La Lettre du Cardiologue - n° 366 - juin 2003
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TROUBLES DU RYTHME
posé comme traitement présomptif du paludisme, peut induire un
allongement de l’intervalle QT. C’est pourquoi ce médicament
est contre-indiqué en cas d’allongement de l’intervalle QT congé-
nital ou acquis à la suite de la prise préalable de diurétiques ou
d’antiarythmiques du type quinidine, disopyramide, sotalol ou
bépridil, ainsi qu’en cas d’antécédents familiaux d’allongement
congénital de l’intervalle QT, voire d’antécédents de syncopes
inexpliquées, en raison du risque de survenue de syncopes graves
par torsades de pointes. Aussi, la pratique d’un électrocardio-
gramme et d’un ionogramme plasmatique est fortement recom-
mandée avant toute prescription d’halofantrine afin d’exclure les
patients à risque. De même, un traitement par la méfloquine, ou
Lariam®,comporte une interaction entre ce médicament et les
bêtabloquants pouvant être à l’origine d’une bradycardie sinu-
sale ou d’un bloc auriculo-ventriculaire, auquel cas une autre
classe de traitement n’affectant pas la fréquence cardiaque doit
être choisie pour un sujet hypertendu.
Les troubles du rythme proprement dits et leur traitement
Dans une étude portant sur 200 sujets victimes, en avion, d’une
perte de conscience transitoire ou permanente, d’une douleur tho-
racique ou d’une dyspnée, événements survenus pour la majorité
d’entre eux en cours de vol, un électrocardiogramme a pu être
enregistré dans 185 cas (6). Dans 145 cas, un rythme sinusal a
été recueilli, dont 14 bradycardies et 21 tachycardies. Un trouble
du rythme proprement dit a été enregistré dans 40 cas, consistant
en une fibrillation ventriculaire dans 14 cas, un rythme idioven-
triculaire agonique (< 30/mn) dans 13 cas, une fibrillation auri-
culaire dans 8 cas, un rythme jonctionnel dans 3 cas, une tachy-
cardie atriale multifocale dans un cas et une tachycardie
supraventriculaire dans un cas.
Cette étude montre ainsi l’éventail des troubles du rythme qui
peuvent être observés. Elle montre aussi que les malaises vaso-
vagaux sont les incidents le plus fréquemment constatés en vol,
surtout chez les sujets prédisposés, avec pour preuve l’enregis-
trement percritique d’un rythme sinusal dans la plupart des cas.
Le traitement de ces malaises consiste simplement à allonger les
personnes qui en sont victimes en décubitus dorsal, avec surélé-
vation des membres inférieurs. Le port de bas de contention peut
être une mesure préventive utile.
Les sujets ayant des extrasystoles auriculaires et ventriculaires
isolées peuvent voyager sans risque, surtout si un enregistrement
holter préalable a montré que ces extrasystoles se situent dans les
critères de normalité (tableau II, 8).
Les personnes sujettes à des troubles du rythme paroxystiques de
type fibrillation auriculaire ou tachycardie jonctionnelle type
Bouveret peuvent également voyager, à condition de se munir
(pills in the pocket) d’une quantité suffisante d’amiodarone à
prendre à bonnes doses (30 mg/kg pour un adulte ; 15 mg/kg pour
un sujet âgé) au moment d’un accès, dans la mesure où des crises
antérieures avaient bien répondu à ce traitement. La prise d’un
bêtabloquant (aténolol 25 à 50 mg) ou de vérapamil (80 mg) en
cas de contre-indication respiratoire peut remplir le même office,
avec les mêmes précautions, consistant, par exemple, à prendre
une dose test du médicament quelques jours avant le voyage pour
s’assurer de sa bonne tolérance (7). Plus simplement, la manœuvre
de Valsalva ou les petits moyens (un verre d’eau glacée) peuvent
aussi être préconisés, surtout si le sujet qui voyage en a déjà fait
l’expérience avec succès.
La fibrillation auriculaire permanente ne contre-indique pas
les voyages quand elle est bien contrôlée par la digoxine, avec ou
sans vérapamil ou bêtabloquant, et le traitement anticoagulant ou
antigrégant.
Chez les sujets victimes d’un arrêt cardiaque, l’électrocardio-
gramme permet d’enregistrer une fibrillation ventriculaire pri-
maire ou une tachycardie ventriculaire dégénérant en fibrillation
ventriculaire dans les deux tiers des cas, et une asystole ou une
dissociation électromécanique dans un tiers des cas (9).
En cas de fibrillation ventriculaire, une défibrillation par choc
électrique peut être réalisée en vol avec succès, comme l’ont mon-
tré plusieurs interventions à bord (6), à condition d’être effectuée
précocement, dans un délai de moins de trois minutes, les chances
de récupération devenant infimes au-delà de 16 minutes (10).
D’où l’intérêt de disposer à bord des avions commerciaux long-
courriers, d’un défibrillateur semi-automatique, ce qui tend à se
généraliser dans toutes les compagnies, avec formation aux prin-
cipes de la réanimation cardiorespiratoire du personnel de bord,
qui peut être aidé par la présence d’un médecin passager à bord.
Un atterrissage d’urgence ou détourné de sa destination finale ne
serait indiqué qu’en cas d’ischémie myocardique persistante
(angor instable), d’infarctus aigu du myocarde ou d’accident vas-
culaire cérébral (10). Lorsque l’arrêt cardiaque relève d’une asys-
tole ou d’un rythme idioventriculaire agonique, un choc de
défibrillation n’est pas indiqué, la situation étant malheureuse-
ment irrécupérable.
Les patients ayant des antécédents de tachycardies ventri-
culaires et de fibrillations ventriculaires “récupérées” ne sont
pas autorisés à voyager tant qu’ils n’ont pas fait l’objet, préala-
blement au voyage, de l’implantation d’un défibrillateur auto-
matique.
Tableau II. Critères de normalité des arythmies au holter (d’après Djiane et al. [8]).
Groupe I Groupe II Groupe III
29 sujets 21 sujets 25 sujets p
< 30 ans 30-57 ans > 65 ans
19 H 10 F 18 H 3F 10 H 15 F
Fréquence cardiaque moyenne 78 ± 9 77 ± 8 76 ± 7 NS
du nycthémère
Fréquence des extrasystoles 17 % 31 % 92 %
supraventriculaires < 10/h dans < 10/h dans < 10/h dans < 0,001
tous les cas tous les cas 78 % des cas
Fréquence des tachycardies 36 %
supraventriculaires 0 % 0 % (salves de –
courte durée)
Fréquence des extrasystoles 17 % 29 % 76 %
ventriculaires (le plus souvent < 5/h dans < 5/h dans < 5/h dans 89 % < 0,001
isolées et monomorphes) tous les cas tous les cas des cas
Fréquence des pauses sinusales
1500 ms 66 % 24 % 4 % < 0,001
(toujours pendant le sommeil)
H = hommes ; F = femmes ; h = heures ; ms = millisecondes ; NS = non significatif.