Marie lui réplique que les méthodes de l’anthropologie ne
sont peut-être pas suffisantes pour appréhender un phéno-
mène essentiellement intérieur et invisible. Ne faut-il pas en-
visager, alors, une anthropologie poétique, qui prenne en
compte l’acte créateur, la psychologie d’une pratique musicale
pour rendre vivante l’ontologie traditionnelle et son rapport
au monde moderne, occidental?
Mohammed se demande comment objectiver cette idée tra-
ditionnelle de la réalisation de soi, par la musique, par la pra-
tique d’un instrument traditionnel? Réalisation de soi ou
Réalisation du Soi? Cette idée profondément ancrée dans la
tradition indienne est le motif ontologique de la musique, elle
permet de répondre à la question: pourquoi faire de la mu-
sique? Elle évite la réponse occidentale qui appartient à la crise
du monde moderne: pour éviter l’ennui… Face à l’ennui,
l’Inde propose le non-agir du jivan mukhti, du libéré vivant.
La religion en Inde cherche la connaissance du Réel, et,
cela de manière globale, incluant toute forme de pratique en
leurs différences et souvent oppositions. Il y a une matrice in-
dienne en laquelle se fond tout particularisme religieux. À par-
tir de là s’articulent des contrastes qui peuvent aller jusqu’à la
violence aveugle et intégriste.
La musique peut apparaître comme facteur d’unité, mais à
un niveau de première approche seulement. En fait il y a un
pluralisme de musiques, comme en beaucoup de civilisations.
La musique est faite pour le plaisir personnel: une musique qui
n’est pas aimée ni écoutée n’existe pas. La musique est toujours
par quelque côté que ce soit, divertissement. Même lorsqu’il
s’agit comme ce soir, d’une musique à réputation sérieuse.
La recherche religieuse, par rapport à la musique vue sous
l’angle du divertissement, apparaît comme beaucoup plus sé-
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