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emblématique, dissociant le versement d’une prestation maladie de la position de l’individu sur le
marché du travail. L'accroissement de droits non contributifs et universels est un autre témoignage de
cette hybridation du système de protection sociale français qui constitue quasiment un modèle
d’association de moyens bismarckiens à des objectifs beveridgiens.
Cependant, en matière de santé, les moyens aussi sont de plus en plus beveridgiens. Tout d’abord, la
CSG, concurrente de la cotisation sociale, est affectée dorénavant en grande partie au financement de
la dépense de santé. Un financement qui se veut universel
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finance des prestations elles aussi de plus
en plus universelles (prestations en nature et non indemnités journalières).
C’est toutefois, dans les institutions de la gouvernance que l’on trouve les traces les plus évidentes de
l’évolution beveridgienne des moyens. La régulation administrée par l’Etat a pris le pas sur la
négociation conventionnelle des partenaires sociaux
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. Depuis les ordonnances de 1996, le parlement se
substitue –constitutionnellement– aux partenaires sociaux pour fixer l’évolution annuelle des dépenses
de santé (ONDAM) en votant la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) qui fixe l’objectif
national d’évolution des dépenses d’assurance maladie. La négociation des « conventions médicales »
entre CNAMTS et syndicats médicaux (pour le montant des honoraires notamment) n’est pas
invalidée mais encadrée. Elle est élargie à l’UNCAM, créée en 2004 et qui coordonne et centralise
l’action des trois principaux régimes (CNAMTS, MSA, CANAM). L’introduction de personnalités
"ès qualités", nommées par l’État dans le conseil d’administration des caisses affaiblit le paritarisme
originel de ces institutions. Enfin, en cas d’échec de la négociation, les pouvoirs publics sont habilités
à agir. De plus, des organismes de contrôle nouveaux, sous l’égide de l’État sont chargés
d’administrer, de coordonner voire de regrouper les hôpitaux ou les services, au niveau régional
(Agences régionales de l’hospitalisation, ARH), ou encore de définir les critères de qualité et de
bonnes pratiques médicales –les références médicales opposables– (Agence nationale d’accréditation
et d’évaluation de la santé, ANAES).
En dépit de cette « Etatisation », le système français de santé ne peut pas être classé dans les systèmes
universels (et aucune classification ne le fait). D’abord parce que subsistent des marqueurs
bismarckiens mais aussi parce que le système n’est pas gratuit. Une autre originalité réside en effet
dans l’existence d’un mécanisme de co-assurance. Le « ticket modérateur » français n’est pas
seulement symbolique puisque qu’il représente 25 % pour l’ensemble des soins et 40 % pour les soins
ambulatoires. Le désengagement des régimes publics résulte d’une politique économique volontariste,
cherchant à « partager les coûts » avec le consommateur. Les années 80 ont ainsi vu se développer les
« forfait hospitalier », « médicaments de confort » ou « honoraires libres » qui ont conduit à de
nombreux déremboursements. Après une pause dans cette évolution dans les années 90, le récent plan
2004 consacre le retour à la « politique de la demande » (Tabureau, 2004) : franchise d’1 euro par
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En fait 75 % de la CSG provient des revenus du travail.
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La sortie du MEDEF de la CNAM contribue à cette évolution mais n’en constitue pas la genèse.