Août 2005 No 2 0 5
Association humanitaire
Association humanitaire
Dans cette édition
Une année particulièrement
difficile
L’aide d’urgence profite à
toute une fratrie
Un fléau: les criquets
www.morija.org
L’aide d’urgence:
plus nécessaire
que jamais
Editorial:
Le recul de l’aide alimentaire
Mensuel d’information
Prix de l’abonnement:
CHF 25.– /
15.–
Abonnement de soutien:
CHF 50.– /
30.–
Tout don supplémentaire
est le bienvenu.
MERCI
Une année difficile, page 4
Sensibilisation en
brousse, page 5
La pire invasion depuis
des années, page 6
d’après les chiffres du PAM.
Reflet de la conjoncture plus
difficile, individualisme
croissant, les raisons de cette
baisse ne manquent pas. Le
fait que des mobilisations de
grande envergure sont possi-
bles à la faveur d’événements
ponctuels et particulièrement
dramatiques – au sens des
médias, s’entend –, ne vient
pas contredire ces chiffres. Il
reste difficile de mobiliser les
donateurs autour d’une crise
qui perdure et ne change
apparemment pas.
En ce sens, l’action de Morija
se justifie plus que jamais.
Dans un contexte général de
précarité, la période de l’été
Le PAM (Programme
Alimentaire Mondial)
lançait en mai dernier
un cri d’alarme, informant
que l’aide alimentaire mon-
diale avait baissé de 10,3
millions de tonnes en 2003 à
7,5 millions de tonnes en
2004. L’agence spécialisée de
l’ONU relevait que cette chute
s’inscrivait dans un contexte
général de déclin depuis cinq
ans. En 1999, 15 millions
de tonnes avaient été livrées.
Pendant cette période, les
besoins se sont pourtant
accrus: le nombre de victimes
de la malnutrition chronique
dans le monde a augmenté de
8 % entre 1999 et 2004,
est la plus difficile pour les
pays sahéliens, quand la terre
a été semée mais n’a pas
encore porté ses fruits, et que
l’on dépend des réserves
amassées la saison précéden-
te. Or, ces réserves ne permet-
tent souvent pas de faire le
lien entre les deux saisons. La
présente édition de Morija est
consacrée à cette période dite
de soudure, qui correspond à
celle où les Européens pen-
sent vacances, repos et voya-
ges. Aoûtiens ou juilletistes,
une pensée et un geste pour
les plus démunis est tout à
fait de circonstance!
Actuellement, plus de 850
millions de personnes souf-
frent de la faim (un individu
sur sept), selon les calculs de
l’ONU. 100 000 personnes
meurent de faim tous les
jours dont 1 enfant de moins
de 10 ans toutes les 7 secon-
des. Nous relayons leur appel,
et vous souhaitons bonne
lecture.
L’équipe de Morija
Sommaire
Siège social: Collombey-le-Grand
Vérificateur des comptes:
Fiduciaire: R. Künzlé SA – Monthey
Rédaction: Alliance Presse, Aubonne
Mise en page: Jordi SA, Belp
Impression: Jordi SA, Belp
MORIJA FRANCE:
Jérôme Prékel
La Pierre
74410 St Eustache
CCP 13.875-50 W 029, Marseille
Association humanitaire
En Reutet
1868 Collombey-le-Grand
Tél. 024/472.80.70 Fax 024/472.80.93
CCP 19-10365-8
Association sans but lucratif
Fondée en 1979 selon les
articles 60ss du Code civil Suisse
But:
Aide aux plus déshérités d’Afrique, du Sahel en
particulier, sans distinction de race ou de religion.
Les 3 piliers de laide sont:
• le secours d’urgence
• l’amélioration des conditions de vie
• les projets de développement
Lesprit dans lequel notre aide
est apportée prend ses racines
dans l’Evangile.
3
Dès le mois de février
en Afrique subsaha-
rienne, les réserves
s’amenuisent de jour en jour,
et le spectre de la période de
soudure se rapproche. Cette
période, située entre le début
de la saison pluvieuse et les
premières récoltes, s’étend en
général de juin à septembre.
Certaines années, à cause de
mauvaises récoltes, elle
débute bien plus tôt. Les
greniers sont vides ou pres-
que vides, et le paysan et sa
famille vivent au jour le jour.
Les habitudes alimentaires
changent au mépris de la
qualité comme de la quantité:
souvent, c’est un maigre
repas composé d’une boule de
pâte de farine, de maïs ou de
sorgho, accompagnée d’une
sauce de légumes secs ou de
quelques cuillerées de riz
arrosé de farine, de manioc,
d’huile et de piment. Un autre
repas bien connu en cette
période est une sauce lourde
faite à base de feuilles fraîches
d’oseille et de feuilles de
haricots qui poussent vite et
en abondance, avec un peu de
farine de mil. Le peu de «tô»
(pâte à base de farine de mil
ou de maïs) que la famille est
capable de se procurer est
réservé en priorité aux
enfants.
D’autres personnes se conten-
tent de fruits sauvages (qui se
raréfient avec la désertifica-
tion) et de feuilles, de tuber-
cules de racines ou de son de
mil. Le son n’est rien d’autre
que l’enveloppe couvrant le
grain. Certaines personnes
ont même recours à des
aliments dont la consomma-
tion n’est pas entrée dans
leurs mœurs: la chair d’un
renard, d’un corbeau, d’un
hibou, d’un charognard, d’un
cheval ou d’un âne, etc.
Le village vit ainsi en atten-
La période de soudure,
temps de grandes souffrances
dant les premières récoltes de
maïs frais, d’arachides, et de
pois de terre qui sont plus
précoces (2 à 3 mois après les
semis). Les semis sont dépen-
dants des pluies et de la
région, on ne peut donc pas
prévoir de date fixe pour les
récoltes.
Les foyers ruraux sont les
plus touchés, car les paysans
vendent une partie de leur
récolte pour financer, entre
autres, la scolarisation de
leurs enfants et les soins en
cas de maladie. La sous-
alimentation s’instaure,
touchant en priorité les
enfants. Cette période est
aussi très difficile pour les
femmes qui travaillent toute
la journée aux champs et
doivent encore préparer à
manger le soir.
Conséquence de la pénurie, le
prix des denrées alimentaires
enfle à tel point qu’il devient
difficile pour certaines
familles d’avoir ne serait-ce
qu’un repas par jour. Les prix
doublent, triplent; les tuber-
cules d’igname et de manioc
deviennent rares et chers. A
cette période de vulnérabilité
correspond une période
d’actions d’urgence de la part
des gouvernements et des
ONG.
De nos partenaires
au Burkina Faso et au Togo
Les greniers sont vides
ou presque vides, et le
paysan et sa famille
vivent au jour le jour
Les femmes se massent pour la distribution de vivres
Chaque jour, la boule de mil est plus petite
des bouillies enrichies. Cette
aide est très précieuse parce
que ses frères et sœurs en
profitent aussi.
Au printemps, lors de la
dernière des 12 pesées men-
suelles, nous avons senti une
certaine tristesse chez cette
femme. Néanmoins, elle se
réjouit de ce que son enfant
soit en bonne santé et gran-
disse bien. Comme elle, des
centaines de femmes ont vu
leurs enfants sauvés de la
mort grâce à l’aide de tous
les donateurs de Morija que
nous remercions chaleureu-
sement.
Yvonne Zouétaba et
Désirée Bayoulou
L’an dernier, nous avions
recueilli Julien Kaboré, un
enfant de 13 mois venant d’un
quartier du centre de Ouaga-
dougou appelé Gounghin. Il
souffrait de malnutrition
grave (marasme stade III).
Après 20 jours de traitement
et de régime adéquat au
CREN, il avait récupéré son
poids normal et est rentré
chez lui au grand bonheur de
ses parents. Nous le revoyons
régulièrement lors des gran-
des pesées et il se porte très
bien. Sa mère ne rate pas
l’occasion parce qu’elle béné-
ficie, en plus du suivi médical
de son enfant, de vivres
(céréales, lait, huile) destinés
en principe à la préparation
Une année difficile
La saison des pluies
2004 a été particuliè-
rement mauvaise.
Elle a duré 3 mois avec une
pluviométrie irrégulière.
Des pluies précoces ont, en
outre, favorisé la poussée
des mauvaises herbes enva-
hissant les champs et rendant
difficile les semailles. Les
pluies se sont arrêtées très
tôt, notamment dans le Nord
du Burkina Faso, au moment
où les épis se formaient, ce
qui n’a pas permis leur matu-
ration. Certains paysans
n’ont rien récolté, pas même
la quantité des grains
semés.
Le Centre de Récupération
Nutritionnelle (CREN) de
Ouagadougou connaît une
très grande affluence
d’enfants malnutris depuis
le début de l’année. Les
mamans, mal nourries, don-
nent naissance à des enfants
faibles et vulnérables à
toutes sortes de maladies.
A la fin de leur séjour, deux
mamans nous ont tout sim-
plement demandé la per-
mission de rester plus long-
temps avec leurs enfants
parce qu’elles ne savaient pas
comment s’en sortir de retour
chez elles. Malgré toute notre
bonne volonté, nous ne
pouvions accepter. Mais, nous
aidons les femmes les plus
démunies avec du lait en
poudre et du lait maternisé
pour leur bébé pour combler
l’insuffisance du lait mater-
nel.
Saoudata a trouvé refuge au CREN de Ouagadougou
Julien Kaboré, trop faible pour manger, est nourri par sonde
Quand l’aide d’urgence profite à toute une fratrie
Une nouvelle vie pour Koudougou
Ce lundi matin, nous
sommes parties pour
une sensibilisation
sur la récupération nutrition-
nelle dans le village de Gogo,
à environ 40 km du CREN de
Nobéré. La moto Yamaha V80
nous a permis de progresser
sur la piste épineuse, remplie
de buttes, de crevasses, de
monticules et rétrécissant à
certains endroits. A notre
grande surprise, Gogo reflé-
tait la propreté, et les hom-
mes étaient en aussi grand
nombre que les femmes.
Après les mots de bienvenue
et les présentations, nous
avons commencé notre expo-
sé par de petites histoires
comiques.
Pour présenter notre thème
«les 3 groupes d’aliments»,
nous avons comparé l’orga-
nisme de l’enfant à une case
ronde. Pour avoir une belle
case, il faut de la paille pour
faire le toit, des briques pour
construire la maison et du
mortier pour la renforcer.
Ainsi, les aliments qui sont
représentés par la paille
jouent un rôle protecteur, car
la paille protège la case contre
le soleil, le vent, la pluie. Ces
aliments protègent donc
l’organisme des maladies. Ce
sont les fruits (mangues,
goyaves, karités, etc.) et les
légumes (gombo, oignons,
tomates, etc.).
Les briques mises les unes sur
les autres permettent à la case
de grandir. Les aliments qui
jouent ce rôle pour l’être
humain sont les protéines:
lait, soumbala, viande, pois-
son, haricot, œufs, etc.
Le mortier qui renforce
les briques entre elles donne
la force à la case. Les aliments
de force sont les ignames,
les pommes de terre, les
fabiramas, et les huiles con-
sommables, telles que le
beurre de karité, l’huile d’ara-
chide, le sucre et le miel.
Puis, une grande calebasse de
Sensibilisation en brousse
Koudougou et sa maman
zom-koum (eau à base de
farine de mil, de jus de tama-
rin et de sucre ou de miel)
nous a été offerte pour nous
désaltérer. Nous avons pris
congé d’eux et pris la route en
réfléchissant sur la causerie
dans le prochain village.
Des villageois toujours réceptifs. En médaillon, Solange Sawadogo
Koudougou est la seule survi-
vante de sa fratrie: ses 10 frères
et sœurs sont décédés. A son
arrivée, elle présentait une
physionomie qui ne donnait
pas du tout espoir à sa pauvre
mère. Elle souffrait de maras-
me stade III, et présentait un
visage beaucoup plus vieux que
son âge, avec une conjonctivite
presque aveuglante. Sa maman
en larmes nous a expliqué que
ses 10 autres enfants étaient
morts de malnutrition.
Aussitôt, nous nous sommes
mises au travail. Une sonde
naso-gastrique a été placée,
car Koudougou était trop
faible pour s’alimenter. Suite
à notre détermination dans
les soins et l’alimentation, et
avec l’aide de Dieu, elle s’en
est sortie.
Sa mère, débordant de
reconnaissance, a surnom-
mé son enfant «Morija».
Elle-même, qui avait l’air
d’une vieille, a semblé
rajeunir.
Solange Sawadogo
Nous avons comparé
l’organisme de l’enfant à
une case ronde
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