Introduction à la philosophie de Cicéron (I) 3
tions épistémologiques (ainsi dans La divination) ou dans leurs rapports
avec l’éthique (par ex., les devoirs de l’homme, inférés du rôle qu’il joue
dans l’économie générale du monde) ; et le lien étroit qui unit la physique
aux deux autres parties du discours philosophique invite à ne pas la considé-
rer indépendamment de celles-ci.
À la division de la philosophie en trois parties, nous avons donc préféré,
dans l’étude de la pensée cicéronienne, une présentation bipartite, où
l’épistémologie, d’une part, et l’éthique, d’autre part, forment comme les
deux volets d’un diptyque ; la philosophie de la nature étant alors, si l’on
veut, la charnière permettant l’articulation de l’un et l’autre pans de cette
pensée. La première partie sera exposée dans le présent article, Portée et
limites de la connaissance humaine ; la seconde, pour laquelle la matière est
plus abondante, fera l’objet des deux articles suivants, consacrés, respecti-
vement, à La vertu comme conformité à la nature et à La cohérence de la
pensée éthique (ce dernier article sera suivi d’une annexe bibliographique).
Ce faisant, nous n’aurons pas dit πάντα περὶ πάντων, « tout à propos de
tout » (Fam. XV 17.1), mais nous aurons au moins, espérons-le, donné
quelques clés pour accéder à une meilleure intelligence de la pensée philo-
sophique de l’Arpinate, et entrer de plain-pied dans son œuvre : que nous
donnions au lecteur l’envie de fréquenter un grand homme et un grand pen-
seur, de se replonger dans sa vaste production, ou encore de corriger d’après
les textes les insuffisances de notre travail – « si l’étude est un travail plutôt
qu’elle n’est un plaisir » (Off. III 6) –, nous nous tiendrons pour parfaite-
ment satisfait.
1. Précautions initiales à propos d’une pensée en mouvement
Le philosophe, comme l’indique son nom, est guidé par le désir
d’atteindre la sagesse ; pour ce faire, il se soucie davantage de rechercher la
vérité que les opinions des hommes touchant la vérité. En ce sens, une étude
sur la pensée philosophique de Cicéron n’est pas, à strictement parler, une
étude philosophique, mais ressortit plutôt à l’histoire des idées. Toutefois,
en nous attachant à saisir les grandes lignes de la philosophie de l’Arpinate,
nous croyons faire œuvre de philosophie, ne serait-ce qu’en proposant, à
travers cette esquisse, une manière d’être philosophe qui conserve, au-
jourd’hui encore, une grande part de sa pertinence.
La prudence s’impose cependant dans une enquête comme celle-ci, et
d’autant plus que, délibérément, Cicéron ne nous livre pas toujours sa pen-
sée, ne souhaitant pas que celui qui philosophe à son école soit un simple
répétiteur, mais bien plutôt un penseur à part entière :
Quant à ceux qui veulent connaître mon opinion personnelle sur chaque sujet,
ils font preuve d’une curiosité indiscrète. En effet, dans une discussion phi-
losophique, on doit avoir plus d’égards pour les arguments fournis par la
raison que pour l’autorité (Nat. deor. I 10).
Il est important d’ajouter d’emblée que ce penseur à la formation duquel
Cicéron souhaite contribuer par son œuvre n’est pas un individu solitaire,