I
D'où vient le danger de mort du XXIe siècle ?
Le problème central de cette fin de siècle est celui de l'unité du monde. C'est un
monde interdépendant, et un monde cassé. Contradiction mortelle.
Interdépendant, car lorsqu'il est militairement possible à partir de n'importe quelle
base d'atteindre n'importe quelle cible; lorsqu'un krach boursier à Londres, à Tokyo ou
à New-York entraîne crise et chômage en tous les points du monde; lorsque par
télévision et satellite toutes les formes de culture ou d'inculture sont présentes sur tous
les continents, aucun problème ne peut être résolu de façon isolée et indépendante ni à
l'échelle d'une nation, ni même à celle d'un continent.
Cassé parce que, du point de vue économique (selon le rapport du Programme de
développement des Nations Unies de 1992) 80 % des ressources de la planète sont
contrôlées et consommées par 20 %. Cette croissance du monde occidental coûte
au monde, par la malnutrition ou la faim, l'équivalent de morts de un Hiroshima
tous les deux jours.
* * *
Trois problèmes majeurs semblent à l'heure actuelle insolubles : celui de la faim,
celui du chômage, celui de l'immigration. Les trois n'en font-ils pas qu’un ? Tant
que trois milliards d'êtres humains sur cinq demeurent insolvables, peut-on parler d'un
marché mondial ? ou d'un marché entre occidentaux correspondant à leurs besoins et à
leur culture et exportant dans le Tiers-monde leurs surplus ? Faut-il admettre
l'inéluctabilité de ce déséquilibre et accepter cette réalité qui engendre les exclusions,
les violences, les nationalismes, les intégrismes, sans remettre en question les
fondements de l'actuel désordre ?
* * *
Une époque historique est en train de mourir : celle qui fut dominée, depuis cinq
siècles, par l'Occident (le pays où le soleil se couche, selon l'étymologie).
Une autre est en train de naître, du côté où le soleil se lève : l'Orient.
Le cycle, commencé à la Renaissance, arrivait, par la logique de son développement,
à son terme, par la domination d'un seul, comme il advint de tous les pillards : de
l'empire romain à celui de Napoléon ou d'Hitler, de celui de Charles Quint ou de
l'empire britannique qui, tous, crurent invincibles leurs armadas et éternelles leurs
hégémonies.