oiseaux protégés
Des cigognes blanches abattues en
Charente-Maritime
Photo Yves Thonnérieux
Sur les quelque 1 600 couples
de cigognes blanches installés
dans notre pays, la CharenteMaritime en abrite à elle seule
320 en 2011 (contre 150 en 2005),
ce qui correspond à la deuxième
population nicheuse française
après celle du Haut-Rhin.
Hélas ce constat positif d’un
développement de la population est entaché de quelques
bavures ! Quatre précisément la
dernière semaine de juillet !
Ce sont en effet quatre individus morts qui ont été découverts autour de la ville de Saintes.
Les autopsies ont révélé que ces
décès n’avaient rien de naturel ni
d’accidentel : les oiseaux ont été
tués par balles ! L’Office national de la chasse et de la faune
sauvage a dressé un procès-verbal d’infraction et une enquête
est en cours. D’ores et déjà, la
LPO a porté plainte contre X.
La cigogne blanche est en effet
une espèce protégée et sa destruction (ou celle de son nid) est
passible d’une amende pouvant
atteindre 15 000 euros et/ou
d’une peine d’emprisonnement
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
pouvant aller jusqu’à un an. Malheureusement, ces actes ne sont
pas isolés dans ce département.
Parmi les autres espèces d’oiseaux victimes de malveillance,
une cigogne noire (bien plus
rare) avait ainsi été tuée en novembre 2010.
Que reproche-t-on à ces
grands échassiers ? La cigogne
blanche est notamment accusée
d’être responsable de la disparition des batraciens et même
des hirondelles ! Balivernes ! En
Charente-Maritime, pendant la
période de reproduction, l’oiseau
se nourrit essentiellement d’in-
sectes mais aussi d’écrevisses de
Louisiane. Cette espèce exotique
envahissante peut constituer
jusqu’à 95 % du régime alimentaire de notre cigogne blanche,
qui participe ainsi activement
à sa régulation ! Durant l’été,
l’oiseau se tourne vers d’autres
proies, les micromammifères,
ce qui en fait un précieux auxiliaire des agriculteurs. Et, tout au
long de l’année, il complète son
alimentation de vers de terre.
Aussi, si son comportement alimentaire opportuniste l’amène
parfois à consommer une grenouille, les populations de batra-
Algues vertes
Mort de 36 sangliers
Depuis le mois de juillet, l’opinion publique attend de savoir
pourquoi 36 sangliers et un ragondin sont morts dans l’estuaire
du Gouessant, dans les Côtesd’Armor en Bretagne. On croyait
la situation clarifiée lorsque
furent rendues publiques, dans
la nuit du 5 au 6 août 2011, les
analyses qui confirmaient la res-
ponsabilité de l’hydrogène sulfuré émis par les algues vertes
en putréfaction. Toutefois, nous
reculons à nouveau légèrement
depuis que, le 7 septembre dernier, l’Agence de sécurité sanitaire de l’environnement (Anses)
a estimé cette hypothèse « hautement probable », sans pouvoir affirmer qu’il s’agissait du
ciens sont bien plus menacées
par la dégradation générale des
zones humides et de la qualité
de l’eau que par un long bec au
bout d’un long cou ! Mais tous
les prétextes sont bons pour justifier des actes injustifiables !
Au-delà de cette triste information, et si vous avez la chance
d’observer des cigognes, n’hésitez pas à transmettre vos observations à la LPO, en précisant le
nombre d’individus, la date, le
lieu et les coordonnées de l’observateur.
Source : LPO, Fonderies Royales,
BP 90263, 17305 Rochefort Cedex.
Tél. 05.46.82.12.34. www.lpo.fr.
seul facteur. Jusqu’aux analyses
d’août, la préfecture a avancé
cette explication avec beaucoup
de prudence pour ne pas directement mettre en cause le système agricole qui favorise la prolifération des algues vertes par
l’emploi d’engrais azotés et par
l’épandage d’effluents d’élevage.
D’autres pistes ont été explorées
comme l’ingestion éventuelle de
poison ou de cyanobactéries.
Cependant, les dernières analyses sur six des sangliers et sur le
ragondin semblaient formelles.
Espèces menacées
Le lion de mer néo-zélandais en déclin
Le lion de mer, Phocarctos hookeri, est le seul pinnipède autochtone de Nouvelle-Zélande,
aujourd’hui considéré comme en danger. La reproduction a lieu dans deux îles sub-antarctiques au sud
du pays : celle d’Auckland accueille 71 % de la population et celle de Campbell les 29 % restants. Mais,
depuis 1998, la reproduction sur l’île d’Auckland a chuté de 40 %, les femelles ne retournant plus sur
les aires de reproduction. La lente augmentation de la population sur l’île Campbell ne compense pas
ce déclin rapide. Une étude récente a mis en évidence l’importance des facteurs humains dans cette
baisse de la natalité, notamment les pêcheries, induisant une compétition pour les ressources alimentaires et des morts
Photo Yves Thonnérieux
par capture involontaire.
Robertson B.,
Chilvers L. The
population decline
of the New Zealand
sea lion Phocarctos
hookeri : a review
of possible causes.
Mammal Review,
Wiley-Blackwell,
July 2011, DOI:
10.1111/j.13652907.2011.00186.x.
Lions de mer.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
BONS ET MAUVAIS JOURS
1er juillet 2011 :
Les organisations de la
société civile kenyane mènent
une manifestation pacifique à
Nairobi pour protester contre
la récente décision de leur
gouvernement d’autoriser
l’importation de maïs
génétiquement modifié.
2 juillet 2011 :
Un départ d’incendie a
lieu sur le transformateur
principal du réacteur n°1
de la centrale nucléaire du
Tricastin (Drôme).
4 juillet 2011 :
Quelque 120 sapeurs
pompiers sont mobilisés près
de Lacanau (Gironde) pour
parfaire l’extinction des feux
de tourbe ayant ravagé
330 ha.
4 juillet 2011 :
Un maire de l’île de
Kyushu au Japon autorise
le redémarrage de deux
réacteurs de la centrale
installée sur sa commune,
Genkai.
4 juillet 2011 :
Les pêcheurs, mareyeurs,
transformateurs, etc.,
sénégalais se sont réunis
à Mbour pour dire leur
inquiétude et leur colère
contre le pillage de poissons
par les navires étrangers.
6 juillet 2011 :
Le gouvernement japonais
annonce que les 54 réacteurs
nucléaires du pays vont subir
des tests de résistance par
la Commission de sûreté
nucléaire (NSC).
7 juillet 2011 :
Suite aux marées vertes en
Bretagne, l’ANSES (Agence
nationale de sécurité
sanitaire de l’environnement)
dénombre une trentaine
de gaz dégagés par la
putréfaction des algues
vertes.
10 juillet 2011 :
Des dizaines d’agriculteurs
irakiens bloquent un
poste frontière avec l’Iran
pour protester contre le
détournement par l’Iran de la
rivière Wind qui alimente les
cultures.
9
ECHOS ACTUALITE
Loup
Vers un protocole de tirs
toujours plus souple
Suite aux deux attaques
de loup survenues en début
d’été dans la vallée de l’Ubaye,
la ministre de l’Ecologie a
rencontré une délégation
composée de deux députés
alpins accompagnés de deux
présidents de chambres
départementales d’agriculture,
d’élus et d’éleveurs ovins. Il
a été décidé de proposer au
prochain groupe national loup
un ajustement du protocole
existant, afin que les éleveurs
situés dans une zone reconnue à
risque défendent leur troupeau
dès les premières attaques, sans
autre procédure administrative.
Source : Ministère de l’Ecologie,
du Développement durable, des
Transports et du Logement.
Le ragondin présente d’ailleurs
un taux record d’H2S dans les
poumons (2,45 mg/kg, soit plus
du double du taux relevé chez le
cheval mort en 2009).
Les écologistes appellent donc
à un raffermissement des mesures contre le phénomène des
marées vertes qui a été révélé au
public en 2009, suite à la mort du
cheval. L’Etat et les collectivités
ont en effet déjà lancé un plan
pour le ramassage systématique
des algues et la réduction des
rejets azotés à l’origine de cette
prolifération. Or certaines plages
ne peuvent en réalité être nettoyées et certaines contraintes
d’épandage ont été assouplies.
C’est pourquoi Gilles Huet, délé-
Grand tétras
Sur l’autel de la chasse
Photo Yves Thonnérieux
Martinique
Algues jaunes
Alors que l’algue verte a
encore causé des soucis sur
les côtes bretonnes cet été,
en Martinique c’est une algue
jaune, Sargassum fluitans, qui
s’est échouée en masse sur la
côte atlantique.
Même si cette algue produit
aussi du sulfure d’hydrogène,
à l’odeur nauséabonde, les
quantités émises sont sans
commune mesure avec celles de
sa cousine tueuse en Bretagne.
Néanmoins, par souci de
précaution, sur la quinzaine
de plages infestées, quatre ont
été déconseillées par l’Agence
régionale de la santé aux
personnes sensibles ou souffrant
d’affections respiratoires.
Source : Newsletter ActuEnvironnement,
www.actu-environnement.com.
Réserves naturelles
Classement à la
Désirade
Le 21 juillet, la Guadeloupe
s’est enrichie d’un nouveau
site naturel protégé avec le
classement de 62 ha en Réserve
naturelle nationale à la Pointe
du Doublé, sur l’île de la
Désirade. L’originalité et l’intérêt
de cette nouvelle réserve
résident notamment dans son
patrimoine géologique avec un
paysage volcanique étonnant,
sculpté par l’érosion marine.
Source : La Lettre des Réserves
naturelles de France, n° 23.
www.reserves-naturelles.org.
10
Grand tétras mâle en parade.
Energie nucléaire
Après la fission, la fusion ???
Alors que la catastrophe de Fukushima a soulevé la question
du « Sortir du nucléaire » (cf. Le Courrier de la Nature n° 258),
une enquête publique a débuté cet été autour du projet ITER.
Cette installation d’un réacteur à fusion expérimental en région
PACA voudrait tester cette nouvelle source d’énergie dans le
cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. Hélas, si
la recherche destinée à contrôler la fusion nucléaire a débuté il
y a un demi-siècle, son avancement ne permet pas d’envisager
de réacteur industriel dans ce domaine avant 2080. Impossible
d’attendre jusque-là pour revoir notre rapport à l’énergie, sans
compter les risques liés à cette technologie : déchets radioactifs
à vie longue, risques d’explosion, risques sanitaires, risques pour
l’environnement… Le tout pour un budget de quelque 15 milliards d’euros… Les crédits pour la recherche étant limités, n’y
aurait-il pas d’autres voies qui permettent de financer un avenir
moins incertain ?
Source : France nature environnement.
gué général de l’association Eau
et rivières de Bretagne, a demandé au gouvernement de revenir
sur son projet d’assouplissement
des règles d’épandage, mais aussi
que « l’Etat et les collectivités
locales ferment toutes les plages
où le ramassage ne peut être
assuré ».
Grands singes
BONS ET MAUVAIS JOURS
Les gorilles de montagne menacés
par la quête du pétrole
11 juillet 2011 :
Photo Yves Thonnérieux
11 juillet 2011 :
Source : Agence France-Presse.
C’est ce qu’estime l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) après
la présentation de la stratégie
nationale en faveur de cet oiseau
par le ministère en charge de
l’Ecologie. Si la rédaction de cette
stratégie, lancée en 2009 pour
protéger les dernières populations de coq de bruyère, a été
confiée à des associations spécialisées, elle a fait l’objet d’une large
concertation avec l’ensemble
des acteurs du dossier et a été
validée par le Muséum national
d’histoire naturelle et le Groupe
d’étude des oiseaux et de leur
chasse (GEOC). Ce n’est pourtant pas cette version qui a été
présentée au Conseil national de
protection de la nature et soumise à consultation publique. En
effet, selon l’ASPAS, deux pages
auraient été modifiées, notamment concernant l’encadrement
de la chasse de cette espèce (la
France étant le seul pays d’Europe occidentale où le grand
tétras est encore chassé !). Le 28
juillet, l’association dénonçait
cette falsification de la stratégie
et déposait plainte auprès de la
Commission européenne. Ce
même jour, le ministère de l’Ecologie démentait la falsification,
mais reconnaissait une « erreur
d’attention », précisant que le
nouveau document aurait dû
faire apparaître clairement que
ses services avaient réalisé « un
arbitrage » sur la question de
la chasse par rapport au document initial. D’où l’intérêt de la
concertation en amont !
Attendons maintenant le
verdict de la Commission européenne. Mais notre pays n’est
pas à une condamnation près en
matière de biodiversité !
Source : ASPAS, BP 505, 26401
Crest Cedex. Tél. 04.75.25.10.00.
www.aspas-nature.org.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Ouverture à Jersey de la
63e réunion plénière de
la Commission baleinière
internationale (CBI) qui
statue sur la chasse à la
baleine.
La France lance un appel
d’offres visant à installer 600
éoliennes offshore.
13 juillet 2011 :
Greenpeace accuse les
fournisseurs des fabricants
Adidas et Nike de polluer les
rivières chinoises.
13 juillet 2011 :
Le Premier ministre japonais
se déclare favorable à une
sortie du nucléaire.
13 juillet 2011 :
La Commission européenne
adopte un projet de
réglementation visant à
réduire la flotte de pêche et
le volume des captures.
Le 17 mars dernier, le gouvernement de la République démocratique du Congo a suspendu
temporairement une exploration pétrolière mise en œuvre
par les compagnies Soco et
Dominion Petroleum Ltd dans
le Parc national des Virunga (le
parc est situé dans l’est de la
République démocratique du
Congo et couvre en partie les
montagnes des Virunga, près
du Rwanda et de l’Ouganda)
jusqu’à ce qu’une Evaluation
environnementale stratégique
(EES) soit conduite. C’est le
WWF qui a lutté avec tous les
moyens à disposition (interventions politiques, pétition…) pour
faire échouer le projet qui mettait en péril un parc classé au
patrimoine mondial de l’Unesco
depuis 1979. Cependant, la fondation se montre sceptique, car
la partie est loin d’être gagnée
avant que Soco et Dominion Petroleum abandonnent définitivement le projet qui menace en
particulier une espèce déjà bien
décimée : le gorille de montagne
dont il ne reste que 500 individus dans le parc. En effet, depuis
leur découverte un siècle auparavant, ces grands singes ont
connu de nombreuses pertes
dans leurs rangs sous l’effet du
braconnage dû au commerce
illégal d’animaux et à la chasse
aux trophées. En outre, les maladies et la destruction de leurs
bases existentielles ont accru
la pression sur ces populations.
Pourtant, une embellie se fait
depuis une douzaine d’année
grâce aux efforts conjugués du
WWF et d’autres associations :
leur population a ainsi augmen-
Gorilles de montagne : mère et
son bébé de 3 mois.
té d’un septième. Il serait donc
dommage que tous ces efforts
soient réduits à néant par une
prospection pétrolière pourtant
interdite par la loi congolaise
dans le parc.
Source : WWF Suisse, Hohlstrass
110, Case postale, 8010 Zurich.
www.wwf.ch.
Energies renouvelables
Certification des agrocarburants
La Directive européenne sur les énergies renouvelables prévoit
d’incorporer 10 % d’énergies renouvelables – agrocarburants
principalement – dans les transports d’ici à 2020. Pour s’assurer
que ces agrocarburants apportent vraiment un bénéfice à
l’environnement, les économies de gaz à effet de serre qu’ils permettent devront être d’au moins 35 % et la culture de ces agrocarburants ne devra pas intervenir sur des surfaces actuellement
en forêts ou en tourbières. C’est sur cette base que la Commission européenne a validé, en juillet dernier, les mécanismes de
certification des agrocarburants « durables ». Mais, selon France
nature environnement, ces critères ne tiennent pas compte du
Changement d’affectation des sols indirects (le CASI), c’est-àdire le déplacement des cultures alimentaires, remplacées par les
agrocarburants, vers des surfaces actuellement en forêt. La Commission européenne qui devait se prononcer sur ce CASI en juillet a reporté sa décision en septembre, sans retarder d’autant la
validation des mécanismes de certification des agrocarburants.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Source : France nature environnement, www.fne.asso.fr.
18 juillet 2011 :
Au Vietnam, des
chercheurs de Conservation
International (CI) indiquent
qu’une colonie de 500
gibbons à joues blanches a
été découverte dans les forêts
du Pu Mat.
18 juillet 2011 :
Le préfet des HautesAlpes annonce de
nouvelles mesures face à la
recrudescence des attaques
de loups.
18 juillet 2011 :
Le président du GIEC,
Rajendra Pachauri,
déplore que la pression des
lobbies freine l’action des
gouvernements et demande
aux dirigeants d’étudier la
science climatique.
19 juillet 2011 :
Aux Etats-Unis, la météo
nationale annonce une
vague exceptionnelle de
chaleur. Elle sera à l’origine de
dizaines de décès.
24 juillet 2011 :
Embarquement en France
de plusieurs centaines de
bénévoles pour compter les
cétacés et observer le milieu
marin de Méditerranée. Cette
opération a aussi lieu en
Italie, Tunisie et au Maroc.
11
ECHOS ACTUALITE
Migration des oiseaux
Un nouveau site
d’observation dans les
Pyrénées
Outre les sites historiques
d’Organbidexka, Lindux et
Lizarrieta, qui sont suivis
de façon systématique, une
première opération a été menée
à Urrugne (entre Hendaye et
Saint-Jean-de-Luz) en 2010.
Celle-ci a permis notamment de
dénombrer, entre le 4 octobre
et le 14 novembre, le passage
de quelque 200 000 pigeons !
En 2011, c’est au Col du Soulor,
dans les Hautes-Pyrénées, qu’un
nouveau point d’observation
a été mis en place, entre le 15
août et le 14 septembre, pour
compléter les connaissances sur
la migration transpyrénéenne
des rapaces et des cigognes.
Nous attendons les résultats !
Source : Organbidexka col libre,
18, rue des Bruyères, 40130 Cap
Breton. Tél. 05.58.49.84.26.
Récifs coralliens
Lancement d’un concours
en leur faveur
C’est à l’occasion du Congrès
français de la nature, organisé
par le Comité français de
l’UICN, qu’a été lancée, le 27 juin
dernier, la Palme IFRECOR 2011.
Cette première édition de ce
concours national, initiative de
l’IFRECOR, s’inscrit dans l’Année
des outre-mer et s’adresse aux
élus des collectivités françaises
d’outre-mer ayant mené des
actions exemplaires en faveur
des récifs coralliens, herbiers ou
mangroves sur leur territoire.
Les candidatures sont attendues
jusqu’au 10 octobre 2011.
Pour en savoir plus :
www.ifrecor.org.
Milieu marin
Les haploops de Bretagne
Mais qu’est-ce donc qu’un
haploop ??? Découverts dans les
années 1980, les haploops sont
de petits crustacés vivant dans
des tubes composés de vase et
de mucus qu’ils ont eux-mêmes
façonnés et qu’ils ne quittent
que pour se reproduire. Ils
sont particulièrement abondants (20 000 individus par
mètre carré) dans les fonds des
baies bretonnes qu’ils tapissent
sur des milliers d’hectares, créant
ainsi des écosystèmes uniques.
Afin de mieux connaître la
biodiversité associée à cet habitat particulier et comprendre le
rôle fonctionnel des haploops
dans l’écosystème benthique
breton, l’Ifremer a lancé en 2009
le projet PLOOPS. Les premiers
résultats révèlent que l’arrivée
des haploops conduit à une modification de l’écosystème, dans
lequel la diversité augmente.
La question est maintenant de
découvrir par quels mécanismes
ces petits crustacés proches de
nos puces de plage modifient
leur environnement. Pour ce
faire, une campagne a été menée
du 10 au 16 août derniers en baie
de Concarneau, qui a permis
d’effectuer des prélèvements à
l’intérieur des pockmarks (cratères créés par des explosions
de méthane) colonisés par les
haploops. L’analyse en cours de
ces carottages devrait permettre
à la fois d’identifier les espèces
présentes et de mesurer les différents paramètres environnementaux.
Source : Ifremer. wwz.ifremer.fr/
institut.
Photos Xavier Caisey /Ifremer
Les agrocarburants mauvais
pour le climat
C’est ce que révèle une enquête de Greenpeace sur les
composants des agrocarburants et leur provenance. Sur 92
échantillons de biodiesel prélevés dans neuf pays européens,
les agrocarburants, présents
jusqu’à hauteur de 7 %, ont été
fabriqués presque exclusivement à partir d’huile de palme,
de colza et de soja. Or la culture
de ces espèces est en lien avec
la déforestation et donc avec
l’augmentation des gaz à effet
de serre. Le biodiesel français se
classe en outre parmi les plus néfastes dans ce domaine, dans la
mesure où il est composé à environ 30 % de matières premières
importées de pays tropicaux,
ce qui alourdit encore plus son
bilan carbone.
Or le gouvernement de notre
pays a prévu d’augmenter de
30 % l’utilisation de biodiesel
d’ici à 2020. Pour que les résul-
tats de ce recours aux « énergies
renouvelables » ne soient pas
contraires aux objectifs, Greenpeace demande à la Commission européenne de proposer
une législation visant à éliminer
tous les agrocarburants qui endommagent le climat au lieu de
le protéger, en prenant notamment en compte la totalité des
impacts des agrocarburants,
y compris le déplacement des
cultures alimentaires au détriment des espaces naturels (cf.
également encadré p. 11).
En haut : Haploop.
En bas : Tubes construits par les
haploops à Concarneau.
La Réserve naturelle
régionale du Val Suzon, d’une
superficie de près de 3 000
ha, a en effet vu le jour le 27
juin dernier par classement du
Conseil régional de Bourgogne.
Essentiellement forestière, elle
abrite notamment 14 espèces de
chauves-souris. C’est la première
Réserve naturelle régionale créée
dans cette région.
Source : La Lettre des Réserves
naturelles de France, n° 23.
www.réserves-naturelles.org.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Loi n°2011-835 du 13 juillet
2011 visant à interdire
l’exploration et l’exploitation
des mines d’hydrocarbures
liquides ou gazeux par
fracturation hydraulique et
à abroger les permis exclusifs
de recherches comportant
des projets ayant recours à
cette technique. (JO du 14
juillet 2011)
Natura 2000
Arrêté du 7 juin 2011 portant
désignation du site Natura
2000 Bec d’Allier (zone
spéciale de conservation).
(JO du 13 juillet 2011)
Photo Yves Thonnérieux
Arrêté du 7 juin 2011 portant
désignation du site Natura
2000 Dunes modernes du
littoral landais de Capbreton
à Tarnos (zone spéciale de
conservation). (JO du 13
juillet 2011)
Destructions illégales en Europe
Du 6 au 8 juillet derniers s’est
tenue à Chypre une conférence
européenne sur les destructions
illégales d’oiseaux sauvages,
organisée par la Convention de
Berne et le gouvernement chypriote. A cette occasion, BirdLife
International a présenté un rapport synthétisant les données
relatives à ces pratiques dans
38 des 50 Etats signataires de la
Convention de Berne.
Il en ressort que plus de 81
espèces d’oiseaux protégées
restent victimes de destructions
volontaires, dans la majorité des
Etats européens, avec en tête
l’Espagne, l’Italie, la Croatie, la
Bosnie-Herzégovine, la Serbie
et la Roumanie. Mais ne nous
réjouissons pas trop vite : notre
pays n’est pas en reste. La France
s’illustre notamment par le braconnage des bruants ortolans.
Chaque année en Aquitaine,
entre mi-août et fin septembre,
ce sont entre 30 000 et 50 000
de ces petits volatiles – pourtant protégés depuis 1999 – qui
sont capturés, soit l’équivalent
des populations nicheuses du
Benelux, de l’Allemagne, du
Danemark, de la Tchéquie, de
l’Autriche et de la Slovaquie réunies ! Un braconnage souvent
lucratif, puisqu’un seul de ces
oiseaux peut être vendu entre
100 et 150 euros, pour terminer
AU JOURNAL OFFICIEL
Gaz de schiste
Source : Greenpeace,
13, rue d’Enghien, 75010 Paris.
www.greenpeace.fr.
Tél. 01.80.96.96.96.
Oiseaux
Réserves naturelles
régionales
Une première née en
Bourgogne
12
Energies renouvelables
Arrêté du 3 août 2011
portant désignation du site
Natura 2000 VentilegneLa Trinité de BonifacioFazzio (zone spéciale de
conservation). (JO du 23 août
2011)
Eoliennes
Décret n° 2011-984 du
23 août 2011 modifiant
la nomenclature des
installations classées :
inscription des éoliennes
terrestres au régime des
installations classées
pour la protection de
l’environnement (ICPE).
(JO du 25 août 2011)
Eaux de surface
dans l’assiette de quelques amateurs. Malheureusement, l’ortolan n’est pas la seule victime du
braconnage dans notre pays,
d’autres petits passereaux (chardonnerets, rouges-gorges, pinsons, verdiers…) sont également
concernés, tout comme le milan
royal (cf. Le Courrier de la Nature
n° 258, p. 13) ou encore d’autres
rapaces inféodés aux cultures
agricoles (busards cendré, SaintMartin et des roseaux) dont les
poussins finissent écrasés ou
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Bruant ortolan.
fauchés en toute connaissance
de cause !
Pour en savoir plus, vous
pouvez télécharger le rapport
sur : http://www.lpo.fr/images/
Presse/cp/2011/Rapport_de_
BirdLife_sur_les_destructions_
illegales_doiseaux_en_Europe_
en_Anglais.pdf.
Source : LPO, Fonderies Royales,
BP 90263, 17305 Rochefort Cedex.
Tél. 05.46.82.12.34. www.lpo.fr.
Arrêté du 28 juillet 2011
modifiant l’arrêté du 25
janvier 2010 relatif aux
méthodes et critères
d’évaluation de l’état
écologique, de l’état chimique
et du potentiel écologique
des eaux de surface pris en
application des articles R.
212-10, R. 212-11 et R. 212-18
du code de l’environnement.
(JO du 11 août 2011)
Climat
Décret n°2011-829 du 11
juillet 2011 relatif au bilan
des émissions de gaz à effet
de serre et au plan climaténergie territorial. (JO du 12
juillet 2011)
13
ECHOS ACTUALITE
Grands singes
Des gorilles en route
vers la liberté
Fin juillet, c’est par hélicoptère
que six gorilles de Grauer, espèce
endémique à la République
démocratique du Congo (RDC),
ont rejoint leur pays natal.
Victimes du braconnage, ce sont
des orphelins, aujourd’hui âgés
de cinq à dix ans, qui avaient
été recueillis dans un centre
de réhabilitation au Rwanda.
Leur transfert au centre GRACE
en RDC, où ils vont retrouver
d’autres gorilles de Grauer
rescapés, est une nouvelle
étape dans le processus de
réhabilitation, dans l’espoir
d’une future remise en liberté.
Source : IFAW. www.ifaw.org.
Gypaète
Envol d’un jeune dans le
Mercantour
Ce jeune vautour est né d’un
couple issu des opérations de
réintroduction (cf. Le Courrier
de la Nature n° 259, p. 27)
dans l’arc alpin et installé dans
la Haute Ubaye depuis 2007.
Baptisé Ubaye, il s’est envolé
le 16 juillet. Ses parents, seul
couple reproducteur installé
dans les Alpes du Sud, avaient
déjà mené à bien une première
reproduction en 2008, avec
l’envol de Parouart. C’est donc le
deuxième né sur le territoire du
Parc national du Mercantour.
Source : Parc national du
Mercantour.
Parcs naturels régionaux
Bientôt un 7e PNR en
Rhône-Alpes ?
La région Rhône-Alpes est
une de celles comptant le plus
d’espaces naturels protégés
avec deux Parcs nationaux, une
trentaine de Réserves naturelles
nationales, 12 Réserves
naturelles régionales et six Parcs
naturels régionaux (PNR).
Pour aller plus loin encore,
le 12 juillet dernier, la Région
a lancé une étude permettant
de statuer sur la faisabilité d’un
septième Parc naturel régional
en Dombes, vaste zone humide,
et de définir le périmètre de ce
futur parc.
Source : Région Rhône-Alpes.
www.rhoneenvert.fr.
Papillons
Découverte d’un « supergène » du mimétisme
Photo Mathieu Joron
En Guyane, le papillon Heliconius numata est totalement
inoffensif. Mais il imite à merveille une demi-douzaine d’espèces vénéneuses de la famille
des danainés.
Ces individus mimétiques,
bien que non toxiques, sont
évités par les prédateurs leurrés
par la ressemblance avec des
papillons non comestibles. Une
protection très efficace. Mais
comment est programmé ce
mimétisme qui, au sein d’une
même espèce, amène la coexistence de différentes formes aux
motifs alaires si différents, qui
s’accompagnent également de
particularités comportementales ? C’est ce qu’ont étudié des
chercheurs du laboratoire Origine, structure, évolution de la
biodiversité, du CNRS/Muséum
national d’histoire naturelle, en
collaboration avec plusieurs
institutions britanniques. Les
analyses génétiques ont montré que c’était en fait un bloc
d’une trentaine de gènes (appelé
« supergène ») qui s’est trouvé
immobilisé, au cours de l’évolution, supprimant les possibilités
de mélange génétique lors de
la reproduction. Ainsi ces gènes
hérités en bloc produisent des
papillons d’apparences très différentes. C’est ce même type
de supergène qui contrôle le
camouflage chez la phalène du
bouleau, la variation de forme
Un établissement public pour le Marais poitevin
Deuxième zone humide de notre pays, couvrant quelque 100 000 ha, la Venise verte est un territoire d’exception façonné par l’homme où la richesse de la biodiversité témoigne de l’équilibre ainsi
trouvé avec la nature. Equilibre néanmoins fragile qui nécessite une gestion attentive, notamment
de l’eau. Ancien Parc naturel régional, sa charte n’avait d’ailleurs pas été renouvelée en 1997, faute
d’un compromis acceptable entre intérêts économiques et écologiques. Néanmoins, depuis 2002,
un Plan gouvernemental a été mis en place pour préserver le Marais poitevin. Les actions engagées
dans ce cadre doivent maintenant se poursuivre à travers un nouvel établissement public, créé le 29
juillet dernier. Basé à Luçon et présidé par le Préfet de Poitou-Charentes, l’établissement public pour
le Marais poitevin a un rayon d’action plus vaste que le marais lui-même, assurant la concertation
et coordonnant l’ensemble des interventions sur les 630 000 ha qui constituent les bassins versants
d’alimentation du Marais poitevin.
Source : Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement.
Réintroductions
L’aigle de Bonelli
des fleurs chez les primevères
ou les motifs et formes de coquilles chez certains escargots.
Joron M., Frézal L., Jones R.T.,
Chamberlain N.L., Lee S.F., Haag
C.R., Whibley A., Becuwe M.,
Baxter S.W., Ferguson L., Wilkinson
P.A., Salazar C., Davidson C., Clark
R., Quail M.A., Beasley H., Glithero
R., Lloyd C., Sims S., Jones M.C.,
Heliconius numata tarapotensis.
Rogers J., Jiggins C.D., FfrenchConstant R.H. Chromosomal
rearrangements maintain a
polymorphic supergene controlling
butterfly mimicry. Nature, doi :
10.1038/nature10341.
Source : Muséum national
d’histoire naturelle.
LIFE+
183 nouveaux projets environnementaux financés par
l’Europe
Dans le cadre du fonds LIFE+ (L’instrument financier pour l’environnement), la Commission européenne vient en effet de débloquer 244 millions d’euros pour cofinancer des actions proposées
par tous les Etats membres de l’Union européenne. Les 183 projets sélectionnés représentent un
investissement global de 530 millions d’euros en faveur de l’environnement, répondant à l’un des
trois volets du programme LIFE+ : Nature et biodiversité, Politique et gouvernance en matière
d’environnement et Information et communication. La France est concernée par huit de ces projets,
dont trois sur la thématique nature et biodiversité : l’un sur les continuités écologiques porté par
le Syndicat mixte du Parc naturel régional du Morvan ; le second sur le râle des genêts porté par
la Ligue pour la protection des oiseaux ; et le dernier intitulé SUBLIMO et porté par le CNRS sur la
biodiversité marine.
Pour en savoir plus sur ces projets : http://ec.europa.eu/environment/life/publications/compilations/documents/natcompilation10.pdf.
Source : Commission européenne.
14
AU JOURNAL OFFICIEL
Zones humides
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Rapace de taille moyenne,
l’aigle de Bonelli est présent dans
le sud de l’Europe, en Afrique du
Nord, au Proche et au MoyenOrient ainsi qu’en Asie. En
France, il occupe l’arrière-pays
de la côte méditerranéenne.
Mais, victime de nombreuses
menaces (maladies, tirs, empoisonnements, électrocutions, dérangements, modification de
ses habitats…), sa population
a chuté de 50 % depuis les années 1960 et il ne restait que 23
couples sur notre territoire en
2002. Face à cette situation alarmante, dès 1990, l’Union française des centres de sauvegarde
(UFCS) lançait un programme
de reproduction en captivité,
dans un centre situé en Ardèche.
En 1995, un deuxième centre
était ouvert en Vendée. Depuis
1999, huit naissances ont eu lieu,
mais faute de programme de
réintroduction dans notre pays,
ces jeunes n’ont pu être relâchés.
Parallèlement en 2004, huit
aiglons andalous étaient confiés
au centre vendéen. Et fin 2010,
à l’issue d’un séminaire organisé
sur le sujet, un groupe de tra-
vail international sur la reproduction en captivité de l’espèce
s’est constitué, afin notamment
d’envisager – à l’échelle européenne – la destination des
jeunes aiglons produits.
Deux aiglons ont ainsi été
réintroduits dès cette année en
Espagne, sur des sites abandonnés par l’espèce. Le premier, né le
9 avril, a été libéré dans la province de Navarre et le second, né
le 6 mai, à Majorque dans les îles
Baléares. Installés dans des nids
reconstitués avant qu’ils sachent
voler, ces jeunes ont pu s’imprégner du lieu, avec pour objectif
qu’ils reviennent plus tard s’y
installer en couple. Ils se sont
aujourd’hui envolés mais continuent d’être suivis.
Source : LPO, Fonderies Royales,
BP 90263, 17305 Rochefort Cedex.
Tél. 05.46.82.12.34. www.lpo.fr.
Urbanisation
Consommation d’espaces à la hausse
en Ile-de-France
C’est ce que nous apprend le bilan de la consommation des
espaces naturels et agricoles en Ile-de-France pour la période
2004-2007, publié cet été par la DRIEA (Direction régionale et
interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement). Ce
sont ainsi environ 1 340 ha qui ont disparu chaque année durant
cette période, contre 774 ha par an entre 1996 et 2000 et 270
entre 2000 et 2004. Toutefois, cette consommation reste globalement inférieure au plafond des 1 750 ha annuels prévus par
le Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) adopté en
1994, et bien en deçà de ce qu’elle était avant cette date, avoisinant les 2 500 ha par an ! Mais n’est-ce pas aussi lié au fait que les
espaces « à consommer » se réduisent au fil des ans ? Il serait intéressant de connaître le rapport entre ces espaces consommés
chaque année et les espaces naturels et agricoles subsistants.
Source : DRIEA Ile-de-France, 21-23, rue de Miollis, 75015 Paris.
www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr.
Biodiversité
Appels à projets
Dans le cadre de sa nouvelle Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020, l’Etat s’est engagé à
mener, en complément des projets issus des Grenelle de l’environnement et de la mer, de nouvelles
actions en faveur de la biodiversité. Ainsi, le 18 juillet dernier, il lançait cinq premiers appels à projets
dotés d’un financement total de 14 millions d’euros sur trois ans. Les textes sont disponibles sur :
www.developpement-durable.gouv.fr/Les-appels-a-projets-SNB.html.
Source : Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement,
[email protected].
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Nuisibles
Arrêté du 29 juin 2011
modifiant l’arrêté du 29
janvier 2007 fixant les
dispositions relatives au
piégeage des animaux classés
nuisibles. (JO du 14 juillet
2011)
Chasse
Arrêté du 20 juillet 2011
relatif à l’ouverture de
la chasse aux oiseaux de
passage et au gibier d’eau
dans certaines parties des
départements de la Gironde,
de l’Ain, de l’Indre et de la
Loire et modifiant l’arrêté
du 24 mars 2006 relatif à
l’ouverture de la chasse aux
oiseaux de passage et au
gibier d’eau. (JO du 23 juillet
2011)
Arrêté du 5 août 2011 relatif
aux dates d’ouverture de la
chasse au canard colvert et
à la foulque macroule dans
le département de l’Hérault
pour 2011. (JO du 11 août
2011)
Espèces protégées
Arrêté du 1er juillet 2011
fixant la liste des mammifères
marins protégés sur le
territoire national et les
modalités de leur protection.
(JO du 26 juillet 2011)
Parc naturel
Décret n° 2011-654 du 10
juin 2011 modifiant le décret
n° 2011-465 du 27 avril 2011
portant renouvellement de
classement du Parc naturel
régional du Gâtinais français
(région Ile-de-France). (JO du
12 juin 2011)
Décret n°2011-874 du
25 juillet 2011 portant
classement du Parc naturel
régional du Livradois-Forez
(régions Auvergne et RhôneAlpes). (JO du 27 juillet 2011)
Biocides
Arrêté du 1er août 2011
concernant l’interdiction
d’utilisation de certains
produits biocides. (JO du 23
août 2011)
Déchets
Décret n°2011-828 du 11
juillet 2011 portant diverses
dispositions relatives à la
prévention et à la gestion
des déchets. (JO du 12 juillet
2011)
15
Vie de la Société nationale de protection de la nature
snpn
Conférence sur le loup
Au terme de l’assemblée générale (cf Le Courrier
de la Nature n° 259, page 16), une conférence sur
le loup était proposée, animée par Gilbert Simon,
administrateur de la SNPN et président de Ferus.
Le loup est un grand
colonisateur qui envoie des
pionniers un peu partout.
Un individu a ainsi été
photographié récemment grâce
à un piège photographique
mis en place par l’ONCFS
dans les Vosges dans une zone
à lynx. L’identification n’est
pour l’instant pas certaine
car pas encore confirmée par
des analyses génétiques. En
revanche, l’analyse génétique
de crottes découvertes sur
le Mont Lozère a permis d’y
confirmer la présence d’un loup
en provenance d’Italie. Et, en
juin, un troisième loup a été
identifié sur le Haut-Doubs à
proximité de la frontière suisse.
La colonisation va donc bon
train.
Il est à noter que l’arrivée des
premiers loups sur un territoire
passe souvent inaperçue, les
gens n’étant pas formés à son
identification. En France, la
preuve de la présence du loup
passe souvent par les carnages
qu’il fait sur le bétail.
Bien évidemment, les loups
isolés ne feront pas souche tout
seuls. Qu’en est-il donc de la
reproduction ?
Elle s’est mieux passée en
2010 qu’en 2009 avec une
vingtaine de meutes qui se sont
reproduites, jusque dans les
zones de colonisation, comme
dans le camp de Canjuers dans
le Var. La progression semble
donc se faire vers le sud-sudouest, selon une dynamique
relativement constante, alors que
les prédictions, lors de l’arrivée
du loup dans le Mercantour,
misaient plutôt sur une
colonisation des grands massifs
forestiers du nord-nord-est.
Philippe Bruneau de Miré
demande si cette progression
est à mettre en relation avec
l’agropastoralisme et la présence
de troupeaux.
Gilbert Simon avoue que
cette hypothèse n’a pas été
étudiée.
Un intervenant suggère
que cette colonisation puisse
être liée à l’altitude, ce que
réfute Gilbert Simon dans la
mesure où les nouvelles meutes
reproductrices sont installées à
basse altitude.
Le loup est donc globalement
bien installé dans le quart sudest de la France avec 25 zones
de présence permanente et une
estimation de la population
à 150-200 individus (avec une
marge d’erreur de 30 à 40 %).
En France, chaque installation
durable d’un loup dans une
nouvelle zone ouvre des
droits à protection pour les
troupeaux, en termes d’aides
financières pour rémunérer
des bergers, acheter des chiens
patous, poser des clôtures
de protection… Ces aides à
l’élevage représentent environ
4 millions d’euros par an pour
un coût total de la présence
du loup en France de l’ordre de
Loup gris (Canis lupus lupus).
Photos Yves Thonnérieux
16
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
6 à 7 millions d’euros annuels.
Le loup est donc l’espèce à
laquelle notre pays consacre le
plus d’argent. Le problème est
que ces dépenses augmentent
plus rapidement que le
nombre de loups (puisque, à
chaque installation nouvelle
d’un animal, ce sont plusieurs
troupeaux qui sont concernés)
et les finances publiques
ne seront sans doute pas
inépuisables dans
ce domaine, même si le
ministère de l’Ecologie affirme
que pour l’instant la question
ne se pose pas.
contribue à réactiver la crainte
populaire ancestrale d’attaques
d’enfants, alors qu’aucun cas
d’attaque d’un loup sur un être
humain n’a jamais été recensé
en Europe de l’Ouest.
Le loup bénéficie d’un plan de
gestion qui prendra fin en 2012.
La partie accompagnement
de la recolonisation est
intégrée à ce plan de gestion,
mais se limite à une simple
transposition des termes de la
directive Habitats.
Or, s’il n’y a pas d’obstacles
à la reconquête des territoires
français par le loup, il convient
Par ailleurs, si ces protections d’assurer sa cohabitation avec
s’avèrent efficaces au début
le monde de l’élevage, ce qui
– sans pour autant empêcher
va être de plus en plus difficile
toutes les attaques – le loup,
pour tous les partenaires.
qui est un animal obstiné,
L’Etat se montre
s’adapte plus vite aux
extrêmement prudent et
protections que l’homme ne
adopte une attitude frileuse. Il
s’adapte à la présence du canidé. a autorisé un quota de six tirs
Après quelques expériences,
de loups par an, ce qui n’est pas
il apprend à ne plus redouter
réellement un problème pour
les coups de fusil tirés en l’air,
le loup, d’autant que ce sont
il se met à attaquer de jour
effectivement au maximum
quand les bergers et les patous
un ou deux animaux qui
n’assurent la surveillance des
sont abattus ainsi légalement
troupeaux que la nuit… La
chaque année. En revanche,
protection n’est donc pas une
l’Etat ne s’est pas prononcé
garantie absolue de l’absence
sur l’importante question de
d’attaques. De plus cette
la définition d’une population
protection ne peut pas être
(la taille de la population étant
mise en œuvre dans les zones
à la base de ces autorisations
de colonisation actuelle où les
de tirs). En effet, lors du retour
agriculteurs ne sont pas des
du loup dans notre pays, la
éleveurs, mais des polyactifs qui population lupine s’entendait
n’ont que de petits troupeaux.
au sens de population française.
Ainsi le loup du Haut-Doubs
Aujourd’hui, selon la convention
a attaqué un troupeau de
de Berne, il conviendrait de
quatre moutons qu’il a tous
considérer les populations au
tués. Une telle attaque est
sens biologique du terme et
effectivement plus mal ressentie ainsi de parler de loup alpin.
par le propriétaire que sur un
Ceci permet notamment de
troupeau de 1 000 têtes et ne
justifier le tir de loups en Suisse
contribue donc pas à rendre le
alors que le pays n’en compte
loup populaire. Dans les Vosges, qu’une quinzaine. Selon cette
la problématique est la même et nouvelle acception, les loups
aucune réponse ne peut être
du Cantal, des Pyrénées (7 ou
apportée, sauf à rentrer les
8 individus), ou des Vosges ne
animaux tous les soirs, ce qui,
feraient donc plus partie de la
dans la plupart des cas, n’est pas même population. L’absence
envisageable.
de réponse de l’Etat sur cette
question pose un problème, qui
Par ailleurs, on assiste
actuellement à un phénomène ne pourra vraisemblablement
être résolu que devant un
nouveau d’attaques d’animaux
tribunal.
familiers – attaques attribuées
à tort ou à raison au loup – à
Le monde de l’élevage est
proximité des habitations. Ceci
aujourd’hui bloqué sur ses
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
A
G
2
0
1
1
positions. Dans un premier
temps, sa réaction a été de
dénoncer un retour non naturel
du loup et d’invoquer des
lâchers. Par la suite, et en partie
grâce aux aides substantielles et
aux protections mises en place,
les éleveurs ont fait preuve
d’une certaine résignation face
à la présence du loup. Mais la
forte influence à laquelle ils ont
été soumis de la part des antiours a contribué à raviver le
discours selon lequel la présence
du loup était incompatible
avec l’élevage, et, l’élevage étant
favorable à la biodiversité, que
la présence du loup était donc
défavorable à la biodiversité. Les
associations d’agriculteurs se
sont donc retirées du groupe
national Loup et, même si
certains éleveurs pensent qu’ils
peuvent vivre avec le loup, ils ne
l’expriment plus.
Les chasseurs ont un discours
décevant, uniquement axé sur
la gestion de leur gibier. En effet,
malgré des plans de chasse
très abondants dans tous les
départements où la présence du
loup est avérée, les demandes
de régulation persistent,
suscitant un braconnage estimé
à une dizaine de loups par an.
En Italie, le braconnage est
d’ailleurs le premier facteur
de régulation du loup dont la
population est stabilisée autour
de 700-800 individus depuis
plusieurs années.
Les associations de
protection de la nature sont
dans une position délicate dans
17
A
C
T
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O
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R
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R
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S
Vie de la Société nationale de protection de la nature
snpn
de même pour le bouquetin,
espèce protégée qui avait oublié
la méfiance. L’Office national
de la chasse et de la faune
sauvage a entrepris une étude
sur la base de loups équipés de
colliers émetteurs – trois sont
pour l’instant équipés – pour
mesurer l’impact des loups
sur les proies du Mercantour.
Mais les résultats ne seront
pas généralisables à d’autres
territoires. Toutefois, il est
certain qu’en milieu ouvert les
loups ne font pas disparaître
leurs proies qui s’adaptent et
modifient leur comportement.
Loup gris (Canis lupus lupus).
la mesure où la majorité de
leurs adhérents est opposée
à la destruction de tout loup.
Ainsi, une association qui
serait favorable à une certaine
gestion du loup risquerait
de perdre des adhérents.
Pourtant, l’autorisation de tirs
permettrait d’apaiser les esprits
sans faire forcément beaucoup
de dégâts sur la population
de loups. Au contraire, cela
pourrait peut-être permettre
d’éduquer le loup et de limiter
les attaques de troupeaux
en le rendant plus méfiant.
Ainsi en 2010, sur quelque 80
autorisations de tirs délivrées
aux éleveurs, aucun loup n’a
été touché. En revanche, les tirs
de prélèvement menés par des
équipes spécialisées qui tendent
des traquenards aux animaux
visés sont beaucoup plus
meurtriers et les associations
doivent effectivement s’y
opposer.
Dans ces conditions,
on assiste à des réunions
de concertation qui ne
débouchent sur rien, l’Etat
restant bouche cousue, quand
les éleveurs affirment que toute
18
cohabitation est impossible et
les protecteurs ne veulent pas
entendre parler de destruction
d’individus.
En conclusion, Gilbert Simon
se déclare assez optimiste en
ce qui concerne la situation du
loup en France dans les années
à venir, persuadé que la France
comptera un jour 1 000 loups.
Mais il ne sait pas comment ils
seront gérés, dans quel contexte
et ce que cela coûtera.
La parole est donnée à
la salle pour d’éventuelles
questions.
Jean Untermaier demande
des précisions sur le mode de
gestion adopté en Suisse.
Gilbert Simon explique que
la Suisse n’est pas soumise à
la directive Habitats et que le
principe en vigueur est qu’un
loup peut être tué à chaque
fois qu’il a attaqué 25 moutons.
Le résultat est que l’espèce
ne parvient pas à s’installer
favorablement. La population
plafonne à 10-15 individus,
dont on ne sait pas s’ils se
reproduisent. La présence du
Un adhérent suggère que si
les éleveurs étaient autorisés à
assurer leur autodéfense, cela
risquerait de compromettre les
chances d’installation des loups
pionniers.
Gilbert Simon le confirme
mais précise que ces
autorisations ne devraient être
délivrées que dans les zones de
loup y pose problème du fait
présence permanente, ce qui
de l’élevage basé sur de petits
n’aurait donc pas d’influence
troupeaux non gardés.
sur la colonisation. Par ailleurs,
il revient sur le problème
Stéphanie Hudin demande
du zonage. Il y a en effet des
s’il y a un impact de la
territoires où le loup pourra
recolonisation du loup sur
difficilement s’installer sans que
les populations d’ongulés en
cela pose de réels problèmes
France, prenant l’exemple du
de cohabitation, notamment
Canada où la présence du
là où les proies naturelles sont
loup permet une meilleure
peu nombreuses et où l’élevage
répartition des ongulés, ce qui
est mené de telle sorte que
s’avère favorable aux habitats.
la protection du bétail est
Gilbert Simon souligne
difficilement envisageable. Or
que les études menées sur
si des autorisations de tir sont
certains territoires ne sont pas
délivrées dans ces zones et
forcément transposables sur
pas dans celles où la présence
d’autres. Effectivement, dans
du loup est admise comme
le Yellowstone, la présence du
permanente, cela sera mal vécu
loup a permis de diminuer le
nombre de wapitis qui ont laissé par les éleveurs qui supportent
la présence du loup et qui
la place à d’autres herbivores.
risquent de se révolter. Mais
De même, des études ont
nous n’avons aujourd’hui pas
été menées sur la relation
de réponse à apporter à cette
entre le mouflon et le loup en
problématique du zonage.
France. Toutefois, le mouflon
Un adhérent souligne
est une espèce importée par
également le risque d’antiles chasseurs, qui n’est pas
constitutionnalité d’une telle
particulièrement bien adaptée
démarche.
à la montagne. Les mouflons
se sont donc révélés des proies
Philippe Bruneau de Miré
faciles pour le loup quand il est
arrivé dans le Mercantour. Mais, s’enquiert de la possibilité
d’hybridation avec le chien.
depuis, ils ont appris à mieux
se protéger et leur population
Gilbert Simon répond que
augmente à nouveau. Il en est
cela n’a jamais été mis en
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Jura et une trentaine dans les
Vosges. On assiste depuis peu
à une légère recrudescence du
braconnage. Un procès devrait
notamment se tenir le 8 juillet
prochain contre un président de
Un autre adhérent
souhaiterait avoir un bref aperçu société de chasse qui a abattu
un lynx. Par ailleurs, beaucoup
de la situation du lynx dans
d’individus meurent écrasés sur
notre pays.
les routes. Gilbert Simon affirme
Gilbert Simon précise
cependant ne pas être inquiet
que cette espèce semble
pour cette espèce, dont un
moins dynamique et plus
individu est arrivé récemment
exigeante que le loup et a
dans le Beaujolais, sans qu’on
plus de difficultés à coloniser
puisse pour l’instant prédire si
de nouveaux territoires. En
cette intrusion dans ce nouveau
revanche elle ne cause pas
territoire aura une suite. En
trop de dégâts aux moutons.
revanche, en Slovénie, où autant
Il existe à ce jour une centaine
d’individus ont été réintroduits
de lynx dans les Alpes et le
évidence dans les analyses
génétiques et qu’apparemment
il n’y a donc pas d’hybridation
entre le loup et le chien.
qu’en France, après avoir
atteint jusqu’à 200 individus,
la population est maintenant
redescendue à une dizaine
d’animaux.
Un adhérent demande si le
lynx peut souffrir de la présence
du loup.
Gilbert Simon n’a pas
d’éléments à ce sujet, mais
indique que cet argument
n’a jamais été mis en avant.
La compétition n’existe pas
vraiment entre les deux espèces
qui n’occupent pas les mêmes
niches écologiques et le lynx,
en grimpant aux arbres, peut
facilement échapper au loup, ce
qui limite les cas de prédation.
Un adhérent s’interroge sur la
possibilité d’attaque de loup par
le lynx.
Gilbert Simon explique que,
contrairement au loup, le lynx
n’est pas un animal agressif,
qu’il ne pèse qu’une vingtaine
de kilos contre 30 à 35 pour un
loup et qu’il chasse seul quand
les loups sont en meute. Il ne
s’attaque donc pas au loup.
A titre d’anecdote, il indique
d’ailleurs que le lynx tué par
le président d’une société de
chasse qui doit faire l’objet d’un
procès en juillet 2011 avait été
agrippé par un basset et n’avait
pas su se défendre.
Photos Yves Thonnérieux
A
G
2
0
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A
C
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I
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Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
19
Des plantes tropicales qui
forment des mares :
les broméliacées-citerne
Un écosystème aquatique miniature
capital pour la biodiversité
Les plantes qui présentent des structures anatomiques permettant
de retenir de l’eau en permanence sont assez répandues en milieu
tropical. Si beaucoup sont maintenant cultivées pour être vendues en
jardineries, faisant le bonheur des amateurs, elles forment en milieu
naturel des écosystèmes aquatiques encore très peu étudiés et renferment une biodiversité que l’on est loin d’avoir recensée. En Amérique centrale et du Sud, les broméliacées-citerne, qui représentent
les plus nombreuses et les plus diversifiées de ces « plantes-mares »,
permettent à des organismes très variés d’accomplir leur cycle de vie.
L
es broméliacées sont une famille de
plantes à fleurs (angiospermes) comprenant près de 3 200 espèces. La plupart
vivent dans les régions tropicales et subtropicales d’Amérique centrale et du Sud où elles
se distribuent depuis les zones côtières jusqu’à
plus de 4 000 mètres d’altitude dans la partie
centrale de la Cordillère des Andes. La plus
connue de ces plantes est l’ananas qui fut « découvert » par Christophe Colomb lors de son
second voyage, en 1493. L’ananas a été la première broméliacée cultivée sous serre, dès le
e siècle en Hollande, et demeure un fruit
exotique hautement apprécié dans le monde
entier. Avec le développement de l’horticulture,
de nombreuses broméliacées sont actuellement
vendues dans les jardineries comme plantes or-
20
nementales, le plus souvent sous leurs noms de
genre Bromelia, Guzmania, Tillandsia ou encore
Vriesea. Robustes, faciles à cultiver du fait de
leur multiplication végétative par rejets, et présentant une floraison souvent spectaculaire, les
broméliacées sont à la mode, comme l’avait prédit il y a vingt ans le botaniste américain David
Benzing, spécialiste mondial de cette famille.
En milieu naturel, beaucoup de broméliacées
vivent en épiphytes, ce qui permet à cette importante famille de monocotylédones d’occuper
tous les étages de la forêt tropicale, depuis le sol
jusqu’aux plus hauts arbres de la canopée. Les
broméliacées constituent ainsi les plantes épiphytes les plus communes des forêts chaudes
néotropicales.
Vriesea
splendens,
broméliacéeciterne qui peut
vivre à la fois
au sol ou sur un
arbre support,
est facilement
reconnaissable à
ses feuilles vertes
foncées et zébrées
transversalement
de pourpre et à
ses fleurs jaunes
entourées de
bractées rouges.
Les mots écrits
en vert dans le texte
renvoient au lexique
page 50.
Photos Jean-François Carrias
Catopsis berteroniana est une broméliacéeciterne épiphyte (ici sur Clusia minor dans un
biotope de « savane-roche » sur l’inselberg des
Nouragues en Guyane française). Elle présente
la particularité d’attirer les insectes qui glissent
alors sur une cire blanche secrétée à l’intérieur
des feuilles et qui se noient dans le réservoir. Ne
produisant pas d’enzymes digestifs, cette plante
est considérée comme une proto-carnivore.
Jean-François
C*,
Céline
L**, Régis
C***,
AnneCatherine
L*,
Laurent
P***,
Alain
D**
et Bruno
C*
Les broméliacées-citerne ou
comment une rosette de feuilles
forme une mare
Beaucoup de représentants de la famille des
broméliacées sont capables de retenir de l’eau et
font ainsi partie des plantes-citerne ou plantes à
phytotelme (cf encadré p. 23). C’est la forme et
la disposition particulière de leurs feuilles qui
permet la formation de cette petite mare. Longues, apétiolées et simples, larges et épaisses,
et plus ou moins concaves, les feuilles ont une
disposition alterne et sont rassemblées à leurs
bases. La partie proximale du limbe étant plus
large que la partie distale, il se forme ainsi des
cornets qui s’emboîtent les uns dans les autres.
Il en résulte un système en rosette dans lequel
chaque feuille présente à son aisselle un petit
réservoir d’eau, les feuilles les plus jeunes au
milieu de la rosette formant un réservoir central. Selon l’espèce de broméliacée et l’âge de
la plante, l’ensemble des réservoirs forme un
phytotelme de volume très variable. Ainsi, en
Guyane française, certaines Pitcairnia renferment seulement quelques millilitres d’eau, alors
que l’une des espèces les plus grosses, Aechmea
aquilega, peut en contenir jusqu’à 3 litres.
* Université
Blaise Pascal,
Clermont-Ferrand
** Ecologie des Forêts
de Guyane, Kourou
*** Université Paul
Sabatier, Toulouse
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
21
Les phytotelmes, des écosystèmes
aquatiques miniatures variés
L’agencement en rosette et une base plus large
des feuilles permettent de former des petits
réservoirs d’eau, dont un réservoir central
parfois important comme pour cet individu
d’Aechmea aquilega.
Certaines Brocchinia géantes présentes sur les
tépuys, hauts plateaux du Venezuela, peuvent
contenir jusqu’à 10 litres d’eau. Si le volume
retenu varie selon la saison et le climat local, la
morphologie des broméliacées-citerne leur permet de conserver de l’eau, même pendant les périodes les plus sèches, l’humidité ambiante liée
à la très forte condensation nocturne assurant
alors la pérennité de ces petites mares.
Pour les espèces qui combinent à la fois le
caractère d’épiphyte et de phytotelme, la petite
mare a une importance capitale pour la nutrition de la plante. En effet, les racines des épiphytes n’ont souvent qu’un rôle d’ancrage et ne
permettent pas l’absorption des nutriments
nécessaires à leur croissance. C’est à partir de la
base des feuilles que des petits poils absorbants
en forme d’ombrelle vont se charger de capter
les nutriments présents dans l’eau du réservoir,
notamment l’azote et le phosphore. Ces derniers résultent de la minéralisation des détritus
organiques (le plus souvent de la litière) par les
microorganismes, mais peuvent aussi provenir
de l’excrétion d’animaux aquatiques et du lessivage de l’eau de pluie sur les végétaux situés
au-dessus de la plante-citerne. Enfin, certaines
broméliacées-citerne sont insectivores, attirant
les insectes qui le plus souvent vont glisser sur
les feuilles et se noyer dans le réservoir. Cela
permet à ces plantes d’occuper des milieux très
pauvres en matière azotée, soit au niveau du sol,
comme Brocchinia reducta, qui vit entre 1 800
m et 2 800 m d’altitude sur tout le plateau des
Guyanes, soit en tant qu’épiphytes, comme Catopsis berteroniana.
Photos Jean-François Carrias
Les broméliacées-citerne croissent parfois directement sur la roche,
comme ici sur le granite de la partie sommitale d’un inselberg en
Guyane française. Formant un tapis au sol, les plus petites d’entre
elles appartiennent à l’espèce Pitcairnia geyskesii et ne contiennent
que quelques millilitres d’eau. Ces tapis sont clairsemés d’Aechmea
aquilega, l’une des plus grosses espèces de broméliacées présente en
Guyane, avec des individus pouvant contenir plus de 3 litres d’eau. Sur
le pourtour de la rosette, les feuilles les plus âgées de ces deux plantes
deviennent sèches et finissent par se détacher, formant ainsi un tapis
de matière organique sur lequel, si le lessivage n’est pas trop important,
d’autres plantes peuvent se développer.
Une vie aquatique associée très
diversifiée mais encore mal connue
Le premier inventaire de la faune aquatique
des broméliacées-citerne a été réalisé au tout début du e siècle, par Clodomiro Picado, célèbre
scientifique costaricain. Publiés en 1913 dans le
Bulletin scientifique de la France et de la Belgique,
les travaux de cet auteur recensent plus de 400
espèces d’animaux « bromélicoles » échantillonLes racines des broméliacées épiphytes n’ont
qu’un rôle d’ancrage : elles ne parasitent pas
la plante porteuse et sont le plus souvent
incapables d’assimiler l’eau et les éléments
nutritifs.
22
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Les phytotelmes (du grec phyto : plante et
telm : mare) sont des réservoirs d’eau de petit
volume formés par des feuilles ou des fleurs de
végétaux ou encore par des cavités naturelles au
niveau des parties ligneuses d’arbres. Ces structures particulières, hébergeant de véritables
écosystèmes aquatiques, sont d’une très grande
diversité et se rencontrent sur tous les continents
du globe. Leur abondance et leur diversité sont
les plus élevées au niveau des forêts tropicales.
Selon Roger Kitching, spécialiste australien de
ces écosystèmes, les phytotelmes peuvent être
regroupés en quatre classes principales :
(1) Les eaux collectées par des feuilles, bractées ou pétales de plantes, regroupant principalement des plantes monocotylédones tropicales
ou sub-tropicales de petite taille, dont les broméliacées-citerne qui font l’objet de cet article.
(2) Les « plantes-pichets » qui sont des plantes
insectivores possédant des feuilles ou des prolongements de feuilles imperméables recueillant
l’eau. Elles forment un piège pour les insectes
et autres animaux qui se noient et sont digérés
par des enzymes produits par la plante. Les plus
connues appartiennent à la famille des sarra-
nés dans des broméliacées épiphytes de la province de Cartago, partie centrale du Costa Rica.
Une poignée de naturalistes, précurseurs des
travaux de Picado, étaient étonnés de voir en
abondance des moustiques et des libellules en
sous-bois de forêt tropicale alors qu’aucune mare
terrestre n’était présente. Ceci les avait conduits
à émettre l’hypothèse que les broméliacées-citerne étaient sans doute des sites de développement pour de nombreux animaux présentant un
stade larvaire aquatique. En effet, les forêts tropicales sont peu propices à la formation d’écosystèmes aquatiques stagnants tels que les lacs et
les mares classiques. La majorité de l’eau de pluie
est immédiatement collectée par les racines des
arbres et les sols contiennent peu d’humus, la
matière organique étant rapidement minéralisée
en raison du fort taux d’humidité de l’air et de la
température élevée, deux facteurs très favorables
à l’activité des bactéries et champignons. Dans
ces environnements, les réservoirs d’eau de broméliacées peuvent donc être considérés comme
un milieu aquatique de substitution pour toute
une gamme d’animaux vivant normalement
dans les mares terrestres.
Avec l’apport des travaux de Picado et ceux
plus récents de différents auteurs, on sait aujourd’hui que tous les groupes d’animaux habitant normalement les mares terrestres (amphibiens, larves et adultes d’insectes, crustacés,
annélides, rotifères…) ont des représentants
parmi la faune aquatique des broméliacées, plusieurs étant même exclusivement spécifiques
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
céniacées (comprenant entre autres les sarracénies, genre Sarracenia) qui renferment une
dizaine d’espèces distribuées sur une grande
partie du Canada et sur toute la partie est des
Etats-Unis, et à celle des népenthacées (un seul
genre, Nepenthes) comprenant une centaine
d’espèces, la plupart présentes en Asie tropicale (Indonésie, Malaisie, Philippines), dans le
Queensland australien, et sur quelques îles de
l’océan Indien, dont Madagascar.
(3) Les tiges des bambous sont composées de
compartiments imperméables, ce qui facilite la
formation de phytotelmes. Les entre-nœuds se
remplissent d’eau suite à divers accidents, dont
les plus courants sont les trous effectués par les
insectes phytophages et les fentes produites par
l’action de la chaleur. Ce type de phytotelme se
retrouve plus particulièrement dans les régions
tropicales en haute altitude.
(4) Les phytotelmes formés par les trous
d’arbres sont des cavités ou dépressions à l’intérieur d’un arbre ou dessus, contenant de l’eau et
des détritus organiques. Ces habitats aquatiques
sont ubiquistes dans les forêts tropicales, tempérées et boréales. Ils sont le résultat d’une déformation physique de l’arbre ou apparaissent suite
à l’intervention d’un agent physique externe ou
d’un animal (par exemple une ancienne cavité
de nidification).
à ces dernières. La quasi-permanence de ces
petites mares permet le développement d’animaux purement aquatiques dans des régions où
l’absence de mares terrestres empêche normalement leur présence. Comme les broméliacéesciterne peuvent se situer à tous les étages de la
forêt et en grands effectifs (des densités de plus
de 10 000 individus par hectare ont été estimées
dans la forêt de Luquillo à Puerto-Rico), on
mesure alors davantage leur importance pour la
biodiversité aquatique en forêt tropicale.
Depuis les travaux de Picado, de nombreux
auteurs ont analysé les communautés d’invertébrés des broméliacées-citerne. Pour la plupart
de ces expertises, l’objectif principal a été de
vérifier si ces mares étaient favorables au développement des larves de moustiques (genres
Culex, Aedes et Anopheles) potentiellement
vecteurs de maladies tropicales infectieuses
(paludisme, dengue, fièvre jaune). Ces études
n’avaient donc pas pour but premier de mesurer la biodiversité associée et nos connaissances
concernant ce sujet restent très limitées. De
plus, faute de moyens, de techniques adéquates,
et souvent d’intérêts et de spécialistes, certains
groupes d’organismes n’ont pratiquement jamais été analysés. C’est par exemple le cas des
petits crustacés, des nématodes, de nombreuses
familles d’insectes et de tous les groupes de
microorganismes (bactéries, protozoaires,
algues et champignons microscopiques). C’est
pour tenter de mieux connaître cette biodiversité que des études associant des spécialistes de
23
 -
différentes disciplines (entomologie, hydrobiologie, botanique, microbiologie) et appartenant
à trois laboratoires CNRS (Ecofog Kourou,
Ecolab Toulouse et LMGE Clermont-Ferrand)
sont actuellement en cours en Guyane française. Financées par le CNRS, la Fondation
pour la recherche sur la biodiversité et le ministère de l’Outremer, le principal objectif de
ces recherches est de préciser quel est le degré
de biodiversité de chaque groupe fonctionnel
d’organismes aquatiques (voir figure ci-contre)
associés à différentes espèces de broméliacées
dans différents biotopes, et de comprendre
comment ces organismes interagissent entre
eux mais aussi avec la plante.
Les premiers résultats ont permis de montrer qu’une seule espèce de broméliacée sur un
seul site peut renfermer environ 30 espèces
d’insectes et près de 300 souches de microorganismes cultivables (essentiellement bactéries et champignons microscopiques) dont
beaucoup n’ont pas encore été décrits. Tous
ces organismes ont un rôle bien précis et sont
organisés en un réseau trophique complexe qui,
comme une usine de transformation, dégrade
et transforme la matière organique détritique
tombée dans les réservoirs en éléments alors
assimilables par la plante. Il s’instaure donc
une véritable association mutualiste entre la
plante-citerne et l’écosystème aquatique miniature qu’elle héberge.
Des plantes aussi essentielles pour les
animaux terrestres
Les broméliacées-citerne établissent de
nombreuses interactions avec des animaux
terrestres. Ces derniers peuvent être associés
pour le meilleur ou pour le pire, mais d’une façon générale les broméliacées sont considérées
comme des plantes assez peu consommées par
des herbivores et peu parasitées. Les plus spectaculaires de ces relations sont celles qu’elles
entretiennent avec les colibris ou « oiseauxmouches » (famille des Trochilidae). Ces oiseaux
de petite taille ont des besoins énergétiques
énormes et leur régime est composé à 90 % du
riche nectar des fleurs. En Guyane française,
une trentaine d’espèces de colibris sont recensées, toutes consommatrices potentielles du
nectar des broméliacées. La couleur rouge des
fleurs est impliquée dans le mécanisme d’attraction (cf Le Courrier de la Nature n° 260 Spécial
communication plantes-animaux), aboutissement d’une longue coévolution entre les deux
partenaires. D’après des études récentes menées
au Brésil, les relations entre les broméliacées et
les colibris seraient peu spécifiques, plusieurs
24
L’ostéocéphale oophage (Osteocephalus
oophagus, hylidés) est assez commun en
Guyane. Les œufs, pondus dans plusieurs
broméliacées d’un même site, donneront
des têtards que la femelle viendra nourrir
régulièrement en déposant des « œufs
trophiques », d’où le nom d’oophage donné à
l’espèce.
Décomposeurs : bactéries (1) et champignons (2)
Producteurs primaires : algues (3)
Consommateurs de bactéries : protozoaires ciliés (4)
Consommateurs de matière organique et de microorganismes : rotifères (5) et nématodes (6)
Consommateurs de matière organique : larve de chironome (7)
Filtreurs omnivores : larve de moustique du genre Culex (8) et Wyeomyia (9)
Prédateurs : larve de moustique du genre Toxorhynchites (10) et larve d’odonate (11)
Larve d’amphibien (12) : consomme des œufs trophiques déposés par la femelle adulte
espèces de cette famille pouvant se nourrir du
nectar de plusieurs espèces de broméliacées.
Celles-ci produisent du nectar en abondance
et particulièrement riche en sucrose, composé
très apprécié des colibris. La plante profite des
nombreuses visites des oiseaux-mouches pour
faire transférer son pollen vers une autre plante
et ainsi assurer sa pollinisation. Les broméliacées sont considérées comme des plantes essentiellement ornithophiles, même si des chauvessouris, des papillons et des abeilles peuvent être
impliqués dans la pollinisation de certaines
espèces.
Aperçu de
la diversité
fonctionnelle
des organismes
aquatiques
présents dans les
broméliacéesciterne de Guyane.
1-4 :
microorganismes,
5-11 : invertébrés,
12 : vertébrés.
Le vent est un agent important de dispersion
des graines, surtout dans des biotopes ouverts.
Toutefois, pour beaucoup de broméliacées épiphytes formant des réservoirs, ce sont les oiseaux, les chauves-souris et parfois les fourmis
qui assurent la dispersion des graines. A côté de
ces partenaires particuliers, de très nombreux
organismes terrestres utilisent ces plantes
comme un site de nidification, un refuge, un
affût pour chasser, ou simplement comme
un lieu de ravitaillement en nourriture et en
eau. A l’heure actuelle, il est impossible d’en
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
dresser une liste complète, car un grand nombre
de ces visiteurs, notamment parmi les arthropodes, sont des espèces encore non décrites. On
observe souvent des araignées, des blattes, des
acariens, des fourmis, des criquets, des millepattes et des scorpions entre les feuilles des broméliacées-citerne. Les araignées, les fourmis et
les blattes utilisent souvent les petits réservoirs
asséchés des feuilles les plus âgées sur le pourtour de la rosette comme site de nidification.
Certaines broméliacées ont même évolué de façon surprenante avec certaines fourmis au point
de former une véritable symbiose (nous en reparlerons de manière plus approfondie dans un
prochain article du Courrier de la Nature). Cette
abondance d’invertébrés attire des prédateurs,
tels que les oiseaux mais aussi des mammifères.
Présent dans les zones tropicales montagneuses
au Costa-Rica, au Panama, en Colombie et en
Equateur, l’anabate chamois (Pseudocolaptes
lawrencii) est un petit passereau insectivore spécialisé dans la capture d’invertébrés des broméliacées-citerne. Ces dernières constituent aussi
les sites d’alimentation les plus visités par les
tamarins (primates de la famille des Callitrichidae), notamment par les tamarins-lions (genre
Leontopithecus). Ce sont surtout les insectes et
les autres invertébrés qui sont recherchés afin
de compléter une alimentation plutôt à base de
fruits.
C’est en saison sèche que les broméliacéesciterne prennent toute leur importance dans
la forêt tropicale. Fournissant un abri et de
l’eau pendant les périodes les plus critiques,
elles évitent la déshydratation à une multitude
d’arthropodes, mais aussi à de nombreuses
espèces d’oiseaux, d’amphibiens et de mammifères arboricoles. Elles apparaissent alors indispensables au maintien de la faune en canopée,
strate qui, bien que subissant les variations de
température et d’humidité les plus contrastées
et l’essentiel de l’action du vent, héberge une
part très importante de la biodiversité continentale. Enfin, beaucoup d’herbivores se nourrissent des feuilles des broméliacées ou de la
Photos Jean-François Carrias
Dentrobates ventrimaculatus mesure moins de 2 cm de long et est
adapté à vivre dans les broméliacées-citerne dans lesquelles il se
reproduit et élève sa progéniture. Ses populations en Guyane sont très
dépendantes de la présence de ces petites mares.
Photo Laurent Pelozuelo
Cette punaise de la famille des vélidés mesure
seulement 2 mm de long et est adaptée pour
se déplacer à la surface de l’eau des réservoirs
de broméliacées où elle chasse des insectes
terrestres tombés à l’eau ou des espèces à larves
aquatiques en phase d’émergence.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
25
Les bractées rouges et les fleurs jaunes
de l’inflorescence d’Aechmea mertensii,
broméliacée épiphyte qui se développe en lisière
de forêt, sont visuellement très attractives pour
les colibris.
sève de celles-ci. Ce sont surtout des groupes
d’insectes connus pour se nourrir sur un grand
nombre de plantes, comme les chenilles de différents papillons, des chrysomèles, des criquets
et sauterelles, des charançons, etc. Ainsi le
papillon Strymon ziba (famille des lycaenidés)
est-il connu comme un parasite spécialisé des
broméliacées. Il occasionne régulièrement des
dégâts importants dans les plantations d’ananas, sa chenille se nourrissant aux dépens des
inflorescences (voir photo p. 27). De nombreux
singes sont aussi consommateurs de ces dernières. Le plus emblématique des herbivores
spécialisés sur les broméliacées est l’ours andin
ou ours à lunettes (Tremarctos ornatus), le seul
ursidé d’Amérique du Sud, qui est aussi l’espèce
d’ours la plus menacée au monde. Comme cela
a été confirmé récemment par des études de radiopistage, les feuilles de broméliacées-citerne
terrestres et épiphytes constituent une part essentielle de son régime alimentaire, permettant
à des populations de se maintenir en altitude
pendant une grande partie de l’année.
Menaces et mesures de conservation
Photos Jean-François Carrias
Cette femelle d’émeraude orvert (Chlorostilbon mellisugus) fait
partie de la trentaine d’espèces de colibris présents en Guyane et
impliqués dans la pollinisation de nombreuses plantes à fleurs, dont les
broméliacées-citerne.
26
Les broméliacées-citerne sont souvent perçues comme des sites de développement de
moustiques vecteurs de maladies infectieuses.
Elles sont pour cette raison souvent détruites
près des habitations, en ville et dans les champs
cultivés. Cette réputation est contredite par de
récentes études qui montrent par exemple que
le vecteur de la dengue et de la fièvre jaune, le
moustique Aedes aegypti, se développe beaucoup mieux dans les petites mares artificielles
que dans les réservoirs des broméliacées-citerne
dont l’acidité limite son développement.
La plus grande menace pour les broméliacées est bien évidemment la destruction de la
forêt tropicale. Depuis l’arrivée des Européens
en Amérique, l’Amazonie a perdu près de 20 %
de sa surface naturelle et, selon le WWF, ce
chiffre pourrait atteindre 55 % en 2030. On estime que, chaque jour, 15 300 hectares de forêt
tropicale disparaissent en Amérique du Sud.
Dans la plupart des biotopes d’altitude, les broméliacées forment plus de la moitié de la biomasse végétale et partout leur importance dans
le fonctionnement de la forêt et le maintien de
la biodiversité est avérée. Malheureusement,
trop peu d’études sont disponibles pour juger
de façon pertinente combien d’espèces sont
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Le papillon
Strymon ziba
est connu pour
pondre ses œufs
(un œuf blanc
est visible sur
la photo) sur les
inflorescences
des broméliacées,
les chenilles se
nourrissant au
détriment de leurs
fleurs et fruits. Ici
une femelle sur
une inflorescence
d’Aechmea
bracteata
(Quintana Roo,
Mexique).
Photo Bruno Corbara
véritablement en danger de disparition. D’après
des modèles théoriques, 150 espèces de broméliacées auraient déjà disparu et près d’une dizaine serait en cours d’extinction. Sur les 3 200
espèces répertoriées, 152 figurent sur la liste
rouge de l’UICN (Union internationale pour la
conservation de la nature) dont sept sont classées en danger critique d’extinction.
La solution de conservation la plus adaptée demeure la mise en place de réserves écologiques, publiques ou privées, et l’application
stricte des lois de protection dans ces aires, notamment en ce qui concerne la déforestation et
l’exploitation minière. En ce sens, de nombreux
efforts ont été réalisés ces dernières années en
Guyane française, mais ce n’est malheureusement pas le cas pour de nombreux pays d’Amé-
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Benzing D.H. 1990. Vascular epiphytes.
Cambridge University Press, New York, 370 p.
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in tank-bromeliads in a East-Amazonian rainforest in French Guiana. Forest Ecology and
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
rique centrale et du Sud où la déforestation
reste le problème majeur. La conservation des
broméliacées dans les jardins botaniques est
considérée comme largement insuffisante par
les botanistes, notamment en raison d’une trop
faible diversité génétique des souches cultivées.
Les broméliacées-citerne sont moins spectaculaires que des espèces animales emblématiques
comme le condor de Californie, l’aigle harpie
ou l’ours à lunettes, ce qui limite fortement la
possibilité de recherche de financement pour les
protéger. Cependant, des efforts considérables
doivent être fournis afin de mieux préserver ces
plantes et, par cascade, une partie non négligeable de la biodiversité tropicale.
J.-F. C., C. L., R. C., A.-C. L.,
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27
Les chauves-souris sont-elles des
espèces forestières ?
Photo François Schwaab
Noctule de Leisler.
Les chiroptères et la
forêt : de la connaissance
à l’action !
Etat des lieux de leur prise en
compte dans la gestion
En cette année 2011, année internationale de la forêt et année internationale des chauves-souris, il est légitime de s’interroger sur les
liens qui unissent ces animaux à l’écosystème forestier, mais aussi
sur la manière dont les chiroptères sont intégrés dans la gestion des
espaces forestiers. Sans prétention d’exhaustivité, l’objectif de cet article est de dresser un bilan le plus complet possible de la situation
actuelle.
28
Laurent
T*
 Audrey
T**
* Chargé de mission
Faune Biodiversité, animateur du
réseau national
Mammifères
** Chargée de mission Plan national
d’actions
Chiroptères
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
On a pour habitude d’imaginer les chiroptères dans les habitations (dans les greniers,
dans les caves, derrières les volets) ou dans les
gîtes souterrains (mines et grottes). Les naturalistes se sont bien souvent concentrés sur ces
milieux en effet favorables pour débuter des
inventaires dans chaque région, et commencer
à donner des tendances d’évolution des populations. C’est ainsi que l’on s’est rendu compte
que certaines espèces avaient subi des pertes
d’effectifs parfois très inquiétantes pour leur
survie. Mais il a fallu attendre le début des années 2000 pour que les premières études (des
inventaires principalement) voient le jour sur les
chiroptères en forêt. La surprise fut grande de
constater le lien étroit entre ces espèces et l’écosystème forestier.
Les chauves-souris sont des mammifères
volants qui se nourrissent presque exclusivement d’insectes et qui ont besoin de deux
types principaux de gîtes : un pour l’hiver où
mâles et femelles se regroupent afin d’hiberner
et un pour l’été (les mâles restent isolés tandis
que les femelles s’assemblent en colonies dans
un endroit suffisamment chaud pour mettre
bas1). La forêt et la multitude de micro-habitats associés (présence de bois mort de qualité
et de quantité variable, peuplements forestiers
diversifiés et stratifiés, cavités dans les arbres)
présentent de fait suffisamment d’intérêt pour
accueillir ces animaux. En toute logique, ils se
servent donc de la forêt pour gîter, se nourrir
et se déplacer des gîtes aux terrains de chasse.
L’utilisation d’un espace forestier reste toutefois
complexe, et est encore à l’étude : il semble ainsi
que beaucoup de colonies de reproduction dépendent de réseaux de gîtes, donc nécessitant
un nombre élevé d’arbres à cavités (plusieurs
dizaines à quelques centaines de trous de pics et
de fentes principalement, mais aussi d’écorces
décollées). Les femelles de la colonie exploitent
le système forestier environnant pour rechercher les proies nécessaires à leur alimentation
(une femelle de pipistrelle commune, l’une des
plus petites chauves-souris européenne, dévore jusqu’à 800 à 1 000 moustiques dans une
seule nuit). Chaque taxon a spécialisé sa technique de chasse, certaines espèces chassant
essentiellement les insectes en lisière (les pipistrelles, la barbastelle d’Europe, les sérotines et
les noctules), ou en canopée (les murins et les
oreillards), d’autres dans le feuillage des arbres
(à nouveau les murins et les oreillards), ou encore en se spécialisant sur un type de proies
(cas des oreillards et de la barbastelle d’Europe
sur les papillons typanés, et du murin à oreilles
échancrées sur les araignées).
Il faut le reconnaître, les chauves-souris sont
difficiles à étudier en forêt et les techniques
doivent encore être améliorées. Ceci dit, plus
on en cherche en forêt et plus on en trouve. Et
s’il est impossible actuellement de les dénombrer, on peut imaginer que les effectifs en forêt
sont certainement très importants. Ce constat
induit une grande vérité : la responsabilité du
gestionnaire forestier pour leur conservation est
grande, même s’il la partage avec les urbanistes,
agriculteurs et gestionnaires d’espaces naturels.
On sait aujourd’hui que l’avenir de nos forêts
peut jouer un rôle crucial dans l’évolution des
populations de chiroptères en France. Il ne fallait donc pas rater le rendez-vous !
Murin de
Bechstein.
Photo David Aupermann
1- Au printemps et en été, les femelles vivent dans
des colonies plus ou moins grandes : de quelques
dizaines d’individus à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers dans les cavités. (Ndlr : Elles se rassemblent en général pour procéder à la fécondation,
avec le sperme qu’elles ont conservé pendant toute la
période d’hibernation, puis à la parturition.)
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
29
compte le Plan national d’actions en faveur des
chiroptères2 sont à mettre en œuvre durant ces
cinq années afin d’améliorer les connaissances,
de protéger les populations et de sensibiliser le
grand public et les acteurs concernés ; et ce pour
l’ensemble des 34 espèces que la France métropolitaine héberge. Une de ces actions, la n°9, est
dédiée à la prise en compte de la conservation
des chauves-souris dans la gestion forestière, pilotée par l’ONF et son réseau « mammifères ».
Un volet forestier copieux
Photo Robin Letscher
Barbastelle
d’Europe, sous
une écorce
décollée.
Logo du Plan
national d’actions
en faveur des
chiroptères
30
Un Plan d’action national
La Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) a coordonné un
programme d’actions au niveau national visant
à améliorer la situation des différentes espèces,
et avant tout à enrayer la diminution des effectifs. Ce programme, le Plan de restauration des
chiroptères, mené sous l’égide du ministère
chargé de l’environnement, s’est intéressé principalement aux gîtes et aux habitats de chasse
des espèces de l’Annexe II de la Directive Habitats-Faune-Flore, sur la période 1999-2003. Or
ce plan n’a pas du tout concerné les chauvessouris en forêt en raison de la faiblesse des
connaissances en ce domaine, due au manque
de techniques pertinentes pour effectuer les
études. Mais un second plan, qui a vu le jour
pour la période 2009-2013, et qui est piloté par
la DREAL Franche-Comté et est animé par la
Fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels, a intégré ce volet. Ainsi, les 26 actions que
Plus précisément, les actions à mener pour
améliorer la prise en compte des chiroptères
dans la gestion forestière s’articulent autour de
trois axes spécifiques rappelant les trois grands
types d’actions du plan :
- un volet « étudier » consistant à améliorer
les connaissances sur les chiroptères en forêt
(lien entre chiroptères et forêt, inventaires et
suivis) ;
- un volet « protéger » dont le but est de contribuer à la conservation des espèces et des populations via des actions de gestion spécifiques, ou
intégrées à la gestion globale de massifs, mais
prenant en compte les besoins des espèces ;
- un volet « former » qui vise à sensibiliser
les acteurs socio-professionnels de la forêt sur
la nécessité de gérer les forêts en prenant en
compte la biodiversité, notamment les chiroptères.
Chacun de ces volets s’appuie sur différentes
étapes plus ou moins complexes :
a) Etudier :
- recherche de gîtes de mise-bas de chiroptères forestiers et alimentation d’une base de
données nationale sur les arbres-gîtes ;
- suivi de sites expérimentaux pour mieux
connaître la manière dont les chauves-souris
réagissent à la gestion forestière et pour en améliorer les techniques ;
- suivi sur le moyen terme de l’activité des
chauves-souris en forêt dans les divers types de
peuplements forestiers, alimentation d’une base
de données nationale.
b) Protéger :
- maintien de tous les arbres connus pour héberger des colonies de reproduction de chiroptères. Ce maintien s’applique aussi longtemps
que ces arbres sont effectivement utilisés ou utilisables au cours des cycles successifs de reproduction, et pour autant que leur destruction,
leur altération ou leur dégradation remette en
2- Plus d’informations sur : www.plan-actionschiropteres.fr
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Photo François Schwaab
Noctule commune.
cause l’accomplissement des cycles biologiques
des chiroptères ;
- mise en place dans les forêts publiques d’un
réseau fonctionnel d’arbres propices à accueillir
les chiroptères, à partir du maintien d’arbres
isolés et d’îlots de vieux bois en connexion ;
- vérification de la concordance entre les documents de gestion et les propositions pour la
conservation des chauves-souris.
c) Former :
- proposition de suivre le stage national de
formation généraliste à destination des gestionnaires d’espaces naturels, dont les forestiers ;
- mise en place d’un stage national spécifique
de formation à la gestion conservatoire des
forêts,
- mise en place dans chaque région d’un marteloscope3 pour former les forestiers à la prise
en compte des chiroptères lors de la désignation
des arbres à exploiter en forêt publique ;
- diffusion régulière de l’information sur les
découvertes liées aux chauves-souris en forêt
dans les revues destinées au monde forestier ;
- intégration des enjeux de préservation des
chiroptères dans les formations initiales forestières.
3- Le marteloscope est un espace de forêt souvent limité à 1 ou 2 ha, dédié à la formation des forestiers
à différentes consignes de marquage des arbres lors
des opérations de prélèvement d’arbres pour la production de bois. Un marteloscope peut être orienté
vers un type de sylviculture (technique de gestion
forestière), un objectif économique, ou un objectif
écologique. En général, les marteloscopes intègrent
toutes les composantes de la gestion forestière, de
l’économie à la biodiversité.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Un bilan pour la période 2009-2010
Afin de mieux aider les différents acteurs de
ce plan à mener les actions du volet forestier, un
bilan4 a été conduit pour les actions réalisées
lors des deux premières années du plan. Ce bilan s’est intéressé à chacune des actions menées
tant au niveau national qu’au niveau régional, en
déclinaison des axes nationaux.
Dans le détail, ce bilan montre que le volet
« Etudier » est très largement nourri par un
engouement pour les nouvelles méthodes d’acquisition de données. Parce que ces animaux
sont très difficiles à observer et à capturer, la détection ultrasonore est une méthode qui a pris
un essor considérable depuis quelques années.
Cette technique consiste à utiliser des appareils
sophistiqués pour écouter les cris ultra-sons
que les chauves-souris, comparables à des sonars, utilisent pour se déplacer et chasser des
insectes. Les données issues de cette technique
se sont donc multipliées.
Le radiopistage est une autre méthode visant
d’abord à capturer un animal, puis à l’équiper
d’un émetteur pour le suivre tant sur ses terrains de chasse que jusqu’à ses gîtes dans les
arbres. Onéreux, en matériels et en temps passé
sur le terrain par les équipes, le radiopistage
est toutefois monté en puissance, car il apporte
des informations très concrètes utilisables tant
pour l’amélioration des connaissances sur les
chiroptères que pour la conservation des arbres
qui les abritent. L’intérêt pour la conservation
4- Il est disponible sur : http://www.plan-actionschiropteres.fr/Fiche-action-No6-a-12
31
Murin de
Bechstein.
Photo Audrey Tapiero
Prise de mesure
d’un oreillard gris.
Cavité à
chiroptères.
directe des habitats de ces espèces justifie en
grande partie cet engouement récent. Soixante
études menées en régions ont utilisé cette technique, dont 16 sur le seul murin de Bechstein
(espèce parmi les plus forestières mais aussi les
plus méconnues en France5), et 10 sur la barbastelle d’Europe (espèce très exigeante quant
à son régime alimentaire). Ces études ont porté
sur 207 forêts et ont abouti à 77 publications.
Le bilan le plus incroyable est le temps total
passé pour améliorer les connaissances sur les
chiroptères forestiers : 3 433 jours en seulement
deux ans, pour plus de 130 000 € dépensés en
matériels et frais de déplacements !
Si l’acquisition des connaissances nécessite
des moyens importants, le passage aux actions
de gestion conservatoire semble plus compliqué.
Le maintien des arbres avec des chiroptères est
Photo Julien Girard Claudon
une mesure simple assez classiquement mise en
œuvre. Normal, même si on peut toutefois se
poser la question de l’efficacité d’une mesure qui
se limiterait à ne protéger que l’arbre découvert
(sur un pas de temps très limité : une journée ou
une semaine), tout en sachant aujourd’hui que
ces espèces exploitent un réseau d’arbres gîtes,
composés de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’arbres ! De fait, la compréhension du
fonctionnement des colonies pour une prise en
compte dans un plan d’aménagement ou dans
plan de gestion reste encore trop rare, et seulement deux études ont permis la mise en place
d’un réseau d’îlots de vieux bois favorisant le
maintien de ces gîtes avec d’autres arbres potentiellement intéressants (allant de la réserve
biologique au réseau d’îlots de sénescence,
connectés entre eux par des corridors de vieux
bois avec des arbres à cavités), en intégrant une
évaluation économique du manque à gagner.
N’oublions pas en effet que le maintien de ces
arbres favorables peut avoir des conséquences
sur l’équilibre économique d’une forêt. Au final,
40 des 207 forêts ont fait l’objet de mesures spécifiques de gestion favorables aux chiroptères,
essentiellement pour des forêts publiques.
C’est peut-être le volet « former » qui a eu le
plus de succès, notamment auprès des forestiers
privés, grâce aux outils de communications
(magazines et plaquettes de communication
auprès des propriétaires forestiers) destinés à
informer les propriétaires forestiers sur le rôle
des chauves-souris et l’importance de mener
des actions de conservation (plus de 7 000 personnes informées). En revanche, les formations
de terrain restent malheureusement encore très
limitées (une seule formation nationale a eu lieu
en 2009 : elle a duré une semaine et a été limitée
à 18 personnes), alors qu’elles sont nécessaires
pour intégrer au mieux tous les principes de
l’écologie des espèces et l’adéquation avec la gestion forestière. Cela dit, il apparaît essentiel de
s’attaquer aux formations forestières initiales,
en y incluant une approche des chauves-souris,
afin de gagner en efficacité.
Des actions, mais aussi des personnes
Toutes ces actions, aussi diversifiées soientelles, ont été réalisées par un réseau d’acteurs
issus du milieu associatif, principalement les associations régionales spécialisées sur les mammifères, avec un appui national de la Fédération
5- Pour mémoire, un inventaire des colonies de reproduction connues de cette espèce a été mené au
début des années 2000, mettant en évidence seulement 12 colonies pour la France. Depuis, ce nombre
a évolué…
32
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Photo Robin Letscher
des Conservatoires d’espaces naturels et de la
Société française pour l’étude et la protection
des mammifères, mais aussi des gestionnaires
d’espaces naturels, au premier plan duquel figure le Réseau Mammifères de l’Office National des Forêts. Ce réseau, qui a été chargé dès le
début de piloter cette action forestière du PNA,
est composé de près de 40 personnes qui sont
forestiers avant d’être naturalistes spécialisés
sur l’étude des mammifères. Compétents sur les
chiroptères grâce à des formations spécifiques,
ils peuvent traduire les résultats des études en
mesures de gestion forestière compréhensibles
par leurs collègues forestiers. Cette spécificité
s’est avérée indispensable dans bien des cas,
notamment quand il s’est agi de traduire les
résultats de deux études en mesures concrètes
avec des réseaux d’arbres maintenus et d’autres
actions favorables aux chiroptères.
C’est donc dans la complémentarité des
acteurs que ce volet nourrit actuellement son
efficacité, alliant la connaissance à la formation
et la sensibilisation des forestiers, pour proposer in fine des actions de gestion conservatoire
favorables. Si ce volet forestier est en bonne
voie, il souffre pour le moment d’un manque
de moyens, en personnels et en matériels, pour
être décliné sur la plus grande surface possible.
N’oublions pas qu’avec 15 millions d’hectares
la forêt prend une place considérable sur notre
territoire, et que la multitude des propriétaires
contribue très certainement à diversifier les
modes de gestion, favorisant ainsi la biodiversité, donc les chauves-souris. Néanmoins, il reste
à s’assurer de la pérennité des populations et des
mesures favorables là où elles peuvent le nécessiter (forêts isolées au milieu de grandes zones
agricoles ou urbaines par exemple). Le chantier
reste donc énorme et a de quoi occuper les naturalistes et les forestiers pour de nombreuses
années.
L. T. & A. T.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Plus d’informations :
- Plaquette « chauves-souris et gestion forestière » / Eurobats : http://www.eurobats.org/
publications/leaflet/BatsForestry_Flyer_web_
fr.pdf
- Plaquette « Les chauves-souris et les
arbres » / SFEPM : http://www.sfepm.org/
images2/chiropteres/plaqarbres.pdf
- Plan National d’Actions Chiroptères :
http://www.plan-actions-chiropteres.fr
Formations :
Mai (chaque année) : Stage national IDF « les
Chiroptères et la gestion forestière » : http://
www.foretpriveefrancaise.com/
Evénements :
Dernier week-end du mois d’août (chaque
année) : Nuit Européenne de la Chauve-souris :
http://www.sfepm.org/NuitChauveSouris/
presentation.htm
L’année 2011 a été déclarée Année européenne de la Chauve-souris par l’UNEP
(Programme des Nations Unies pour l’Environnement). Un site internet est consacré à ce
sujet : http://www.yearofthebat.org/
N’hésitez pas à inscrire vos événements sur :
http://www.sfepm.org/anneechauvesouris.htm
33
A
u cours des années 1960, un événement
capital a eu lieu dans le domaine des relations entre homme et animal : pour
la première fois, des humains et des grands
singes ont vécu ensemble, formant de véritables
familles. Ces communautés ont vu le jour aux
Etats-Unis, dans le cadre des recherches sur les
capacités d’apprentissage du langage humain
par les primates, les scientifiques ayant supposé
que cette acquisition langagière serait favorisée
par la socialisation des anthropoïdes dans une
structure familiale. Au-delà des performances
des grands singes, largement médiatisées à
l’époque, ces formes de « vivre-ensemble » ont
également permis de rendre visible des proximités comportementales et cognitives étonnantes
entre humains et singes anthropoïdes, ainsi que
des formes de compréhension mutuelle. Sans
cautionner l’intégration des grands singes dans
les familles humaines, ni l’enfermement des primates dans les zoos, nous tenterons ici de comprendre ce qui s’est joué et ce qui se joue dans
ces communautés, et de réfléchir sur le statut de
ces singes si proches de l’homme.
Singes parlants
Photo Liz Rubert-Pugh/Great Ape Trust
Le bonobo Kanzi.
Réflexions sur les communautés
hommes-singes
Chris
H*
Dans un article ultérieur du Courrier de la
Nature, Chris Herzfeld nous entretiendra de
la responsabilité des hommes vis-à-vis des singes
captifs. En introduction à ce futur article, l’auteur
nous livre quelques expériences de communautés
hommes-singes, notamment celles qui ont eu lieu
dans le cadre des expériences d’apprentissage du
langage par les grands singes pendant les années
1960, et qui ont permis de mieux comprendre les
ressemblances et dissemblances entre humains et
grands singes.
34
* Centre Alexandre Koyré - Ecole des Hautes
études en Sciences Sociales et Muséum national
d’histoire naturelle, Paris.
La version intégrale de cet article (titre original
« De la domestication des primates ») est publiée
dans La question animale, sous la direction de JeanPaul Engélibert, Lucie Campos, Catherine Coquio
et Georges Chapouthier, Presses universitaires de
Rennes, 2011, Chapitre III. Cette version courte
a été rédigée avec la collaboration de Nadejda
Varfolomeeva.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
L’appareil phonatoire des grands singes (bonobos, chimpanzés, gorilles, orangs-outans)
ne leur permet pas d’articuler les sons avec la
précision et la diversité voulue pour pouvoir
pratiquer le langage bi-articulé humain. Dans
le cadre de programmes scientifiques mis en
place aux Etats-Unis dans les années 1960, différents primates anthropoïdes ont donc appris
à communiquer avec les humains en utilisant le
langage des signes (American Sign Language) ou
des systèmes iconiques1. Afin de favoriser l’acquisition langagière, des jeunes singes furent
intégrés dans des familles humaines2. William
Lemmon, directeur de l’Institute of Primate
Studies (université d’Oklahoma), fut l’un des
premiers à initier différentes expériences de
cross-fostering, processus qui consiste à faire élever des petits issus d’une espèce donnée par des
individus appartenant à une autre espèce, en
l’occurrence des jeunes singes par des humains.
Les grands singes sont alors entrés dans la maison de l’homme et y ont vécu comme les enfants
de cette maison.
1- David Premack invente un système iconique
dont chaque forme en plastique coloré correspond à
un mot, ce qui permet à l’animal de manipuler ces
formes afin de former des « phrases ». Premack D.,
Premack A.J., The Mind of Ape, New York, Norton,
1983.
2- « Les recherches sur les capacités linguistiques
des grands singes constituent la tentative la plus
aboutie à ce jour pour construire une communauté
entre des humains et des animaux ». Lestel D., Paroles de singes. L’impossible dialogue homme-primate,
Paris, La Découverte, 1995, p. 7.
Expériences avant 1960
Bien d’autres cas de « vivre-ensemble »
entre hommes et singes ont existé avant les
expériences d’apprentissage du langage : dans
les zoos, chez des particuliers, dans des familles occidentales expatriées en Afrique ou en
Indonésie. Cependant, ces partages de vie sont
peu documentés. De plus, il s’agissait souvent
de cohabitation et non de véritables intégrations dans des familles à long terme. Ainsi, dans
l’ex-Congo belge, Madame Trompet prit soin de
la femelle Malenga (voir photo), l’élevant comme
sa fille. Revenue en Belgique, elle fut cependant
contrainte de la faire entrer au zoo d’Anvers
où, admise comme chimpanzé, Malenga « se
transforma » en chimpanzé pygmée. Cette sousespèce, plus connue sous le nom de « bonobo »,
fut en effet officiellement décrite en 1929 par
Ernst Schwarz (1889-1962) sous la dénomination de Pan satyrus paniscus (elle acquit le statut d’espèce en 1933), peu après l’admission de
Malenga au zoo.
Madame Trompet et la
femelle Malenga.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
35
 -
La femelle chimpanzé Washoe3 est l’une des
premières à avoir été impliquée dans ces recherches. Arrivée en 1966 chez les Gardner, à
l’âge d’un an, elle sera bientôt capable de mener
de réelles conversations avec ses partenaires humains. Devenue adulte, Washoe transmet spontanément le langage des signes à son fils adoptif,
Loulis. Elle le fait sans intervention humaine et
en employant la même méthode que les cherLe bonobo Kanzi (« trésor » en Swahili) est,
incontestablement, le plus doué des « singes
parlants ». Né en octobre 1980, il est placé
à l’âge de six mois au Centre de recherche
sur le langage à l’Université de Géorgie
(Atlanta) où il a suivi, pendant vingt-cinq
ans, un apprentissage du langage par le biais
des lexigrammes, ou symboles. Il est capable
d’utiliser plus de 340 symboles (selon le
Smithsonian magazine, Novembre 2006), de
comprendre plus de 3 000 mots de l’anglais
parlé. Il est particulièrement doué pour la
fabrication d’outils et pour la peinture. Depuis
2005, il vit à Great Ape Trust à Iowa, un
centre de recherche scientifique dédié aux
grands singes parlants (www.greatapetrust.
org).
cheurs : la monstration et la répétition du geste
à faire, puis sa correction (la main de l’élève
étant guidée par la main de l’enseignant). Plus
tard, d’autres primates anthropoïdes intègrent
des familles humaines : le chimpanzé Nim
Chimpsky (lors d’un projet initié par Herbert
Terrace), la gorille Koko (Francine Patterson),
l’orang-outan Chantek (Lyn Miles), le bonobo
Kanzi (dans le cadre du Lana Project fondé par
Duane Rumbaugh). Ce dernier se montrera exceptionnel : utilisant des lexigrammes, il communique en manipulant environ trois mille associations de mots, se réfère à des objets absents
et invente de nouvelles combinaisons de termes
afin de pouvoir nommer les objets dont il ne
connaît pas le nom. Le public découvre Kanzi
assis face à son tableau d’icônes colorées quasiment en même temps que l’espèce à laquelle il
appartient, à la fin des années 19804.
3- Née en Afrique de l’Ouest en 1965 et décédée le
30 octobre 2007 au Chimpazee and Human Communication Institute (Central Washington university, Ellensburg, Etat de Washington).
4- Voir Herzfeld C., « L’invention du bonobo », Bulletin d’histoire et d’épistémologie des sciences de la vie,
volume 14, numéro 2, 2007.
Photo Liz Rubert-Pugh/Great Ape Trust
Un « devenir-humain » des grands
singes
Lors de la médiatisation de ces recherches,
les performances langagières des grands singes
ont occupé le devant de la scène, laissant dans
l’ombre la formidable expérience de vie qui en a
résulté. Entrant dans des familles humaines en
tant que membres à part entière, les primates
se montrèrent en effet capables de se réapproprier des habitudes, des savoir-faire et même
certaines facettes de l’ethos humain, à un degré
que peu avaient cru possible. Ainsi, la chimpanzé Washoe place ses poupées préférées en
cercle et leur parle en langage des signes. Dès
que l’un de ses compagnons humains apparaît,
elle cesse son activité, comme un enfant surpris
en train de jouer « à faire semblant ». Plus âgée,
elle donne des titres aux peintures qu’elle réalise, par exemple : « Electric Hot Red ». Dans le
même groupe, la femelle Tatu aime se maquiller
et se met des pinces dans les « cheveux », tandis que Moja tient à porter des vêtements et
sait faire des nœuds5. Moja fut aussi le premier
primate anthropoïde à réaliser des peintures
figuratives : après avoir tracé sur une feuille une
forme ronde et colorée en orangé, elle signe le
mot « cerise ». En Californie, la gorille Koko se
commente à elle-même les images de son livre
illustré en langage des signes : lorsqu’elle examine une grenouille aux grands yeux, elle signe
le terme « eye ». A New York, le chimpanzé
Nim Chimpsky suce son doigt et dort avec
sa poupée favorite. Par ailleurs, il aide ses
Nim et sa poupée préférée : Nim Chimpski (1973-2000) porte le
nom dérivé du linguiste Noam Chomsky, affirmant que le langage
est l’apanage des humains. Nim fut l’objet d’une expérimentation
linguistique « Project Nim » menée par Herbert Terrace, psychologue
comportementaliste (Université de Columbia). La vie mouvementée de
Nim a été retracée dans de nombreuses publications et plus récemment
dans un documentaire de James Marsh : Project Nim (sorti en juillet
2011).
Herb Terrace, Columbia University
Signes tracés par le chimpanzé parlant Panzee.
Language Research Center (Georgia State
University), Atlanta.
Photo Chris Herzfeld
5- Herzfeld C. & Lestel D. “ Knot tying in great apes.
Etho-ethnology of un unusual tool behavior”. Social
Science Information, vol. 44, n° 4, december 2005, et
Lestel D. & Herzfeld C. (2005). “ Topological Ape :
Knots-Tying and Untying and the Origins of Mathematics” in Grialou P., Longo G., Okada M. (ed.),
Images and reasoning, Interdisciplinary Conference
Series on Reasoning Studies, Vol. 1 (Paris Meeting,
March 2004), Tokyo, Keio University, 2004.
36
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
37
 -
enseignants à préparer les repas, à faire la vaisselle et à mettre les vêtements dans la lessiveuse.
Pour des questions pratiques évidentes, tous les
singes parlants sont habitués à aller aux toilettes.
Les grands singes ont donc eu non seulement la capacité d’acquérir, en partie, ce que les
hommes ont longtemps considéré comme leur
apanage : le langage, mais ils montrent de plus
une extraordinaire facilité à établir des liens
affectifs très profonds avec les humains qui les
entourent, à se réapproprier leurs habitudes
et leurs savoir-faire et à intérioriser des bribes
d’ethos humain. On connaissait depuis longtemps les prouesses imitatives des singes. Mais,
dans le cas des singes parlants, un pas de plus
est franchi : ils expérimentent un véritable « devenir-humain »6 et vont jusqu’à se vivre et à se
désigner eux-mêmes comme « humains ».
Quelques exemples le démontrent de manière
frappante. A l’âge de cinq ans, Washoe croise,
pour la première fois, des chimpanzés. Son
instructeur, Roger Fouts7, lui demande alors :
« Qui sont-ils ? » Elle lui répond en langage des
signes qu’il s’agit de « black bugs » (« bestioles
noires »). Elle ne se place apparemment pas
dans cette catégorie. Lorsque l’on demande à
la chimpanzé Vicki, également élevée dans une
famille humaine, de classer différentes photographies soit dans le groupe des humains, soit
dans celui des animaux, elle met l’image de son
père biologique (un chimpanzé) sur la pile des
animaux. En revanche, elle place son propre
portrait sur la pile des portraits d’humains, en
compagnie des photographies de Churchill et
d’Eisenhower. La gorille Koko utilise le signe
universel : « MAN » (« être humain »), en l’appliquant à sa propre personne.
Que reste-il aujourd’hui de ces expériences ?
Un moindre intérêt pour les recherches sur les
aptitudes langagières des primates, les nombreuses difficultés et les controverses liées à ces
projets, ainsi que leur coût élevé ont fait sonner le glas de la plupart d’entre elles. Il existe
cependant encore des lieux où une forte connivence s’installe entre humains et grands singes,
notamment les zoos.
Primates captifs : un statut ambigu...
Lorsqu’ils vivent dans les zoos, les grands
singes entrent également dans la maison de
l’homme. Entourés d’humains, ils partagent
leur architecture, leur médecine, leurs régimes,
leurs habitudes, leurs activités. De plus, ces primates fréquentent infiniment plus d’êtres humains que de compagnons de la même espèce.
Photos Chris Herzfeld
Quand elle était à la ménagerie du Jardin des Plantes, Wattana passait
de longues heures à faire des nœuds complexes et variés. Elle enfilait des
perles, laçait et délaçait des chaussures, parfois pendant tout un aprèsmidi. Aujourd’hui, elle vit au Parc zoologique d’Apenheul, à Apeldoorn
(Pays-Bas).
6- Le « devenir-humain » est une notion forgée à
partir de celle de « devenir-animal » proposée par
Deleuze et Guattari en 1980 dans Mille-Plateaux
(Deleuze G. et Guattari F. 1980. Mille-Plateaux,
Paris, Editions de Minuit).
7- Fouts R. & Tukel Mills S., Next of Kin. My
Conversation with Chimpanzees. New York, Harper
Collins, 2003, p. 122.
Photo zoo Wilhelma, Stuttgart
partage de tranches de vie débouchent eux aussi
sur une réappropriation d’habitudes et de savoirs techniques par les anthropoïdes : capacité
de faire des nœuds, nettoyage des vitres de leurs
enclos, partage de nourriture avec les soigneurs,
crochetage de serrure, préférence pour certains programmes télévisuels, compréhension
du principe du levier, consommation de thé8.
Loin d’être anecdotique, cette adaptation leur
permet de répondre à leurs différents besoins,
de vivre dans l’environnement qui leur est imposé, de s’élaborer un monde. Le statut des anthropoïdes captifs est donc ambigu : présentés
comme des animaux sauvages, ils sont en fait
soumis à des modes d’existence et à des rythmes
proprement humains.
De la socialisation à l’imitation
Le fait d’être des animaux éminemment sociaux constitue l’un des traits essentiels des primates anthropoïdes. Des recherches récentes
Le soigneur
Margot Federer
en compagnie
de l’orang-outan
Wattana et d’un
jeune gorille, à
la nurserie du
zoo Wilhelma à
Stuttgart.
38
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Premiers interlocuteurs des primates anthropoïdes, les soigneurs deviennent des partenaires
sociaux avec lesquels les singes nouent des relations de confiance. Ils établissent peu à peu des
communautés de vie, des formes de compréhension mutuelle. Lorsque les femelles primates refusent de s’occuper de leur nouveau-né, ce sont
eux qui en prennent soin, leur donnant le biberon et leur dispensant toute l’affection dont ils
ont besoin. Cette fréquentation quotidienne, ce
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
8- Au e siècle, des « dîners de primates » étaient
organisés dans de nombreux zoos. Vers 1920,
l’« heure du thé » était célèbre et attendue au zoo
de Londres, l’« heure de l’apéritif » au parc zoologique de Détroit, « les dîners de singes » à New York.
L’épouvantail de l’anthropomorphisme a non seulement balayé ce genre de mises en scène, mais il les a
également désignées comme ce qu’il fallait éviter à
tout prix. Cet arrêt semble avoir produit en quelque
sorte un interdit sur les communautés « humainsprimates ».
39
 -
mettent en avant le lien entre intelligence et
intelligence sociale, la connexion entre le développement cognitif et la complexité de la vie en
groupes étendus. Les liens sociaux établis avec
les hommes, ainsi que l’immersion dans leur
environnement, poussent les grands singes à
adopter certains comportements par le biais de
leur mode d’apprentissage habituel : l’imitation.
Abusivement définie comme une action de reproduction stupide et servile de certains gestes
ou comportements (d’où le verbe « singer »),
et comme une répétition mécanique dénuée
d’intelligence, l’imitation est un processus plus
complexe que l’on ne croit. Relevant de l’apprentissage social, elle implique une compréhension
fine et une mémorisation des gestes à accomplir, de même que des intentions de celui qui est
imité. Les grands singes observent les humains
autant que ceux-ci les regardent. Ils scrutent
attentivement (peering) les savoir-faire qui les
intéressent et tentent ensuite d’en reproduire
les différentes étapes via un apprentissage par
essais et erreurs, jusqu’au moment où les gestes
s’enchaînent de manière routinière, un geste
trent également l’importance de l’émulation
socio-culturelle dans ce qui était pensé comme
d’ordre strictement biologique : la locomotion.
La position bipède leur permet, en effet, des interactions plus riches avec les humains, le face à
face étant possible.
En s’appropriant des savoir-faire et des savoirvivre proprement humains, les grands singes
manifestent un certain degré de liberté par rapport à des modalités d’existence que les biologistes et les philosophes pensaient totalement
fixées par la biologie ou, antérieurement, par
l’instinct. Les dispositifs où humains et grands
singes se côtoient au quotidien rendent de la
sorte visible un monde commun propre aux
primates anthropoïdes (ou hominoïdés, superfamille dont l’espèce humaine fait partie), marqué par la flexibilité des habitudes, la plasticité
de l’ethos, la fluidité comportementale et l’aptitude à s’adapter à des situations nouvelles.
appelant le suivant. Grâce à cette pratique individuelle assidue, ils se font peu à peu experts des
comportements imités. Liée à une forte émulation sociale, l’imitation est aiguillonnée par le
désir et la curiosité sans limite des primates.
Certaines formes de « devenir-humain » des
singes anthropoïdes émergent donc par imbibition (due à l’immersion dans un milieu donné),
émulation (volonté de s’emparer d’une compétence exhibée par les partenaires sociaux) et
imitation (processus complexe qui a pour objet
la réappropriation d’un projet).
Alors pensionnaire au Parc zoologique de Planckendael, la femelle
bonobo Hermien avait pris l’habitude de venir « saluer » les
scientifiques en leur « souriant ». Elle avait donc adopté une forme de
socialité humaine très éloignée des habitudes de son espèce, le fait de
découvrir les dents étant généralement un signe d’agressivité chez les
grands singes.
Photo Chris Herzfeld
Une altérité radicale ?
Source Victor Coupin H. E. 1907. Singes et Singeries. Histoire
anecdotique des singes, Vuibert & Nony (Paris).
Photo Chris Herzfeld
Dès le plus jeune
âge, Paki a adopté
la locomotion
bipède (Bronx
Zoo, à New York).
Dans un ouvrage de vulgarisation intitulé
Singes et Singeries. Histoire anecdotique des
singes (Vuibert & Nony éditeurs, Paris, 1907),
Henri Eugène Victor Coupin (1868- ?) décrit
différentes réappropriations de comportements
humains par les grands singes : certains roulent
en bicyclette ; d’autres dansent, fument et se
servent d’allumettes ; d’autres encore font
des tâches ménagères et surveillent le bon
fonctionnement du four.
40
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Socialités partagées
La transmission de savoir-faire entre humains
et « singes concilients » (voir encadré) se fait donc
par le biais de mécanismes proches de ceux liés
à l’apprentissage des enfants. Les grands singes
ont même montré qu’ils pouvaient se réapproprier certains de nos codes sociaux. Hermien
(une femelle bonobo anciennement hébergée au
Parc zoologique de Planckendael, en Belgique)
a par exemple appris à sourire pour saluer les
chercheurs qui l’entourent, alors que le fait de
découvrir les dents constitue généralement une
manifestation de peur ou d’agressivité chez les
singes. Elle a, de plus, réussi à transmettre cette
forme de civilité humaine aux membres de son
groupe.
Bravant les « lois de la nature », certains
singes élevés par les hommes (et ayant donc
grandi au milieu d’êtres bipèdes) vont même
jusqu’à adopter un mode de locomotion différent de celui qui est habituel à leur espèce : ils
se déplacent en mode bipède, témoignant à la
fois d’une flexibilité des comportements, mais
également d’une certaine plasticité des structures osseuses, le squelette des grands singes
étant adapté à la marche quadrupède. Ils mon-
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Il existe ainsi des comportements et des compétences que nous attribuions exclusivement à
l’homme. Cependant, si nous prêtons suffisamment attention au monde animal, nous découvrons que ce que nous estimions relever de nos
spécificités – l’adoption de nouvelles habitudes,
l’appropriation de savoir-faire, l’esprit d’invention et d’expérimentation, le désir d’appartenir
à une communauté – existe également chez certaines espèces. L’un des buts de cet article est
de mettre l’accent sur ce que nous partageons
avec l’animal plutôt que sur ce qui nous sépare
et sur la question, sans cesse posée, de ce qui est
le propre de l’Homme. Loin d’être accessoire
Singes concilients et concept de
concilience
Les singes concilients sont des primates qui
vivent en étroite proximité avec les humains,
à divers degrés. Les primates ne sont pas simplement « exposés » à une influence humaine.
S’inscrivant dans un processus dynamique, ils
intègrent des parts d’ethos humain et se réapproprient des habitudes, des modes d’existence
et des compétences spécifiques aux hommes,
mais selon leurs modalités propres. Ils ne
« greffent » pas quelques éléments humains sur
une structure « singe », avec pour effet d’être
à moitié « singe » et à moitié « humain ». Ils
puisent ce qui leur est nécessaire et ce qui fait
sens pour eux parmi les opportunités offertes
par les dispositifs auxquels ils sont activement
reliés, afin de se construire un monde.
41
ou anecdotique, l’appropriation de nouvelles
modalités d’existence est indispensable aux primates pour se constituer un monde, dans nos
propres univers.
L’histoire des relations entre les grands singes
et les humains est cependant marquée par le
refus d’attribuer différentes aptitudes à ces espèces phylogénétiquement très proches (la ressemblance s’étendant jusqu’aux empreintes digitales), et par l’affirmation d’une altérité radicale.
Afin d’affermir la frontière, de confirmer une
différence indépassable entre l’humain et l’animal, d’écarter tout danger d’incertitude quant
à sa définition, l’homme s’attribue d’emblée
un ensemble de capacités et de caractères qu’il
dénie, de manière dogmatique, aux autres primates anthropoïdes. S’il ne s’agit pas d’accepter
une simplification de l’humain (« l’homme est
un animal comme les autres »), il ne faudrait pas
non plus adhérer à une dévalorisation de l’animal (« l’Homme est supérieur à un animal toujours en déficit par rapport à lui »)9. Si humains
et grands singes ne peuvent être confondus, les
singes concilients nous engagent à penser à la
fois les continuités et les discontinuités, position délicate en raison des soubassements profondément dualistes de la pensée occidentale10.
Chaque espèce possède en effet des spécificités
cardinales, qu’elles soient situées dans les structures physiques, psychiques, cognitives, sociales
et culturelles ; ou qu’elles soient liées à des variations dans les modalités d’appropriation et
d’utilisation de savoir-faire ou de pratiques.
Un monde commun
Cependant, les primates anthropoïdes humains et non humains partagent également
un monde commun, une communauté essentielle. Il est illusoire de penser les spécificités de
chaque espèce de manière simpliste en en faisant
le support d’une partition stricte entre l’homme
et l’animal. Les vies et les conduites des singes
concilients bouleversent en effet tous les schémas reliés au dogme de l’animal cartésien, de
l’animal comme spectacle théorique, de l’animal
comme machine à composer nos réponses, de
l’animal comme ensemble abstrait opposable à
l’homme. Elevés dans des familles humaines,
les grands singes n’ont pas seulement vécu avec
9- On ne peut pas affirmer et nier le même terme
(deux propositions dont l’une affirme ce que l’autre
nie ne peuvent être vraies ensemble), Aristote, Métaphysique, 1005b, 19.20.
10- Voir Dewitte J., « Animalité et humanité : une
comparaison fondamentale. Sur la démarche d’Adolf
Portmann », Revue européenne des sciences sociales.
Tome XXXVII, 1999, n°115 ; 1999, p. 9-13.
42
Photo Wolfgang Köhler
les humains, ils ont coexisté avec eux. Leur intériorisation de bribes d’ethos humain, leur profond attachement envers les humains et leurs
pratiques révèlent une dimension inattendue,
de l’ordre de l’indicible, qui n’entre ni dans le
paradigme expérimental ni dans une logique de
la mesure ou de la modélisation mathématique.
La question n’est pas ici de savoir si leurs comportements sont humains ou non, si le langage
humain qu’ils s’approprient est bien du langage.
Leur plasticité, leur devenir-humain, leur intérêt pour nos sociétés, témoignent de quelque
chose de plus fondamental : d’une sensibilité
partagée, de l’élan de vie et de la force du désir,
d’un monde commun et d’une ouverture commune au monde. Ils nous contraignent ainsi de
manière plus pointue encore à mesurer l’étendue de nos responsabilités vis-à-vis de ceux que
nous forçons à entrer dans nos mondes.
C. H.
Construction
d’une tour par la
femelle chimpanzé
Grande en vue
d’atteindre le
fruit placé en
hauteur. Cette
expérimentation
a été faite dans
le cadre d’études
menées par
Wolfgang Köhler
à Ténérife sur
les chimpanzés,
leur psychologie
et leur capacité à
se servir d’outils
(1913-1920).
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
La SNPN est habilitée à recevoir
des dons ouvrant droit à une
réduction d’impôt de 66% du montant
du don versé, dans la limite de 20%
du revenu imposable (année 2011)
La SNPN peut également recevoir des donations ou des legs
exonérés de droits de mutation (article 795-4 du code général des impôts)
Renseignements : 01 43 20 15 39
LES MARES
LES MARES DE NOS CAMPAGNES
… Ont une histoire
Dans nos campagnes, avant le développement des réseaux de distribution de l’eau, les fermes s’organisaient autour d’une mare. La
majorité de ces mares étaient d’origine anthropique. Elles pourvoyaient alors à tous les besoins domestiques et agricoles. Abreuvoir, utilisation par les lavandières, réservoir d’eau, lutte contre les incendies, usage pour des pratiques artisanales étaient autant de fonctions que
remplissaient ces mares. D’antan, l’élevage était prépondérant, des mares de prairie ont été ainsi créées par les anciens afin de fournir, lors
d’absence de ruisseau ou de fossé, de l’eau pour le bétail. Un entretien régulier de ces mares était primordial pour assurer toutes ces fonctions. Avec l’arrivée de l’eau courante et le changement de pratiques culturales, l’utilité des mares a été moins évidente. Cela a entraîné
pour nombre d’entre elles leur disparition soit par évolution naturelle suite à un manque d’entretien soit par comblement volontaire. Ces
mares restent néanmoins une part non négligeable de notre patrimoine culturel, paysager et naturel.
Des projets existent…
Au vu de la perte de ce patrimoine, nombre de structures ont entrepris de monter des programmes avec l’aide des acteurs de terrain,
des propriétaires (agriculteurs, chasseurs…). Création de mares, restauration, aide à l’entretien sont autant de pistes engagées par les
structures et les différents acteurs pour préserver ce patrimoine.
Prenons un exemple :
Les Parcs naturels régionaux du Nord-Pas-de-Calais (PNR Caps et marais d’Opale, PNR Avesnois, PNR Scarpe Escaut) ont initié un
programme « mare ». Cette initiative a été motivée par une volonté d’aller au-delà des mesures proposées par la PAC, à savoir Mesures
agro-environnementales (MAE), Contrats territoriaux d’exploitation (CTE) et Contrats d’agriculture durable (CAD). Ainsi, les PNR ont
développé un dispositif financier afin de compléter ces aides dans le but de préserver les mares des parcelles privées. Cette action, grâce
à la motivation des propriétaires, se réalise via une convention pour une durée allant jusqu’au renouvellement de la charte du Parc. En ce
qui concerne le PNR des Caps et marais d’Opale, entre 2000 et 2006, 68 mares ont été restaurées dans le cadre d’un programme d’aide
au creusement et à l’aménagement de mares, en partenariat avec trois Groupements d’intérêts cynégétiques et plusieurs partenaires du
Kent (Royaume-Uni). Dans le cadre d’un programme de restauration et de création de mares débuté en 2000, le PNR de l’Avesnois a
permis de restaurer 74 mares en partenariat avec les agriculteurs, les propriétaires privés et les communes. Le PNR Scarpe-Escaut a, depuis
2004, permis de réhabiliter 19 mares agricoles.
Envahissement de la mare par les ligneux (Chatelet-en-Brie).
Certainement les mares
les plus menacées…
Sources :
- Site des espaces naturels régionaux Nord-Pas-de-Calais :
www.enra.fr/fr/biodiversite/les_programmes_d_action/
le_programme_mares
- www.mares-france-comte.org
-Teissier-Ensminger A., Sajaloli B. 1997. Radioscopie des
mares. Editions L’Harmattan.
Mare à proximité d’un corps de ferme (Chatelet-en-Brie).
Photos ci-dessus et en bas à droite : Anne-Sophie Salmon ; En haut à droite : Elodie Seguin
A chaque contexte, sa mare
A l’heure actuelle, en parcourant les chemins loin des villes, il est possible d’entrevoir mares et flaques. Mais, si nous y regardons de
plus près, suivant le contexte où elle se trouve, la mare peut être très différente. Voici quatre types de mares qu’il est possible de croiser :
- Les mares de culture (ou les mares de champ) : ces mares aux berges souvent raides se situent dans les champs cultivés, en plein milieu
des cultures ou en bordure de celles-ci.
- A ne pas confondre avec les mouillères : une mouillère est une micro-zone humide située au sein de champs annuellement labourés.
Elles se forment dans des dépressions d’origine naturelle ou semi-naturelle, relativement vastes (de plusieurs dizaines à plusieurs milliers
de mètres carrés), peu profondes (une dizaine de centimètres environ), aux pentes très douces. Localisées souvent dans les régions de
plaines ou de plateaux, elles sont alimentées soit par la nappe, soit par la pluie et ne possèdent pas d’exutoire.
- Les mares de prairie : résultat d’un creusement volontaire, elles sont situées en milieux ouverts. La présence d’espèces se trouve ici en
relation avec la fonction prairiale : prairies pâturées, où les mares servent de points d’abreuvoirs pour le bétail, et prairies fauchées. Une
bonne exposition à la lumière au cours de la journée explique la présence d’une flore et d’une faune particulièrement riches dans ces
milieux.
- Les mares liées aux bâtiments ruraux : ces mares situées à proximité immédiate des bâtiments agricoles servaient autrefois à l’abreuvage des animaux de trait, mais servaient et servent toujours actuellement de réserve à incendie.
Evidemment, suivant la région, d’autres peuvent être observées telles que les lavognes, etc.
44
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Les textes sont le fruit
d’un travail collaboratif
du groupe chargé du
projet Zones Humides
Ile-de-France.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
La disparition des mares peut avoir différentes causes :
- L’évolution naturelle de la mare qui, sans entretien de la main
de l’homme, s’atterrit, les ligneux prenant ensuite le dessus, puis
disparaît.
- Le comblement volontaire de la mare. Du fait du changement
des pratiques agricoles (changement de culture, modernisation
du matériel…), la plupart de ces différentes mares ont d’ores et
déjà disparu. Ces changements ont contribué à la perte des réseaux de mares anciennement établis. En effet, les engins agricoles
de plus en plus performants et volumineux ont imposé le comblement des mares de plein champ et des mouillères. De plus, les
prairies notamment humides se sont raréfiées au même titre que
l’élevage traditionnel, ce qui a causé la disparition de nombreuses
mares.
- Le drainage : Les mouillères, autrefois en eau une bonne partie
de l’année, se sont totalement asséchées de ce fait.
Mis à part la disparition en tant que telle des mares, un problème de pollution de l’eau peut exister, notamment dû à l’apport d’intrants sur l’environnement de la mare. Outre les effets
directs que peuvent avoir certains produits (herbicides, fongicides, insecticides) sur la flore et la faune existantes dans la mare,
l’apport de phosphates et d’azote entraîne l’eutrophisation du
milieu, comme c’est le cas dans cette mouillère de Presles-en-Brie
(photographie ci-contre).
45
AGENDA
Colloques
et rencontres
Les coussouls de Crau
constituent un habitat naturel
méditerranéen unique en
Europe. Ici en floraison
automnale.
Paris
Exploitation et
protection : quelles
perspectives pour les
grands fonds marins ?
pour le critère biodiversité.
Renseignements : Cemagref,
1, rue Pierre-Gilles de Gennes, CS
10030, 92761 Antony Cedex.
Inscriptions à retourner avant le
21 novembre 2011. Programme
provisoire, modalités d’inscription
et questions pratiques sur le lien
http://igd.cemagref.fr.
13 octobre 2011
Cette première conférence internationale pour une gestion durable des grands fonds
marins réunira, à l’Institut océanographique de Paris, scientifiques, industriels, juristes et
représentants de la société civile et du monde de la conservation. Une réflexion commune
entre les différents acteurs de
notre société doit en effet avoir
lieu afin qu’une création coordonnée d’aires marines protégées dans les zones océaniques
proximales et les zones profondes devienne une priorité,
que des projets visant à identifier et à répertorier les espèces
profondes et les pôles de biodiversité trouvent des financements et se développent.
Renseignements : Institut
océanographique de Paris, 195,
rue Saint-Jacques, 75005 Paris.
Tél. 06.10.50.44.44.
www.oceano.org.
Savoie
La restauration des
milieux aquatiques et
des zones humides :
objectifs, appui
scientifique et retour
d’expérience
13 et 14 octobre 2011
C’est au centre des congrès
d’Aix-les-Bains que se tiendra
ce colloque d’hydroécologie organisé annuellement par EDF
et ses principaux partenaires
scientifiques dans le domaine
de l’eau et des milieux aquatiques. Il s’agencera autour de
trois points principaux :
- Les enjeux et ambitions pour
la restauration des milieux
aquatiques et des zones humides.
- La place de la recherche scientifique vis-à-vis de la restauration des milieux aquatiques : quels apports concrets
aujourd’hui et quelles attentes
pour demain ?
- Actions concrètes de restauration : quel retour d’expérience ?
46
Indre
Les étangs :
de la recherche
scientifique
internationale aux
pratiques locales
du Berry
22 au 24 mai 2012
Photo N.Vincent-Martin/CENPACA
Renseignements : Centre des
congrès d’Aix-les-Bains, rue Jean
Monard, 73100 Aix-les-Bains.
Tél : 04.79.88.68.20.
www.aixlesbains-congrès.com.
Bouches-du-Rhône
La plaine de Crau :
écologie et
conservation
d’une steppe
méditerranéenne
24 et 25 novembre 2011
Depuis la création de la Réserve
naturelle des Coussouls de
Crau en 2001, cet espace a
été le berceau d’importants
programmes de recherche et
d’avancées notables dans la
connaissance et la conservation des espèces qui y sont inféodées. Les dix ans d’existence
de la Réserve naturelle sont une
occasion appropriée pour partager ces connaissances et
développer des synergies avec
les différents acteurs. Pour les
scientifiques et leurs partenaires, c’est un moment idéal
pour se rencontrer, échanger et
mutualiser les compétences.
Renseignements : Conservatoire
d’espaces naturels PACA, 890,
chemin de Bouenhoure-Haut,
13090 Aix-en-Provence.
Tél : 04.90.47.93.93.
(Bénédicte Meffre),
E-mail : benedicte.meffre@ceep.
asso.fr. www.reserve-crau.org
Loiret
Les indicateurs
forestiers sur la voie
d’une gestion
durable ?
Ce colloque vise à faire un état
des lieux des avancées des recherches internationales portant sur les étangs, littoraux
ou continentaux, artificiels ou
naturels. Son objectif principal est d’associer le monde de
la recherche scientifique et le
monde professionnel des gestionnaires d’étang, en se focalisant sur certaines régions
d’étangs européennes et la région française du Berry.
Renseignements : Centre d’études
supérieures de Châteauroux,
antenne de l’université d’Orléans,
90, avenue François Mitterrand,
BP 387, 36008 Châteauroux.
E-mail : maryse.giraudon@
univ-orleans.fr.
Découverte
de la nature
6 et 7 décembre 2011
Ce colloque visera à informer
et à mobiliser une communauté variée de parties prenantes (gestionnaires, décideurs, ONG, chercheurs),
pour notamment proposer des
pistes d’amélioration, à court et
moyen termes, des indicateurs
forestiers. La manifestation
s’organisera en deux temps :
une première journée consacrée
à l’ensemble des indicateurs
de gestion forestière durable,
avec une approche ciblée sur
les sciences de gestion et les
sciences politiques. Une seconde journée centrée sur les
indicateurs de gestion durable
Bouches-du-Rhône
6 novembre 2011
L’histoire du massif du Luberon vous sera contée par un
administrateur du Conservatoire d’espaces naturels de
Provence-Alpes-Côte d’Azur
passionné de géologie : sa formation, son évolution, à travers l’observation des roches.
L’occasion d’admirer les curiosités géologiques de cette
montagne formée en à peine
3,5 millions d’années.
Renseignements : Conservatoire
d’espaces naturels PACA, 890,
chemin de Bouenhoure Haut, 13090
Aix-en-Provence. Inscriptions :
04.42.20.03.83. www.ceep.asso.fr.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
LES RENDEZ-VOUS NATURE
de la Société nationale de protection de la nature
SORTIES D’UNE
DEMI-JOURNEE
LES OISEAUX DU PARC
DE LA COURNEUVE
Dimanche 16 octobre
2011 matin
Observation et reconnaissance des différentes espèces
d’oiseaux rencontrés à travers
les milieux diversifiés de cet espace vert urbain : lacs, étangs,
bois, pelouses.
Inscription : adhérents 5 €,
non-adhérents 8 €. Rendez-vous
devant l’entrée Pyrus du Parc
de la Courneuve (93) (accès en
RER et en bus). Sortie réalisée en
collaboration avec l’association
Forêts en Aulnoye.
OISEAUX D’AUTOMNE
ET MIGRATIONS AU PARC
DU SAUSSET
Dimanche 20 novembre
2011 matin
Ce parc urbain est un lieu
privilégié pour observer les
oiseaux hivernants ou de passage. Venez les observer sur
un parcours de 6 km environ,
jalonné d’observatoires. Tous
les niveaux en ornithologie sont
les bienvenus.
Inscription : adhérents 5 €, nonadhérents 8 €. Rendez-vous à la
gare RER de Villepinte (93). Sortie réalisée en collaboration avec
l’association Forêts en Aulnoye.
OISEAUX D’EAU
A JABLINES
Dimanche 18 décembre
2011 matin
La base de loisirs de Jablines,
vaste étendue d’eau, constitue
au cœur de l’hiver un lieu incontournable d’observations
ornithologiques. Nous y découvrirons un grand nombre
d’oiseaux hivernants : fuligules,
canards, harles…
Inscription : adhérents 5 €,
non-adhérents 8 €. Rendez-vous
à la gare RER du Vert-Galant
(93). Sortie réalisée en collaboration avec l’association Forêts en
Aulnoye.
SORTIES D’UNE
JOURNEE
A LA DECOUVERTE DES
CHAMPIGNONS EN
FORET DE RAMBOUILLET
Dimanche 23 octobre
2011
Exploration et découverte de
la flore mycologique des landes
à bruyères, des prairies tourbeuses à molinies, des pinèdes
et des chênaies du massif forestier de Rambouillet dans
le secteur de l’étang d’Or, site
mycologique réputé. Recherche, observation et identification des différentes espèces de
champignons rencontrées. Sortie à but non gastronomique.
Inscription : adhérents 7 €,
non-adhérents 10 €. Rendezvous à la gare de Rambouillet
(78).
LE RETOUR DES OISEAUX
HIVERNANTS EN VALLEE
DE LA BASSEE
Samedi 5 novembre 2011
Promenade hivernale sur
l’un des meilleurs sites ornithologiques de la région, dans
la plaine alluviale de la Seine,
à la découverte de toutes les
espèces d’oiseaux migratrices
hivernantes en France, notamment les anatidés (canards,
fuligules) mais aussi d’espèces
occasionnelles à cette époque
de l’année (harles, garrot à œil
d’or).
Inscription : adhérents 7 €,
non-adhérents 10 €. Rendezvous à la gare de MontereauFault-Yonne (77).
LA VEGETATION EN HIVER
AU MARAIS DU LUTIN
Samedi 26 novembre
2011
Bien que le marais du Lutin
occupe un espace restreint
au confluent du Loing et de la
Seine, il est constitué d’une
exceptionnelle diversité de
milieux : berges de la Seine,
roselières, vasières, friches
sèches ou humides, boisements
secs ou humides, carrière de
calcaire de Château-Landon.
Notre promenade botanique
nous amènera à voir comment
les plantes traversent la saison
difficile en se créant des types
biologiques terrestres et ici
surtout aquatiques : beaucoup
d’hydrophytes tels les carex
à touradon, caltha immergée,
nymphéa flottant, roseaux
dressés, les iris en rhizome, les
reines des prés enracinées dans
la vase…
Inscription : adhérents 7 €,
non-adhérents 10 €. Rendezvous à la gare de Moret-Veneuxles-Sablons (77).
ORNITHOLOGIE
AUX ETANGS
DE SAINT HUBERT
Dimanche 11 décembre
2011
Observation des oiseaux
migrateurs et sédentaires sur
la chaîne des étangs de Saint
Hubert : canards colvert et
souchet, sarcelle d’hiver, fuligules morillon et milouin,
héron cendré, grand cormoran… Randonnée autour des
étangs d’une dizaine de kilomètres environ. Coup d’œil sur
la plaine des Bréviaires et sur
les oiseaux aquatiques et forestiers.
Inscription : adhérents 7 €,
non-adhérents 10 €. Rendezvous à la gare du Perray-enYvelines (78).
ACTIVITE EN
CAMARGUE
RESERVEE AUX
ADHERENTS
DECOUVERTE
ORNITHOLOGIQUE
D’AUTOMNE EN
CAMARGUE, CRAU,
ALPILLES
10 au 13 novembre 2011
Avant les rigueurs de l’hiver,
les étendues rougissantes des
sansouires, les marais et les
étangs recèlent des concentrations spectaculaires de milliers
de canards hivernants, tandis
que s’achève la migration des
limicoles (bécasseaux, chevaliers...). Grande diversité de
laridés, hérons et rapaces aussi
nombreux qu’au printemps.
Regard sur les Alpilles (rapaces, passereaux hivernants)
et sur la Crau (oiseaux des
steppes).
Inscription : 220 euros,
comprenant le transport sur
place, l’hébergement simple en
demi-pension dans un gîte de
la réserve en chambres de 1 à 6
lits, l’encadrement par des naturalistes de la SNPN affectés à la
gestion de la réserve nationale
de Camargue. Rendez-vous à la
gare d’Arles (13).
Sorties d’initiation à la nature
L’inscription à une sortie organisée par la Société nationale de protection de la nature (d’une demi ou d’une journée, ou plus)
n’est effective qu’à réception d’un formulaire rempli et signé, accompagné du paiement correspondant. Ce formulaire est disponible sur le site internet de la Société nationale de protection de la nature ou peut être envoyé sur simple demande. Il comporte
le détail des conditions générales d’inscription et d’annulation. Un accusé de réception et une circulaire donnant les détails
pratiques et le programme précis sont alors envoyés aux participants.
Les tarifs d’inscription représentent les frais d’organisation de la sortie. Les tarifs des sorties de plus d’une journée comprennent
une assurance du type annulation–voyage. Pour les sorties d’une demi ou d’une journée :
- les frais de déplacement restent à la charge des participants ;
- l’annulation d’une inscription ne donne lieu à aucun remboursement ou changement de date.
Renseignements :
SNPN, 9, rue Cels, 75014 Paris. Tél. 01 43 20 15 39.
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
47
BIBLIOGRAPHIE
Scorpions du monde
Roland Stockmann et Eric
Ythier
Les scorpions, ce petit groupe
d’arachnides composé d’environ 184 genres et 1 900 espèces
et apparu dès le Silurien supérieur (421-408 millions d’années), sont remarquables à plus
d’un titre : animaux terrestres
d’assez grande taille pour des
arthropodes, capacité exceptionnelle de résistance aux facteurs de l’environnement (résistance au jeûne, à la chaleur, à
la sécheresse, aux radiations
ionisantes…), biologie sexuelle,
célèbre par les fameuses danses
décrites par Jean-Henri Fabre,
longévité pouvant atteindre
plus de vingt ans chez certaines
espèces... Mais aussi, et surtout, ils figurent parmi les pires
ennemis naturels de l’homme.
En effet, dans certains pays, ils
causent plus de décès que les
morsures de serpents et l’envenimation par les scorpions est,
dans quelques pays d’Amérique
et du Maghreb, un problème de
santé majeur exigeant lutte et
prophylaxie.
C’est ce monde mal connu
et détesté que les deux auteurs
nous font découvrir à travers
ce guide, en abordant la phylogénie des arthropodes, la
paléontologie et les origines
des scorpions, leur répartition
mondiale, leur morphologie et
leur anatomie, les principales
fonctions biologiques (nutrition, comportement sexuel,
stridulation…), leur écologie,
les venins et l’envenimation
(tous sont venimeux, plus de
200 toxines ont été purifiées à
partir du venin des scorpions),
48
le tout parfaitement illustré
par des dessins et des photographies, sans oublier une
partie développant les mythes,
légendes et représentations des
scorpions, depuis la plus haute
antiquité. Pour ceux qui, après
la lecture de ce guide, seraient
attirés par ce monde des scorpions, des chapitres abordent
leur observation, leur récolte
ainsi que leur élevage.
La partie systématique est
bien documentée, donnant une
description rapide des principales familles et les critères de
classification, une clé de détermination des familles de scorpions actuels et de quelques
genres remarquables, la liste
des espèces connues et leur
répartition géographique. Ces
généralités sont complétées par
la présentation de plus de 350
espèces, classées par région
biogéographique (Amérique du
Nord, Amérique du Sud, Amérique centrale et Caraïbes, Australie, Océanie, Afrique, Asie
et Moyen-Orient et l’Europe
avec les six espèces présentes
sur notre territoire métropolitain). Chaque espèce fait l’objet
d’une courte description, la
toxicité du venin, son habitat, la
répartition géographique avec
Vision brillante et attrayante
d’un groupe, à l’histoire ancienne, d’animaux uniques par
leur structure et étonnants par
leur comportement.
M. Echaubard
N.A.P. Editions, 2010. 565
pages. Format 13 x 20 cm. Relié avec couverture cartonnée.
Photographies en couleurs. Prix :
75 €.
ISBN : 978-2-913688-10-0
Le Guide des
champignons,
France et Europe
Guillaume Eyssartier
& Pierre Roux
carte, et d’une photographie
correspondant à des animaux
(femelles adultes dans la majorité des cas) photographiés par
les auteurs dans la nature ou en
élevage.
Les auteurs ont la modestie
de dire que cet ouvrage n’est pas
un livre pour arachnologue spécialiste, en revanche ils réussissent parfaitement à offrir
une pléthore d’informations et
un guide de terrain pour
tous ceux désireux de s’informer sur les scorpions,
amateurs naturalistes et
étudiants en systématique,
biologie du comportement,
de l’écologie et des venins.
C’est normalement à la fin
de l’été que l’on voit fleurir les
guides des champignons dans
les échoppes des libraires.
Curieusement, celui-ci a été
édité en mars dernier, peut-être
pour se démarquer de la pléiade
de tous les autres… Mais là
n’est pas sa seule originalité,
fort heureusement ! Il s’agit en
effet du premier ouvrage qui
illustre par la photo plus de
1 400 espèces de champignons,
ce qui constitue un record absolu parmi les guides de cette catégorie, même au niveau mondial, souligne l’éditeur !
De bons livres consacrés
à ce sujet fort prisé de tous
les amateurs de nature et de
randonnées, il n’en sort pas
La quête du naturaliste
Petites observations sur la beauté et la
diversité du vivant
Benoît Fontaine
Voici un nouvel opuscule des éditions Transboréal propre
à susciter des vocations pour le métier de naturaliste. Le
malacologue Benoît Fontaine nous livre d’une plume aisée
un retour sur son expérience de voyageur naturaliste.
Selon lui, qu’est-ce qu’un naturaliste en ce début de siècle ?
Une personne fascinée par la diversité de la nature, mais
impuissante devant la réduction patente de la biodiversité,
ne pouvant l’enrayer puisque ce serait le rôle des décideurs
politiques, s’ils veulent bien se décider à agir. Le rôle du naturaliste c’est de faire connaître la
nature en commençant par la regarder lui-même, tous les sens en éveil, tel un observateur insatiable et possesseur d’une perception plus aiguisée que celle du simple promeneur. C’est surtout
d’amasser les connaissances, en véritable puits de science, pour inventorier les espèces et parfois
en découvrir de nouvelles, les nommer... Il s’agit pour lui de garder une trace de ce qui risque de
disparaître en espérant qu’il donnera l’envie, en dévoilant les beautés de la nature, de mettre en
place des actions de préservation pour limiter les dégâts.
S. H.
Transboréal, 2010. Coll. « Petite philosophie du voyage ». 89 pages. Format 11 x 16,5 cm. Broché.
Prix : 8 €.
ISBN : 978-2-36157-021-7
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
souvent, le dernier en date
étant celui de Régis Courtecuisse et de Bernard Duheim
paru aux éditions Delachaux et
Niestlé en 1994… Cet ouvrage
décrivait déjà, au travers de ses
160 planches de dessins, 1 751
espèces de champignons sur
les quelque 3 000 que compte
la flore européenne. Mais un
dessin de petite taille ne permet pas toujours d’identifier de
façon très précise l’espèce que
le mycologue amateur a entre
les mains, d’autant que, le plus
souvent, une diagnose précise
demande un examen microscopique, des spores notamment.
L’ouvrage de Guillaume Eyssartier et de Pierre Roux vient
compléter fort utilement celui
de Courtecuisse, car il permet
d’effectuer une comparaison
précise de l’exemplaire trouvé
avec l’image, d’autant que les
photos sont réellement remarquables, quant à la fidélité de
leurs couleurs notamment. Le
format adopté par l’éditeur
est un format classique pour
un guide de terrain, ce qui le
rend aisément transportable
dans un sac à dos malgré un
poids relativement élevé ; mais
il faut tenir compte du fait qu’il
est imprimé sur papier couché (glacé), ce qui le rend peu
salissant à la manipulation et,
surtout, qu’il ne renferme pas
moins de 1 120 pages !
Une partie introductive,
claire et didactique, décrit
les principaux caractères des
champignons – anatomie, écologie, biologie, critères de diagnose et classification –, ainsi
que leur rôle dans les principaux écosystèmes. Les divers
types d’intoxication sont également évoqués. Les espèces
les plus toxiques et leur différenciation avec des espèces
d’aspect similaire font l’objet
d’une attention particulière.
Signalons également qu’une
dizaine d’espèces nouvelles
sont décrites à cette occasion.
Un index des noms français et
latins de genre et d’espèce complète utilement ce travail.
12 cm. Prix : 17 €
ISBN : 978-2-283024-560
J.M. Gourreau
Editions Belin, 2011. 1120
pages. Format 12,5 x 23 cm.
Plus de 1 400 photographies en
couleurs. Broché, couverture à
rabats. Prix : 35 €.
ISBN : 978-2-7011-5428-2
Philosophie de la
biodiversité. Petite
éthique pour une
nature en péril
Virginie Maris
Voilà un ouvrage intéressant,
qui se lit bien et qui porte un
regard relativement original
sur la biodiversité, celui de ses
aspects philosophiques, moins
classiques pour un biologiste.
La biodiversité y est bien sûr
définie et expliquée, et l’histoire même de la naissance du
concept est évoquée. Le fait
que des questions de protection animale soient associées
aux problématiques plus habituelles de conservation de la
nature enrichit et nourrit les
arguments. Les développements sur l’éthique environnementale associent et présentent
des notions comme celles du
spécisme, du droit des animaux ou du biocentrisme. Cinq
« principes » sont évoqués :
principe d’autonomie, de responsabilité, de bienveillance,
d’humilité et de diversité.
L’auteur suggère de chercher dans la philosophie les
questions, et les éléments de
réponse, qui permettraient de
résoudre la crise actuelle de la
biodiversité. Les éléments techniques et scientifiques risquent
de ne pas être suffisants. Il
paraît difficile de penser que
le seul progrès technique, en
grande partie responsable de
cette crise, en soit aussi la solution.
Cache-cache
Les milles manières
de se camoufler
Les chauves-souris
de Madagascar
Steven M. Goodman
Voilà des années que Steven
Goodman travaille sur la faune
de Madagascar, chauves-souris
en particulier, mais pas seulement. Il est l’un des coordinateurs du très gros (1 709
pages) « The Natural History
of Madagascar » paru en 2003
chez The University of Chicago
Press. Il s’attelle cette fois à une
monographie sur les chiroptères, la première depuis le volume de la série Faune de Madagascar paru en 1995. Les 43
espèces (dont trois roussettes)
connues à ce jour sont présentées de manière synthétique,
mais toutes n’ont pas encore
été vraiment étudiées. Elles se
répartissent en huit familles
dont l’étonnante famille endémique des myzopodidés (deux
espèces). Au total, on compte
aujourd’hui 31 espèces endémiques, soit les trois quarts de
celles de l’île. On peut noter
que Steven Goodman est le descripteur, ou le codescripteur, de
14 nouvelles espèces. L’évolution de la systématique a fait
croître de manière significative
le peuplement des chiroptères
malgaches.
Le livre commence par une
trentaine de pages d’introduction et de présentation, et se
clôt par une bibliographie de
114 références. Il est le premier
d’une nouvelle série intitulée
Guides sur la diversité biologique de Madagascar.
F. Moutou
F. Moutou
Buchet/Chastel Ecologie, Meta-Editions, 2010. Coll. « Documents ». 213 pages. Format 19 x
Association Vahatra, Antananarivo, 2011. 129 pages.
Contact : [email protected]
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Béatrice Fontanel
Dès la couverture du livre,
le ton est donné : une tête
de grenouille émerge d’une
nappe de lentilles d’eau,
tandis que la queue d’un
poisson-clown sort des tentacules d’une anémone de
mer... C’est surtout de mimétisme dont il s’agit, la plupart du temps pour ne pas se
faire manger ou juste pour
pouvoir manger, et tirer
parti de toutes les cachettes
du milieu naturel. De nombreuses espèces, toutes plus
étonnantes les unes que les
autres, se taillent la part
belle parmi les photographies mises en valeur par le
grand format de l’ouvrage.
Cache-cache aquatique, déguisements de batraciens,
insectes, reptiles, oiseaux
ou mammifères, on se régale
des images, complétées d’un
texte explicatif bien utile.
Un livre qui ravira les plus
jeunes, leur faisant découvrir que leur jeu favori se
décline aussi parmi de nombreuses espèces animales,
tout en gardant un intérêt
certain pour les lecteurs un
peu plus avisés, l’ouvrage
ayant été relu et conseillé au
niveau scientifique par JeanMarc Pons, du Muséum
national d’histoire naturelle
et administrateur de notre
association.
P. Perret
Editions Palette. 2010.
64 pages. Format 23 x 33 cm.
Relié avec couverture cartonnée. Prix : 18 €. A partir de
8 ans.
ISBN : 978-2-35832-054-2
49
BIBLIOGRAPHIE
Le Temps des
barbares
Lauriane d’Este
Un livre de Lauriane d’Este doit
toujours susciter un vif intérêt. Universitaire et historienne d’art, elle a
déjà publié de nombreux ouvrages
où les connaissances scientifiques
rigoureuses étaient agréablement
enrichies par une remarquable érudition dans les domaines de l’histoire de l’art et de l’histoire tout
court. Cela, toujours avec le désir
de participer à ce combat écologique dont l’auteur est depuis longtemps une militante active.
Mais voici que maintenant elle
publie une fiction ! Le Temps des
barbares raconte en effet les aventures d’une héroïne centrale, Attica (nom déjà mythique), une jeune
femme victime d’un gigantesque
tsunami, et que sa volonté acharnée
de vivre entraîne dans une pénible
ascension, puis à la rencontre de
personnages très divers, les uns
effrayants, les autres accueillants
dans des oasis inattendues. Mais
tout cela ne sort pas d’une libre
imagination ; c’est au contraire
la suite logique de circonstances
réelles prouvées par la science.
C’est à bon escient que le livre est
présenté comme une « fable écologique » : il l’est puisqu’il décrit les
conséquences de ce que les militants écologistes dénoncent depuis
de longues années. Sans doute Lauriane d’Este, en choisissant cette
formule, a-t-elle eu l’espoir de toucher encore plus efficacement une
certaine partie de ses lecteurs en
faisant appel à l’émotion, à l’attachement que l’on ressent forcément
pour ses « héros » dont on partage
les angoisses, les terreurs, ainsi que
les joies.
Pour un tel ouvrage, il n’est évidemment pas question d’en énumérer les péripéties ; il faut laisser
aux lecteurs le plaisir de se demander quelles elles seront, puis de les
découvrir. Disons simplement que
50
l’auteur a très bien tiré parti de
ce qui arrive déjà actuellement (à
petite échelle) dans nos pays européens, à savoir l’étonnante multiplicité de climats différents, au
même moment, dans des endroits
très rapprochés. Voilà qui confère
une incontestable crédibilité au
passage de son héroïne d’un désert
brûlant où toute vie a été tuée par
une interminable canicule, à un
proche vallon où bondit un fleuve
impétueux, entouré d’une végétation abondante, mais sur un espace
limité. On peut même y trouver,
à cent mètres de là, une miraculeuse « Arcadie » où vit un vieil
homme, autrefois médecin réputé,
puis voyageur « aventurier » dans
le monde entier, et qui était finalement revenu à son village natal, en
Savoie, où il cultivait un modeste
jardin et ne s’estimait plus seul, car
il avait la compagnie d’une petite
chèvre et d’un beau chat gris...
L’arrivée et le séjour d’Attica
dans ce « paradis » permet de faire
connaissance avec Antoine de la
Salle, épisodique dans le temps
mais capital du point de vue de
l’importance. Sa vocation humanitaire l’ayant poussé à parcourir
tous les continents pour essayer de
sauver des vies, il a appris par expérience que la méfiance était indispensable et devait aller jusqu’à assurer sa « self-defense » contre ceux
qui n’étaient plus que des agresseurs. Prudent et assez pessimiste,
il montre à Attica le dédale d’un
ancien monastère qui pourrait servir de refuge en cas d’invasion des
« barbares ». Il va même jusqu’à exiger de l’initier au maniement d’une
mitraillette, avec évidemment
l’espoir qu’elle n’aurait jamais à s’en
servir. Lauriane d’Este en fait un
vrai personnage, certes complexe,
difficile à définir, mais captivant et
qu’il sera impossible d’oublier.
Les précautions, hélas, ne
furent pas inutiles, car après une
dramatique période de tempête,
ouragan, avalanche de glace et de
pierres, montée d’eaux polluées et
boueuses, apparut soudain un primitif bateau qui s’échoua à quelque
distance de la côte et duquel sortirent de redoutables « barbares »
visiblement en quête de pillage
et prêts à le perpétrer, selon leur
coutumière façon d’agir, avec une
violence sans limites. Ainsi, le
« temps des barbares » s’apprêtaitil à régner dans l’Arcadie, non seulement par la présence d’individus,
mais en s’immiscant jusque dans
l’âme d’Attica... Car, d’abord mise
à l’abri dans l’église, elle entrouvrit
les portes et, devant leurs menaces,
leurs méfaits et même leurs crimes,
elle fut soudain envahie d’un irrépressible besoin de vengeance, et
elle l’assouvit. Un geste dont elle ne
se serait jamais cru capable et qui
ne lui laissait aucun remords. « Les
seuls survivants, ce seront eux ou
moi... » Eh bien ce sera moi. Elles
était devenue une mutante complètement indifférente au sort d’autrui
et ayant pour seul objectif le maintien de sa propre vie et de celles des
êtres qui vivent avec elle.
En fin de compte, qu’adviendrat-il de ces quelques êtres ? Lauriane d’Este a choisi pour eux une
« happy end », avec l’arrivée d’un
marin qui a traversé les océans avec
deux amis pour venir les chercher.
Dans une lointaine terre épargnée
par les catastrophes, ils recréeront
une nouvelle vie, en accord avec la
Nature... Toutefois, « si la Planète
y consent ». Car ce séisme universel peut être envisagé comme une
colère de la nature, enfin décidée
à supprimer cette dérisoire espèce
née il y a quelque 200 000 ans sur
une Terre existant déjà depuis des
milliards d’années et qui, au lieu
de la remercier et de la respecter,
n’avait cessé de la polluer, d’en
détruire l’équilibre, d’en exploiter
les ressources jusqu’à épuisement,
et qui avait dans sa majorité refusé
de changer son mode de vie pendant les dernières décennies qui
lui auraient permis de redresser in
extremis la situation.
Mais, si une incertitude demeure, reste l’espoir que ces miraculés du Déluge, avec un couple
humain comme dans toutes les
traditions et l’Arche de Noé, arriveront à bon port pour recréer un
nouveau monde viable.
Pour terminer, on ne saurait
mieux faire que de citer l’auteur :
« Le vrai sujet de ce livre, c’est le
souhait de manifester et de faire
partager une inquiétude réelle aux
habitants de cette planète en rappelant qu’elle est unique, magnifique et mérite le respect de tous.
Il nous faut apprendre à vivre avec
elle, en harmonie et non en prédateur, sinon c’est le sort des quelques
survivants de cette histoire qui
nous attend, décimés par la faim,
la soif, la maladie, les calamités climatiques et la haine. [...] L’humanité n’aura pas de seconde chance. »
C. Ruffier-Reynie
Editions
de
l’Harmattan, 2010.
228 pages. Format 15,5 x 24 cm. Broché.
Prix : 23 €.
ISBN : 978-2-296-13575-8
Lexique
Apétiolée : Se dit d’une
feuille dont le limbe folié est
directement relié à la tige.
Canopée : Strate supérieure de
la couronne des arbres.
Epiphyte : Végétal installé sur
un autre végétal, sans lui nuire.
Les lichens et les bryophytes,
certaines fougères et orchidées
tropicales sont des épiphytes.
Inselberg : Butte de roches
plutoniques émergeant au
milieu d’une pénéplaine (qui
est une plaine présentant des
mouvements de terrains dus à
ce qu’elle résulte de l’érosion et
de la planation d’une ancienne
chaîne de montagne ou à tout
le moins d’une zone plissée)
et produite par un processus
d’érosion par exfoliation.
Monocotylédone : Classe
d’angiospermes (plantes à
fleurs) caractérisée par des
graines dont les embryons
ne possèdent qu’un seul
cotylédon (chez les végétaux,
premières fleurs développées
par l’embryon dans la graine
des spermatophytes). Ces
fleurs comptent 64 familles, les
principales étant les graminées,
les cypéracées, les orchidacées,
les palmacées ou arécacées
(palmiers).
Mutualisme : Phénomène
d’association bénéfique
entre deux espèces vivantes.
Celle-ci peut être facultative
(protocoopération) ou
obligatoire (symbiose).
Ornithophile : Désigne la
particularité de certaines
espèces végétales d’attirer les
oiseaux butineurs de nectar
tels les colibris en Amérique
et les nectaridés dans l’Ancien
Monde tropical.
Symbiose : Forme de
mutualisme la plus achevée.
Elle tient en un phénomène
d’association obligatoire et
donc permanente entre les
organismes qui la pratiquent
et se traduit, dans les cas les
plus évolués, qui sont aussi
les plus fréquents, par le fait
qu’une des espèces héberge à
l’intérieur de son organisme
l’autre espèce du couple des
symbiotes (endosymbiose),
par opposition aux cas moins
évolués où les deux organismes
restent extérieurs l’un à l’autre
(exosymbiose).
Sources : Dictionnaire
encyclopédique de l’écologie et
des sciences de l’environnement
(François Ramade
Dunod, 2e édition, 2002) ;
Dictionnaire raisonné de biologie
(Jean-Louis Morère et Raymond
Pujol, Editions Frison-Roche, 2003).
Le Courrier de la Nature n° 261 - Mai-Juin 2011
Au sommaire du Courrier de la Nature
Année 2010
N° 252
N° 253
N° 254
N° 255
N° 256
N° 257
Janvier-Février
Mars-Avril
Mai-Juin
Juillet-Août
Vulnérabilité et résilience
des récifs coralliens de Polynésie française face aux
perturbations de grande
ampleur - Conservation
des bocages pour le patrimoine batrachologique Plaine des Maures : la délicate mise en place de la
réserve nationale.
Des arbres en mal de dispersion ? - Conservation
de la nature et développement local durable
autour du thé d’Aubrac Plaine des Maures : la saga
juridique du golf de Bouis
se poursuit.
La bernache du Canada :
histoire d’une population férale en expansion
sur un étang francilien et
réflexion sur son statut
national démographique
et juridique - Impact de
la pollution sonore sur la
faune.
Le merle des îles, un oiseau menacé d’extinction
en Nouvelle-Calédonie
- Dépoldérisation : la reconquête du fleuve sur
l’ancien polder de Mortagne-sur-Gironde - Stockage de déchets en plaine
des Maures : le dossier de
Balançan.
SeptembreOctobre
NovembreDécembre
Le massif de Galičica : un
lieu remarquable pour
les orthoptères et lépidoptères, en République
de Macédoine - Flore urbaine à Toulouse et histoires naturelles.
Les trognes, un monde
de biodiversité - La dissémination des graines
et la pollinisation des
fleurs par les mammifères et les oiseaux.
Année 2011
N° 258
N° 259
Janvier-Février
Mars-Avril
La catastrophe de Fukushima : quelles
sont ses causes et ses conséquences radioécologiques ? - Tribune libre : Après
Fukushima.
Actualité : Liste rouge de l’UICN des
espèces d’oiseaux menacées en France
métropolitaine - La LPO décerne un
« Macareux d’Or » à deux scientifiques - La femelle ours ne sera pas réintroduite dans le Béarn - Le lucane cerfvolant centre de l’opération « En quête
d’insectes » lancée par l’Office pour les
insectes et leur environnement (OPIE) Grand hamster : la France est condamnée par la Cour de justice européenne
- Mobilisation en Haute-Normandie
en faveur des hirondelles - Les milans
royaux menacés en France - Pollution
marine par les déchets du tsunami - Un programme d’études des oiseaux
marins sur la zone Atlantique - Vers une agriculture plus économe en eau Un répit dans la pêche aux esturgeons.
Le desman des Pyrénées, un mammifère énigmatique - Le gypaète barbu
dans les Alpes : chronique d’un retour
accompagné - L’homme et la nature :
sixième épisode - Les mares : libellules
et singularités.
Actualité : Plaidoyer pour la futaie irrégulière en forêt domaniale de Rambouillet - Sortie du film Des gypaètes et
des hommes - Résurgence médiatique
du tigre de Sibérie - Quelles sont les
causes de la mortalité des abeilles ? - Le
sanctuaire de Manas reste classé au patrimoine de l’Unesco - Le programme
Spipoll - Des déchets menacent une
zone humide des Vosges - La chasse a
fait 18 morts en 2010/2011 - Les aménageurs et la compensation des atteintes à la biodiversité - 2 500 000 palétuviers plantés en Indonésie .
Et les rubriques habituelles : Courrier des lecteurs, Echos-actualité, Pages artistiques, Agenda, Rendez-vous, Bibliographie...
Numéros spéciaux
N° 168 (épuisé)
Spécial Guyane
N° 220 Spécial
Oiseaux de mer
N° 175 (épuisé)
Spécial Grand Lieu
N° 182 - Spécial
Réintroductions
N° 196
Spécial Abeilles
N° 213 Spécial
SNPN 150e
anniversaire
N° 227 :
Spécial
Grands
singes
N° 260
Spécial
Communication
plantes/
N° 250
Spécial animaux
Fourmis
N° 189
Spécial Orchidées
N° 203
Spécial Volcans
N° 241-242
Spécial
SNPN
et zones
humides
La communication entre plantes
et insectes : présentation générale - Couleur de
fleur d’orchidées
et insectes pollinisateurs - Parfums de figues : petites histoires de
communications plantes-animaux - Les aracées : une
diversité d’arômes ou les différentes stratégies de la
séduction - La communication dans les symbioses
entre plantes et fourmis - Communication entre
plante et pollinisateur parasite de graines : les liaisons
dangereuses.
Chaque numéro : 5,60 € port compris (9 € pour la copie d’un numéro épuisé) - Bon de commande en pages centrales
Des plantes tropicales qui forment
des mares :
les broméliacées-citerne
Un écosystème aquatique miniature capital
pour la biodiversité
page 20
le courrier de la
Nature
Mai-Juin 2011 - n° 261
Les chiroptères et la
forêt :
de la connaissance à
l’action !
Etat des lieux de leur prise en
compte dans la gestion
Réflexion sur les
communautés
hommes-singes
page 28
page 34
Les mares
agricoles
Manifeste
Recherche en ingénierie
écologique
page 44
page 6
Cigognes blanches abattues
en Charente-Maritime
Réintroductions
L’aigle de Bonelli
page 8
page 15
Algues vertes
Mort de 36 sangliers
page 9
Oiseaux européens
Destructions illégales
page 13
Grand tétras
sur l’autel de la chasse
page 10
Gorilles de montagne
menacés par la quête du pétrole
page 11
Milieu marin
Haploops de Bretagne
page 12
L’agenda Les rendez-vous nature La bibliographie
Photo David Aupermann
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