Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures

publicité
Langue française
http://www.necplus.eu/LFR
Additional services for Langue
française:
Email alerts: Click here
Subscriptions: Click here
Commercial reprints: Click here
Terms of use : Click here
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides en contexte postconsonantique nal
Elissa Pustka
Langue française / Volume 2011 / Issue 169 / March 2011, pp 19 - 38
DOI: 10.3917/lf.169.0019, Published online: 02 April 2012
Link to this article: http://www.necplus.eu/abstract_S0023836811169027
How to cite this article:
Elissa Pustka (2011). Le conditionnement lexical de l’élision des liquides en contexte post-consonantique nal. Langue
française, 2011, pp 19-38 doi:10.3917/lf.169.0019
Request Permissions : Click here
Downloaded from http://www.necplus.eu/LFR, IP address: 88.99.165.207 on 20 Apr 2017
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 19 — #19
i
i
Elissa Pustka
Ludwig-Maximilians-Universität München & Laboratoire MoDyCo (CNRS UMR 7114),
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides
en contexte post-consonantique final
1. INTRODUCTION
Les liquides (les sons du type (/r/ ou /l/) sont connues pour leur marginalité
dans les systèmes phonologiques des langues du monde (Trubetzkoy 1939 ; Martinet 1969) ainsi que pour leur grande variabilité phonétique, qui les prédestinent
à la variation diasystématique (Laks 1980 ; Wiese 2003). En français, elles sont,
entre autres, sujettes à élision en position post-consonantique finale, position
dans laquelle elles se retrouvent quand un <e> final n’est pas prononcé (p. ex.
quatre [kat], table [tab]). L’élision s’explique par le fait que la liquide, plus sonore
que la plosive ou fricative qui la précède, présente un maximum de sonorité
non-syllabique 1 , contredisant la courbe de sonorité idéale (Pustka 2007). Quand,
en revanche, le groupe obstruante-liquide est suivi d’un schwa, il se retrouve en
attaque (p. ex. [ka.tK@]) et la sonorité de la syllabe croît continuellement jusqu’au
noyau. Dans ce cas, la liquide est généralement réalisée 2 . À l’intérieur du mot
devant consonne, l’élision est extrêmement rare, voire impossible (p. ex. entretenir [Ã[email protected](@)niK], ? [Ã.t(@).t(@)niK] ; cf. aussi Dell 1977) 3 .
1. Pour la possibilité d’un /r/ syllabique en français, cf. Grammont (1914), Pustka (2007).
2. Pour une prononciation [kat@], il faudrait admettre un schwa épenthétique qui s’ajouterait à une représentation dépourvue de schwa et liquide, c’est-à-dire /kat/.
3. Des contre-exemples se trouvent entre autres dans les enquêtes PFC en Vendée et parmi la bourgeoisie parisienne : aut(re)fois, prononcé sans /r/ – et sans schwa – (cf. Lyche & ∅sby 2009 ; Pustka 2009), prononciation
également mentionnée par Carton et al. (1983) pour le français tourangeau.
LANGUE FRANÇAISE 169
rticle on line
19
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 20 — #20
i
i
Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures
Le comportement des liquides post-consonantiques finales montre une forte
variation inter-locuteur. Parmi les français régionaux, les cas extrêmes sont probablement ceux du français méridional, où les schwas finals sont traditionnellement réalisés, ce qui protège les liquides de l’élision, et le français antillais, où
le cas typique est la non-réalisation, ce qui suggère des entrées lexicales sans
schwa ni liquide (p. ex. /kat/, /tab/), comme en créole (p. ex. cr. kat ‘quatre’, tab
‘table’). Mais on constate aussi que (presque) aucun locuteur réel ne correspond
entièrement à ces cas prototypiques. Ce sont surtout les jeunes et les personnes
avec un niveau d’études élevé qui présentent un comportement plus proche
du français d’oïl (possédant des liquides variables, que l’on pourrait modeler
comme flottantes 4 ), avec lequel ils se trouvent en contact. Ces grammaires de
production ‘mixtes’ posent un problème sérieux à la modélisation phonologique,
si l’on ne veut pas se contenter d’étiqueter ces différences de ‘variation libre’.
Le but de cet article est de trouver des régularités dans ces variations inter- et
intra-locuteur et de les expliquer.
L’analyse se base sur six enquêtes menées entre 2001 et 2004 dans le cadre
du projet Phonologie du Français Contemporain (Durand et al. 2002 ; Durand
et al. 2005 ; http://www.projet-pfc.net/) par l’auteur de cet article : les enquêtes
de Rodez et de Salles-Curan (Aveyron) pour le français méridional, l’enquête
de Guadeloupe pour le français antillais ainsi qu’une enquête de Paris pour le
français d’oïl ; de plus, les enquêtes sur les Aveyronnais et les Guadeloupéens
à Paris livrent des cas extrêmes de ‘mixité’ linguistique (pour les détails de ces
enquêtes, cf. Pustka 2007). Au total, 20 minutes de parole spontanée pour chacun
des 100 locuteurs analysés (de tous âges et de différents milieux sociaux) ont été
prises en compte, c’est-à-dire 33 heures d’enregistrements orthographiquement
transcrits et annotés selon le codage de PFC, qui note également si la consonne
précédant le schwa est produite ou non 5 . Les 4 314 liquides de ce corpus ont
été soumises à une analyse corrélationnelle. La quantité des données, largement
supérieure aux analyses précédentes, permettra de préciser et de consolider la
description du phénomène et d’affiner les explications.
L’analyse du corpus confirme, en effet, que l’élision des liquides est conditionnée par le lexique (cf. Thurot 1883 ; Martinon 1913 ; Laks 1977 ; Dell 1977 ;
Pooley 1996 ; Armstrong 2001). L’objectif de cet article est d’explorer la systématicité de cette variation lexicale. Il commencera par un passage en revue
épistémologique de l’importance du lexique en phonologie (section 2). Ensuite,
sera présenté l’état de l’art sur le conditionnement lexical de l’élision des liquides
4. Je propose de postuler des liquides flottantes dans les cas d’absence de variations lexicales, quand la présence
ou l’absence de la liquide peut être prédite par des facteurs phonologiques (segmentaux et prosodiques) ainsi
que sociolinguistiques (fidélité à la graphie dans les registres élevés et les couches sociales favorisées).
5. Pour une analyse plus détaillée, un certain nombre d’informations supplémentaires a été ajouté dans une
base de données Access, en particulier la nature de la liquide devant le schwa (/r/ ou /l/) et celle de l’obstruante
qui précède celle-ci (/p/, /t/, /k/, /b/, /d/ ou /g/).
20
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 21 — #21
i
i
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides post-consonantiques
en contexte post-consonantique final (section 3). Enfin, en section 4, seront exposés les résultats empiriques de l’enquête. La section 5 sera consacrée, quant à
elle, à l’explication de la variation lexicale observée.
2. LEXIQUE ET PHONOLOGIE
2.1. Lexique et changement phonique
Les lois des néogrammairiens (Leskien 1876 ; Brugmann & Osthoff 1898) sont
dites ‘sans exceptions’ : les changements physiologiquement motivés se propagent parallèlement dans tous les mots du lexique. Mais déjà en 1885, H. Schuchardt remet en cause ce postulat. Il fait remarquer que la différence de fréquence
des mots dans la parole mène à un décalage dans la saisie par le changement
phonique, les mots rarement utilisés restant en arrière, les mots fréquemment
utilisés se retrouvant en tête. Cette idée est reprise par W. Wang (1969), qui
développe une théorie de la diffusion lexicale, dans le cadre de laquelle exceptions, supplétions et variantes libres peuvent être interprétées comme les indices
d’un changement en cours. Il a pu être montré par la suite que les changements
réductifs commencent par les mots fréquents, les positions non-accentuées, les
mots à fonction et le vocabulaire appartenant au registre familier (Philips 1983 ;
Bybee 2000a ; Hansen 2001). Le cas des liquides post-consonantiques finales du
français permettra de tester cette théorie.
L’hypothèse selon laquelle la diffusion lexicale et les lois dites ‘sans exceptions’ sont à considérer comme contradictoires (Wang 1969 ; Schuchardt 1885 ;
Hansen 2001 ; Bybee 2002) ou complémentaires (Labov 1981) est elle-même
sujette à discussion. Quoi qu’il en soit, il faut souligner que les néogrammairiens avaient eux-mêmes reconnu un certain nombre d’exceptions, entre autres
liées au contact dialectal (nommées alternances phonétiques, en opposition aux
changements phonétiques ; cf. Paul 1880 ; Brugmann & Osthoff 1898). Celui-ci joue
incontestablement un rôle dans les cas étudiés ici : les français aveyronnais et
guadeloupéen sont probablement influencés, chacun pour ce qui le concerne,
par le français d’oïl.
Le rôle du lexique est en revanche incontesté dans le cas du contact linguistique, notamment quand il s’agit de l’influence d’une L2 prestigieuse sur la L1 :
“words first, grammar later (if at all)” (Thomason, 2001 : 64). Cela n’est pas seulement valable pour le contact entre deux langues différentes, mais aussi pour le
contact entre variétés :
The point is that during accommodation speakers do not modify their phonological systems, as
such, so that they more closely resemble those of the speakers they are accommodating
to. Rather, they modify their pronunciations of particular words, in the first instance, with
some words being affected before others. Speakers’ motivation, moreover, is phonetic
rather than phonological: their purpose is to make individual words sound the same
as when they are pronounced by speakers of the target variety. (Trudgill, 1986 : 58 ;
c’est moi qui souligne)
LANGUE FRANÇAISE 169
21
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 22 — #22
i
i
Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures
Selon l’échelle d’emprunt de S. Thomason et T. Kaufman (1988), pour l’emprunt de lexèmes (avant tout celui d’un vocabulaire spécialisé qui se trouve
en relation avec la culture dominante), un contact sporadique est la condition
suffisante. Un contact plus intensif est par contre nécessaire pour l’emprunt de
conjonctions et d’adverbes, et un contact encore plus intensif est nécessaire pour
celui de prépositions, pronoms et numéraux.
On ne peut bien évidemment pas exclure un scénario selon lequel un changement par contact et un changement interne se déroulent en même temps : le
contact peut déclencher un développement interne (Van Coetsem 1988) ou l’accélérer (Weinreich 1953). Dans une perspective microscopique, on pourrait aller
jusqu’à dire que tout changement se fait par contact, puisque même les processus
physiologiquement motivés se diffusent dans la communauté linguistique par
le contact entre les locuteurs.
2.2. Lexique et modélisation phonologique
Alors que la phonologie néo-générative marginalise le lexique comme une
liste d’idiosyncrasies (Chomsky & Halle, 1968 : 175, 375 sqq. ; Dell, 1973 : 138 ;
cf. Corbin 1976), l’exemplarisme 6 lui attribue une place centrale (Bybee 2001 ;
Pierrehumbert 2001). Dans ce cadre, les représentations sont considérées comme
primaires et les généralisations phonotactiques n’ont qu’un statut secondaire.
De plus, l’usage reçoit un rôle central. Cette phonologie basée sur la parole part
du principe que chaque token a des effets sur les représentations. Cela ne veut
néanmoins pas dire que la distinction entre input et output soit complètement
abandonnée : on admet un certain processus d’abstraction, dans lequel les tokens
sont catégorisés 7 . Il n’y a donc pas une seule forme sous-jacente, mais tout un
cluster, p. ex. /EgzÃpl@/, /EgzÃpl/ et /EgzÃp/ pour exemple. Les exemplaires des
tokens fréquents gagnent par l’usage en force lexicale et deviennent centraux (ils
sont plus rapidement consultables), tandis que les exemplaires correspondant
aux tokens rares deviennent marginaux dans les représentations.
Se situant dans le cadre de la linguistique cognitive, la phonologie exemplariste, à l’instar des Grammaires de Construction (Goldberg 1995 ; Croft 2001),
part du principe que non seulement les mots font partie du lexique, mais aussi
les constructions figées (p. ex. c’est-à-dire, de temps en temps) ainsi que toutes les
autres suites de mots souvent employés ensemble (Bybee 2000b, 2005). Le degré
de figement d’une séquence peut varier selon sa fonction ; angl. I don’t know
et fr. je sais pas ont, par exemple, plus de cohésion interne quand la séquence
possède une fonction discursive que quand elle a la signification transparente
6. L’exemplarisme n’est pas forcément à considérer comme une alternative aux théories néo-génératives, mais
elle peut les compléter (cf. Pustka 2007).
7. “As a result, an individual exemplar – which is a detailed perceptual memory – does not correspond to a
single perceptual experience, but rather to an equivalence class of perceptual experiences.” (Pierrehumbert,
2001 : 4)
22
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 23 — #23
i
i
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides post-consonantiques
‘je ne possède pas de savoir sur quelque chose’ (Bybee 2001). L’importance des
unités plus larges que le mot est particulièrement évidente en français, où les
frontières de mot disparaissent à cause de l’enchaînement consonantique et de
l’accentuation finale du groupe, créant ainsi ce que M. Grammont (1914) appelle
une phonologie de groupe.
Ainsi faudrait-il tenir compte du fait que les collocations fréquentes peuvent
contaminer la forme isolée : si un locuteur prononce [EgzÃp] dans par exemple
et qu’il utilise souvent cette construction, la prononciation [EgzÃp] peut affecter
petit à petit d’autres contextes et s’y substituer à la forme qui y était usuelle. Un
nombre croissant de mots possédant une paire d’exemplaires, l’un avec, l’un
sans liquide finale, peut conduire à l’émergence d’une liquide instable et d’un
schéma d’élision. La phonologie exemplariste est ainsi par nature dynamique et
renoue avec le concept de la diffusion lexicale (section 2.1).
Un autre avantage de cette approche est qu’elle est capable de modéliser les
changements engendrés par le contact. En effet, quand on observe que certains
Guadeloupéens maintiennent la liquide finale seulement dans le mot entre et que
certains Aveyronnais l’élident uniquement dans par exemple ou peut-être, on peut
supposer qu’il n’y a ni liquide instable ni processus d’élision dans les grammaires
de ces locuteurs, mais qu’il faudrait considérer ces cas comme étant des emprunts
au français d’oïl : un Guadeloupéen ‘conservateur’ possède ainsi pour la majorité
de son vocabulaire des représentations sans liquide, mais aussi la forme entre
/ÃtK/ ; un Aveyronnais, en revanche, pourrait avoir stocké en général des formes
avec liquide, mais une forme supplétive pour exemple /EgzÃp/ ∼ /EgzÃpl/ ∼
/EgzÃpl@/. On notera qu’un nombre croissant d’emprunts peut à la longue faire
émerger une liquide instable et un schéma d’élision (cf. supra) 8 .
3. ÉTAT DE L’ART
3.1. Variation diatopique
Les études antérieures sur le comportement des liquides post-consonantiques
finales (Laks 1980 ; Pooley 1996 ; Armstrong 2001) portent sans exception sur
le français d’oïl. Les français méridional et antillais, en revanche, n’ont pas été
analysés jusqu’à présent.
En français méridional, la réalisation fréquente du schwa final (sauf devant
voyelle) devrait protéger la liquide de l’élision dans la plupart des cas (p. ex.
quatre [ka.tK@]). Les réalisations sans liquide peuvent, pour leur part, être interprétées comme des emprunts au français d’oïl. Il faudrait cependant prendre en
8. Cette modélisation est renforcée par des observations qui ont été faites dans l’acquisition, les enfants
apprenant d’abord la variante sans /r/ et seulement plus tard (parfois seulement lors de l’apprentissage de la
graphie) un /r/ variable (Chevrot et al. 2000).
LANGUE FRANÇAISE 169
23
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 24 — #24
i
i
Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures
compte le fait qu’il existe une nouvelle tendance en français méridional à l’élision du schwa (Durand et al. 1987 ; Armstrong & Unsworth 1999 ; Pustka 2007),
ce qui rend le développement interne d’un processus d’élision des liquides également possible.
En français antillais, c’est le contraire. Le substrat créole joue en faveur de
la non-réalisation des liquides, d’une part par ses contraintes phonotactiques,
d’autre part par ses formes lexicales. En effet, le créole ne permet pas de liquides
en position post-consonantique finale (Jourdain 1956), et ses mots correspondant
aux mots français ne possèdent pas de liquide, p. ex. cr. kat (fr. quatre), cr. chanm
(fr. chambre), cr. jiwòf (fr. girofle), etc. Des fautes d’orthographe telles que *<met>
pour <mettre>, relevées par J. Oliel (1979), ainsi que les hypercorrections dans
mon propre corpus, comme cive [sivK] ou rajoute [KaZutχ], sont des indices de
représentations lexicales sans liquide et d’une règle de correspondance intervariétés du type « Il faut ajouter une liquide aux obstruantes finales de ma représentation pour obtenir la réalisation du français d’oïl. » – qui surgénère (Pustka 2007).
Les mots fréquemment prononcés avec liquide sont alors probablement des
emprunts au français d’oïl.
3.2. Variation lexicale (en français d’oïl)
Dans tous les travaux sur le comportement des liquides post-consonantiques
finales, qui s’appuient exclusivement sur le français d’oïl, on a observé des
‘exceptions’ lexicales. Les grammairiens du XVIIe siècle notent déjà que la
chute était acceptée dans la « conversation polie » dans quatre, notre et votre
(Thurot 1883) tandis qu’elle était considérée comme vulgaire dans des mots
comme sucre ou table (Bourciez & Bourciez 1967 ; Fouché 1966). Dans quelques
mots, la chute de la liquide fut même cimentée par la graphie, p. ex. vive
(afr. vivre < lat. VIPERA) et guimpe (< afr. guimple < frq. *wimpil ; cf. all. Wimpel)
(Dauzat 1950 ; Fouché 1966).
Les études sur le français contemporain (Martinon 1913 ; Malécot 1976, 1977 ;
Dell 1977 ; Laks 1980 ; Pooley 1996 ; Armstrong 2001) témoignent unanimement
d’une variation lexicale. On sait ainsi que les mots qui perdent particulièrement
souvent leur liquide sont :
– les mots fréquents du langage courant comme autre, être, quatre 9 , exemple,
peut-être et les adjectifs en –ble (Malécot 1977 ; Laks 1980 ; Armstrong 2001),
ainsi que
– les mots se trouvant souvent en position accentuée, donc les adverbes et
locutions adverbiales (cf. Tableau 1).
9. Malécot (1976) note cependant des différences considérables entre autre (32 % d’élisions), être (86 %) et
quatre (100 %).
24
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 25 — #25
i
i
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides post-consonantiques
Tableau 1 : Taux d’élision des liquides en –tre
en fonction de la classe de mots (Pooley, 1996 : 142)
Classe de mots / mots
peut-être
par contre
Verbes
Substantifs
Prépositions
entre et contre
Tous les mots en -tre
n
205
13
458
187
Taux d’élision
92 %
77 %
78 %
63 %
48
4%
1150
73 %
Les mots qui ne perdent, en revanche, que très rarement leur liquide sont :
– les mots rares, utilisés surtout dans des situations de distance communicative,
p. ex. des mots du vocabulaire religieux comme astre, chasuble, ténèbres, oindre
et tabernacle – sauf quand ce dernier mot est utilisé comme juron en français
québécois (Dell 1977) ;
– les mots se trouvant souvent en position inaccentuée, comme les prépositions (contre, entre et outre), p. ex. ? mets-le cont(re) la table (Dell 1977 ; cf. aussi
Tableau 1) 10 ;
– la plupart des mots composés, p. ex. Notre-Dame, Notre Père et quatre-vingt
(Martinon 1913).
Ainsi, selon les recherches antérieures, ce sont donc trois facteurs qui
expliquent les différences lexicales dans le comportement des liquides postconsonantiques finales :
– la fréquence absolue dans la parole (les mots fréquents se voyant renforcer
leur forme sans liquide) ;
– l’affinité situationnelle (les mots utilisés fréquemment dans l’immédiat communicatif, où la liquide tend à chuter, se voyant renforcer leur forme sans
liquide) ;
– l’affinité syntaxique et prosodique (les mots se retrouvant fréquemment en
position accentuée, où la liquide tend à chuter, se voyant renforcer leur forme
sans liquide).
La situation communicative étant constante dans le corpus étudié (interviews
menées par l’auteur de cet article), seulement l’impact des deux autres facteurs
pourra être vérifié : celui de la fréquence absolue (section 5.1), celui de la prosodie (section 5.2) et de la syntaxe (section 5.3).
10. L’accentuation du français dépendant fortement de la syntaxe, la prononciation des constructions syntaxiquement ambiguës varie en fonction de leur structure sous-jacente, livre d’art chinois [livre d’art] [chinois],
par exemple, est prononcé avec /r/ et [livre] [d’art chinois] sans /r/ selon Dell (1973).
LANGUE FRANÇAISE 169
25
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 26 — #26
i
i
Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures
4. RÉSULTATS EMPIRIQUES
4.1. Variation diatopique
L’analyse statistique montre tout d’abord que l’origine géographique des locuteurs influe fortement sur le taux d’élision des liquides, les Guadeloupéens
élidant le plus (76 %) et les Aveyronnais le moins (6 %). Les Parisiens possèdent
un taux de chute intermédiaire (48 %) et les migrants se situent entre leur groupe
de provenance et leur groupe d’adoption (cf. Figure 1). Ainsi, les suppositions
émises dans la section 3.1, basées sur les recherches antérieures sur le comportement du schwa en français méridional et le substrat créole, se trouvent
confirmées.
100
taux d'élision (en %)
80
76%
57%
60
48%
40
22%
20
6%
0
Guadeloupeens
G de Paris
Parisiens
A de Paris
Aveyronnais
Figure 1 : Taux d’élision des liquides en fonction de l’origine géographique
4.2. Variation diastratique
Pour le corpus entier, on n’observe pas de co-variations entre taux d’élision des
liquides et catégories socio-démographiques comme le sexe, l’âge, la profession,
le niveau d’études, etc. La variable est, en effet, ambiguë quand on considère la
langue française dans sa globalité (tantôt marquée diastratiquement et/ou diaphasiquement haut, tantôt bas) ; au sein de chaque communauté, son marquage
26
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 27 — #27
i
i
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides post-consonantiques
est en revanche tout à fait clair : la non-réalisation est conservatrice chez les Guadeloupéens, mais innovatrice chez les Aveyronnais. La dimension diatopique de
la variation est donc primaire.
Le système phonologique traditionnel du français parlé en Aveyron ne permet pas l’élision des liquides en contexte post-consonantique final. Ce système
se retrouve chez huit locuteurs des générations moyenne et ancienne. Les personnes avec les taux d’élision les plus élevés sont, en revanche, les quatre jeunes
de Rodez ainsi qu’une poissonnière à la retraite qui élide également beaucoup
de schwas. L’existence d’une relation causale entre ces deux variables n’est pas
claire : la chute du schwa entraîne-t-elle la chute de la liquide ou bien les deux
variables sont-elles (presque) indépendamment corrélées aux facteurs ‘tradition’
vs ‘modernité’ ?
Chez les Guadeloupéens de Guadeloupe, la prononciation traditionnelle sans
liquides post-consonantiques finales se trouve seulement chez une locutrice
[97avg1], l’agricultrice la plus âgée du corpus. Cette rareté de la prononciation
guadeloupéenne ‘pure’ s’explique (entre autres) par un mot particulier, entre,
faisant exception : il se prononce, en effet, toujours avec la liquide (section 4.4).
Les locuteurs qui correspondent le plus au prototype guadeloupéen (90 % d’élisions ou plus) sont des locuteurs ayant le créole comme L1 ainsi que de réelles
difficultés à parler français [97avg1 ; 97aec1 ; 97aep1] et une jeune fille [97asc1]
qui, par une prononciation hyperrégionale, tente de compenser le fait qu’elle
est métisse (sa mère étant métropolitaine). Les locuteurs avec les taux d’élision
les plus faibles sont une professeur d’anglais ayant le français comme L1 [*1959,
55 %] et sa fille [*1986 ; 59%]. Un taux relativement faible peut également être
observé chez l’Indien du corpus [*1959 ; 66 %], ce qui s’explique par la stratégie
de compensation identitaire qu’il a mise en place, à savoir une volonté d’être
particulièrement ‘français’.
Chez les locuteurs nés à Paris, ce sont également les personnes instruites
et plutôt âgées qui réalisent le maximum de liquides, mais les tendances se
dessinent beaucoup moins nettement qu’en Aveyron et en Guadeloupe. Comme
une étude bien plus détaillée serait nécessaire pour comprendre la situation
parisienne, le comportement phonologique des Parisiens servira uniquement
comme point de comparaison par rapport aux provinciaux/domiens et aux
migrants.
4.3. Variation phonotactique
Avant d’en venir à la variation lexicale qui se trouve au cœur de cet article, je
présenterai brièvement les résultats empiriques concernant la variation phonotactique. Il sera néanmoins souligné que cette variation doit en partie être
considérée comme lexicale, vu la petite quantité de types qui se cache derrière
bon nombre de combinaisons de phonèmes.
LANGUE FRANÇAISE 169
27
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 28 — #28
i
i
Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures
Tout d’abord, on remarque que la nature de la liquide – /r/ ou /l/ – n’affecte
pas beaucoup le taux d’élision : 41 % des /l/ sont élidés (778 occurrences) et
45 % des /r/ (3 536 occurrences).
Ensuite, pour ce qui est de l’environnement des liquides, on note que le
contexte droit joue un rôle très important. En effet, l’élision a lieu surtout devant
consonne (54 % ; cf. Tableau 2), comme le notaient les recherches antérieures
(Pooley 1996 ; Laks 1980). La position prévocalique ne doit pourtant pas être
sous-estimée : en moyenne, 28 % des liquides sont ici élidées. Cela s’explique
par un taux de chute extrêmement important chez les Guadeloupéens dans
ce contexte (66 %) et pour lesquels on devrait (au moins pour une partie des
locuteurs et des lexèmes) postuler des représentations sans liquides. Le résultat
d’A. Malécot (1977), selon lequel l’élision est plus fréquente devant une plosive
que devant une fricative, n’a pas pu être confirmé, le taux de chute étant pour
les deux modes d’articulation de 54 %.
Tableau 2 : Taux d’élision des liquides en fonction du contexte droit
chez les différents groupes de locuteurs
Contexte droit
Voyelle
Consonne
Frontière forte
Frontière faible
Gua.
66 %
79 %
71 %
78 %
Gua. de Paris
38 %
68 %
41 %
51 %
Parisiens
20 %
63 %
32 %
45 %
Av. de Paris
9%
33 %
12 %
13 %
Av.
0%
11 %
0%
5%
Total
28 %
54 %
30 %
42 %
Le contexte gauche est également corrélé au taux d’élision : la liquide chute
plus souvent après une plosive (45 %) qu’après une fricative (33 %), ce qui
confirme les résultats de T. Pooley (1996). Il faut cependant souligner que les
plosives sont vingt fois plus fréquentes dans ce contexte (n = 4 068) que les
fricatives (n = 246) !
Souvent, les combinaisons phonotactiques rares reflètent un nombre très
limité de types (cf. Tableau 3). Un cas particulièrement intéressant présente le
groupe /gr/ : il n’apparaît quasiment que dans le mot nègre (31 tokens sur 33),
qui, lui, n’apparaît que chez les Guadeloupéens de Guadeloupe (le mot n’y a
pas de connotation négative, comme en Europe). La nature du groupe OL peut
donc s’avérer être une variable parasite, derrière laquelle se cache une variation
diatopique ou lexicale.
Tableau 3 : Taux d’élision des liquides selon le groupe obstruante-liquide
OL
/fr/
/dr/
/pl/
/gr/
/tr/
/pr/
/bl/
/vr/
/kr/
/br/
/gl/
Tx d’élision
62 %
59 %
55 %
45 %
44 %
41 %
34 %
33 %
29 %
29 %
15 %
n
8
471
361
33
2673
17
308
233
7
94
34
Lexèmes les plus fréquents
souffre(nt) (3x), déchiffre(nt) (2x), chiffre(s) (3x)
apprendre (97x), prendre (92x), comprendre (90x)
exemple (301x)
nègre(s) (31x)
peut-être (638x), autre(s) (543x), être (307x)
propre(s) (16x)
ensemble (43x), possible (35x)
vivre (106x), livre(s) (58x)
sucre (6x)
nombre (25x)
règle(s) (28x)
28
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 29 — #29
i
i
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides post-consonantiques
Tableau 3 : (suite)
/kl/
/fl/
13 %
0%
70
5
oncle(s) (36x)
gifle (4x)
4.4. Variation lexicale
Analysant de plus près les locuteurs aveyronnais et guadeloupéens ‘innovateurs’, on constate une différence intéressante entre les innovateurs ‘modérés’
et ‘intenses’. En effet, les locuteurs ne divergeant que peu du comportement
traditionnel de leur communauté possèdent seulement quelques types innovateurs tandis que ceux qui s’en éloignent le plus présentent de nombreux types
innovateurs différents.
La prononciation aveyronnaise traditionnelle, sans élision des liquides en
position post-consonantique finale, se trouve chez six locuteurs sur 20, et
sept n’élident la liquide que dans un seul type. On ne peut observer plus d’une
exception que chez un tiers des interviewés. On note également que lorsque les
locuteurs présentant les taux d’élision les plus faibles (< 5 %) élident la liquide,
cette élision ne se produit que dans deux types : par exemple et peut-être.
Par contre, la prononciation guadeloupéenne ‘pure’, la non-réalisation totale
des liquides, ne se trouve chez aucun locuteur. Cela s’explique notamment par le
mot entre, dans lequel le /r/ est toujours réalisé (mis à part une seule exception
sur 68 occurrences, ent(re) les îles, prononcé par un jeune né en 1986). Ainsi un
pêcheur [*1944] réalise-t-il la liquide uniquement dans ce mot (devant consonne).
Au contraire, la personne avec le plus grand nombre de types contenant une
liquide post-consonantique finale (13 au total !), une professeur d’anglais [*1956],
la prononce aussi dans des mots moins fréquents comme véritable ou honorable
(ce qui pourrait s’expliquer par une spelling pronunciation de ces mots appris par
la graphie), mais aussi dans des mots très fréquents que même les Aveyronnais
prononcent en partie sans liquide, notamment exemple et peut-être.
Dans les deux départements, les variations observées peuvent être interprétées comme indices de changements en cours. Les NORMs (non-mobile old rural
males ; Chambers & Trudgill 1980) y ont une prononciation typique, reflétant
l’influence du substrat ; les jeunes, les femmes et les citadins ont par contre
une prononciation plus proche du français d’oïl. En revanche, la direction du
changement n’est pas la même : en français méridional, on observe un développement de la réalisation à l’élision, en Guadeloupe, le changement se fait
de l’élision à la réalisation. Les marques ‘conservateur’ et ‘innovateur’ ne sont
donc pas attribuées de façon identique dans ces deux variétés régionales. Ce
qu’elles ont en commun, c’est le fait que le changement se dirige vers le français d’oïl. Vu le prestige de cette variété et le rapport entre la migration à Paris
et l’ascension sociale, il est probable que l’innovation s’est faite dans les deux
départements par le contact avec le français parisien et que depuis, elle se diffuse
parallèlement dans la société et dans le lexique. Le fait que le changement est en
LANGUE FRANÇAISE 169
29
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 30 — #30
i
i
Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures
Guadeloupe plus avancé qu’en Aveyron pourrait s’expliquer par la plus forte
insécurité linguistique dans les départements d’outre-mer, dont les habitants ont
constamment à prouver qu’ils sont des ‘Français à part entière’. Une question
demeure : pourquoi ne s’agit-il pas en Guadeloupe et en Aveyron des mêmes
mots qui font exception ?
Je me limiterai par la suite aux mots les plus fréquents du corpus, car eux seuls
permettent de livrer des résultats significatifs : peut-être (638 occurrences, tous
contextes confondus), par contre (91), par exemple (264), être (307), autre (299) et la
préposition entre (261). Les différences entre les taux d’élision sont considérables :
dans le corpus entier, le taux d’élision varie entre 0 % pour entre (1/261) et 66 %
pour peut-être ; chez les Guadeloupéens, la plage de variation est même de 2 %
(entre) à 100 % (par contre) (cf. Tableau 4). Cette hiérarchie relative des mots
correspond parfaitement à celle constatée par T. Pooley (1996) pour le français
de Picardie (cf. Tableau 1).
Tableau 4 : Taux d’élision dans les mots les plus fréquents du corpus
Mot
peut-être
par contre
par exemple
être
autre
entre
Gua.
91 %
100 %
90 %
76 %
62 %
2%
Gua. de Paris
90 %
75 %
66 %
65 %
44 %
0%
Parisiens
83 %
57 %
57 %
60 %
50 %
0%
Av. de Paris
45 %
10 %
21 %
26 %
27 %
0%
Av.
14 %
6%
38 %
0%
2%
0%
Total
66 %
57 %
59 %
41 %
40 %
0%
Comment expliquer ces différences ? Comment expliquer surtout que la
préposition entre ne perde (presque) jamais sa liquide, même en Guadeloupe, où
le taux d’élision des liquides post-consonantiques finales est extrêmement élevé,
et ce malgré l’existence d’un mot correspondant en créole sans liquide (cr. ant) ?
Comment expliquer aussi que entre ne perde jamais sa liquide quand il s’agit de
la préposition, mais que cela puisse arriver dans la forme verbale homonyme (il)
entre (v. entrer), ainsi que dans la forme (il) rentre (v. rentrer) ?
5. ESSAIS D’EXPLICATION DE LA VARIATION LEXICALE
Je prendrai comme point de départ de mon explication des différences lexicales
l’hypothèse néogrammairienne sur le changement interne, postulant que les
processus phonétiques s’appliquent en principe à tous les mots. Y sera intégrée
l’idée de H. Schuchardt (1885) que la différence de fréquence dans la parole
mène à un effet décalé sur les représentations (cf. section 2.1). Pour le cas d’un
changement par contact, comme celui étudié ici, cela impliquerait – dans une
perspective exemplariste (cf. section 2.2) – que les exemplaires des mots fréquents peuvent plus rapidement être remplacés par des emprunts tandis que les
mots rares gardent leur forme traditionnelle.
Reste à analyser quel type de fréquence se trouve à l’origine des différences
lexicales : s’agit-il de la fréquence absolue dans la parole (cf. section 5.1) ou bien
30
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 31 — #31
i
i
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides post-consonantiques
de la fréquence relative dans certains contextes, notamment dans les contextes
réellement accentuées dans la parole (cf. section 5.2) ? Dans la section 5.3 enfin
sera examiné le facteur de la classe de mots, qui reflète l’accentogénéité et donc
la fréquence des positions accentuées et non-accentuées.
5.1. La fréquence absolue
On admet depuis H. Schuchardt (1885) que les mots fréquents ‘s’usent’ et
perdent donc en premier de la substance dans les changements phonétiques
réductifs (section 2.1). Je testerai donc l’hypothèse proposée par N. Armstrong
(2001) :
Hypothèse 1
Plus un mot est fréquent dans la parole, plus les liquides seront élidées.
Afin d’isoler le facteur de la fréquence, seul le contexte devant consonne sera
pris en compte.
La mise en relation de la fréquence absolue des mots dans le corpus étudié 11
avec le taux d’élision de leurs liquides montre un résultat assez surprenant : il
n’y a aucune covariation entre ces deux facteurs (cf. Figure 2). Ainsi les mots
ayant des taux d’élision comparables diffèrent-ils considérablement par rapport à leur fréquence (p. ex. par exemple : 86 tokens, 71 % d’élisions vs peut-être :
361 tokens, 77 % d’élisions) ; des mots, en revanche, avec un nombre d’occurrences comparable ont des taux d’élision bien différents (p. ex. autre : 325 tokens,
47 % d’élisions vs peut-être : 361 tokens, 77 % d’élisions).
11. L’étude de la fréquence pose problème. Le corpus étudié, qui a été pris comme point de comparaison dans
la Figure 2, n’est bien évidemment pas représentatif. Or, les dictionnaires de fréquence du français – Juilland
et al. 1970 ; Baudot 1992 – sont basés sur l’écrit et non sur l’oral. De plus, seul Baudot (op. cit.) distingue entre
les mots isolés exemple et contre d’une part, et les constructions par exemple et par contre d’autre part ; seul
Juilland et al. (op. cit.) distinguent entre les différentes formes d’un verbe et, par conséquent, entre l’infinitif
être (se terminant par un groupe obstruante-liquide final) et les formes conjuguées suis, es, est, etc., qui ne nous
intéressent pas dans ce contexte. En dépit de toutes ces réserves, les taux d’élision observés dans le corpus ont
été mis en relation avec les fréquences documentées dans les deux dictionnaires. Résultat : la non-corrélation
entre ces deux facteurs y est encore plus claire.
LANGUE FRANÇAISE 169
31
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 32 — #32
i
i
Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures
100
80
peut-être
taux d'élision (en %)
par exemple
60
par contre
taux moyen devant consonne : 54%
notre
être
autre(s)
contre
40
20
entre
0
0
50
100
150
200
250
nombre d'occurrences
300
350
400
Figure 2 : Le taux d’élision devant consonne en fonction de la fréquence
5.2. L’accentuation
Selon la théorie des positions fortes et faibles, la position finale – accentuée –
est faible pour les consonnes (cf. Jakobson, Fant & Halle 1952 ; Ségéral &
Scheer 2008) ; elle favorise donc la chute de la liquide (p. ex. peut-êt(r)(e)).
Dans l’attaque après une autre consonne, la liquide est en revanche protégée
de l’élision (muta cum liquida ; cf. Vennemann 1987 ; Lyche 1993) ; c’est le cas
des syllabes schwa à l’intérieur du groupe rythmique, donc inaccentuées
(p. ex. entretenir). Il faudra donc vérifier l’hypothèse suivante :
Hypothèse 2
En position accentuée, la liquide tend à chuter ; en position non-accentuée, elle tend à se
maintenir.
L’analyse du corpus montre cependant que la variation lexicale se maintient à
l’intérieur de chaque contexte prosodique (cf. Tableau 5) 12 .
12. Il sera bien entendu nécessaire d’approfondir ces résultats par une analyse prosodique plus fine. Les
résultats de Hansen (2001) au sujet du timbre des voyelles nasalisées en français parisien devraient pourtant
nous laisser sceptiques quant aux résultats à attendre d’une telle analyse. Elle conclut en effet que même
dans des conditions accentuelles égales, la classe de mots a toujours un effet. Une analyse des catégories
morphosyntaxiques est donc indispensable.
32
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 33 — #33
i
i
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides post-consonantiques
Tableau 5 : Le taux d’élision en fonction du contexte droit
dans les mots les plus fréquents du corpus
Contexte droit
Voyelle
Consonne
Frontière faible
Frontière forte
Tous contextes
peut-être
58 %
77 %
57 %
33 %
66 %
par contre
40 %
54 %
62 %
62 %
57 %
par exemple
42 %
71 %
58 %
55 %
59 %
être
26 %
50 %
35 %
14 %
41 %
autre
29 %
45 %
19 %
15 %
40 %
entre
0%
1%
0%
0%
0%
Total
28 %
54 %
42 %
30 %
44 %
5.3. La classe de mots
Plusieurs études sur la diffusion lexicale soulignent l’impact de la classe de mots.
B. Philips (1983) par exemple trouve que les processus de lénition commencent
par les mots à fonction et les processus de fortition par les mots lexicaux. Dans
une perspective exemplariste, cela s’explique par le fait que les mots étant
souvent accentués voient la force lexicale de leur exemplaire sans la liquide
augmenter tandis que les mots souvent inaccentués ont un exemplaire central
avec une liquide. La troisième hypothèse est donc la suivante :
Hypothèse 3
Dans les mots à fonction, les liquides tendent à être élidées ; dans les mots lexicaux, elles
tendent à être maintenues.
L’analyse du corpus montre que le taux d’élision se trouve largement au dessus
de la moyenne (54 % devant consonne) dans le cas des marqueurs discursifs et
adverbiaux de phrase (peut-être, par exemple ; cf. aussi Wachs 1997), autour de la
moyenne dans le cas de l’infinitif être et des mots notre et autre(s) (qui peuvent
fonctionner comme déterminants ou pronoms) et largement au-dessous de la
moyenne pour la préposition entre (cf. Tableau 4) – et cela indépendamment des
grandes différences à l’intérieur de ces groupes concernant la fréquence dans la
parole (section 5.1).
Cela montre que le facteur explicatif des variations lexicales est bien la classe
de mots, mais que la distinction entre mots à signification référentielle (mots
lexicaux) et mots à fonction s’avère insuffisante. Parmi les mots à fonction, il
faut distinguer entre les mots à fonction grammaticale et les mots à fonction
discursive : en effet, les mots à fonction grammaticale comme les prépositions
(entre, contre) ou les déterminants (notre, autre) tendent plutôt à maintenir leur
liquide, ce qui s’explique par leur apparition fréquente en position non finale
inaccentuée. Les mots à fonction discursive, en revanche, les marqueurs discursifs (peut-être) et les adverbes de phrase (par exemple, par contre), tendent plutôt à
perdre leur liquide, ce qui s’explique par leur apparition fréquente en position
finale accentuée. Les mots par lesquels commence le changement en Aveyron
et en Guadeloupe ne sont pas les mêmes : le processus de lénition (chute des
liquides) en Aveyron commence par les mots à fonction discursive, tandis que
le processus de fortition en Guadeloupe (ajout des liquides) commence par les
mots à fonction grammaticale. On note cependant que la hiérarchie est toujours
la même. On peut donc postuler que le taux d’élision des liquides en position
LANGUE FRANÇAISE 169
33
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 34 — #34
i
i
Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures
post-consonantique finale est corrélé à la fréquence d’apparition d’un mot dans
les contextes accentuels (cf. aussi Pooley 1996) :
Hypothèse 4
Plus un mot se trouve en position accentuée, plus la liquide sera élidée ; plus il se trouve en
position inaccentuée, plus souvent elle est maintenue.
Cette hiérarchie rappelle celle d’A. Hansen (2001) pour le changement des
voyelles nasalisées en français parisien (cf. aussi l’échelle lexicale du relâchement
de prononciation de Wachs 1997) :
c
c
[...] the highest frequency of [Ã-˜]/[˜] was found in adverbs, which exhibited rounded
pronunciations at a significantly higher rate than did nouns [...] or verbs [...], but only
at a slightly higher rate than did conjunctions [...]. At the other end of the scale, we
find numerals, adjectives, and prepositions [...]. (Hansen, 2001 : 242)
Elle contredit cependant l’échelle d’emprunt unidirectionnelle de S. Thomason et T. Kaufman (1988), qui prédit que les mots les plus facilement empruntés
sont les lexèmes et les plus empruntés en dernier les prépositions (section 2.1).
Il se pose donc la question de savoir comment on pourrait expliquer cette
hiérarchie, de même que les différenciations plus fines qui se trouvent dans le
corpus, notamment la différence entre prépositions et déterminants (tous deux
inaccentués) et les différences à l’intérieur d’une classe de mots (la préposition
contre pouvant perdre sa liquide, mais non entre).
Quand on regarde de plus près le comportement morphosyntaxique des
mots en question, on se rend en effet compte du fait que la hiérarchie observée
correspond au degré de cohésion morphosyntaxique (et donc par conséquence
prosodique) entre la liquide et son contexte droit : plus il y a cohésion à l’endroit
du groupe OL, plus la liquide est protégée ; moins il y a cohésion, plus elle tend
à tomber. Cette cohésion se mesure par les facteurs suivants :
– l’apparition en tant que morphème lié dans des mots complexes (p. ex. entre
dans entretenir) ainsi qu’en position non finale de syntagme (p. ex. entre
copains), la liquide étant protégée de l’élision à l’intérieur du groupe accentuel ;
– l’apparition en fin de syntagme en tant qu’adverbe (p. ex. je suis contre),
substantif (p. ex. le pour et le contre), pronom (p. ex. l’autre) ou élément final
d’une locution adverbiale (p. ex. par exemple), la liquide ayant tendance à
tomber à la fin du groupe accentuel.
Le tableau 6 résume les propriétés morphosyntaxiques et le comportement
phonologique des mots étudiés.
34
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 35 — #35
i
i
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides post-consonantiques
Tableau 6 : Degré de cohésion des mots les plus fréquents du corpus
peutêtre,
par
contre,
par
exemple
autre,
notre
contre
entre
Dans des mots
complexes
–
2 types : autrefois, autrement
2 types : Notre Dame, Notre
Père
118 types : p. ex.
contre-révolution, contresens
26 types : p. ex. entre-temps,
entretenir
En fin de syntagme
presque toujours
– comme adverbiales ou marqueurs
discursifs
Tx
d’élision
maximal
souvent
– comme pronom : l’autre, le nôtre
rarement
– comme adverbiale : p. ex. je n’ai rien
contre, dans la locution adverbiale par
contre
–
minimal
Mais cette hiérarchie de cohésion ne correspond pas à une seule direction
de changement : en Aveyron, le changement commence par les mots à cohésion
minimale avec son contexte droit (par exemple, peut-être), en Guadeloupe par le
mot à cohésion maximale (entre). L’apparent paradoxe se résout quand on analyse le comportement des groupes OL à Paris. Ici, on trouve la même hiérarchie,
seulement avec des taux d’élision intermédiaires (entre les taux aveyronnais et
guadeloupéen).
L’ancienneté de l’élision des liquides (section 3.2) laisse supposer qu’il ne
s’agit pas à Paris d’un changement en cours – contrairement à l’Aveyron et à la
Guadeloupe. Il serait possible que la prosodie du français, qui est caractérisée
par un accent final de phrase, ait fait émerger une hiérarchie de cohésion assez
stable en français parisien. Les français régionaux changeraient donc toujours
en respectant cette hiérarchie, quoique de deux points de départ opposés : le
français guadeloupéen part de formes sans liquide et le français aveyronnais de
formes avec liquide et schwa.
6. CONCLUSION
L’analyse montre que les différences lexicales dans le comportement des liquides
post-consonantiques finales en français parisien, aveyronnais et guadeloupéen
s’expliquent par une unique hiérarchie de cohésion morphosyntaxique et prosodique. Or, une telle hiérarchie devrait expliquer la variation et le changement
internes, alors que dans les cas étudiés, il s’agit de dynamiques déclenchées par
le contact. On s’attendrait à ce que celles-ci fonctionnent de manière différente :
les lexèmes devraient toujours être plus facilement empruntés que les mots à
fonction (Thomason 2001). De plus, nous avons pu constater que la thèse de
H. Schuchardt (1885), selon laquelle les changements par contact atteignent les
mots fréquents en dernier, n’est pas valable. On peut donc conclure que l’on
est dans les cas du français aveyronnais et guadeloupéen confronté plutôt à
LANGUE FRANÇAISE 169
35
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 36 — #36
i
i
Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures
une variation interne, qui serait seulement déclenchée par les emprunts (Van
Coetsem 1988).
Références bibliographiques
ARMSTRONG N. (2001), Social and Stylistic Variation in Spoken French: a comparative approach,
Amsterdam: John Benjamins.
ARMSTRONG N. & UNSWORTH S. (1999), “Sociolinguistic Variation in Southern French Schwa”,
Linguistics 37 (1), 127-156.
BAUDOT J. (1992), Fréquences d’utilisation des mots en français écrit contemporain, Montréal :
Presses Universitaires de Montréal.
BOURCIEZ É. & BOURCIEZ J. (1967), Phonétique française, Paris : Klincksieck.
BRUGMANN K. & OSTHOFF H. (1898), Morphologische Untersuchungen auf dem Gebiete der
indogermanischen Sprachen, Leipzig: Hirzel.
BYBEE J. (2000a), “The phonology of the lexicon: Evidence from lexical diffusion”, in M. Barlow
& S. Kemmer (eds), Usage-based models of language, Stanford: CSLI, 65-85.
BYBEE J. (2000b), “Lexicalization and sound change and alternating environments”, in M. Broe
& J. Pierrehumbert (eds), Papers in Laboratory Phonology, vol. V, Cambridge: Cambridge
University Press, 250-268.
BYBEE J. (2001), Phonology and Language Use, Cambridge: Cambridge University Press.
BYBEE J. (2002), “Word frequency and context of use in the lexical diffusion of phonetically
conditioned sound change”, Language Variation and Change 14, 261-290.
BYBEE J. (2005), « La liaison : effets de fréquence et constructions », Langages 158, 24-37.
CARTON F. et al. (1983), Les accents des français, Paris : Hachette.
CHAMBERS J. K. & TRUDGILL P. (1980), Dialectology, Cambridge: Cambridge University Press.
CHEVROT J.-P., BEAUD L. & VARGA R. (2000), « L’apprentissage des unités phonologiques variables.
L’exemple du /R/ post-consonantique final en français », Linx 42, 89-98.
CHOMSKY N. & HALLE M. (1968), The Sound Pattern of English, New York: Harper and Row.
COETSEM F. VAN (1988), Loan Phonology and the Two Transfer Types in Language Contact,
Dordrecht: Foris Publications.
CORBIN D. (1976), « Le statut des exceptions dans le lexique », Langue française 30, 90-110.
CROFT W. A. (2001), Radical Construction Grammar. Syntactic Theory in Typological Perspective,
Oxford: Oxford University Press.
DAUZAT A. (1950), Phonétique et grammaire historiques de la langue française, Paris : Larousse.
DELL F. (1973), Les règles et les sons : introduction à la phonologie générative, Paris : Hermann.
DELL F. (1977), « Schwa précédé du groupe obstruante-liquide », Recherches linguistiques 4,
75-111.
DURAND J., LAKS B. & LYCHE C. (2002), « La phonologie du français contemporain : usages,
variétés et structure », in C. D. Pusch & W. Raible (dir.), Romanistische Korpuslinguistik :
Korpora und gesprochene Sprache, Tübingen: Narr, 93-106.
DURAND J., LAKS B. & LYCHE C. (2005), « Un corpus numérisé pour la phonologie du français »,
in G. Williams (dir.), La linguistique de corpus, Rennes : Presses Universitaires de Rennes,
205-217.
DURAND J., SLATER C. & WISE H. (1987), “Observations on schwa in southern French”, Linguistics
25 (5), 983-1004.
36
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 37 — #37
i
i
Le conditionnement lexical de l’élision des liquides post-consonantiques
FOUCHÉ P. (19662 ), Phonétique historique du français, vol. III : Les consonnes, Paris : Klincksieck.
GOLDBERG A. (1995), Constructions: A Construction Grammar Approach to Argument Structure,
Chicago: CSLI.
GRAMMONT M. (1914), Traité pratique de prononciation française, Paris : Delagrave.
HANSEN A. B. (2001), “Lexical diffusion as a factor of phonetic change: the case of Modern
French nasal vowels”, Language Variation and Change 13 (2), 209-252.
HERSLUND M. (1979), « La préposition entre en ancien français », Revue de linguistique romane
43, 263-286.
JAKOBSON R., FAN G. & HALLE M. (1952), Preliminaries to Speech Analysis, Cambridge (MA): MIT
Press.
JOURDAIN É. (1956), Du français aux parlers créoles, Paris : Klincksieck.
JUILLAND A., BRODIN D. & DAVIDOVITCH C. (1970), Frequency Dictionary of French Words, Paris/The
Hague: Mouton & Co.
LABOV W. (1981), “Resolving the Neogrammarian controversy”, Language 57, 267-302.
LAKS B. (1977), « Contribution empirique à l’analyse socio-différentielle de la chute de /r/ dans
les groupes consonantiques finals », Langue française 34, 109-125.
LAKS B. (1980), Différentiation linguistique et différentiation sociale : quelques problèmes de
sociolinguistique française, Thèse de doctorat de l’Université de Paris VIII.
LESKIEN A. (1876), Die Declination im Slavisch-Litauischen und Germanischen, Leipzig : Hirzel.
LYCHE C. (1993), « Quelques remarques sur le groupe OL en français », Revue Romane 28 (2),
195-217.
LYCHE C. & ∅SBY K. A. (2009), « Le français de la haute bourgeoisie parisienne : une variété
conservatrice ? », in J. Durand, B. Laks & C. Lyche (éds), Phonologie, variation et accents
du français, Paris : Hermès, 203-230.
MALÉCOT A. (1976), “The Effect of Linguistic and Paralinguistic Variables on the Elision of the
French Mute-e”, Phonetica 33, 93-112.
MALÉCOT A. (1977), Introduction à la phonétique française, Paris/The Hague : Mouton.
MARTINET A. (1969), « Pour un dictionnaire de la prononciation », in A. Martinet (éd.), Le français
sans fard, Paris : PUF, 121-131.
MARTINON P. (1913), Comment on prononce le français : traité complet de prononciation pratique
avec les noms propres et les mots étrangers, Paris : Larousse.
OLIEL J. (1979), Le Bilinguisme franco-créole ou la difficulté d’enseigner le français en milieu
créolophone, Pointe-à-Pitre : C.D.D.P. Guadeloupe.
PALSGRAVE J. (1530 [2003]), L’esclarcissement de la langue françoyse, composé par maistre
Jehan Palsgrave, Angloys, natyf de Londres et gradué de Paris, Paris : Honoré Champion.
PAUL H. (1880 [199510 ]), Prinzipien der Sprachgeschichte, Tübingen: Niemeyer.
PHILIPS B. S. (1983), “Lexical Diffusion and Function Words”, Linguistics 21, 487-499.
PIERREHUMBERT J. (2001), “Exemplar dynamics: Word frequency, lenition, and contrast”, in
J. Bybee & P. Hopper (eds), Frequency effects and the emergence of lexical structure,
Amsterdam: John Benjamins, 137-157.
POOLEY T. (1996), Chtimi: The Urban Vernaculars of Northern France, Clevedon: Multilingual
Matters.
PUSTKA E. (2007), Phonologie et variétés en contact. Aveyronnais et Guadeloupéens à Paris,
Tübingen : Narr.
LANGUE FRANÇAISE 169
37
i
i
i
i
i
i
“LF_169” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2011/4/21 — 22:46 — page 38 — #38
i
i
Phonologie du français contemporain : usages, variations, structures
PUSTKA E. (2009), « PFC et la phonologie du français en Vendée », in J. Durand, B. Laks &
C. Lyche (éds), Phonologie, variation et accents du français, Londres : Hermès, 307-335.
SCHPAK-DOLT N. (1992), Einführung in die französische Morphologie, Tübingen : Niemeyer.
SCHUCHARDT H. (1885), « Ueber die Lautgesetze. Gegen die Junggrammatiker », in T. Vennemann
& T. H. Wilbur (eds) (1972), Schuchardt, the Neogrammarians, and the transformational
theory of phonological change: Four essays by Hugo Schuchardt, Theo Vennemann, Terence
H. Wilbur, Frankfurt am Main: Athenäum, 9-37.
SÉGÉRAL P. & SCHEER T. (2008), “Positional factors in Lenition and Fortition”, in J. Brandão de
Carvalho, T. Scheer & P. Ségéral (eds), Lenition and Fortition, Berlin/New York: de Gruyter,
131-172.
THOMASON S. & KAUFMAN T. (1988), Language contact, creolization and genetic linguistics,
Berkeley: University of California Press.
THOMASON S. (2001), Language contact: an Introduction, Edinburgh: Edinburgh University Press.
THUROT C. (1883), De la prononciation française depuis le commencement du XVIe siècle,
d’après les témoignages des grammairiens, Paris : Imprimerie Nationale.
TRUBETZKOY N. (1939 [1989]), Grundzüge der Phonologie, Göttingen: Vandenhoeck & Ruprecht.
TRUDGILL P. (1986), Dialects in contact, Oxford: Basil Blackwell.
VENNEMANN T. (1987), « Muta cum liquida – Worttrennung und Syllabierung im Griechischen.
Mit einem Anhang zur Worttrennung in der Pariser Handschrift der althochdeutschen IsidorÜbersetzung », Zeitschrift für deutsches Altertum 116, 165-204.
WACHS S. (1997), Le relâchement de prononciation en français parlé en Île-de-France : analyses
linguistique et sociolinguistique par générations, Thèse de doctorat de l’Université de
Paris X-Nanterre.
WANG W. S. Y. (1969), “Competing changes as cause of residue”, Language 45, 9-25.
WEINREICH U. (1953 [19643 ]), Languages in contact – Findings and Problems, Londres/Paris:
Mouton & Co.
WIESE R. (2003), “The Unity and variation of (German) /r/”, Zeitschrift für Dialektologie und
Linguistik 70, 25-42.
38
i
i
i
i
Téléchargement