Patients récurrents aux urgences psychiatriques : analyse

L’Encéphale
(2015)
41,
123—129
Disponible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
journal
homepage:
www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MÉMOIRE
ORIGINAL
Patients
récurrents
aux
urgences
psychiatriques
:
analyse
démographique
et
clinique
Frequent
visitors
to
psychiatric
emergency
service:
Demographical
and
clinical
analysis
S.
Schmolla,
L.
Boyerb,,
J.-M.
Henrya,
R.
Belzeauxc
aPôle
psychiatrie
centre,
hôpital
La
Conception,
Assistance
publique—Hôpitaux
de
Marseille,
147,
boulevard
Baille,
13385
Marseille
cedex
05,
France
bLaboratoire
de
santé
publique,
évaluation
des
systèmes
de
soins
et
de
santé
perc¸ue/EA
3279,
27,
boulevard
Jean-Moulin,
13385
Marseille
cedex
05,
France
cPôle
de
psychiatrie
universitaire
Solaris,
hôpital
Sainte-Marguerite,
Assistance
publique—Hôpitaux
de
Marseille,
27,
boulevard
Sainte-Marguerite,
13274
Marseille
cedex
09,
France
Rec¸u
le
2
aoˆ
ut
2011
;
accepté
le
17
janvier
2013
Disponible
sur
Internet
le
3
octobre
2013
MOTS
CLÉS
Urgences
psychiatriques
;
Réadmission
;
Schizophrénie
;
Précarité
;
Épidémiologie
Résumé
Les
recours
multiples
aux
services
d’urgences
psychiatriques
soulignent
un
impor-
tant
problème
d’organisation
du
système
de
soin.
L’objectif
de
ce
travail
est
d’étudier
le
profil
clinique
et
socio-démographique
des
patients
récurrents
dans
un
service
d’urgences
psychia-
triques
à
travers
l’analyse
rétrospective
d’une
base
de
données
administrative
et
médicale.
Sur
8800
patients
totalisant
16
754
visites
en
six
ans,
192
avaient
un
nombre
de
visites
supé-
rieur
ou
égal
à
9.
Ces
patients
récurrents
représentaient
2
%
des
patients
et
effectuaient
21,3
%
du
nombre
total
de
visites.
Ils
étaient
principalement
admis
pour
symptômes
anxieux,
72,6
%
avaient
un
diagnostic
de
schizophrénie
ou
autres
troubles
psychotiques
et
39,1
%
étaient
sans
domicile
fixe.
Une
analyse
statistique
multivariée
mettait
en
évidence
des
facteurs
fortement
associés
(p
<
0,001)
à
ce
groupe
comparé
aux
autres
patients
avec
notamment
:
le
diagnostic
de
schizophrénie
(OR
=
29,5),
les
troubles
de
la
personnalité
de
type
dramatiques,
émotion-
nels
ou
erratiques
(OR
=
5,5),
le
statut
de
sans
domicile
fixe
(OR
=
2,7),
et
inversement
associés
(p
<
0,001)
:
les
troubles
de
l’humeur
(OR
=
0,07)
et
troubles
névrotiques
(OR
=
0,14).
Recon-
naître
dans
sa
spécificité
cette
population
grande
consommatrice
de
soins
d’urgences
paraît
alors
essentiel
dans
la
réflexion
à
poursuivre
sur
les
alternatives
de
prise
en
charge
psychiatrique
de
la
crise
et
de
la
précarité.
©
L’Encéphale,
Paris,
2013.
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(L.
Boyer).
0013-7006/$
see
front
matter
©
L’Encéphale,
Paris,
2013.
http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2013.01.002
124
S.
Schmoll
et
al.
KEYWORDS
Homeless
persons;
Epidemiology
of
mental
disorders;
Patient
readmission;
Psychiatric
emergency
services;
Schizophrenia;
Recurrence
Summary
Introduction.
Frequent
visitors
of
psychiatric
emergency
wards
are
an
important
health
care
problem.
Previous
studies
underlined
that
2
%
to
9
%
of
patients
induce
15
%
to
33
%
of
total
clinical
activity.
Those
patients
have
chronic
and
severe
mental
illness
such
as
schizophrenia,
associated
with
social
and
financial
difficulties.
Objective.
The
aim
of
this
study
was
to
describe
demographic
and
clinical
characteristics
of
frequent
visitors
to
a
psychiatric
emergency
ward
in
a
French
Academic
hospital
over
6
years
in
comparison
to
non-frequent
visitors.
Methods.
The
study
is
based
on
a
retrospective
review
of
the
psychiatric
emergency
wards’
administrative
and
medical
computer
databases;
data
that
included
demographic,
financial,
clinical,
and
management
information.
During
this
6-year
study,
the
psychiatric
ward
recorded
16,754
care
episodes
for
8800
different
patients.
We
compared
frequent
visitors
with
other
visitors
using
univariate
and
multivariate
analyses.
Frequent
visitors
were
defined
by
a
number
of
visits
greater
than
2
of
the
mean
standard
deviation.
Results.
Two
percent
of
patients
(n
=
192)
had
nine
or
more
visits
during
the
period.
These
patients
caused
21
%
of
the
total
number
of
the
visits.
In
the
univariate
analysis,
the
most
signi-
ficant
reasons
for
referral
in
frequent
visitors
versus
others
(P
<
0.001)
were:
more
frequent
anxiety
(37.6
%
vs.
32.1
%),
less
frequent
disruptive
behavior
(8.4
%
vs.
12.9
%),
depression
(7.8
%
vs.
17.2
%)
and
suicide
attempt
(4.5
%
vs.
11.1
%).
Factors
associated
with
frequent
visi-
tors
(P
<
0.001),
after
including
all
significant
or
confounding
variables
(multivariate
analysis),
were:
schizophrenia
and
schizophrenia
spectrum
disorders
(OR
=
29.5,
IC:
11.4—76),
DSM-IV
cluster
B
personality
disorders
(OR
=
5.5,
IC:
3.6—8.4),
mental
and
behavioral
disorders
due
to
psychoactive
substance
use
(OR
=
4.6,
IC:
3.1—7),
financial
assistance
through
social
govern-
ment
programs
(OR
range:
9.1—2.4,
all
significant)
and
being
homeless
(OR
=
2.7,
IC:
1.8—4).
Factors
associated
with
non-frequent
visitors
were
mood
disorders
(OR
=
0.07,
IC:
0.03—0.19)
and
neurotic,
stress-related,
and
somatoform
disorders
(OR
=
0.14,
IC:
0.05—0.4).
Sex
and
age
were
not
significant
in
multivariate
analysis.
Discussion.
This
study
identifies
significant
demographic
and
clinical
factors
associated
with
frequent
visits
in
psychiatric
emergency
ward
in
accordance
with
the
large
majority
of
previous
studies.
We
found
that
psychotic
disorders
or
schizophrenia
were
the
main
diagnosis
of
these
patients.
Moreover,
precariousness
(homeless,
financial
assistance)
is
an
important
demographic
factor
associated
with
recurrence.
However,
contrary
to
numerous
studies,
we
found
no
effect
of
sex
or
age.
Due
to
this
important
economical
and
clinical
burden,
more
specific
care
and
alternative
solutions
to
emergency
care
have
to
be
proposed
to
this
population
of
patients.
©
L’Encéphale,
Paris,
2013.
Introduction
Les
services
d’urgences
psychiatriques,
structures
clés
dans
l’articulation
entre
soins
ambulatoires
et
hospitaliers
[1],
n’ont
eu
de
cesse
de
voir
leur
fréquentation
s’accroître
[2].
Le
phénomène
de
réutilisation
fréquente
de
ces
services
d’urgences
par
un
nombre
restreint
de
patients
a
très
tôt
été
identifié.
Les
études
réalisées
estiment
qu’entre
2
et
9
%
des
patients
effectuent
de
15
%
à
un
tiers
des
visites
des
services
d’urgences
psychiatriques
[2].
Ce
groupe
souffre
générale-
ment
de
maladies
graves
et
chroniques,
schizophrénie
en
premier
lieu
et
vit
dans
une
précarité
socioéconomique
importante.
Notre
étude
se
propose
de
décrire
les
patients
récur-
rents
visitant
un
service
d’urgences
psychiatriques
à
partir
de
l’analyse
rétrospective
d’une
base
de
données.
Résultats
antérieurs
Une
revue
exhaustive
de
la
littérature
répondant
à
cette
problématique
avec
une
combinaison
des
mots
clés
suivants
frequent,
repeat,
return,
admission,
consumers,
referrals,
repeaters,
users,
visits
readmission,
psychiatry
emergency
a
été
réalisée.
Elle
retrouve
20
études,
dont
un
article
de
synthèse
[3]
dans
la
base
de
données
Medline.
La
quasi-totalité
de
ces
études
s’intéresse
aux
caractéristiques
socio-démographiques
des
patients
récurrents
par
le
biais
d’études
rétrospectives
de
bases
de
données
et
de
dos-
siers
de
soin.
Il
faut
noter
que
les
méthodes
d’analyse
multivariées
ne
sont
systématiquement
utilisées
dans
les
publications
qu’à
partir
de
1997.
Seuls
Arfken
et
al.
[4]
pro-
cèdent
à
une
étude
cas-témoin
de
petit
effectif
(n
=
74).
La
définition
des
patients
réutilisateurs
et
la
période
d’observation
sont
les
données
les
plus
variables,
la
récur-
rence
étant
établie
pour
des
fréquences
allant
de
deux
à
11
visites
pour
des
durées
d’étude
de
six
mois
à
15,5
ans.
Six
études
antérieures
à
1982
et
décrites
dans
la
revue
de
la
lit-
térature
de
1986
[3]
s’intéressent
aux
patients
effectuant
plus
d’une
visite
pour
des
périodes
de
quatre
à
12
mois.
Quelques
études
catégorisent
cependant
les
patients
par
nombre
absolu
de
visites
[5—9],
d’autres
étudient
plus
spé-
cifiquement
la
question
des
schémas
temporels
d’utilisation
des
services
d’urgences
[8,10—12].
La
perception
de
cette
Patients
récurrents
aux
urgences
psychiatriques
125
population
de
patients
par
les
équipes
soignantes
a
égale-
ment
été
décrite
dans
deux
articles
qui
mettent
en
évidence
un
sentiment
de
surcharge
de
travail
induit
par
ce
type
de
patients,
considérés
plutôt
comme
des
patients
peu
obser-
vants
vis-à-vis
des
soins
et
des
prises
en
charges
mises
en
place
en
dehors
des
urgences
[13,14].
L’ensemble
de
ces
travaux,
dont
les
résultats
sont
par-
fois
hétérogènes
mais
rarement
contradictoires,
dessine
une
population
de
patients
globalement
cohérente.
Caractéristiques
socio-démographiques
Un
âge
jeune
[5,9,15,16]
et
être
de
sexe
masculin
[7,9,16—18]
ont
été
identifiés
comme
prédictifs.
Mais
une
situation
de
précarité
socioéconomique
reste
le
facteur
le
plus
déterminant
pour
ces
patients
vivant
seuls
[9,17—19],
sans
emploi
[5,9,15,18,20],
ayant
un
faible
étayage
social
[3,7,8,12]
et
parfois
sans
domicile
fixe
(SDF)
[4,8,20].
Caractéristiques
cliniques
Le
diagnostic
psychiatrique
est
l’élément
le
plus
fréquem-
ment
rapporté
comme
associé
à
la
réutilisation,
avec
en
premier
lieu
celui
de
schizophrénie
ou
trouble
psychotique
[1,3,5—7,9,16,17,20,21].
Les
troubles
de
la
personnalité
sont
également
souvent
associés
à
cette
population
de
patients
[1,8,9,15,17,19,21],
ainsi
que
les
conduites
addic-
tives
[7,9,16—18,21].
Ellison
et
al.
[21]
ont
par
ailleurs
identifié
que
les
comportements
impulsifs
et
les
symptômes
anxieux
étaient
des
motifs
d’admission
plus
fréquents
pour
ces
patients.
Parcours
de
soins
Le
fait
de
se
présenter
de
soi-même
aux
urgences,
en
dehors
d’un
parcours
de
soin,
est
une
caractéristique
importante
des
patients
récurrents
[1,7,15,16,18,21].
Ces
patients
ne
sont
pas
pour
autant
exclus
des
réseaux
de
soins
:
la
plu-
part
ont
déjà
bénéficié
de
traitements
psychiatriques
et
en
particulier
d’hospitalisations
[4,8,15—17,21,22]
ou
de
soins
ambulatoires
[3,4,8,15,17,19,21,23].
Lebeau
[11]
confirme
ces
résultats
en
identifiant
que
les
patients
«
réutilisateurs
continus
»
souffrent
significativement
plus
de
troubles
psy-
chotiques,
de
non-intégration
au
marché
du
travail
et
bénéficient
déjà
fréquemment
de
soins
psychiatriques.
Méthode
Site
de
l’étude
L’étude
s’intéresse
aux
patients
visitant
le
service
d’urgences
psychiatriques
adultes
de
l’hôpital
Timone
Conception
de
Marseille,
ville
d’environ
800
000
habitants.
Ce
service
assure,
24
heures
sur
24
et
sept
jours
sur
sept,
l’accueil,
l’évaluation
et
le
traitement
de
patients
présen-
tant
des
troubles
psychiatriques.
Il
dispose
d’une
capacité
d’hospitalisation
temporaire
(moins
de
48
heures)
d’une
dizaine
de
lits.
Le
nombre
de
visites
est
d’environ
3500
par
année.
Population
de
l’étude
L’analyse
rétrospective
a
été
menée
sur
les
patients
admis
dans
ce
service
du
1er janvier
2001
au
31
décembre
2006.
La
définition
des
patients
récurrents
se
réfère
à
l’étude
de
Pasic
et
al.
[8]
qui
propose
de
retenir
un
nombre
de
visite
supérieur
de
deux
déviations
standards
(DS)
à
la
moyenne.
Le
choix
de
cette
définition
semble
permettre
l’étude
d’une
population
plus
spécifique
bien
que
plus
restreinte.
Cela
cor-
respond
à
un
nombre
de
visites
supérieur
ou
égal
à
9
en
six
ans
dans
notre
étude.
Recueil
des
données
La
base
de
données
médicale
et
administrative
du
service
d’urgences
psychiatriques
est
constituée,
pour
chaque
épi-
sode
de
soin,
de
données
démographiques,
économiques,
cliniques
et
thérapeutiques,
comme
décrit
précédemment
[24].
Afin
d’explorer
les
aspects
symptomatiques
de
la
crise
et
les
parcours
de
soins,
une
analyse
par
visite
(Tableau
1),
puis
pour
préciser
le
profil
des
utilisateurs,
une
analyse
par
patient
ont
été
réalisées,
regroupant
alors
les
don-
nées
recueillies
à
l’occasion
des
différentes
visites
ayant
eu
lieu
pendant
la
période
étudiée.
Les
données
socio-
démographiques
sont
:
l’âge
(défini
par
la
moyenne
d’âge
au
cours
des
différents
contacts
pour
l’analyse
par
patients),
le
sexe,
le
mode
de
vie
seul
ou
en
couple
(défini
par
le
statut
le
plus
fréquent
pour
l’analyse
par
patients),
statut
de
sans
SDF
(défini
si
présent
une
fois
au
cours
du
suivi
pour
l’analyse
par
patients).
Les
données
économiques
incluent
le
fait
d’avoir
perc¸u
:
une
allocation
adulte
handicapé
(AAH),
une
pen-
sion
d’invalidité,
le
revenu
minimum
d’insertion
(RMI),
ou
l’assurance
chômage.
Les
données
diagnostiques
sont
basées
sur
la
classification
internationale
des
maladies
ou
CIM-10
[23].
Les
troubles
de
la
personnalité
ont
été
également
considérés
d’après
le
DSM-IV
[25]
selon
les
trois
groupes
:
A
(troubles
de
la
personnalité
«
bizarres
»
et
excentriques),
B
(troubles
de
la
personnalité
dramatiques,
émotionnels
ou
erratiques)
et
C
(troubles
de
la
personnalité
anxieux
et
craintifs).
Les
catégories
diagnostiques
F2
(schizophrénie,
trouble
schizotypique
et
troubles
délirants),
F3
(troubles
de
l’humeur/affectifs)
et
F4
(troubles
névrotiques,
troubles
liés
à
des
facteurs
de
stress
et
troubles
somatoformes)
telles
qu’elles
sont
définies
dans
la
CIM-10
ont
été
considé-
rées
comme
des
diagnostics
psychiatriques
s’excluant
l’un
l’autre.
Ainsi,
seul
le
diagnostic
le
plus
fréquemment
attri-
bué
au
cours
des
différentes
visites
a
été
retenu
pour
un
même
patient
;
en
cas
d’égalité
des
fréquences,
la
hié-
rarchie
suivante
a
été
appliquée
:
F2
prioritaire
sur
F3,
lui-même
prioritaire
sur
F4.
Les
autres
diagnostics
ont
été
attribués
si
présents
au
moins
une
fois
au
cours
des
diffé-
rentes
visites.
Analyses
statistiques
Les
différentes
caractéristiques
ont
été
comparées
en
uti-
lisant
le
test
t
de
Student
pour
les
variables
continues
et
le
test
de
Chi2pour
les
variables
discrètes.
Les
compa-
raisons
ont
été
effectuées
par
épisode
de
soin
ou
visite
puis
par
individu.
Une
analyse
de
régression
logistique
a
126
S.
Schmoll
et
al.
Tableau
1
Données
relatives
aux
épisodes
de
soins
pour
les
patients
récurrents
d’un
service
d’urgences
psychiatriques,
2001—2006
(n
=
16
754
mesurés
par
visite).
Données
par
visite
Groupe
témoin
Moins
de
9
visites
n
=
13
185
n
(%)
Patients
récurrents
9
visites
ou
plus
n
=
3569
n
(%)
Valeur
de
p
Motif
d’admission
Agitation
578
(4,4) 143
(4,0) 0,325
Anxiété
4237
(32,1)
1342
(37,6)
<
0,001
Agressivité
420
(3,2)
117
(3,3)
0,780
Trouble
du
comportement
1701
(12,9)
299
(8,4)
<
0,001
Confusion
mentale
81
(0,6)
7
(0,2)
0,002
Trouble
délirant
1133
(8,6)
294
(8,6)
0,500
Dépression
2270
(17,2)
280
(7,8)
<
0,001
État
maniaque
136
(1,0)
22
(0,6)
0,023
Tentative
de
suicide
1470
(11,1)
162
(4,5)
<
0,001
Troubles
cognitifs
28
(0,2)
3
(0,1)
0,114
Troubles
liés
à
l’alcool
824
(6,2)
248
(6,9)
0,130
Troubles
liés
aux
substances
psycho-actives
264
(2,0)
74
(2,1)
0,789
Plaintes
somatiques
588
(4,5)
184
(5,2)
0,079
Difficultés
relationnelles
403
(3,1)
113
(3,2)
0,737
Difficultés
sociales
409
(3,1)
131
(3,7)
0,088
Mode
d’admission
De
soi-même,
entourage
6692
(50,8)
2665
(74,7)
<
0,001
Médicalisé
5353
(40,6)
703
(19,7)
Autre
1140
(8,6)
201
(5,6)
Orientation
Court
séjour
dans
le
service
d’urgences
2269
(17,2)
716
(20,1)
<
0,01
Hospitalisation
4457
(33,8)
1018
(28,5)
<
0,01
permis
d’établir
des
odds
ratios
pour
l’association
des
don-
nées
socio-démographiques
ou
cliniques
avec
le
caractère
de
récurrence.
Les
modèles
ont
été
développés
par
procé-
dure
de
sélection
rétrograde
et
les
variables
pertinentes
ont
été
sélectionnées
sur
la
base
de
leur
intérêt
clinique
ou
du
seuil
de
valeur
p
0,05
au
cours
des
analyses
univariées.
Le
logiciel
SPSS
version
15.0
a
été
utilisé
pour
l’analyse
de
ces
données.
Résultats
Durant
la
période
de
recueil
des
données
de
six
ans,
8800
patients
ont
effectué
un
total
de
16
754
visites
au
service
d’urgences.
Parmi
ces
patients,
192
patients
corres-
pondaient
au
critère
de
récurrence
retenu,
soit
neuf
visites
ou
plus.
Ils
représentaient
2,2
%
du
nombre
total
de
patients
et
effectuaient
3569
visites,
soit
21,3
%
du
total
des
visites.
Le
Tableau
1
détaille
les
comparaisons
par
visites.
Les
patients
récurrents
se
présentent
plus
souvent
seuls
ou
accompagnés
de
proches
(74,7
%
vs
17,2
%).
Ces
patients
ont
un
plus
fort
taux
d’admission
pour
symptômes
anxieux
(37,6
%
vs
32,1
%).
Les
patients
du
groupe
témoin
se
pré-
sentent,
eux,
plus
fréquemment
pour
symptômes
dépressifs
(17,2
%
vs
7,8
%)
et
pour
tentative
de
suicide
(11,1
%
vs
4,5
%).
Le
Tableau
2
détaille
les
caractéristiques
cliniques
et
socio-démographiques
des
patients
étudiés
ou
analyse
par
individu.
Il
n’y
a
pas
de
différence
significative
concernant
l’âge
des
patients.
Le
diagnostic
de
schizophrénie,
trouble
schizotypique
et
troubles
délirants
(F2)
constitue
le
dia-
gnostic
principal
pour
les
patients
récurrents
avec
une
forte
différence
significative
par
rapport
au
groupe
témoin
(72,6
%
vs
22,9
%).
On
observe
une
plus
grande
fréquence
chez
les
patients
récurrents
des
diagnostics
de
troubles
mentaux
et
du
comportement
liés
à
l’utilisation
de
substances
psycho-
actives
(F1).
De
même,
les
troubles
de
la
personnalité
et
du
comportement
chez
l’adulte
(F6)
sont
plus
fréquents
chez
les
patients
récurrents,
avec
une
différence
peu
significative
concernant
le
groupe
C
défini
selon
le
DSM-IV.
Le
Tableau
3
expose
les
résultats
de
l’analyse
multivariée
issus
des
données
par
individus
:
les
diagnostics
de
schizo-
phrénie
(F2),
de
conduites
addictives
(F1)
et
de
troubles
de
la
personnalité
(F6)
du
groupe
A
et
du
groupe
B
sont
des
fac-
teurs
associés
à
la
récurrence
avec
un
odds
ratio
important
pour
la
schizophrénie
(29,5
[11,4—76,0]).
Les
diagnostics
de
troubles
de
l’humeur
et
de
troubles
névrotiques
sont
quant
à
eux
des
facteurs
diminuant
le
risque
de
récurrence,
avec
des
coefficients
relativement
importants
également.
Bénéficier
d’une
aide
financière
de
l’état
et
être
SDF
sont
également
des
facteurs
associés
à
la
récurrence.
Discussion
Les
caractéristiques
démographiques
et
cliniques
des
patients
fortement
utilisateurs
des
urgences
psychiatriques
Patients
récurrents
aux
urgences
psychiatriques
127
Tableau
2
Caractéristiques
des
patients
récurrents
d’un
service
d’urgences
psychiatriques,
2001—2006
(n
=
8800
mesurés
par
patient).
Données
par
patient
Groupe
témoin
Moins
de
9
visites
n
=
8608
n
(%)
Patients
récurrents
9
visites
ou
plus
n
=
192
n
(%)
Valeur
de
p
Données
socio-démographiques
Sexe
masculin 4434
(51,5) 137
(71,4) <
0,001
Mode
de
vie
Célibataire
6619
(76,9)
147
(76,6)
0,917
Enfants
3543
(41,2)
80
(41,7)
0,887
SDF
504
(5,9)
75
(39,1)
<
0,001
Ressources
sociales
AAH
1139
(13,2)
146
(76,0)
<
0,001
Invalidité
715
(8,3)
70
(36,5)
<
0,001
RMI
1101
(12,8)
44
(22,9)
<
0,001
Assurance
chômage
553
(6,4)
17
(8,9)
0,176
Diagnostic
psychiatriquea
Troubles
mentaux
et
du
comportement
liés
à
l’utilisation
de
substances
psycho-actives
(F1)
1075
(12,5)
79
(41,1)
<
0,001
Schizophrénie,
trouble
schizotypique
et
troubles
délirants
(F2)
1975
(22,9) 140
(72,6)
<
0,01
Troubles
de
l’humeur
[affectifs]
(F3) 1883
(21,9) 31
(16,1) 0,06
Troubles
névrotiques,
troubles
liés
à
des
facteurs
de
stress
et
troubles
somatoformes
(F4)
2217
(25,8)
16
(8,3)
<
0,01
Troubles
de
la
personnalité
et
du
comportement
chez
l’adulte
(F6)
797
(9,3)
83
(43,2)
<
0,001
Groupe
Ab134
(1,6)
21
(10,9)
<
0,001
Groupe
B
544
(6,3)
73
(38,0)
<
0,001
Groupe
C
125
(1,5)
7
(3,6)
0,013
Autres
diagnostics
psychiatriques
(F5,
F7—F9)
395
(4,6)
46
(24,0)
<
0,001
SDF
:
sans
domicile
fixe
;
AAH
:
allocation
adulte
handicapé
;
RMI
:
revenu
minimum
d’insertion.
aDiagnostics
psychiatriques
définis
selon
la
classification
internationale
des
maladies
(CIM
10).
bTroubles
de
la
personnalité
définis
selon
le
«
Diagnostic
and
Statistical
Manual
of
Mental
Disorders
»
IV.
Le
DSM-IV
liste
dix
troubles
de
la
personnalité,
regroupés
en
trois
groupes
:
A
(troubles
«
bizarres
»
et
excentriques),
B
(troubles
dramatiques,
émotionnels
ou
erratiques)
et
C
(troubles
anxieux
et
craintifs).
L’effectif
total
diffère
de
F6,
la
CIM
10
n’y
incluant
pas
la
personnalité
schizotypique
(F21).
décrites
ici
sont
globalement
concordantes
avec
le
tableau
dressé
par
la
revue
de
la
littérature
et,
en
particulier,
les
études
définissant
un
seuil
haut
de
récurrence
et
dans
une
période
d’observation
longue
[5,7—9]
:
les
patients
grands
utilisateurs
des
services
d’urgences
souffrent
majoritai-
rement
de
maladies
psychiques
sévères
et
chroniques
et
évoluent
dans
un
univers
socioéconomique
peu
étayant,
que
celui-ci
soit
une
cause
ou
une
conséquence
de
la
pathologie
psychiatrique
[26].
Les
résultats
de
notre
étude
confirment
ce
choix
méthodologique
en
mettant
en
évidence
une
popu-
lation
spécifique
à
l’échelle
de
la
maladie,
d’autres
études
explorent
finalement
la
trajectoire
de
patients
en
situation
de
crise
et
souffrant
probablement
fréquemment
de
troubles
de
la
personnalité
et
de
problématiques
addic-
tives
décompensés,
en
définissant
des
périodes
d’étude
plus
courtes
ou
en
ne
sélectionnant
que
de
nouveaux
patients
[12,18,19].
Les
symptômes
anxieux
sont
majoritaires
comme
motif
d’admission,
alors
que
les
troubles
délirants
et
les
diffi-
cultés
sociales
sont
peu
présents.
La
venue
spontanée
aux
urgences,
et
les
troubles
de
la
personnalité
de
type
impul-
sifs
dessinent
également
le
tableau
de
patients
aux
prises
avec
une
souffrance
psychique,
peut-être
pas
majeure,
mais
pour
qui,
dans
leur
contexte
d’isolement
social,
la
disponibilité
des
services
d’urgences
psychiatriques
offre
la
possibilité
d’un
apaisement
au
moins
temporaire.
Nous
rejoignions
l’hypothèse
d’Ellison
et
al.
[21].
En
revanche,
nos
résultats
soulignent
l’impact
psychopathologique
réduit
des
personnalités
du
cluster
C
caractérisées
par
la
dépen-
dance
relationnelle
et
l’évitement
sur
le
phénomène
de
récurrence
aux
urgences.
L’attribution
des
diagnostics
constitue
le
principal
biais
de
cette
étude.
En
effet,
retenir
un
diagnostic
s’il
a
été
pré-
sent
une
fois,
alors
que
la
fréquence
des
visites
détermine
1 / 7 100%