2
Le nom d'Arcimboldo est devenu presque
synonyme de ces tableaux fantastiques qui, à
distance, paraissent représenter des personnages
en buste, de face ou de profil, conformes à la
tradition picturale de la Renaissance, et, de près,
ne sont autre chose qu'un assemblage habile et
parfois réversible d'éléments variés : fruits,
fleurs, légumes, ustensiles de toutes sortes. Ces
ghiribizzi (jeux caricaturaux) sont tantôt des
allégories des saisons ou des éléments, tantôt des
portraits : un cuisinier, un bibliothécaire, un
jardinier, incarnés par des attributs de leur
métier. L'ambiguïté de ces inventions, la
virtuosité technique dont elles témoignent en font
une manifestation caractéristique du maniérisme
qui trouva un terrain favorable dans le Saint
Empire romain germanique.
L’art fantastique
Il est cependant d'usage de réduire l'art fantastique aux arts plastiques,
en particulier à la peinture, et plus particulièrement encore aux œuvres
des artistes qui manifestent une volonté délibérée de représenter un
monde irréel. Ce répertoire du fantastique pictural essentiel comprend
généralement des Italiens : surtout Bracelli et Bellini ; des Allemands ou
apparentés : Dürer, Grünewald, Schongauer, Baldung Grien, Cranach, Urs
Graf, Altdorfer, Nicolas Manuel Deutsch ; des Flamands : Bosch et
Bruegel ; des isolés : Monsu Desiderio, Arcimboldo, Goya, Blake ;
quelques peintres de l'époque symboliste : Gustave Moreau et Odilon
Redon ; enfin, après le douanier Rousseau et Marc Chagall,
l'épanouissement surréaliste ou surréalisant avec Dali, Max Ernst, Chirico,
Léonor Fini, Delvaux, Magritte, de nombreux autres. Avec Callot, Antoine
Caron et Piranèse, d'une part ; avec Munch, Füssli et Fuchs, de l'autre,
voici accompli le tour des œuvres qui semblent s'imposer, quels que soient
les goûts et les critères personnels des enquêteurs. Il faut bien avouer
que ce catalogue, quoique étrangement étroit, demeure fort disparate et
qu'il réunit, lui aussi, des œuvres éminemment hétérogènes, que
rassemble seulement ce qu'elles excluent : le réalisme.
En son époque, Arcimboldo ne fait pas figure d'isolé. Il existe une tradition
antique de masques bachiques, formés de feuilles de vigne, de raisins, de
vrilles, et de camées hellénistiques du même type. Les artistes de la
Renaissance, Vinci le premier, s'étaient intéressés aux faciès monstrueux,
aux portraits déformés par des jeux de glace, ainsi qu'aux compositions à
base d'éléments détournés de leurs fins, dont Jérôme Bosch avait été le
précurseur. Peut-être connaissait-on les miniatures indiennes représentant
des animaux fantastiques dont les corps sont des mosaïques de formes
humaines et animales. Mention doit être faite des médailles et des
caricatures satiriques de la Réforme et de la Contre-Réforme. Le goût des