Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2012
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Nouvelle étude
Étude SHIVA
Essai de phase II randomisé de preuve de concept comparant l’efficacité d’un traitement
fondé sur le profil moléculaire de la tumeur à celle d’un traitement conventionnel
chez des patients atteints d’un cancer métastatique réfractaire
Investigateur/coordinateur : Dr Christophe Le Tourneau, oncologue médical responsable
des essais de phase I et de l’unité d’investigation clinique,
Institut Curie, Paris.
R
eplaçons l’étude SHIVA dans son contexte avant
de rentrer dans le vif du sujet. Il existe plusieurs
modalités thérapeutiques pour le traitement du
cancer, parmi lesquelles la chirurgie, la radiothérapie,
la chimiothérapie, l’hormonothérapie et les thérapies
ciblées.
À la différence des chimiothérapies, qui détruisent gros-
sièrement toutes les cellules en division, les thérapies
ciblées ne sont censées être efficaces que lorsque leur
cible est exprimée. Il s’agit souvent d’une anomalie
moléculaire présente au niveau de la cellule tumorale ou
de son environnement. Bien que ce soit la présence ou
l’absence de l’anomalie moléculaire qui soit théorique-
ment importante pour prédire l’efficacité des thérapies
ciblées, ces médicaments ont suivi le même dévelop-
pement clinique que les chimiothérapies, c’est-à-dire
organe par organe. Ainsi, le trastuzumab, anticorps
monoclonal ciblant HER2 (Human Epidermal growth
factor Receptor 2), est approuvé chez les patientes qui
ont un adénocarcinome mammaire et présentent une
surexpression protéique ou une amplification génique
de HER2. De la même manière, l’erlotinib est un inhi-
biteur de l’EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor)
approuvé dans le traitement du cancer bronchique chez
les patients dont la tumeur présente une mutation de
l’EGFR. Il y a ainsi un certain nombre d’anomalies molé-
culaires pour lesquelles il existe des thérapies ciblées.
Cependant, ces différentes anomalies moléculaires ne
sont testées que dans certains types tumoraux particu-
liers, alors qu’elles sont présentes dans quasiment tous
les cancers, même si parfois leur incidence est faible.
La question qui se pose alors est la suivante : est-il per-
tinent de développer les thérapies ciblées en fonction
de la localisation tumorale, comme cela est fait pour
les chimiothérapies ? Ne faudrait-il pas les développer
sur la base de la biologie de la tumeur ? Cette stratégie
est ce que l’on entend par médecine personnalisée : un
traitement spécifique pour chaque patient fondé sur
le profil moléculaire de sa tumeur. Elle représente un
nouveau paradigme. Mais encore faut-il démontrer
que la prescription d’une thérapie ciblée basée sur le
profil moléculaire de la tumeur des patients améliore
leur devenir. C’est l’objectif de l’étude SHIVA.
SHIVA est un essai clinique de phase II de preuve de
concept. SHIVA s’adresse à des patients atteints de tous
types de cancers métastatiques réfractaires aux traite-
ments standard. Les traitements standard sont les 1 ou
2 premières lignes de traitement dont l’efficacité a été
démontrée. En pratique clinique, d’autres traitements
sont proposés après ces traitements standard, sans pour
autant que nous ayons la preuve qu’ils améliorent le
devenir des patients, même si une certaine efficacité
a été rapportée.
L’essai SHIVA vise à comparer l’efficacité (en termes
de survie sans progression) d’un traitement fondé sur
le profil moléculaire de la tumeur et du traitement
conventionnel que l’on donne habituellement dans
ces situations.
Cet essai est promu par l’Institut Curie. En plus des sites
de Paris et de Saint-Cloud, 6 autres centres de lutte
contre le cancer participeront, dont Lyon, Marseille,
Nantes, Toulouse, Dijon et Nancy. D’autres ouvriront
ultérieurement à l’issue de la phase de faisabilité.
Tableau. Algorithme de choix des traitements dans l’étude SHIVA.
Anomalies moléculaires Thérapies ciblées
KIT, ABL, RET Imatinib
AKT, mTORC1/2, PTEN, PI3KCA, YES, STK11 Évérolimus
BRAF Vémurafénib
PDGFRA/B, FLT-3 Sorafénib
EGFR Erlotinib
HER2 Lapatinib + trastuzumab
SRC, EPHA2, LCK, YES Dasatinib
ER, PR Tamoxifène (ou létrozole si contre-indication)
AR Acétate d’abiratérone
AR : récepteur aux androgènes ; ER : récepteur aux estrogènes ; PR : récepteur à la progestérone.