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CIRAD et l’IRD portent à l’élaboration du diagnostic préalable
à l’action (Jouve, 2002) [15].
Comprendre comment les sociétés rurales exploitent leur milieu
et gèrent leurs ressources n’est pas chose facile, notamment
dans les pays du Sud, du fait de la complexité des réalités
agraires auxquelles l’on est confronté (Sebillotte, 2001b; Jouve,
2007) [16, 27]. Pour rendre compte de cette complexité,
l’agronome a eu recours à l’approche systémique (Jouve, 2002)
[15]. Cette approche qui suppose la mobilisation de différents
points de vue disciplinaires autour d’un même objet, conduit à
donner aux agronomes une double culture ; celle des sciences
bio-techniques et celle des sciences sociales (Mazoyer et
Roudart, 1997) [20]. Cette double culture vient traduire le fait
qu’il n’y a pas de changement technique sans changement
économique et social et inversement (Jouve, 2002) [15]. C’est
par exemple le cas de la France où, l’on a pris conscience que
l’agriculteur, ses savoirs et savoir-faire doivent être au cœur de
l’analyse des modes d’exploitation agricole du milieu et de sa
transformation (Jouve, 2007) [16]. Dans la construction
progressive de la nouvelle agronomie française, trois mots clé
peuvent être retenus : acteurs, pratiques et systèmes. Les
pratiques des acteurs permettent de comprendre le
fonctionnement des systèmes, et ceux-ci fournissent un cadre
méthodologique pour organiser l’analyse des pratiques des
acteurs (Jouve, 2002) [15]. Aussi, cette démarche nécessite-t-elle
l’association des sciences techniques et des sciences sociales.
Toutefois, la recherche agronomique reste essentiellement
expérimentale. Celle-ci se traduit par une hypothèse à tester
dans une expérience qui aboutit à une conclusion pouvant
déboucher d'une part, sur une proposition d'action sur le terrain
et d'autre part, sur un enrichissement des connaissances (Gozé,
1999) [11].
1.2. Approche de la sociologie rurale
La sociologie rurale est une branche de la sociologie qui se
définit, non selon des orientations théoriques particulières, mais
plutôt selon son champ d'application, son objet de recherche
(Jollivet, 1997) [14]. Cette branche s'intéresse aux sociétés
rurales dans leur entièreté et dans leurs rapports avec le reste du
monde. Elle a pour champs de compétences, les sciences
sociales appliquées aux domaines de l’alimentation,
l’agriculture, l’environnement et la dynamique des territoires
rurales (Mendras, 1967) [23]. « Le sociologue rural s’intéresse à
tout un ensemble d’aspects de la vie sociale qui est divisée
autant en "spécialités" de la sociologie par ailleurs sociologie
politique, sociologie du travail, sociologie de la famille,
sociologie des religions, etc. » (Jollivet, 1997:3) [14]. Il recourt
aussi à d'autres disciplines telles que la psychologie, la
géographie, la démographie, l’histoire sociale, l’économie
rurale ou les sciences politiques (Mendras, 1959) [21]. Le
sociologue rural doit donc s’inscrire d’office dans
l’interdisciplinarité (Jollivet, 1997) [14]. Cela suppose, selon
l’auteur qu’il doit connaître les méthodes et les techniques de
toutes les autres sciences sociales, voire de l’agronomie
d’autant plus que les populations concernées par ses
interventions sont essentiellement des agriculteurs.
La démarche du sociologue rural a l’ambition d’intégrer les
dimensions du social, du temps, de l’espace, du local et du
global (Jollivet, 1997) [14]. Il s’agit d’une démarche que l’on
qualifierait aujourd’hui d’holistique ou holiste, conclut-il.
Ainsi, la sociologie rurale s’intéresse à l’exploitation agricole
dans son ensemble. « Pour le sociologue, l’exploitation
agricole est bien moins une entreprise et un siège de décision
économique, qu’un groupe familial intégré dans une structure
sociale particulière et qui est le théâtre de conflits entre des
rôles sociaux. Conflits à l’intérieur des individus entre leurs
rôles familiaux, économiques et sociaux : le père, l’exploitant,
le travailleur, le villageois. Conflits de rôles entre les individus,
l’exploitant et son fils, etc. Et il est évident que l’analyse de la
coïncidence et du conflit de ces rôles permet d’éclairer les
problèmes de la décision économique. » (Mendras, 1961 : 68)
[22]. Le milieu rural présente ainsi des réalités particulièrement
complexes qui imposent une combinaison de techniques de
collecte des données. Pour Mendras (1961) [22], l’utilisation
exclusive du questionnaire a toujours un « rendement très
faible », et ce rendement est particulièrement faible dans des
milieux ruraux où on peut observer encore une certaine crainte
des « papiers ». En effet, le sociologue craint que l’on réduise
la complexité du tissu social à un certain nombre de catégories
abstraites, qui ne peuvent que présenter une vue erronée de la
réalité sociale, estime Mendras. Aussi, propose-t-il de recourir
aux entretiens autant individuels que collectifs pour collecter
les données. Le sociologue, dans l’analyse d’un milieu rural et
d’une exploitation agricole tient aussi compte de l’approche
historique, de l’approche dialectique et de l’approche
comparative qui sous-tendent les logiques des agriculteurs et les
aides à la prise de décision.
2. Cas Pratique De Synergie Sociologie-Agronomie
2.1. Démarche pour une analyse globale des exploitations
agricoles ivoiriennes
La démarche est construite autour de l’approche systémique
ponctuée par deux types d’enquête (enquête déclarative et
enquête de vérification).
2.1.1. Approche systémique de l’exploitation agricole
La démarche d’analyse et de compréhension de l’exploitation
agricole est pluridisciplinaire ; l’intervention des sciences
sociales telles que la sociologie, l’économie, la géographie,
l’histoire et le droit, est indispensable. Dans l’analyse de
l’exploitation agricole, le diagnostic du sociologue met l’accent
sur les pratiques paysannes, qui sont les pratiques sociales, les
pratiques économiques, les pratiques techniques et les relations
entre ces différentes pratiques. En effet, les décisions sont prises
sous l’influence d’un jeu de contraintes techniques,
économiques et sociales.
L’exploitation agricole est donc complexe. Pour étudier son
fonctionnement, nous avons fait appel à l’analyse systémique ;
le système étant un ensemble d’éléments liés entre eux par les
relations qui lui confèrent une certaine organisation. Ainsi, pour
analyser les exploitations cacaoyères, nous avons mis en
exergue l’interdisciplinarité de l’agronomie et la sociologie.
Ceci a eu pour intérêt de faire ressortir trois éléments
indispensables pour l’analyse:
1- les éléments caractéristiques du milieu physique : le climat,
le sol, le relief, le types de végétation, etc. ;
2- l’organisation sociale, l’unité de production, les pratiques
culturelles, la gestion du foncier et de la force de travail,
l’état de santé de la communauté, etc. ;
3- Les moyens techniques dont dispose l’unité de production,
matériel végétal et outil, savoir-faire technologique, etc.